Universités : l'influence de l'extrême gauche, Le Figaro, 4 mai 2009
Delphine de Mallevoüe et Marie-Estelle Pech
Quelques individus souvent proches du Nouveau Parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot, parfois issus de la mouvance autonome, sont à l'origine des blocages dans les facultés.
D'assemblée générale en assemblée générale, le mouvement qui embrase certaines universités depuis treize semaines a évolué. Centré, au départ, sur les réformes du statut des enseignants-chercheurs et la formation des professeurs, le mécontentement s'est radicalisé avec la présence de plus en plus active d'étudiants lors d'actions de blocages, notamment.
Les mots d'ordre des contestataires ciblent l'ensemble de la politique gouvernementale. Les slogans directement inspirés par l'extrême gauche sont fréquents. Au menu des AG figurent «l'échéance 2012» pour faire échec à Nicolas Sarkozy, l'abolition du capitalisme ou la «convergence des luttes» avec les sans-papiers, les hôpitaux et les postiers. La crise financière et la montée du chômage constituant, bien sûr, un terreau idéologique particulièrement favorable. Patrice Brun, président de l'université Bordeaux-III, explique que le dialogue est particulièrement difficile avec ces étudiants : «Pour eux, une année d'études perdue, ce n'est rien en comparaison de leur vie future qu'ils envisagent de façon extrêmement pessimiste.»
Dans la vingtaine d'universités aujourd'hui partiellement perturbées, ce sont à chaque fois quelques dizaines d'individus qui tentent des actions de blocage, voire de violences : ces dernières ont connu un pic en avril avec les séquestrations d'une poignée de présidents d'université. À ces étudiants souvent issus de filières de sciences humaines se mêlent parfois des personnes extérieures, qui s'efforcent de souffler sur les braises. Ainsi, à Rennes-II, les jeunes bloqueurs sont menés par une cinquantaine d'autonomes et radicaux, eux-mêmes pilotés par quelqu'un qui n'est pas étudiant, «un intellectuel spécialiste de la subversion», selon le président Marc Gontard. L'homme avait d'abord tenté de créer des troubles à Nantes, l'an dernier, contre la loi LRU, ce qui n'avait pas marché. Arrivé à Rennes-II cette rentrée, «il a voulu prendre sa revanche».
Militants d'extrême gauche, intermittents du spectacle, précaires, ces «Khmers rouges», comme les a qualifiés un jour Marc Gontard, sont souvent proches des idées du NPA, le parti d'Olivier Besancenot. À Paris-IV, c'est l'association générale des étudiants de Paris-Sorbonne (Ageps) qui mène la danse. Après avoir fait scission avec l'Unef, jugée trop modérée, ces derniers sont désormais «très proches des trotskistes», affirme Jean-Robert Pitte, ancien président de Paris-IV. Certains contestataires peuvent aussi se revendiquer du syndicat SUD ou, bien plus souvent, se proclamer totalement hors système. Ceux-ci sont nombreux à honnir tout parti politique ou syndicat et à revendiquer leur «indépendance» à l'image de ce que l'on a pu voir lors de séquestrations dans les entreprises.
Le double langage du PS
Les représentants de l'Unef, syndicat étudiant proche du Parti socialiste, sont quant à eux considérés comme des traîtres, d'autant plus qu'ils ont négocié la loi sur l'autonomie des universités, il y a deux ans. Ce syndicat ne maîtrise absolument pas les actions étudiantes même s'il ne va pas jusqu'à les condamner formellement…
Le Parti socialiste pratique aussi parfois un double langage. La «ronde infinie des obstinés», une marche permanente de protestation lancée par les enseignants de l'université Paris-VIII, le 23 mars autour de l'hôtel de ville de Paris a ainsi bénéficié dimanche de l'aide de la mairie. Cette dernière a mis à disposition une scène sur laquelle ont été organisés plusieurs concerts et chorégraphies. Bertrand Delanoë a en revanche porté plainte lundi après qu'environ 150 personnes ont brièvement occupé l'hôtel de ville vendredi soir et provoqué «quelques dégradations». Bertrand Delanoë a « condamné fermement ces comportements aussi absurdes qu'agressifs, qui, loin de toute rationalité, ont visé la maison commune des Parisiens». Selon le maire, ces manifestants appartenaient à un collectif «de mouvance autonome». Un groupe similaire a déjà occupé la Sorbonne, avant d'être délogé sans incident par la police. Un des occupants de la mairie a expliqué que ce type d'actions était destiné «à pousser les salariés et étudiants à se mobiliser jusqu'à la grève générale».