mardi 23 avril 2013

Les petites universités ont les meilleures taux de réussite

  Le Figaro, 23 avril 2013

C’est l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines qui arrive en tête de ce classement mesurant la capacité des établissements à tirer le meilleur de leurs étudiants. Les prestigieuses facs parisiennes sont reléguées en bas de tableau.

Alors que l’échec reste massif en première année de licence à l’université, tous les étudiants ne sont pas logés à la même enseigne. Si l’on en croit les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, certaines universités font plus progresser leurs étudiants que d’autres.

Et à ce petit jeu là, c’est la fac de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines qui s’en sort le mieux selon des chiffres communiqués par le ministère de l’Enseignement supérieur, devant l’université d’Angers et le CUFR Nord-Est Midi-Pyrénées. A l’inverse, les universités ultramarines de Polynésie Française et de Nouvelle-Calédonie ferment la marche.

Ce classement ne repose pas sur le seul «taux de réussite» des établissements, c’est à dire la proportion de ses étudiant qui obtiennent leur licence en trois ans, mais sur la notion de «valeur ajoutée». Car, aussi variés que soient ces taux de réussite (de moins de 16 % en Polynésie à près de 59 % à Angers), ils sont difficiles à comparer en raison des nombreuses différences entre les facs. Non seulement les cursus sont divers, parfois sélectifs comme en médecine, mais les étudiants viennent aussi de milieux sociaux et d’origine très variés.  

Universités à taille humaine

Chaque année, le ministère de l’Enseignement supérieur calcule donc un taux de réussite «attendu» pour chaque université, à partir de critères comme l’âge des étudiants inscrits, leur sexe, leur origine sociale, la filière suivie… La valeur ajoutée correspond à l’écart constaté entre ce taux de réussite «attendu» et le taux de réussite réellement observé en fin d’année. Les universités gratifiées d’une forte valeur ajoutée sont donc celles qui parviennent à faire réussir le plus grand nombre d’étudiants, étant donné leur contexte particulier.

Or l’enjeu est de taille alors que moins d’un tiers des étudiants obtiennent leur licence en trois ans. Les universités qui rendent leurs étudiants meilleurs ont développé de véritables stratégies.

Directeur du CUFR Nord-Est Midi-Pyrénées, 3ème du classement, Hervé Pingaud, explique le succès de son établissement d’abord par sa «taille humaine», qui permet la mise en place d’un «encadrement pédagogique renforcé». Hormis Lyon II, 5ème avec près de 2500 étudiants en première année, rares sont en effet les universités bien classées qui dépassent les 1000 étudiants. «Nous privilégions les cours en petits groupes, où les étudiants sont mieux cadrés», confirme Jean-Luc Vayssière, président de Versailles Saint-Quentin .

Cours en petits groupes, contrôle continu

Pour qu’un maximum d’étudiants passe le cap fatidique de la première année, il «confie des cours de première année à des enseignants-chercheurs, alors qu’ailleurs ce sont le plus souvent des vacataires qui s’en chargent». Une mesure qui permet d’améliorer la motivation des jeunes, et donc de réduire le nombre de décrochage. L’année est évaluée «en contrôle continu», ce qui est moins déstabilisant pour des élèves tout juste sortis du lycée. Dans le domaine des sciences, un parcours regroupant plusieurs disciplines a été instauré en première année, permettant ainsi aux étudiants de se spécialiser «plus progressivement et de se réorienter si besoin» sans être obligé de recommencer leurs études.

En Midi-Pyrénées, c’est principalement sur l’orientation que Hervé Pingaud a misé. Rencontre avec des professionnels pour les élèves de seconde, afin de «leur faire découvrir les métiers», journée de cours «en immersion sur le campus» pour les élèves de première, conseils personnalisés pour les terminales: les lycéens sont accompagnés au maximum pour éviter qu’ils se perdent après avoir décroché le bac. Une fois l’université intégrée, ils suivent des cours de «méthodologie universitaire», et réalisent «un projet professionnel et personnel», ainsi qu’un «carnet de compétences» pour faciliter la construction de leur CV et leurs choix de carrière. Enfin, un certain nombre de «processus qualité» sont mis en œuvre dans l’établissement: évaluation des enseignements par les étudiants, réunion d’améliorations…

Les pistes d’amélioration de la réussite en licence sont donc nombreuses, certaines de celles-ci figurant d’ailleurs dans le projet de loi sur l’Enseignement supérieur défendu par Geneviève Fioraso ,la ministre actuelle. Elles permettent en tout cas de mieux comprendre le succès des facultés «périphériques» d’Ile-de-France, qui multiplient souvent les initiatives à destination de leurs étudiants, alors que les plus prestigieuses institutions parisiennes font parfois figure de belles endormies où les étudiants sont livrés à eux mêmes.


mercredi 17 avril 2013

Le Monde - 17 avril 2013

Décidément, il est grand temps que se termine l'examen du projet de loi sur le « mariage pour tous » ! Le changement du calendrier parlementaire pour permettre à l'Assemblée de procéder en urgence à une seconde lecture de cette réforme a fait, en effet, une victime collatérale : le débat sans vote, prévu mardi 16 avril, sur la politique d'accueil des étudiants étrangers en France a été reporté.

En dépit de ce contretemps, le gouvernement a décidé d'avancer sur un dossier essentiel pour l'attractivité universitaire de la France, au coeur des défis de la mondialisation. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, et Geneviève Fioraso, sa collègue de l'enseignement supérieur et de la recherche, ont annoncé plusieurs mesures pour améliorer l'accueil des étrangers non communautaires dans les universités et les grandes écoles de l'Hexagone.

Trois dispositions en particulier sont prévues. D'une part, le gouvernement propose d'accorder de plein droit - et non plus au cas par cas et au gré des préfectures - aux étudiants étrangers des visas de la durée de leurs études et de prolonger ces visas d'une année pour leur permettre de faire une première expérience professionnelle en France après l'obtention de leur diplôme.
D'autre part, les doctorants étrangers bénéficieront d'un visa permanent afin de mener leurs recherches dans des laboratoires français sans être suspendus à d'aléatoires renouvellements de titre de séjour. Enfin, un guichet unique sera ouvert dans la plupart des campus, regroupant des représentants des préfectures et des services sociaux, pour faciliter l'accueil pratique de ces étudiants.

Ces mesures sont bienvenues. Elles referment, on l'espère définitivement, le chapitre de la politique déplorable menée par l'ancien ministre de l'intérieur, Claude Guéant. Obsédé par le « risque migratoire », celui-ci avait pris, en mai 2011, une circulaire restreignant fortement les droits des étudiants étrangers. Devant la levée de boucliers des présidents d'université, des directeurs de grande école et des chefs d'entreprise, mais aussi devant l'incompréhension des pays étrangers concernés, M. Guéant avait fini par amender son texte, sans toutefois y renoncer. A peine installé, en mai 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a abrogé cette circulaire, qui symbolisait le repli sur soi de la France.

Si elles ne règlent pas tous les problèmes - en particulier celui du coût de ces étudiants qui payent les mêmes droits d'inscription que les Français, contrairement à ce qui se passe souvent à l'étranger -, les nouvelles mesures annoncées confirment ce changement de cap. A juste titre.

Dans la compétition économique mondiale, chacun sait que le savoir est un enjeu stratégique. L'enseignement supérieur doit attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs, qui seront, ensuite, les ambassadeurs de la France et renforceront sa politique d'influence, son « soft power ».

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et l'Allemagne l'ont parfaitement compris. La France, qui accueille quelque 230 000 étudiants étrangers non européens, a une tradition ancienne en ce domaine. Elle se doit, plus que jamais, de l'honorer.

NB: Budget 230 000 x 8000 = 1,8 Milliards d'euros?



mardi 16 avril 2013

Les universités s'interrogent sur le coût de la scolarité des étudiants étrangers

Le Monde, 16 avril 2013

Lors de leur visite à la Cité universitaire internationale, à Paris, mardi 16 avril, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, et Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur, devaient annoncer plusieurs mesures pour améliorer l'accueil des étudiants étrangers, en France. Il y a urgence.

Au palmarès des pays les plus accueillants, la France, avec 260 000 étudiants étrangers (50 % de plus qu'en 2001), est passée, en 2010, de la 3e à la 5e place, au coude à coude avec l'Allemagne (264 000), derrière les Etats-Unis (685 000), le Royaume-Uni (400 000) et surtout l'Australie (271 000) qui a soufflé à la France sa troisième place. "La suppression de la désastreuse circulaire Guéant, fin mai 2012, a été un premier pas, mais n'a pas tout réglé, loin de là", explique Mme Fioraso.

Le gouvernement propose notamment d'accorder aux étudiants étrangers des visas de la durée de leurs études plus une année, de délivrer un visa permanent aux doctorants afin qu'ils puissent mener leurs recherches en toute tranquillité, et d'ouvrir un guichet unique sur la plupart des campus, avec des représentants des préfectures, du Crous, des caisses d'allocations familiales, voire des banques pour, en une seule visite, régler les problèmes pratiques.


RUDE CONCURRENCE POUR ATTIRER CES CERVEAUX

"Au titre de la compétitivité et de la croissance, nous avons l'impératif de mieux accueillir les chercheurs, doctorants et post-doctorants du monde entier, en particulier des pays émergents, Brésil, Inde, Chine, Russie, Corée... Il n'y a, par exemple, que 3 000 étudiants venus d'Inde", dit la ministre.

Attirer des personnes très qualifiées est crucial pour "l'intelligence" de la France qui compte 6,24 millions de très diplômés (titulaires d'un doctorat ou équivalent), dont près de 24 % sont nés à l'étranger ou sont étrangers notamment grâce à l'immigration étudiante. Un tiers des étudiants venus en France y restent à la fin de leurs études. Aujourd'hui, l'Asie (Chine, Japon, Corée) fournit le plus gros flux mondial d'étudiants en mobilité et la concurrence est rude pour attirer ces cerveaux.
La modicité des frais d'inscription en France (181 euros pour une licence, 300 euros pour un master) est-elle un atout ? Rien n'est moins sûr, puisque les pays qui devancent la France dans ce classement pratiquent ouvertement la tarification au prix fort des études pour les étudiants étrangers.

FRAIS D'INSCRIPTION ENCADRÉS

Les Anglo-Saxons en ont carrément fait une industrie. En Angleterre, les frais d'inscription dans la plupart des universités, de 9 000 livres par an au maximum pour les nationaux, grimpent à 20 000 livres ou plus pour les étudiants des pays tiers. Cet apport devient une ressource cruciale pour ces établissements et l'immigration étudiante contribue désormais pour 2,6 milliards d'euros par an à l'enseignement en Grande-Bretagne, sans oublier les 2,7 millions de retombées sur l'économie locale. Plus modeste, l'Irlande en tire tout de même 68 millions d'euros sur un total de frais d'inscription étudiants de 140 millions.

En Europe, les règles communautaires interdisent aux universités tout traitement différencié entre étudiants européens, mais l'idée de faire payer plus cher leurs études à ceux venus d'autres pays, les Etats-Unis ou l'Australie, ou même l'Inde, la Chine, le Brésil, qu'on ne peut plus considérer comme des pays pauvres, fait son chemin. Les Pays-Bas l'ont fait, l'Espagne y songe. En France, le sujet reste officiellement tabou, mais la question trotte dans la tête de plusieurs présidents d'université.

Les chiffres font réfléchir : à raison de 10 180 euros par étudiant et par an, la facture dépasse les 2,8 milliards d'euros, sans compter les prestations sociales. La marge de manœuvre des universités est étroite. A l'exception des diplômes propres aux établissements, les frais d'inscription pour les diplômes nationaux sont encadrés.

"CE N'EST PAS CONFORME AU SYSTÈME FRANÇAIS"

Toutefois, un décret remanié en 2008 permet de facturer des prestations pour des services facultatifs, comme un accompagnement dans les formalités ou des cours de français. Nombre d'universités l'utilisent notamment pour les étudiants non communautaires.

Paris-Dauphine, par exemple, s'apprête à soumettre à son conseil d'administration le triplement des droits d'inscription à divers diplômes, qui passeraient à 8 000 voire 12 000 euros par an, pour les candidats individuels non intégrés à un partenariat ou un échange. "Nous accompagnons cette politique par un système de bourses et de réductions pour des étudiants choisis pour leur mérite", précise Arnaud Raynouard, vice-président de l'université Paris-Dauphine, chargé des relations internationales.

L'université Paris-I Panthéon Sorbonne, si elle facturait à ses 13 000 étudiants étrangers venus à titre individuel ce type de frais, récupérerait environ 130 millions d'euros par an : "Mais ce n'est pas notre politique et ce n'est pas conforme au système français", rétorque Nadia Jacoby, vice-présidente de cette université.

"POLITIQUE D'ÉQUILIBRE"

La Conférence des grandes écoles a, elle, et depuis longtemps, choisi son camp : "En faisant payer les étudiants étrangers, nous aurions les moyens d'accueillir 500 000 étudiants de plus, et de mener une politique ambitieuse et autofinancée de développement, quitte à l'accompagner d'un système généreux de bourses d'études", plaide Pierre Tapie, son président.

"Il n'est pas question d'ouvrir le dossier de la hausse des frais d'inscription. Nous souhaitons une politique d'équilibre, de réciprocité avec les pays partenaires, notamment avec ceux d'Afrique francophone", argumente Mme Fioraso.

L'exemple suédois fait aussi réfléchir sur la mise en place d'une telle tarification. La Suède a, en août 2011, instauré le "full cost", soit un tarif de 11 000 euros à 25 000 euros, ce qui a découragé les étudiants non européens. Leur nombre a chuté de 52 % dès 2011, la baisse s'est accrue en 2012.  

"Anticipant sur les recettes, notre gouvernement a baissé sa contribution aux universités, ce qui a conduit à une perte sèche pour notre budget, raconte Pam Fredman, vice-chancelière de l'université de Gothenburg. Même le constructeur automobile Volvo n'y trouve pas son compte car il a besoin de cadres formés à notre culture pour des postes à l'étranger."

L'accueil des étudiants étrangers, enjeu stratégique

  Le Monde, 16 avril 2013 

Décidément, il est grand temps que se termine l'examen du projet de loi sur le "mariage pour tous" ! Le changement du calendrier parlementaire pour permettre à l'Assemblée de procéder en urgence à une seconde lecture de cette réforme a fait, en effet, une victime collatérale : le débat sans vote, prévu mardi 16 avril, sur la politique d'accueil des étudiants étrangers en France a été reporté.

En dépit de ce contretemps, le gouvernement a décidé d'avancer sur un dossier essentiel pour l'attractivité universitaire de la France, au coeur des défis de la mondialisation.

Manuel Valls, ministre de l'intérieur, et Geneviève Fioraso, sa collègue de l'enseignement supérieur et de la recherche, ont annoncé plusieurs mesures pour améliorer l'accueil des étrangers non communautaires dans les universités et les grandes écoles de l'Hexagone.

Trois dispositions en particulier sont prévues. D'une part, le gouvernement propose d'accorder de plein droit – et non plus au cas par cas et au gré des préfectures – aux étudiants étrangers des visas de la durée de leurs études et de prolonger ces visas d'une année pour leur permettre de faire une première expérience professionnelle en France après l'obtention de leur diplôme.

D'autre part, les doctorants étrangers bénéficieront d'un visa permanent afin de mener leurs recherches dans des laboratoires français sans être suspendus à d'aléatoires renouvellements de titre de séjour.

Enfin, un guichet unique sera ouvert dans la plupart des campus, regroupant des représentants des préfectures et des services sociaux, pour faciliter l'accueil pratique de ces étudiants.

Ces mesures sont bienvenues. Elles referment, on l'espère définitivement, le chapitre de la politique déplorable menée par l'ancien ministre de l'intérieur, Claude Guéant.

Obsédé par le "risque migratoire", celui-ci avait pris, en mai 2011, une circulaire restreignant fortement les droits des étudiants étrangers.

Devant la levée de boucliers des présidents d'université, des directeurs de grande école et des chefs d'entreprise, mais aussi devant l'incompréhension des pays étrangers concernés, M. Guéant avait fini par amender son texte, sans toutefois y renoncer.

A peine installé, en mai 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a abrogé cette circulaire, qui symbolisait le repli sur soi de la France.

Si elles ne règlent pas tous les problèmes – en particulier celui du coût de ces étudiants qui payent les mêmes droits d'inscription que les Français, contrairement à ce qui se passe souvent à l'étranger –, les nouvelles mesures annoncées confirment ce changement de cap. A juste titre.

Dans la compétition économique mondiale, chacun sait que le savoir est un enjeu stratégique.

L'enseignement supérieur doit attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs, qui seront, ensuite, les ambassadeurs de la France et renforceront sa politique d'influence, son "soft power".

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et l'Allemagne l'ont parfaitement compris.

La France, qui accueille quelque 230 000 étudiants étrangers non européens, a une tradition ancienne en ce domaine. Elle se doit, plus que jamais, de l'honorer.