lundi 21 janvier 2013

Noter les profs: les écoles de commerce le font déjà.

      Par Quentin Blanc. Le Figaro, le 20/01/2013 


Qu’il s’agisse d’HEC, de l’Essec ou d’écoles moins prestigieuses, rares sont celles qui s’en passent aujourd’hui. 
 
Contrairement aux universités, qui tardent à mettre en place une évaluation des professeurs par les étudiants, les écoles de commerce s’y sont depuis longtemps converties. «Nous la pratiquons depuis notre création, en 1984», raconte Daniel Ray, professeur à Grenoble École de management (GEM). Responsable de la gestion du système d’évaluation, il ne tarit pas d’éloges sur son utilité: «De très nombreuses études ont montré qu’un étudiant qui suit un cours avec bonheur retient beaucoup mieux qu’un étudiant qui s’ennuie!» C’est en tout cas le sens affiché des nombreux questionnaires soumis systématiquement aux étudiants, à la fin de chaque semestre.

Qu’il s’agisse d’HEC, de l’Essec ou d’écoles moins prestigieuses, rares sont d’ailleurs celles qui s’en passent aujourd’hui. Sciences Po Paris a lancé son dispositif à la même époque que GEM. «Le but, c’est que l’enseignement délivré s’améliore d’année en année», confirme Françoise Melonio, doyenne du collège universitaire de l’Institut d’études politiques.

Sur le plan pratique, Daniel Ray explique qu’à Grenoble les étudiants notent plusieurs critères sur une échelle de 0 à 5. «Les questionnaires sont découpés en deux groupes de questions: une partie sur l’enseignant et son cours et une partie sur la logistique.» Les premières permettent d’évaluer la pédagogie mise en place, tandis que la seconde détecte les problèmes matériels, «les salles mal chauffées, les problèmes de parkings ou tous les éléments extérieurs qui peuvent gêner les élèves dans leur travail».

Comme à Sciences Po, où le dispositif est organisé de façon semblable, pour éviter toute tricherie, les étudiants doivent remplir ces évaluations anonymes avant la réception de leurs notes, tandis que les professeurs doivent avoir noté leurs étudiants avant de pouvoir accéder à leurs évaluations.

Sanctions rares

Certains professeurs ont en effet du mal à encaisser les reproches. «Il y a un regard critique qui est toujours difficile à recevoir lorsque l’on s’investit dans un cours, d’autant plus que ces regards sont parfois injustes», reconnaît Françoise Melonio. Il ne faut pas pour autant en avoir peur ou les considérer comme inutiles, sachant que les remarques excessives sont de toute façon écartées.

«Des notes très mauvaises n’entraîneront jamais automatiquement un licenciement, mais elles sont pour nous un signal d’alerte, explique-t-elle. Si tel est le cas, on reçoit l’enseignant, on en discute avec lui pour voir si ces critiques sont pertinentes, puis nous l’aidons à adapter son cours en conséquence.»

Les sanctions sont finalement rares. Quant aux vacataires non reconduits en raison de ces questionnaires, ils sont relativement peu nombreux. Ce type de sanction est surtout réservé aux «erreurs de casting», estime Daniel Ray: «On les remarque très vite. Nous n’avons pas besoin d’évaluations pour ça!»

Les étudiants vont noter les professeurs à l’université

Par Quentin Blanc. Le Figaro, 21/01/2013.


Un rapport sur la réforme de l’enseignement supérieur suggère de les associer à l’évaluation des enseignants.
Mettre à contribution les étudiants pour évaluer les enseignants, l’idée ne date pas d’hier. Elle commencerait même presque à dater, puisqu’elle figurait déjà dans la réforme Bayrou, en 1997!

Inspirée des pays anglo-saxons, où elle est entrée dans les mœurs depuis bien longtemps, elle avait ensuite été relancée en 2008, avec la loi LRU ,dite d’«autonomie des universités». Sans plus de succès, de tels dispositifs restant aujourd’hui relativement rares dans l’enseignement supérieur public.

Le député PS de Meurthe-et-Moselle Jean-Yves Le Déaut a donc décidé de la remettre au goût du jour en la faisant figurer dans son rapport «Refonder l’université, dynamiser la recherche», remis le 14 janvier dernier au premier ministre, reprenant là une proposition formulée durant les assises de l’enseignement supérieur les 26 et 27 novembre 2012.

L’avantage d’un système comme celui-ci serait double: améliorer la qualité des enseignements et augmenter leur poids dans les évolutions de carrière. Aujourd’hui, à l’université, l’évaluation des enseignants-chercheurs est presque exclusivement basée sur la recherche, comme si l’excellence académique d’un professeur lui conférait automatiquement des talents de pédagogue. En clair, pour rapidement prendre du galon à l’université, la qualité des cours dispensés importe peu. Nombre de brillants spécialistes se retrouvent pourtant à la peine une fois dans un amphithéâtre. Une situation préjudiciable aux étudiants, que le système actuel ne sait pas corriger.

«Un outil formidable»

L’université de Bordeaux Segalen fait partie des rares établissements à avoir mis ce système de notation en place.«C’est un outil formidable, qui a été très bien accueilli par les professeurs, déclare, enthousiaste, le professeur Cuny, responsable du dispositif. Il nous permet avant tout d’aider les enseignants en difficulté à améliorer leurs cours, même s’il nous est arrivé de devoir en recadrer certains. Certains, bien sûr, l’ont mal pris au départ, mais ils finissent tous par en comprendre l’utilité quand ils constatent que leurs étudiants s’intéressent davantage à leurs cours.» Car, contrairement à ce que craignent souvent les professeurs, ces évaluations ne serviront pas à les sanctionner mais à leur fournir des armes supplémentaires pour améliorer leurs cours.

Elles constituent aussi un moyen efficace de faire remonter un certain nombre de problèmes pratiques souvent négligés par les universités. C’est grâce à ces questionnaires que Bordeaux Segalen a par exemple pris conscience de la nécessité d’élargir les horaires d’ouverture de sa bibliothèque, de chauffer un amphi où le froid empêchait les jeunes de se concentrer ou de laisser ces mêmes amphis ouverts le soir pour permettre aux étudiants d’y travailler.

Les possibilités offertes par un tel outil sont donc vastes et les modalités précises de ces évaluations seront sans doute laissées à l’appréciation des universités. Certains établissements pourraient ainsi décider d’aller moins loin que Bordeaux Segalen en réservant leur accès au seul professeur concerné.

La loi devrait même ne prévoir qu’une simple «évaluation des enseignements», comme le souhaite le gouvernement, plutôt qu’une «évaluation des enseignants», une manière de mieux faire accepter la réforme à ces derniers. Car au moment où Bayrou avait voulu l’imposer, les syndicats s’étaient indignés contre cette mesure, au nom de l’indépendance des enseignants-chercheurs à l’université.

Convaincre les établissements pourrait donc se révéler compliqué, malgré la bonne volonté affichée durant les assises, où nombre de professeurs avaient eux-mêmes réclamé un tel système. Car cette (r)évolution ne sera pas imposée, comme a confirmé le ministère de l’Enseignement supérieur au Figaro ,les universités étant désormais autonomes.

Comme l’avait suggéré Jean-Yves Le Déaut, l’incitation gouvernementale devrait donc passer par une inscription dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens signés entre l’État et les établissements.

Et si les étudiants notaient leurs profs de fac ?

  Libération - 21/01/2013

C'est ce que propose un député socialiste dans un rapport sur la refondation de l'université, remis à Jean-Marc Ayrault la semaine dernière.

Un député PS suggère d’associer les étudiants à l’évaluation des enseignants pour permettre notamment d’améliorer la qualité des professeurs, dans un rapport sur la réforme de l’enseignement supérieur, annonce le Figaro lundi.

Le député PS de Meurthe-et-Moselle, Jean-Yves Le Déaut a fait figurer cette proposition dans son rapport «Refonder l’université, dynamiser la recherche», remis le 14 janvier au Premier ministre.

«Cette proposition avait été formulée durant les assises de l’enseignement supérieurs les 26 et 27 novembre 2012», indique le quotidien qui y voit un double avantage : «Améliorer la qualité de l’enseignement et augmenter leur poids dans les évolutions de carrière». 

«Aujourd’hui, à l’université, l’évaluation des enseignants-chercheurs est presque exclusivement basée sur la recherche», écrit le Figaro. En clair, poursuit le journal, «la qualité des cours dispensés importe peu».

«Cette proposition, inspirée des pays anglo-saxons, où elle est entrée dans les moeurs depuis longtemps, figurait dans la réforme Bayrou en 1997 et avait été relancée en 2008 avec la loi LRU, dite "d’autonomie des universités"», rappelle le quotidien.

«C’est un outil formidable, qui a été très bien accueilli par les professeurs. Il nous permet d’aider avant tout les enseignants en difficulté à améliorer leurs cours», explique le professeur Cuny, responsable de ce dispositif à l’université de Bordeaux Segalen, l’un des rares établissements à l’avoir mis en place.

«Certains l’ont mal pris au départ, mais ils finissent tous par en comprendre l’utilité quand ils constatent que leurs étudiants s’intéressent davantage à leurs cours», ajoute le professeur.

Mais «convaincre les établissements pourraient se révéler compliquer», note le Figaro à qui le ministère de l’Enseignement supérieur a indiqué que «cette proposition ne sera pas imposée».



jeudi 17 janvier 2013

Les prépas dans le viseur du gouvernement

Par Marie-Estelle Pech - Le Figaro, le 16/01/201. 


Genevieve Fioraso veut rattacher juridiquement les classes préparatoires aux universités. Ce qui signerait la fin de la gratuité. Et peut-être la fin d’une spécificité française. Les responsables des prépas s’inquiètent.

Les associations de professeurs de classes préparatoires, la société des agrégés et le syndicat d’enseignants Snalc s’agacent de ce qui ressemble, selon eux, à une attaque larvée du gouvernement à leur encontre. Et ont décidé «d’organiser la riposte», selon les termes de Philippe Heudron, président des associations des «professeurs de spéciales».

Début janvier 2013, Dominique Schiltz, le représentant du Snalc pour les prépas, professeur de mathématiques au lycée Faidherbe de Lille, a envoyé une lettre à Geneviève Fioraso ,la ministre de l’Enseignement supérieur, pour faire part de son «profond désaccord» au sujet des conclusions des récentes assises de l’enseignement supérieur.

Mercredi, il s’élevait encore «avec vigueur contre les dispositions du rapport du député socialiste M. Le Déaut » remis à Jean-Marc Ayrault.

Son inquiétude prospère depuis septembre avec l’annonce de la fin de la gratuité pour les classes préparatoires: Geneviève Fioraso souhaite faire figurer dans son projet de loi sur l’enseignement supérieur l’obligation pour les étudiants en classes préparatoires de s’inscrire parallèlement à l’université. Puisqu’ils sont d’origine plus favorisée qu’à l’université, pourquoi ne pas les faire participer à l’effort commun?

Récupérer 9 millions d’euros

Cette taxation permettrait de récupérer 9 millions d’euros à peu de frais alors qu’ils ne mettent jamais les pieds en fac… Reste que cette proposition n’a guère de sens pour les étudiants des disciplines scientifiques et commerciales: très rares sont ceux qui ne trouvent pas une place en école d’ingénieurs ou de commerce. Et ils paient déjà cher leurs inscriptions aux concours: 1000 euros en moyenne à débourser pour un étudiant en maths sup’.

Quant aux littéraires, ils sont déjà tous inscrits à l’université dans laquelle ils finissent très majoritairement par arriver tôt ou tard. Cette proposition symbolique agace d’autant plus les représentants des classes préparatoires qu’ils n’ont pas été conviés aux assises de l’enseignement supérieur cet automne. Le Snalc dénonce «l’inimitié d’un grand nombre d’universitaires envers les classes prépas. Certains y voient l’occasion rêvée pour s’en débarrasser, ou tout au moins en prendre le contrôle».

Geneviève Fioraso a par ailleurs proposé de rattacher juridiquement les classes prépas aux universités. La recherche doit être «présente dans les classes prépas, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», explique-t-elle.

«Si on a si peu de docteurs ingénieurs, contrairement à l’Allemagne, c’est parce que les étudiants n’ont pas cette culture de la recherche dès le départ.» Les enseignants réfutent ces affirmations: universitaires et professeurs de classes préparatoires travaillent ensemble depuis des années, affirment-ils. Dans le seul lycée Joffre de Montpellier, on compte une dizaine de partenariats avec les universités voisines. Les élèves de prépas scientifiques ont l’habitude des travaux d’initiative personnelle encadrés, lors desquels ils créent des maquettes, initient des recherches. «À l’inverse, pendant les deux premières années universitaires, les étudiants sont loin de faire de la recherche ou de s’approcher des chercheurs, isolés dans leurs labos…», ironise Bruno Jeauffroy, professeur de physique au lycée Fénelon à Paris et président de l’union des professeurs de «spéciales» (math, physique, chimie).

«Une déclaration de guerre»

Avec un rapprochement trop systématique des prépas et des universités, celui-ci craint une gestion alourdie avec guerre de petits chefs au programme et dilution des prépas, «un système qui marche» dans les universités.

Quant à la mise en valeur dans le rapport du député PS Jean-Yves Le Déaut d’une proposition de Terra Nova ,c’est une «déclaration de guerre», estime-t-il. Le laboratoire d’idées proche de la gauche propose de diminuer le nombre de places en classes prépas en réduisant le nombre de places aux concours et symétriquement le nombre d’admis par d’autres voies.

Pour les associations d’enseignants, «c’est le retour de la politique des quotas». «Une attaque des concours républicains», selon Geneviève Zehringer, de la société des agrégés. Et d’affirmer que pour une partie de la majorité, historiquement, «l’élitisme républicain est un gros mot». Et de mettre en exergue la normalienne Esther Duflo ,spécialiste mondiale de la pauvreté, récemment appelée par Barack Obama pour travailler à ses côtés, pur produit des classes préparatoires…

Aujourd’hui, les prépas scientifiques accueillent plus d’étudiants que les départements de sciences des universités: «Ce sont elles qui permettent de maintenir le niveau de l’effectif des étudiants scientifiques en France», se défendent-elles. Geneviève Fioraso, elle, reste très prudente sur le sujet et se défend de «vouloir faire des choses brutales» mais parle «d’exception mondiale» en évoquant les prépas. C’est cependant selon elle surtout «par le haut» qu’il faut modifier l’élite des grandes écoles: elle entend favoriser le placement des docteurs issus de l’université dans la haute fonction publique en leur ouvrant plus largement l’accès des grands corps via un élargissement des voies d’accès à l’ENA entre autres. Un «quatrième concours» pourrait ainsi être créé.


Mixité sociale: la révolution est déjà en marche

Parmi les reproches régulièrement entendus sur les classes prépas, le manque de mixité sociale est régulièrement abordé. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande avait d’ailleurs annoncé que chaque lycée de France devrait envoyer 5 à 6% de ses élèves en classe prépa. Mais les prépas ont déjà entamé leur révolution sur ce point. C’est Jacques Chirac qui avait initié le principe en 2006, en demandant aux prépas d’atteindre un quota d’un tiers de boursiers. À l’époque, elles en accueillaient 18%. Nicolas Sarkozy a poursuivi ce chantier. Les prépas comptent aujourd’hui 25% de boursiers… Certes moyennant quelques arrangements, car, depuis 2008, le plafond du revenu parental pris en compte pour l’obtention d’une bourse a été relevé. Il n’empêche, le progrès est notable, et leur taux se rapproche désormais de celui de l’université (33%). Prépas et universités ne sont de toute façon plus étanches depuis longtemps: moins de 40% des étudiants intègrent aujourd’hui une grande école via une prépa. La majorité y arrivent par les voies parallèles après une licence ou un BTS… Même si les écoles les plus réputées recrutent toujours à 80 ou 90% en prépa.