La faculté, grande perdante d'un interminable bras de fer , Le Figaro, 19 mai 2009
La réputation des filières de sciences humaines, très mobilisées, est écornée.
Même s'il est encore tôt pour dresser un bilan du plus long mouvement universitaire français, force est de constater que dans le match des gagnants et des perdants, la balance ne penche pas du côté de l'université. Dès la rentrée prochaine, les établissements perturbés de façon répétitive risquent de traîner une mauvaise image, en France comme à l'étranger. Un phénomène qui a déjà pu être observé en 2006 avec les manifestations anti-CPE, et en 2007 avec celles contre la loi LRU. La réputation des filières de sciences humaines, très mobilisées, sera sans doute durablement écornée.
Rennes-II, qui vit cette année son troisième blocage en trois ans, a perdu 14 % de ses étudiants entre 2005 et 2008. Sur la même période, plusieurs universités «agitées » ont connu une baisse du nombre des étudiants, selon le ministère, notamment Toulouse-Le Mirail, Montpellier-III et Paris-IV.
La question d'une dévalorisation de certains diplômes ne manque par ailleurs pas de se poser, alors que des établissements perturbés affirment pouvoir compenser une dizaine de semaines d'interruption des cours en seulement deux ou trois semaines !
«Souplesse de fonctionnement»
Un curieux paradoxe veut que l'Université française, promise à une revalorisation par Nicolas Sarkozy, ressorte finalement de ce conflit affaiblie. Les suppressions de quelques centaines de postes annoncées cette année dans les établissements, alors que le gouvernement augmentait parallèlement, et de façon importante, le budget de l'enseignement supérieur, n'ont pas été comprises et ont mis le feu aux poudres.
Autre écueil, la réforme de la formation des enseignants : ce projet, qui pour les contestataires découle d'une «pure logique d'économies de postes » a parfois brouillé le sens de la réforme majeure, celle sur l'autonomie.
Votée en juillet 2007, la loi sur l'autonomie était chargée par Nicolas Sarkozy de redorer le blason de l'université française, mal classée sur un plan international et parent pauvre d'un système éducatif qui lui préfère les grandes écoles élitistes.
L'idée était d'aboutir à une véritable autonomie, que les présidents d'université réclamaient depuis vingt ans. Même la candidate socialiste à l'élection présidentielle défendait l'idée d'une réforme.
Pour Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'université, le bilan n'est pas noir, même si la loi reste perfectible : «La déconcentration de la gestion et des ressources humaines qu'apporte cette loi est fondamentale, car elle crée de la souplesse de fonctionnement.»
Sur la réforme du statut des enseignants-chercheurs qui découle naturellement de la loi sur l'autonomie, le gouvernement s'est heurté à un mur de corporatisme et, surtout, au mal-être d'enseignants qui s'estiment paupérisés et peu reconnus par rapport à d'autres pays. Malgré les concessions apportées à certains textes, le gouvernement estime «avoir sauvé l'essentiel» de ses réformes. Vingt universités sont déjà passées à l'autonomie cette année, d'autres suivront l'an prochain.