Enlisement dans les facs, Trois questions à Axel Kahn, Le Nouvel Observateur, 16 avril 2009
Le Nouvel Observateur. - Pourquoi le calme peine-t-il à revenir dans les universités malgré les concessions ?
Axel Kahn. - Le gouvernement a beaucoup reculé face à l'extraordinaire mobilisation dans les universités contre tout un empilement de mesures. Mais la ministre Valérie Pécresse ne veut pas le dire, car elle ménage ses électeurs : elle fait une carrière politique. Ainsi, le statut tant critiqué des enseignants-chercheurs a beaucoup changé.
La première mouture du décret était d'une extrême brutalité, laissant croire qu'enseigner était une punition pour les mauvais chercheurs. Ce n'est pas le cas de la nouvelle version, qui est même en retrait par rapport à ce qui s'appliquait depuis 1989.
De même les universités vont recevoir les sommes d'argent compensant les suppressions de contractuels - également très attaquées -, et les présidents d'université vont pouvoir les financer sur leur budget.
Mais ce n'est pas lisible et cela entretient la contestation. Il aurait été plus efficace de dire dès le début : Nous abandonnons ces décisions, rediscutons ensemble.
N. O. - Ne voit-on pas s'exprimer un refus plus général de toute la politique universitaire et de recherche ?
A. Kahn. - Le niveau de mobilisation contre l'empilement des mesures a été tel qu'il a fait repartir la contestation contre la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités). Alors aujourd'hui beaucoup disent : on a toujours été contre cette loi, et compte tenu des circonstances il faut reprendre le combat.
Et puis, comme dans le reste de la société, un vrai pôle de radicalité est en train de s'organiser, avec des actions de force. Ce pôle est minoritaire, mais il s'installe et perdure.
N. O.- Pourquoi certains universitaires chevronnés pas spécialement radicaux se disent-ils toujours aussi mobilisés ?
A. Kahn. - Oui, certains enseignants-chercheurs sont toujours hantés par le fantasme d'un président d université tout-puissant portant atteinte à leur indépendance, alors que celui-ci est élu, et seulement pour quatre ans, contrairement aux directeurs des grandes écoles, par exemple.
Et puis beaucoup d'entre eux voyagent et voient comment, à l'étranger, les professeurs sont respectés, bien payés. Ici, ils se sentent frustrés, prolétarisés, avec un sentiment de déclassement.
(*) Généticien, président de l université Paris-V, directeur de recherche à l'Inserm.
Jacqueline de Linares
Le Nouvel Observateur