Le Figaro, 28 avril 2009
À l'heure de la mondialisation, la mobilité étudiante peine à décoller en Europe. C'est l'un des problèmes sur lesquels se penchent mardi et mercredi quarante-six ministres de l'Enseignement supérieur.
Réunis à Louvain-la-Neuve (Belgique), ils dresseront un bilan de l'harmonisation européenne des études supérieures, dit «processus de Bologne», en demi-teinte. Lancé en 1998 par quatre pays, dont la France, ce processus a connu quelques succès, mais aussi des ratés.
Incontestablement, les universités françaises ont été parmi les premières à se réformer en adoptant le système LMD (licence-master-doctorat). Ce succès a «entraîné des réformes structurelles d'ampleur» dans la plupart des pays européens et suscite l'intérêt de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande ou des États-Unis. Davantage standardisé, le système européen est désormais identifiable par le reste du monde.
«Catastrophe des diplômes»
Les objectifs fixés par le processus de Bologne sont en revanche loin d'être atteints.
Il s'agissait de favoriser la mobilité étudiante, notamment en facilitant la reconnaissance des diplômes d'un pays à l'autre. Pourtant, sur les 31 millions d'étudiants européens, seuls 550 000 d'entre eux étudient chaque année à l'étranger.
Et les échanges Erasmus sont en baisse ou stagnent chez les plus anciens États membres de l'Union européenne comme la France (lire l'encadré).
«La mobilité ne concerne en réalité qu'une minorité aisée et initiée. Il faut la démocratiser et la normaliser, de sorte qu'elle devienne la règle et non plus l'exception», expliquait récemment Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur, qui a décidé d'augmenter le montant de certaines bourses.
Les financements, qui ne couvrent qu'une partie des frais engendrés (de 150 euros par mois pour une bourse Erasmus à 400 euros pour une bourse de mobilité), constituent en effet un frein.
Autre problème, soulevé dans un récent rapport sur «Le citoyen et l'application du droit communautaire» par Alain Lamasoure, député UMP européen : le «dynamisme inégal des établissements».
La proportion des étudiants parisiens bénéficiant d'une bourse Erasmus varie entre 0,75 % pour l'université Paris-I à, 1,4 % pour Paris-V, et jusqu'à 100 % à Sciences Po, qui envoie tous ses étudiants de troisième année à l'étranger.
Par ailleurs, les ambitions initiales d'harmonisation de diplômes ont été «fortement revues à la baisse, se heurtant au principe fondamental de la compétence des États membres en matière d'enseignement, et au principe, encore plus ancien, de l'autonomie des universités», souligne Alain Lamassoure.
Les plaintes sur la non-reconnaissance des diplômes seraient nombreuses : l'ambassadeur de Roumanie à Paris parle même de «catastrophe des diplômes». Sa collègue maltaise fait état de son cas personnel : son doctorat français de troisième cycle n'a pas été reconnu en Italie, puis a été «déqualifié» au Royaume-Uni !
Le principal objectif que se fixeront les quarante-six pays à Louvain concernera la mobilité : d'ici à 2020, 20 % des diplômés devront avoir effectué une partie de leurs études ou un stage à l'étranger.
Les ratés d'Erasmus en France
Près de 77 000 étudiants français par an passent au moins quelques mois à l'étranger dans le cadre de leur formation (dont 23 000 via le programme Erasmus), soit seulement 4 % des 2,2 millions d'étudiants Français…
Cette mobilité sortante connaît une tendance à la baisse, même si la France reste le deuxième pays européen en terme de mobilité sortante derrière l'Allemagne. Alors que le nombre d'étudiants a augmenté de 9,2 % en France entre 2003 et 2006, la mobilité des étudiants français a décru de 4,8 % entre 2003 et 2006. La majorité des étudiants privilégie dans l'ordre le Royaume-Uni, la Belgique, les États-Unis, l'Allemagne et la Suisse.