lundi 28 octobre 2013

Un plan et un statut pour encourager les étudiants à devenir entrepreneurs


Le Monde, 23.10.13 
 
Les étudiants et jeunes diplômés qui créent leur société pourront conserver leurs droits sociaux et bénéficier de formations, annonce la ministre de l'enseignement supérieur, Geneviève Fioraso
 
Entre l'entreprise et les études, à un moment il a fallu choisir. « Ça a été vite vu. » Christophe Menez, 23 ans, a choisi son entreprise. « Avec mes associés, nous l'avons créée en mars 2012, pendant nos études, raconte-t-il. Très vite, il est devenu compliqué de gérer les deux. Comme mes copains me donnaient les cours, cela restait faisable. Mais à la rentrée, cette année, je n'ai pas pu suivre. Mon agenda professionnel est plein, et je n'ai plus le temps de faire autre chose. »
  
Le jeune Brestois réserve donc dorénavant toute sa « fougue » à l'aventure entrepreneuriale à laquelle il se consacre depuis un an et demi. « Parce que c'est passionnant et que c'est le moment !, s'enthousiasme-t-il. On voit le train qui part : que faire ? On a tous sauté dedans ! » Sa société Zéro-Gâchis permet aux consommateurs de dépenser moins en achetant des produits en voie de péremption et aux enseignes de la grande distribution d'éviter le gaspillage alimentaire en écoulant ces denrées à prix bradé. Parmi les trois associés de M. Menez, il y a son frère Paul-Adrien, qui, lui aussi, a abandonné ses études. Sueurs froides pour les parents... « Ils sont fiers de ce que l'on fait, assure Christophe Menez, mais ils sont aussi inquiets. Parce que, si ça ne marche pas, on se retrouvera en plus sans diplôme... »

Créer son entreprise revient parfois à jouer à la roulette. Pour un étudiant, cela relève de la roulette russe. Le gouvernement, qui souhaite atteindre « 20 000 créations ou reprises d'entreprises en quatre ans par des jeunes issus de l'enseignement supérieur », entend bien sécuriser autant que possible l'audace de ces patrons précoces.

Lors d'une visite à l'incubateur de l'université de Marne-la-Vallée, mardi 22 octobre, la ministre de l'enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, devait présenter un plan en faveur de l'entrepreneuriat étudiant. L'idée est de mieux former et accompagner ces jeunes dans leur projet, de leur accorder un statut d'« étudiant-entrepreneur » leur permettant de conserver leurs droits sociaux et d'apporter un soutien financier aux idées les plus novatrices. La création de ce statut avait été annoncée par François Hollande, en avril 2012, lors des Assises de l'entrepreneuriat.

« Un statut ? Oui, ça nous a manqué, explique M. Menez. J'aurais préféré ne pas arrêter mon master à France business school. Et financièrement, c'est très dur. On galère depuis un an. »

Alexandre Dana, 24 ans, est toujours étudiant. Avec deux amis, il a créé Hellomentor, une entreprise de soutien scolaire et de cours en ligne qui se distingue des grands concurrents par la souplesse d'organisation des cours. Pour M. Dana, il n'est pas sûr que le prolongement de sa condition d'étudiant soit indispensable. « Le statut étudiant, c'est le statut «t'es fauché», constate-t-il. 98 % des entrepreneurs touchent les indemnités chômage. Nous, comme étudiants, n'avons droit qu'à une réduction au ciné ! »

Cependant, le jeune entrepreneur reconnaît qu'un meilleur accompagnement ne sera pas du luxe. « L'incubateur de notre école, l'ESCP Europe, nous a apporté un soutien moral, ce qui est très important au début, explique-t-il. Mais, en termes de contenus académiques, on n'entre pas dans les détails. Nous souffrions d'un manque de connaissances sur les aspects administratifs de la vie d'une boîte. »

C'est ce qu'avait constaté Mme Fioraso, lorsqu'elle présidait le pôle d'innovation Minatec à Grenoble.  
« Les jeunes qui venaient me présenter des projets d'entreprise, dit-elle, maîtrisaient l'aspect scientifique et technique, mais ils manquaient de formation pour la gestion, le marketing, etc. » D'où l'utilité, à ses yeux, de renforcer la formation à l'entrepreneuriat.

Tanguy Bard de Coutance est demandeur. Etudiant en master marketing et vente à l'université Jean-Moulin Lyon-III, il a créé en juillet 2012, avec deux amis, une entreprise qui propose des supports publicitaires d'un nouveau genre. L'idée : pulvériser de l'eau à haute pression sur des pochoirs posés au sol pour obtenir un message publicitaire éphémère et écolo. Pour le jeune homme, la poursuite de ses études représente « un gros avantage, celui de la rapidité ». « Cela nous permet notamment de demander conseil aux professeurs, estime-t-il, et donc d'aller deux fois plus vite qu'un autodidacte. »

Quant au statut spécifique, ajoute-t-il, il peut permettre de « légitimer certaines choses, notamment vis-à-vis des professeurs qui ne comprennent pas ce qu'on fabrique, ou le temps que cela nous prend de mener notre projet ».

Pour un étudiant-entrepreneur, être crédible est un enjeu de taille. Lorsqu'il a rencontré sa banquière pour obtenir un soutien financier, M. Dana est tombé de haut : « Elle ne m'a pas cru ! Elle pensait que j'étais envoyé par une compagnie... »

Et si son entreprise, a pu lever 200 000 euros, ce n'est pas grâce à elle, mais à des investisseurs privés... « Des étudiants qui lèvent des fonds et vont faire signer des pactes d'actionnaire de 700 pages entre deux amphis, c'est rare », concède le jeune homme. Sans rancune.

L'incrédulité des banques, il est vrai, n'est rien à côté de celle des parents. « Ils sont inquiets, constate M. Dana. Seul un article de presse peut les rassurer ! Dès lors, on ne subit plus aux repas de famille les questions du type : «Pourquoi tu ne prends pas un vrai boulot ?» » Ça, c'est fait.

Benoît Floc'h
 

mercredi 16 octobre 2013

Derrière le MOOC à la française : Google

Le Monde.fr | Par 
La nouvelle ne fera pas rire tout le monde. La plateforme de cours en ligne grand public récemment lancée par le gouvernement français s'appuie sur la technologie d'edX, l'attelage des prestigieuses universités américaines Harvard et du Massachussets Institute of Technology... soutenu allégrement par Google.

"C'est la première fois qu'un ministre de l'éducation s'engage pour l'enseignement en ligne (...). L'adoption par la France de notre plateforme est la preuve du potentiel de notre solution", se félicitait le patron d'edX, Anant Agarwal, dans un communiqué passé inaperçu le 3 octobre 2013, au lendemain de l'annonce de la création de "FUN", l'acronyme pour "France université numérique", par Geneviève Fioraso, la ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur.


Le MOOC (pour "massive open online course") à la française se construit donc sur des fondations américaines. FUN doit donner ses premiers cours virtuels en janvier 2014. Il sera possible de s'inscrire à partir du 28 octobre 2013. Le site est encore à l'état de vitrine.

Pour l'instant, la plateforme repose sur la technologie openedX, portée par Google. Les données sont hébergées par l'Inria, une activité que l'institut de recherche spécialisé en informatique découvre pour l'occasion. 

Une poignée de développeurs est chargée d'adapter la platforme edX à la sauce française, en changeant les logos et en remplaçant YouTube par Dailymotion. Enfin, c'est Capgemini – un grand groupe français de services informatiques – qui détient la responsabilité de coordonner ce petit monde.

"PIED DE NEZ AU 'MADE IN FRANCE'"

L'énoncé des acteurs de FUN n'a pas manqué de faire réagir vivement le Landerneau numérique français. "Nos start-up font face à un mur au niveau de l'achat public. C'est un véritable pied de nez au 'made in France' numérique", déplore Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs des logiciels et solutions Internet.

"Ils voulaient aller vite, ils ont choisi l'efficacité... Depuis, nous avons eu des explications avec la ministre, qui nous a assuré qu'aucun choix définitif n'était fait, veut croire Guy Mamou-Mani, président du Syntec numérique. Si l'Etat ne soutient pas l'écosystème à cette occasion, il se décrédibilise totalement. Sur ce sujet, les Etats-Unis ne sont pas beaucoup en avance. C'est vraiment l'occasion de faire un MOOC français de haut niveau, et pas de la petite cuisine", pointe-t-il.

Au ministère, on maintient en effet que les choses ne sont pas aussi avancées. "Il n'y a encore rien d'arrêté, affirme-t-on. Nous sommes en train de choisir quelle technique nous allons adopter", en fonction de l'interopératibilité, du service et de la capacité de montée en charge du système. 

"A niveau égal, nous choisirons bien entendu une solution française. Le fait de commencer avec edX ne présage pas du reste", ajoute l'entourage de Mme Fioraso.

"LA PLATEFORME DE GOOGLE EST UNE ROLLS"

Reste qu'en janvier, au moment de la mise en ligne des premiers cours, ce seront bien les programmes de Google qui seront à la manœuvre. Ne serait-ce que pour une question de timing. 

"edX, c'est un choix pragmatique à court et long terme, explique Matthieu Cisel, doctorant à l'ENS Cachan, qui suit le sujet de très près. La plateforme de Google est une Rolls ; en France il n'y avait que des 2-CV qui roulent à peine. C'est vrai qu'il est dommage que ce soit les Américains qui le fassent, mais ils offrent sur un plateau une solution très performante".

En France, personne n'est ainsi capable de mettre en place la correction par les pairs, qui permet aux professeurs d'éviter d'avoir à corriger mille copies en une semaine, ce qui peut arriver avec une salle de classe planétaire.

A HEC, on comprend la position du ministère. "La plateforme de Google est bien faite, et surtout bien avancée. Partir de zéro dans le domaine, c'est un travail titanesque. En plus, comme c'est une solution open source [le code informatique peut être modifié par ceux qui le souhaitent], elle sera souvent améliorée", estime Vanessa Klein, la directrice de l'innovation technologique de l'école de commerce, qui vient d'ouvrir son propre MOOC avec Coursera, le concurrent américain d'edX.

Choisir Google, ou presque, au nom de l'open source ? Mathieu Nebra, cofondateur d'OpenClassrooms, une start-up parisienne spécialisée dans l'enseignement Internet, n'est pas vraiment d'accord : "En fait, nous serons complètement dépendants des développements d'edX. Nous n'aurons pas la main sur la manière de structurer les cours en ligne. Avec l'open source, on peut effectivement modifier le code, mais il faut avoir les compétences..." Lui et quelques autres acteurs du secteur ne rêvent que d'apporter leur contribution.  


lundi 7 octobre 2013

Des présidents d’université appellent ouvertement à une sélection à l’entrée

Par Marie-Christine Corbier | 06/10 | 19:00

 Les difficultés budgétaires des universités relancent la question de la sélection des étudiants en première année. Un quart des filières de licence pratiquent aujourd’hui le tirage au sort pour contenir le flot d’inscriptions.

Le débat sur la sélection à l’université refait surface. Le syndicat étudiant UNI, classé à droite, l’a relancé en dénonçant voilà quelques semaines la pratique arbitraire du tirage au sort qui serait, selon lui, en plein essor. Plusieurs présidents d’université, réputés à gauche pour certains, ont depuis embrayé, n’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat et appelant à sortir de cette ambiguïté.
De fait, la sélection à l’université existe mais se cache derrière les bi-licences ou le tirage au sort. Cette dernière pratique «existe depuis 1997, confie la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso. Ce phénomène n’est ni en hausse, ni généralisé. Il ne concerne pas plus de 25% des filières de licence», assure-t-elle.

Le tirage au sort concerne les filières souvent saturées comme les STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), mais aussi le droit ou les activités culturelles.
La pratique est légale. Mais elle fait grincer des dents. Et pose la question de «savoir si l’université doit accueillir tout le monde ou sélectionner», reconnaît le président de la Conférence des présidents d’université (CPU), Jean-Loup Salzmann, classé à gauche.

Un avis partagé par le président de l’université de Versailles Saint Quentin-en-Yvelines (UVSQ), Jean-Luc Vayssière : «En droit, avec 300 étudiants dans un amphi de 200, le bâtiment va exploser, prédit-il. Je ne peux pas prendre la responsabilité de mettre des étudiants dans les escaliers...»

«Nous arrivons dans le mur»

Faut-il plus de moyens pour accueillir davantage d’étudiants ? «A-t-on intérêt à augmenter le nombre de places d’accueil pour des filières aux débouchés compliqués ?», rétorque Geneviève Fioraso. La ministre plaide pour une information des lycéens en amont, afin qu’ils s’orientent en connaissance de cause.
«Au nom d’un idéal que nous partageons tous, celui de l’ouverture de l’université, nous arrivons dans le mur», juge la présidente de Montpellier 3, Anne Fraïsse, qui envisage de recourir au tirage au sort en 2014. «C’est difficile de faire pire comme sélection», regrette-t-elle, en réclamant «des étapes intermédiaires entre une sélection complète et une ouverture sans aucune surveillance.» 

«Il faut trouver un curseur entre les deux», affirme cette femme de gauche, qui se dit «frappée que, sur une université qui compte 5.000 étudiants en première année, 500 aient entre 0 et 2 de moyenne générale».

Elle souligne qu’une circulaire rappelait il y a quelques mois aux présidents d’université leur devoir d’accueillir des étudiants qui redoublent «pour la troisième, la quatrième, voire la cinquième fois sans avoir eu de résultat». 

«Pour les motifs de non-sélection, nous n’avons pas le droit de les refuser, poursuit Anne Fraïsse. Et après, on nous reproche nos mauvais résultats en première année ! Ces étudiants ont-ils leur place à l’université ? Est-on responsable des étudiants qui nous demandent une carte d’étudiant, et finalement pas grand-chose d’autre 
 
Jean-Louis Vayssière s’emporte lui aussi contre «  a sélection par l’échec en fin de première année. En anglais, trois mois après la rentrée, il ne reste que la moitié des étudiants». Il réclame des filières sélectives dès la licence, afin que l’université ne soit pas «privée de certains des meilleurs éléments».

Jean-Loup Salzmann, de son côté, insiste sur l’orientation des étudiants, qui doit être «plus prescriptive». Il faut «pouvoir presque imposer, à des gens dont on sait qu’ils n’ont aucune chance de succès, d’aller dans une filière où ils seront mieux encadrés».

Mais le président de la CPU réclame aussi des moyens supplémentaires. «Aujourd’hui, le nombre d’étudiants augmente de 2 à 4% par an, conclut-il. Si on veut passer de 43 à 50% d’une classe d’âge au niveau licence [l’objectif gouvernemental, NDLR], il faudra augmenter massivement les cursus.»

mercredi 2 octobre 2013

Selon un sondage, la France est en retard sur les cours en ligne

Le Monde.fr avec AFP | 02.10.2013

La France est en retard en matière d'accessibilité des cours universitaires sur Internet pour 65 % des étudiants et 78 % des enseignants du supérieur, selon un sondage OpinionWay pour le ministère de l'enseignement supérieur dévoilé mercredi 2 octobre.

Le sondage s'est penché notamment sur le phénomène des MOOC – "Massive Open Online Courses" ou, en français, quelque chose comme : enseignement de masse ouvert en ligne – en vogue aux Etats-Unis et émergents en France.

La ministre de l'enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, doit présenter, mercredi, son projet "France université numérique (FUN)" qui vise "le développement de nouveaux services numériques pour les étudiants et la rénovation des pratiques pédagogiques"Selon France Info, elle devrait annoncer la création de plusieurs dizaines de MOOC sous la forme de vidéos mise en ligne pour une dizaines d'universités dès le mois d'octobre.

LES MOOC, "COMPLEXES ET CHRONOPHAGES" ?

A en croire le sondage Opinionway, seuls 5 % des étudiants et 18 % des enseignants français disent savoir exactement ce que sont les MOOC, tandis que 20 % des étudiants et 23 % des enseignants en ont entendu parler sans savoir précisément ce que c'était. Parmi les étudiants qui déclarent connaître les MOOC, 19 % en ont déjà suivi un, entièrement ou pas (19 % des profs également).

Interrogés sur les avantages potentiels, 61 % des étudiants pensent qu'ils permettent à ceux qui travaillent de suivre les cours, 59 % de faciliter les révisions, 53 % de suivre un cours n'importe où, n'importe quand, 41 % de faciliter l'accès à l'enseignement aux handicapés ou encore 25 % de renouveler la manière d'enseigner, idée partagée par 22 % des professeurs.
S'ils en avaient la possibilité dans leur établissement, 94 % des étudiants et 77 % des enseignants utiliseraient une plateforme de cours en ligne (ces derniers pour y mettre leurs cours). 

Les étudiants qui ne l'utiliseraient pas expliquent notamment qu'ils préfèrent échanger de vive voix, ou qu'ils comprennent mieux lors de cours physiques, où ils profitent des questions des autres élèves. Les profs s'inquiètent en premier pour la propriété intellectuelle et une création des MOOC "complexe et chronophage".

Le numérique va probablement ou certainement améliorer la transmission du savoir pour 88 % des étudiants, la réussite pour 82 %, l'orientation pour 74 % et l'insertion professionnelle pour 64 %.

L'université française passe de l'amphi aux cours en ligne

LE MONDE | 02.10.2013 - Par Nathalie Brafman

C'était une première. L'an dernier, une trentaine d'élèves ingénieurs de l'école Centrale Nantes et de Télécom Bretagne assistent à un cours sur l'acquisition des connaissances sur le Web. Un petit groupe. En réalité, ils sont beaucoup plus. Le cours est accessible aux internautes du monde entier : 1 300 étudiants, de Madagascar au Canada en passant par la Martinique, suivent l'exposé grâce à Internet.

A l'heure des tablettes et des smartphones, les universités françaises se lancent dans une nouvelle forme d'enseignement qui devrait révolutionner l'accès à la connaissance.
Nés aux Etats-Unis, les cours en ligne ouverts et massifs ("MOOC" en anglais ou "CLOM" en français) débarquent en France. Il s'agit de cours dispensés gratuitement sur Internet par les meilleurs établissements et mis à la disposition de toute personne qui veut apprendre à travers le monde. Aujourd'hui, n'importe quel étudiant peut s'inscrire à l'un des nombreux MOOC de Harvard, Stanford ou du MIT. Demain, ce sera de Polytechnique, de la Sorbonne... Geneviève Fioraso, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, devait lancer, mercredi 2 octobre, France université numérique (FUN).

Un acronyme à consonance anglo-saxonne pour un enjeu national. FUN proposera une plateforme, déployée par l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), censée permettre le développement de nouveaux services numériques pour les étudiants. En clair, le déploiement à grande échelle des MOOC dès janvier 2014.

Les études le prédisent : les cinq prochaines années verront exploser le marché mondial de l'e-éducation. L'enjeu est énorme : il s'agit non seulement de révolutionner la transmission des savoirs, mais aussi d'éviter qu'elle ne soit aux mains de quelques entités. L'objectif de ce plan université numérique : faire en sorte que chaque étudiant ait accès à des cours en ligne d'ici cinq ans et pouvoir obtenir à terme une certification et, pourquoi pas, un diplôme. C'est aussi l'un des enjeux de l'enseignement à distance.

Il était temps que la France s'y mette. Alors qu'aux Etats-Unis 80 % des établissements disposent de cours en ligne, ils sont moins de 3 % en France. Outre-Atlantique, deux plateformes, Coursera et EdX, fondées respectivement par deux professeurs d'informatique de Stanford et par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et Harvard, ont investi 43 millions et 60 millions de dollars dans le développement des outils et des contenus. Aujourd'hui, plus de trois millions d'étudiants peuvent suivre les cours des plus prestigieuses universités : Stanford, Harvard, MIT...

En Europe, le Royaume-Uni et l'Espagne ont créé des universités totalement virtuelles. Là-bas, des étudiants sortent déjà diplômés. Dans les prochains jours, le Royaume-Uni doit par ailleurs lancer sa plateforme FutureLearn. L'Allemagne en fera autant avec Iversity.
En France, l'initiative du ministère de l'enseignement supérieur est une première. Jusqu'ici, s'il existait un réseau pour relier universités et laboratoires de recherche (Renater, créé en 1993), rien n'avait été pensé sur les contenus. Chacun était libre de développer ce qu'il souhaitait dans son coin.

"Evidemment, le numérique ne se planifie pas d'en haut, veut rassurer Mme Fioraso. Il faut laisser de la place aux initiatives, mais il faut quand même que l'on ait une vision de ce qu'est l'université numérique en France." En clair : FUN aidera à définir ce que peuvent être des cours et des validations en ligne, à les mettre en place, à mieux faire connaître les bonnes pratiques des établissements... "L'idée, c'est vraiment d'encourager les initiatives et qu'elles soient reliées sur la même plateforme", explique la ministre. Sans pour autant imposer quoi que ce soit aux universités, autonomie oblige. Pas de "Gosplan", mais une équipe vouée au service des universités.

Depuis quelques mois, un nouveau MOOC est lancé presque chaque jour. Une soixantaine ont été identifiés et vingt d'entre eux sont d'ores et déjà disponibles. Une dizaine d'établissements, des écoles – Centrale, Mines Télécom, Polytechnique –, mais aussi des universités – Bordeaux-III, Montpellier-II, Paris-X, Paris-II – développent des cours dans de nombreuses matières : histoire, mathématiques, santé, philosophie, droit...

DU MAÎTRE À L'ÉCLAIREUR

Au total, ce plan se décline en dix-huit actions, les MOOC devant servir à la fois à faciliter la mise en place d'aide à l'orientation des lycéens et des étudiants et à la réussite en premier cycle grâce à une pédagogie différente. L'enjeu ? Que les cours en amphi, s'ils ne disparaîtront pas complètement, soient de moins en moins nombreux.

Le professeur, quant à lui, devra passer d'une posture de maître, debout sur l'estrade et régnant sur le savoir, à celle d'un éclaireur aux côtés des étudiants. Accompagnement plus personnalisé, cours interactifs, tutorat en ligne... Dans le cadre de la mise en place des Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), les nouveaux professeurs devraient être formés "au" et "par" le numérique. L'une des dix-huit actions consistera d'ailleurs à reconnaître et valoriser, dans l'évolution de carrière des enseignants-chercheurs, leur investissement pour intégrer le numérique dans leurs pratiques pédagogiques. Un bouleversement énorme, sachant qu'aujourd'hui la carrière d'un enseignant-chercheur est davantage influencée par ses activités de recherche que par la reconnaissance de son activité d'enseignement.

Pour que cette modernisation soit bien ancrée dans les esprits, la loi "Fioraso", promulguée en juillet, prévoit la nomination d'un vice-président chargé des questions et des ressources numériques dans les communautés d'université. Avec FUN, le ministère espère évidemment éviter que les universités et les écoles soient dépendantes des plateformes américaines. FUN disposera d'un fonds de financement spécial à travers une fondation – 12 millions d'euros, par vagues successives, seront alloués. Si rien n'est imposé, il faudra néanmoins que chaque projet proposé soit créatif. Il s'agit d'aller au-delà du professeur qui parle derrière son micro...

Au-delà des étudiants, c'est toute la formation professionnelle qui est visée. Sur les 32 milliards d'euros, les universités ne récupèrent que 4 %. Enfin, le ministère vise évidemment tous les pays francophones. Là encore, l'enjeu est gigantesque. En sciences et en technologies, par exemple, les élites africaines envoient aujourd'hui leurs enfants dans des universités anglo-saxonnes.