Le décret sur les enseignants chercheurs adopté , Le Monde, 22 avril 2009
Le projet de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs, un des principaux motifs de la contestation universitaire, a été validé mardi 21 avril en Conseil d'Etat, et aussitôt inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres pour y être adopté mercredi 22 avril. Pour les opposants, il s'agit d'un "passage en force", alors que la protestation n'est pas éteinte malgré la période des vacances. Interrogé mercredi matin sur France Inter, François Fillon a qualifié le mouvement de protestation de "minoritaire". Le premier ministre "fait semblant de croire que tout est réglé dans les universités", a rétorqué Jean-Louis Fournel, président du collectif Sauvons l'université (SLU).
Deux autres décrets ont été également validés par le Conseil d'Etat et doivent être examinés par le conseil des ministres : l'un portant sur le fonctionnement du conseil national des universités (CNU), l'autre réformant les modalités de classement à l'entrée des corps de maîtres de conférences et de professeurs des universités. Ce dernier texte permet d'engager une revalorisation par des augmentations salariales "de 12 % à 25 % en début de carrière", selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Dévoilée en octobre 2008 par Mme Pécresse, puis transmise pour examen au Conseil d'Etat en janvier 2009, la première version du décret a été un des éléments déclencheurs du mouvement universitaire, qui porte aussi sur d'autres sujets comme la réforme de la formation initiale des enseignants du primaire et du secondaire. Le texte introduit la possibilité de moduler le service des enseignants-chercheurs entre cours, recherche et autres tâches. Ce projet a été réécrit lors de plusieurs séances de négociation, la modulation de service devenant impossible "sans l'accord écrit de l'intéressé". Le Snesup-FSU, syndicat disposant d'une majorité relative parmi les enseignants chercheurs, n'a pas participé à ces discussions.
Le texte a encore été amendé puis adopté par le comité technique paritaire universitaire (CTPU), instance consultative. L'Autonome Sup, pourtant très engagé dans le mouvement, a approuvé le texte, jugeant qu'il représentait un "compromis acceptable", en particulier du fait que "l'alourdissement" autoritaire du temps d'enseignement ne pouvait être imposé. L'UNSA et le SGEN se sont abstenus mais sont sur la même ligne.
A l'inverse, le Snesup estime que ce décret "exposera les enseignants-chercheurs aux pressions locales et à la concurrence de leurs propres collègues" et que la modulation se traduira inévitablement par l'alourdissement du temps d'enseignement de certains enseignants-chercheurs. Le "collectif pour la défense de l'université", animé notamment par le juriste Olivier Beaud, estime que "contrairement aux apparences, l'attaque frontale contre le coeur du métier d'universitaire, son indépendance et sa liberté, n'a pas été désamorcée par la nouvelle rédaction du décret".
Luc Cédelle