Pécresse : «Nous avons payé le prix de 25 ans de passivité» , Le Figaro, 19 mai 2009
INTERVIEW - Pour la ministre de l'Enseignement supérieur, la loi sur l'autonomie permettra de combler les retards accumulés par les universités depuis 1984.
LE FIGARO. - Peut-on dire aujourd'hui que l'Université française est sortie de la crise ?
Valérie PÉCRESSE. - La reprise des cours est largement amorcée dans les universités, même celles qui étaient les plus touchées par le mouvement. Il y a, certes, encore quelques perturbations dans une poignée d'entre elles, et je reçois les recteurs des académies où un accompagnement sur mesure doit être mis en place. L'objectif, c'est que le programme soit rattrapé. Certains crédits peuvent être transférés d'un semestre à l'autre en première et deuxième année, mais pas en troisième année. Aucun diplôme de licence ne peut être délivré sans rattrapage. J'ai aussi, et avant tout, le souci des étudiants les plus fragiles, victimes des blocages. J'ai déjà proposé de prolonger les bourses d'un mois et de laisser l'usage des chambres universitaires jusqu'en juillet.
Quels enseignements tirez-vous de ce conflit ?
Ces quatre mois de manifestations ont révélé une cristallisation de toute une série de craintes autour des réformes. On a assisté à la résurgence de préoccupations anciennes et récurrentes sur la privatisation des universités ou la dévalorisation du métier d'enseignant. Nous payons le prix du passé, celui de vingt-cinq ans de passivité, de dévalorisation progressive du métier d'enseignant-chercheur, et du manque d'investissement de l'État dans les universités. Aujourd'hui, l'effort financier de l'État en faveur des universités est colossal, la revalorisation des carrières est lancée. Le plan licence, qui consiste à investir massivement dans les premières années universitaires est une réponse ; le plan campus, autre source d'investissement par l'État, en est une autre.
Avez-vous sauvé l'essentiel de votre réforme en dépit des concessions faites aux enseignants-chercheurs ?
L'autonomie continue d'avancer. Elle suit son cours et elle s'améliore au fil du temps. Au fur et à mesure que l'université prend ses responsabilités, l'administration deviendra moins tatillonne et davantage partenaire.
D'ores et déjà, sept universités ont demandé à prendre la responsabilité de leur immobilier : Toulouse-I, Clermont-Ferrand-I, Poitiers, Avignon, Marne-la-Vallée, Corte et Paris-VI.
D'autres ont décidé de créer des fondations, comme le leur permet la loi, pour récupérer des fonds privés : à Montpellier-III, université de sciences humaines, une fondation vient d'être créée pour financer un dictionnaire des hiéroglyphes !
Enfin, le décret sur les enseignants-chercheurs a bien été réécrit. L'évaluation régulière des enseignements et de la recherche est une formidable avancée et permet aussi une plus grande souplesse dans la gestion des ressources humaines même si nous n'avons pas pu augmenter la part des promotions locales dans les universités. En 1984, la gauche avait tenté d'instaurer ces souplesses. Il aura fallu vingt-cinq ans pour les mettre en place.