L'université, sans fleurs ni couronnes, Le Figaro, 4 ami 2005
L'éditorial d'Yves Thréard.
Bien malin celui qui comprend aujourd'hui les motifs précis du désordre régnant dans certaines universités. Dans une vingtaine de facs, la tenue des examens est menacée, voire reportée à la rentrée de septembre. Le parent pauvre de l'enseignement supérieur français continue de creuser sa tombe par la faute de quelques enragés. Il y a pourtant urgence à le guérir, sans quoi il finira par disparaître sans fleurs ni couronnes.
Faut-il rappeler que, dans tous les classements internationaux, la France fait bien pâle figure face à l'Asie et aux pays anglo-saxons ? Trop longtemps, l'université a été négligée : un étudiant coûte en moyenne 7 000 euros par an, contre plus de 10 000 euros pour un lycéen. C'est tout le système qu'il convient de corriger, à l'heure où un jeune sur deux seulement parvient à passer en deuxième année, et où des filières sans débouché continuent à accueillir des milliers de personnes, chômeurs en devenir. La présence de grandes écoles, réputées pour leur excellence, n'explique pas tout. La timidité ou l'incohérence des politiques menées sont à mettre en cause. Tout comme l'agitation perpétuelle entretenue par les syndicats d'enseignants et d'étudiants qui ont transformé certains établissements en bastions de la contestation gauchiste : c'est tellement vrai qu'à force de le répéter, le constat pourrait paraître caricatural.
Le gouvernement a donc eu raison de s'attaquer à cet immense chantier dès son arrivée aux affaires. La loi sur l'autonomie des universités (dite LRU), acceptée par tous, fut votée à l'été 2007. Elle prévoit notamment un renforcement des pouvoirs du président pour adapter sa fac à son environnement social et professionnel et un droit d'entrée des entreprises. Cinq milliards sur cinq ans ont été mis sur la table. Effort important. Vinrent ensuite le décret sur le statut et l'évaluation des enseignants-chercheurs et le projet de réforme de concours des professeurs. Le premier a été amendé dans le sens voulu par ses opposants, le second est encore en cours de négociation. Sans entrer dans les détails, l'idée générale est d'aller vers plus d'efficacité.
Et pourtant, la pagaille persiste ici ou là. À tel point que la loi LRU est, elle aussi, remise en question. On ne saurait trop placer tout le monde devant ses responsabilités. Les présidents d'université, d'abord en majorité favorables aux évolutions, mais qui ont, à l'image d'Axel Kahn, souvent changé de pied. Les étudiants, toujours prompts à la contestation, mais qui redoutent maintenant, avec leurs parents, une année blanche. Les enseignants- chercheurs, dont certains ont jeté leurs élèves dans la rue afin de protéger leurs propres avantages. Leurs jours de grève seront-ils payés ? Dans ce bras de fer, l'approche du gouvernement est restée pragmatique. Si idéologie il y a, elle est bien du côté des empêcheurs de tourner en rond de l'université. Le systématisme de leur opposition est mortifère.