Le Monde, 15 décembre 2011
Un large front de syndicats d'enseignants appelle, jeudi 15 décembre 2011, à une journée de grève et de manifestations pour exiger le retrait du projet de réforme de l'évaluation des professeurs prôné par le ministre de l'éducation, Luc Chatel, qui défend un système "plus juste".
Cette journée d'action, la deuxième depuis celle, très suivie, du 27 septembre 2011 contre les suppressions de postes, est soutenue par des associations telles que la Société des agrégés de l'université et la Conférence des présidents d'associations de professeurs spécialistes. Seul le SGEN-CFDT ne s'est pas joint au mouvement.
Des manifestations sont prévues dans tous les départements. A Paris, le défilé partira à 14 h 30 de Denfert-Rochereau (14e arrondissement) pour arriver à Sèvres-Babylone (7e), non loin du ministère de l'éducation nationale. Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, sera dans ce cortège.
En primaire, le mouvement sera suivi par 8,5 % des enseignants, selon le ministère, mais par plus d'un professeur sur cinq selon le Snuipp-FSU (principal syndicat). Cependant, c'est davantage la mobilisation dans le secondaire qui donnera la tonalité de la journée. La pétition intersyndicale demandant le retrait des textes recueillait mercredi soir plus de 65 000 signatures électroniques.
"AMÉLIORER LE SYSTÈME"
Invité mercredi soir de France 3, Luc Chatel a indiqué "vouloir améliorer le système (d'évaluation) pour qu'il soit plus juste, qu'il prenne en compte l'engagement des enseignants et qu'il ait un impact plus important sur la carrière des enseignants". Les projets du ministère comportent la fin de la traditionnelle double notation des enseignants : administrative, par le chef d'établissement, et pédagogique, la plus importante pour la carrière, par l'inspecteur régional, formé dans la discipline des collègues qu'il inspecte.
A la place, les enseignants seraient évalués lors d'un entretien, tous les trois ans, avec leur "supérieur hiérarchique direct" (le chef d'établissement en collège et lycée, "l'inspecteur compétent" dans les écoles), et cette évaluation déterminerait l'évolution des salaires. Les syndicats dénoncent un projet qui "dénature en profondeur les métiers" des enseignants et va peser sur leur pouvoir d'achat.
jeudi 15 décembre 2011
mardi 13 décembre 2011
Le Plan Campus avance très lentement
AFP, décembre 2012
Le Plan Campus de rénovation immobilière des universités "avance" mais "beaucoup plus lentement" que prévu, en raison de partenariats et de montages très longs à mettre en place, a expliqué Anne Fraïsse, vice-présidente de la Conférence des présidents d'université (CPU)
Interrogé par l'AFP sur un rapport parlementaire révélant que seuls 56,9 millions d'euros du Plan Campus ont été versés sur les 5 milliards de son montant total, Anne Fraïsse a dit que ce chiffrage était exact mais que pour autant les plans de rénovation n'étaient "pas bloqués".
"Ils avancent, mais beaucoup plus lentement que ce qu'on prévoyait", notamment en raison des partenariats public-privé (PPP) dont "les coûts sont très chers" et qui "contrairement à ce qu'on nous avait dit, ne sont pas plus rapides, mais plus longs".
Du coup, "certains ont pris la forme de PPP publics, des formes nouvelles qui ont aussi été retardées du fait de problèmes juridiques", si bien qu'aucun PPP lié au Plan Campus n'a encore été signé à ce jour et que l'Etat n'a pas encore versé les capitaux promis qui y sont liés, selon Anne Fraïsse.
A ce stade, seul l'argent des intérêts intermédiaires, qui ont permis de lancer de "petits chantiers", et des études préalables a donc été versé, a-t-elle résumé pour expliquer le montant de 56,9 millions.
Des universités en difficultés financières
Par ailleurs, concernant les budgets, "il y en a déjà une bonne trentaine d'universités qui sont en difficultés financières" et "on sera de plus en plus nombreux à l'être", a estimé Anne Fraïsse, qui est également la présidente de l'université Montpellier 3.
"Cela ne veut pas dire qu'elles seront toutes en déficit, mais elles vont devoir réduire postes et investissements" si elles veulent éviter le déficit, a-t-elle ajouté, jugeant que les moyens du passage à l'autonomie avaient été "calculés trop justes".
"Le ministère a délégué beaucoup de dépenses et pas les moyens qui allaient avec", si bien que "les marges de manoeuvre" que l'autonomie devait procurer, "les universités, dans la quasi-totalité des cas, ne les ont pas".
Anne Fraïsse a enfin réclamé "que la politique de projets ne prenne pas totalement la place du financement récurrent des universités pour la pédagogie et la recherche".
Les projets du Grand emprunt de type "Idex ou Labex" apportent en effet "de l'argent, mais pas des postes de titulaires".
"S'il n'y a pas les personnels pour les mettre en place, cela ne sert à rien de lancer des projets nouveaux, ça ne marchera pas", a-t-elle conclu.
Le Plan Campus de rénovation immobilière des universités "avance" mais "beaucoup plus lentement" que prévu, en raison de partenariats et de montages très longs à mettre en place, a expliqué Anne Fraïsse, vice-présidente de la Conférence des présidents d'université (CPU)
Interrogé par l'AFP sur un rapport parlementaire révélant que seuls 56,9 millions d'euros du Plan Campus ont été versés sur les 5 milliards de son montant total, Anne Fraïsse a dit que ce chiffrage était exact mais que pour autant les plans de rénovation n'étaient "pas bloqués".
"Ils avancent, mais beaucoup plus lentement que ce qu'on prévoyait", notamment en raison des partenariats public-privé (PPP) dont "les coûts sont très chers" et qui "contrairement à ce qu'on nous avait dit, ne sont pas plus rapides, mais plus longs".
Du coup, "certains ont pris la forme de PPP publics, des formes nouvelles qui ont aussi été retardées du fait de problèmes juridiques", si bien qu'aucun PPP lié au Plan Campus n'a encore été signé à ce jour et que l'Etat n'a pas encore versé les capitaux promis qui y sont liés, selon Anne Fraïsse.
A ce stade, seul l'argent des intérêts intermédiaires, qui ont permis de lancer de "petits chantiers", et des études préalables a donc été versé, a-t-elle résumé pour expliquer le montant de 56,9 millions.
Des universités en difficultés financières
Par ailleurs, concernant les budgets, "il y en a déjà une bonne trentaine d'universités qui sont en difficultés financières" et "on sera de plus en plus nombreux à l'être", a estimé Anne Fraïsse, qui est également la présidente de l'université Montpellier 3.
"Cela ne veut pas dire qu'elles seront toutes en déficit, mais elles vont devoir réduire postes et investissements" si elles veulent éviter le déficit, a-t-elle ajouté, jugeant que les moyens du passage à l'autonomie avaient été "calculés trop justes".
"Le ministère a délégué beaucoup de dépenses et pas les moyens qui allaient avec", si bien que "les marges de manoeuvre" que l'autonomie devait procurer, "les universités, dans la quasi-totalité des cas, ne les ont pas".
Anne Fraïsse a enfin réclamé "que la politique de projets ne prenne pas totalement la place du financement récurrent des universités pour la pédagogie et la recherche".
Les projets du Grand emprunt de type "Idex ou Labex" apportent en effet "de l'argent, mais pas des postes de titulaires".
"S'il n'y a pas les personnels pour les mettre en place, cela ne sert à rien de lancer des projets nouveaux, ça ne marchera pas", a-t-elle conclu.
lundi 28 novembre 2011
L'autonomie révèle la misère des universités
Le Point, 29 novembre 2011
Depuis une dizaine de jours, un désordre sans nom règne sur l'université. À l'heure où les conseils d'administration doivent voter leur budget 2012, certaines facs peinent en effet à présenter des bilans à l'équilibre.
Nantes parle d'un déficit de 4 millions, Limoges 3 millions, Pau 2 millions, Bretagne-Sud 1,2 million d'euros... Les chiffres sont alarmants.
Tout commence le 17 novembre 2011 avec un communiqué du ministère de l'Enseignement supérieur. Le message de Laurent Wauquiez se veut rassurant : l'université va bien, merci, "la grande majorité des établissements est en bonne santé financière". Petit bémol toutefois, on apprend dans le même communiqué que huit établissements ont des problèmes, et qu'en déficit pour la seconde année consécutive, ce sont les recteurs qui arrêteront désormais leurs budgets. Un "comité des pairs" formé par deux anciens présidents d'université les aidera à remonter la pente. Depuis, c'est la pagaille. N'est-ce pas justement le nerf de l'autonomie - ô combien défendue par le gouvernement - que de pouvoir gérer son budget ?
Huit universités sortent du chapeau
Quels sont les établissements concernés ? On a bien quelques idées, mais, dans un premier temps, la liste reste un mystère. Le ministère refuse de communiquer, les établissements tremblent. Puis, le 23, un second communiqué vient mettre un terme à une semaine de cafouillage.
Huit noms sortent du chapeau :
- l'UMPC (Université Pierre et Marie Curie),
- Paris XIII-Villetaneuse,
- Limoges,
- l'université de Savoie,
- Nice-Sofia-Antipolis,
- Bordeaux III,
- l'Insa de Rouen
- l'ENS Cachan.
Si certains présidents, comme Jacques Fontanille à Limoges ou Patrice Brun à Bordeaux, reconnaissent de graves problèmes budgétaires, les autres tombent des nues. Et ne tardent pas à contester la liste. Sophia-Nice-Antipolis en effet assure être en excellente santé financière. Quelques heures plus tard, le ministère revient sur ses pas et retire l'université de Méditerranée de la liste. Erreur, "après réexamen des comptes, l'université n'est pas en déficit en 2010"...
En cause, les nouvelles règles comptables instaurées par la loi sur l'autonomie des universités, qui ne tiennent pas compte dans la dotation de l'État pour rémunérer les fonctionnaires des évolutions de carrière, et donc des augmentations de salaire liées à l'ancienneté ou à la promotion.
Résultat : la masse salariale augmente, mais... pas les budgets alloués à l'Enseignement supérieur ! Mi-novembre, Laurent Wauquiez évoquait une rallonge de 14,5 millions d'euros d'ici fin 2011. Mais selon la Conférence des présidents d'université (CPU), il manquerait "entre 15 et 20 millions pour compenser l'augmentation des salaires due à la pyramide des âges".
À quoi joue le ministère ?
À quoi joue donc le ministère ? C'est la question que se posent plusieurs établissements, pris de cours par la décision de mise sous tutelle.
L'UPMC, première université française dans le classement de Shanghaï jusqu'en 2010, confie à l'AFP qu'à aucun moment le fonctionnement normal de l'université n'a été mis en danger.
"La situation financière, déjà régulée en 2011, sera maîtrisée en 2012 par une diminution des investissements conduisant à l'équilibre budgétaire", indique la présidence.
Même combat pour l'université de Savoie. Cette fois-ci, ce sont les deux années de déficit consécutives qui sont contestées : "Si les comptes de l'exercice 2009 font apparaître un déficit de 1 771 599 euros, en revanche, ceux de l'exercice 2010 dégagent un excédent de 1 415 341 euros. Il n'y a donc pas deux exercices successifs négatifs", s'indigne le président Gilbert Angéneux.
Jean-Yves Mérindol, le directeur de l'ENS Cachan, dénonce, quant à lui, le "manque de responsabilité" du ministère. "À ce jour, personne ne nous a tenus informés de cette décision. Nous l'avons apprise par communiqué et par les médias." À Cachan, les difficultés financières ne datent pas d'hier. Depuis 2004, l'école tire la sonnette d'alarme. En 2010, une inspection confirme les dégâts et un dialogue se met en place pour tenter de redresser la situation. Mais l'école rame pour obtenir des moyens de la part du ministère.
Aujourd'hui, Jean-Yves Mérindol invalide la décision de mise sous tutelle. Pour une raison simple : son établissement, dépendant du rectorat et non du ministère, n'est pas concerné par la mise en place du comité des pairs. Une question se pose toutefois.
Le passage au RCE (responsabilités et compétences élargies) est-il la cause des difficultés de certains établissements ? Pour le président de Cachan, il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais une chose est sûre, les problèmes de déficit et les dysfonctionnements se révèlent à l'occasion de ce passage.
Un exemple ? "L'université délivre doctorats et diplômes, mais doit demander une autorisation pour attribuer la licence. Cela n'a aucun sens !" s'insurge-t-il.
"L'État n'a pas assumé ses compétences" (Cour des comptes)
Pas plus de sens d'ailleurs que la gestion des travaux de désamiantage qui attise la polémique à l'UPMC et son campus de Jussieu. La Cour des comptes dénonce en effet, dans un rapport daté du 17 novembre, "un dérapage financier" qui sera porté devant la Cour de discipline budgétaire.
Le vaste chantier de réhabilitation du campus universitaire devait durer trois ans et coûter 183 millions d'euros. Aujourd'hui, quinze ans plus tard, les échafaudages sont toujours là et l'enveloppe budgétaire a été multipliée par dix ! À qui la faute ? Peut-être à l'absence de coordinateur. C'est en tout cas ce que suggère le rapport. La Cour met en cause l'État, coupable d'avoir pris ses décisions au coup par coup. "Il n'a pas assumé ses compétences, il s'est même déjugé", a affirmé le président Didier Migault.
Manque de chance, c'est justement ce moment qu'a choisi l'Association européenne des universités pour publier son classement sur les niveaux d'autonomie. Et la France ne brille pas par ses performances, loin de là...
En bas du tableau, elle arrive à la 16e place sur 28 en ce qui concerne l'autonomie administrative, à la 22e en matière d'autonomie financière, et sombre littéralement en 27e et dernière position pour la gestion des ressources humaines et l'autonomie académique.
Le ministère a réagi à ce piètre classement, défendant un "modèle français d'autonomie". En clair une autonomie où les présidents d'université n'ont pas la main sur le nombre d'étudiants, la masse salariale, ou l'entretien de leur bâtiments... Wauquiez assume.
Depuis une dizaine de jours, un désordre sans nom règne sur l'université. À l'heure où les conseils d'administration doivent voter leur budget 2012, certaines facs peinent en effet à présenter des bilans à l'équilibre.
Nantes parle d'un déficit de 4 millions, Limoges 3 millions, Pau 2 millions, Bretagne-Sud 1,2 million d'euros... Les chiffres sont alarmants.
Tout commence le 17 novembre 2011 avec un communiqué du ministère de l'Enseignement supérieur. Le message de Laurent Wauquiez se veut rassurant : l'université va bien, merci, "la grande majorité des établissements est en bonne santé financière". Petit bémol toutefois, on apprend dans le même communiqué que huit établissements ont des problèmes, et qu'en déficit pour la seconde année consécutive, ce sont les recteurs qui arrêteront désormais leurs budgets. Un "comité des pairs" formé par deux anciens présidents d'université les aidera à remonter la pente. Depuis, c'est la pagaille. N'est-ce pas justement le nerf de l'autonomie - ô combien défendue par le gouvernement - que de pouvoir gérer son budget ?
Huit universités sortent du chapeau
Quels sont les établissements concernés ? On a bien quelques idées, mais, dans un premier temps, la liste reste un mystère. Le ministère refuse de communiquer, les établissements tremblent. Puis, le 23, un second communiqué vient mettre un terme à une semaine de cafouillage.
Huit noms sortent du chapeau :
- l'UMPC (Université Pierre et Marie Curie),
- Paris XIII-Villetaneuse,
- Limoges,
- l'université de Savoie,
- Nice-Sofia-Antipolis,
- Bordeaux III,
- l'Insa de Rouen
- l'ENS Cachan.
Si certains présidents, comme Jacques Fontanille à Limoges ou Patrice Brun à Bordeaux, reconnaissent de graves problèmes budgétaires, les autres tombent des nues. Et ne tardent pas à contester la liste. Sophia-Nice-Antipolis en effet assure être en excellente santé financière. Quelques heures plus tard, le ministère revient sur ses pas et retire l'université de Méditerranée de la liste. Erreur, "après réexamen des comptes, l'université n'est pas en déficit en 2010"...
En cause, les nouvelles règles comptables instaurées par la loi sur l'autonomie des universités, qui ne tiennent pas compte dans la dotation de l'État pour rémunérer les fonctionnaires des évolutions de carrière, et donc des augmentations de salaire liées à l'ancienneté ou à la promotion.
Résultat : la masse salariale augmente, mais... pas les budgets alloués à l'Enseignement supérieur ! Mi-novembre, Laurent Wauquiez évoquait une rallonge de 14,5 millions d'euros d'ici fin 2011. Mais selon la Conférence des présidents d'université (CPU), il manquerait "entre 15 et 20 millions pour compenser l'augmentation des salaires due à la pyramide des âges".
À quoi joue le ministère ?
À quoi joue donc le ministère ? C'est la question que se posent plusieurs établissements, pris de cours par la décision de mise sous tutelle.
L'UPMC, première université française dans le classement de Shanghaï jusqu'en 2010, confie à l'AFP qu'à aucun moment le fonctionnement normal de l'université n'a été mis en danger.
"La situation financière, déjà régulée en 2011, sera maîtrisée en 2012 par une diminution des investissements conduisant à l'équilibre budgétaire", indique la présidence.
Même combat pour l'université de Savoie. Cette fois-ci, ce sont les deux années de déficit consécutives qui sont contestées : "Si les comptes de l'exercice 2009 font apparaître un déficit de 1 771 599 euros, en revanche, ceux de l'exercice 2010 dégagent un excédent de 1 415 341 euros. Il n'y a donc pas deux exercices successifs négatifs", s'indigne le président Gilbert Angéneux.
Jean-Yves Mérindol, le directeur de l'ENS Cachan, dénonce, quant à lui, le "manque de responsabilité" du ministère. "À ce jour, personne ne nous a tenus informés de cette décision. Nous l'avons apprise par communiqué et par les médias." À Cachan, les difficultés financières ne datent pas d'hier. Depuis 2004, l'école tire la sonnette d'alarme. En 2010, une inspection confirme les dégâts et un dialogue se met en place pour tenter de redresser la situation. Mais l'école rame pour obtenir des moyens de la part du ministère.
Aujourd'hui, Jean-Yves Mérindol invalide la décision de mise sous tutelle. Pour une raison simple : son établissement, dépendant du rectorat et non du ministère, n'est pas concerné par la mise en place du comité des pairs. Une question se pose toutefois.
Le passage au RCE (responsabilités et compétences élargies) est-il la cause des difficultés de certains établissements ? Pour le président de Cachan, il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais une chose est sûre, les problèmes de déficit et les dysfonctionnements se révèlent à l'occasion de ce passage.
Un exemple ? "L'université délivre doctorats et diplômes, mais doit demander une autorisation pour attribuer la licence. Cela n'a aucun sens !" s'insurge-t-il.
"L'État n'a pas assumé ses compétences" (Cour des comptes)
Pas plus de sens d'ailleurs que la gestion des travaux de désamiantage qui attise la polémique à l'UPMC et son campus de Jussieu. La Cour des comptes dénonce en effet, dans un rapport daté du 17 novembre, "un dérapage financier" qui sera porté devant la Cour de discipline budgétaire.
Le vaste chantier de réhabilitation du campus universitaire devait durer trois ans et coûter 183 millions d'euros. Aujourd'hui, quinze ans plus tard, les échafaudages sont toujours là et l'enveloppe budgétaire a été multipliée par dix ! À qui la faute ? Peut-être à l'absence de coordinateur. C'est en tout cas ce que suggère le rapport. La Cour met en cause l'État, coupable d'avoir pris ses décisions au coup par coup. "Il n'a pas assumé ses compétences, il s'est même déjugé", a affirmé le président Didier Migault.
Manque de chance, c'est justement ce moment qu'a choisi l'Association européenne des universités pour publier son classement sur les niveaux d'autonomie. Et la France ne brille pas par ses performances, loin de là...
En bas du tableau, elle arrive à la 16e place sur 28 en ce qui concerne l'autonomie administrative, à la 22e en matière d'autonomie financière, et sombre littéralement en 27e et dernière position pour la gestion des ressources humaines et l'autonomie académique.
Le ministère a réagi à ce piètre classement, défendant un "modèle français d'autonomie". En clair une autonomie où les présidents d'université n'ont pas la main sur le nombre d'étudiants, la masse salariale, ou l'entretien de leur bâtiments... Wauquiez assume.
jeudi 17 novembre 2011
Ce que coûte la France aux étudiants étrangers
Le Monde, 17 novembre 2011
Les étudiants étrangers sont les bienvenus dans les grandes écoles françaises, mais ils sont priés de passer à la caisse d'abord. Rares sont en effet les établissements dont les frais d'inscription ne sont pas majorés pour les candidats hors Union européenne.
A HEC, le coût par an pour les étrangers est fixé à 17 500 euros, contre 11 900 euros pour les Français et 13 200 euros pour les Européens. L'ESCP (école de commerce à Paris) propose un cursus à 15 500 euros par an (11 500 euros pour les ressortissants de l'UE). A Sciences Po Paris, les droits sont de 13 000 euros en master. "Même les écoles publiques d'ingénieurs se débrouillent pour faire payer plus cher", commente Pascal Codron, directeur de l'Institut supérieur d'agriculture de Lille et responsable de la commission des relations internationales de la Conférence des grandes écoles (CGE).
L'astuce consiste généralement à créer des filières spécifiques permettant la mise en place de droits plus élevés que dans les parcours classiques. Certes, au regard des prix pratiqués par les établissements anglo-saxons, la France reste compétitive. Mais, pour de jeunes Chinois, Indiens ou Brésiliens, le coût peut être prohibitif.
Afin de pallier cet éventuel frein financier, des dispositifs d'aide sont proposés par le gouvernement français. La bourse Eiffel est le plus intéressant. Véritable Graal des étudiants étrangers d'excellence, elle concerne chaque année environ 400 étudiants en master et en doctorat, dont une majorité en grande école, indique Bertrand Sulpice, directeur adjoint d'Egide, l'organisme chargé de la gestion des aides du ministère des affaires étrangères. Pour pouvoir obtenir cette bourse de 1 100 euros par mois, l'étudiant doit être sélectionné par son établissement d'accueil, qui lui seul est habilité à présenter les dossiers de candidature.
Les jeunes Asiatiques partent avec un avantage. Le programme cible en effet les pays émergents ou à fort potentiel scientifique universitaire, dont font partie ceux d'Asie, souligne Bertrand Sulpice. En 2011, on comptait ainsi 93 étudiants chinois parmi les 400 boursiers du niveau master, et 48 % d'Asiatiques boursiers.
Autre outil d'attractivité, les bourses Quai d'Orsay-Entreprises. Les étudiants, sélectionnés par les entreprises conventionnées (qui sont 62 à ce jour, implantées dans 38 pays, dont notamment Thales, Orange, DCNS, Alten, Crédit agricole, Air liquide), se voient attribuer une bourse de plus de 1 000 euros par mois pour venir étudier dans un établissement français. A la clé également pour les élus, un stage dans l'entreprise qui les parraine.
Ces parcours d'études cofinancés concernent surtout les sciences de l'ingénieur, mais aussi les écoles de commerce et les sciences fondamentales. Depuis 2006, date de sa création, 131 étudiants ont bénéficié de ce programme sur mesure.
Egalement accordées par le gouvernement français, les bourses réservées aux étudiants étrangers. Plus importantes que celles du Crous pour les Français, elles visent, explique Bertrand Sulpice, "à couvrir toutes les dépenses d'un séjour d'études". Attribuées en fonction de projets précis qui s'intègrent dans des programmes de coopération établis selon des priorités gouvernementales, elles doivent être demandées par les étudiants en amont de leur départ auprès de l'ambassade de France dans leur pays d'origine.
A noter, par ailleurs, l'existence d'aides à la mobilité octroyées par certains pays à leurs meilleurs élèves ou par des organisations comme le Rotary club, la Commission franco-américaine (cette dernière délivrant les célèbres bourses Fullbright) ou encore par la Commission européenne à travers le programme Erasmus Mundus. Des collectivités, comme la Ville de Paris notamment, disposent elles aussi de budgets ad hoc. A noter, le site Internet de CampusFrance (Campusfrance.org) recense l'ensemble de toutes les bourses.
Hormis ces dispositifs, qui ne concernent finalement qu'une minorité des quelque 30 000 étudiants étrangers inscrits dans les grandes écoles françaises (chiffres 2009 de la CGE), il existe toute une gamme d'aides extrêmement variables d'un établissement d'accueil à l'autre. Sciences Po Paris, avec ses bourses d'excellence Emile-Boutmy de plus de 7 000 euros par an, est à ce titre l'un des plus généreux, mais nombreuses sont les écoles qui prévoient d'accorder des coups de pouce à quelques élèves triés sur le volet.
Difficile en effet aujourd'hui de ne rien proposer aux meilleurs éléments, tant le marché est devenu compétitif sur un plan international. L'ENSCBP (Ecole nationale supérieure de chimie, biologie et physique de Bordeaux), qui peinait à attirer des étudiants étrangers, l'a bien compris. Ainsi, elle a créé en 2010 un prix d'excellence international de 5 000 euros qui récompense chaque année un lauréat choisi parmi les candidats désireux de suivre sa formation dans ses murs.
Les établissements tentent enfin de mettre l'accent sur l'accueil de ces recrues si précieuses. Egide, dont le rôle ne s'arrête pas à la gestion des bourses, peut à ce titre être sollicité. L'initiative est née d'un besoin exprimé par l'Ecole polytechnique, explique Bertrand Sulpice. Afin de pouvoir apporter une réponse adaptée à l'établissement, l'opérateur a conçu une prestation inédite. Le principe : aller à la rencontre des étudiants et les éclairer sur des sujets tels que le système de sécurité sociale étudiante, les mutuelles complémentaires ou encore les titres de séjour. Depuis, d'autres établissements font appel à Egide, qui peut également aider à la recherche d'un logement ou bien accueillir les étudiants à l'aéroport. Des services payants, facturés aux écoles ou aux étudiants.
Toutes ces incitations, qu'elles viennent du gouvernement français ou des établissements eux-mêmes, sont de nature à renforcer l'attractivité des écoles françaises. Toutefois, préviennent Pascal Codron et Bernard Ramanantsoa (directeur général du groupe HEC), la menace qui pèse sur la venue des meilleurs dans l'Hexagone n'est pas le coût des études, mais la circulaire Guéant qui, depuis le printemps 2011, prévoit de réduire le nombre de visas de travail accordés à ces étudiants. "L'inquiétude est immense, et le risque de voir nos efforts anéantis réel", s'alarme le directeur de HEC.
Les étudiants étrangers sont les bienvenus dans les grandes écoles françaises, mais ils sont priés de passer à la caisse d'abord. Rares sont en effet les établissements dont les frais d'inscription ne sont pas majorés pour les candidats hors Union européenne.
A HEC, le coût par an pour les étrangers est fixé à 17 500 euros, contre 11 900 euros pour les Français et 13 200 euros pour les Européens. L'ESCP (école de commerce à Paris) propose un cursus à 15 500 euros par an (11 500 euros pour les ressortissants de l'UE). A Sciences Po Paris, les droits sont de 13 000 euros en master. "Même les écoles publiques d'ingénieurs se débrouillent pour faire payer plus cher", commente Pascal Codron, directeur de l'Institut supérieur d'agriculture de Lille et responsable de la commission des relations internationales de la Conférence des grandes écoles (CGE).
L'astuce consiste généralement à créer des filières spécifiques permettant la mise en place de droits plus élevés que dans les parcours classiques. Certes, au regard des prix pratiqués par les établissements anglo-saxons, la France reste compétitive. Mais, pour de jeunes Chinois, Indiens ou Brésiliens, le coût peut être prohibitif.
Afin de pallier cet éventuel frein financier, des dispositifs d'aide sont proposés par le gouvernement français. La bourse Eiffel est le plus intéressant. Véritable Graal des étudiants étrangers d'excellence, elle concerne chaque année environ 400 étudiants en master et en doctorat, dont une majorité en grande école, indique Bertrand Sulpice, directeur adjoint d'Egide, l'organisme chargé de la gestion des aides du ministère des affaires étrangères. Pour pouvoir obtenir cette bourse de 1 100 euros par mois, l'étudiant doit être sélectionné par son établissement d'accueil, qui lui seul est habilité à présenter les dossiers de candidature.
Les jeunes Asiatiques partent avec un avantage. Le programme cible en effet les pays émergents ou à fort potentiel scientifique universitaire, dont font partie ceux d'Asie, souligne Bertrand Sulpice. En 2011, on comptait ainsi 93 étudiants chinois parmi les 400 boursiers du niveau master, et 48 % d'Asiatiques boursiers.
Autre outil d'attractivité, les bourses Quai d'Orsay-Entreprises. Les étudiants, sélectionnés par les entreprises conventionnées (qui sont 62 à ce jour, implantées dans 38 pays, dont notamment Thales, Orange, DCNS, Alten, Crédit agricole, Air liquide), se voient attribuer une bourse de plus de 1 000 euros par mois pour venir étudier dans un établissement français. A la clé également pour les élus, un stage dans l'entreprise qui les parraine.
Ces parcours d'études cofinancés concernent surtout les sciences de l'ingénieur, mais aussi les écoles de commerce et les sciences fondamentales. Depuis 2006, date de sa création, 131 étudiants ont bénéficié de ce programme sur mesure.
Egalement accordées par le gouvernement français, les bourses réservées aux étudiants étrangers. Plus importantes que celles du Crous pour les Français, elles visent, explique Bertrand Sulpice, "à couvrir toutes les dépenses d'un séjour d'études". Attribuées en fonction de projets précis qui s'intègrent dans des programmes de coopération établis selon des priorités gouvernementales, elles doivent être demandées par les étudiants en amont de leur départ auprès de l'ambassade de France dans leur pays d'origine.
A noter, par ailleurs, l'existence d'aides à la mobilité octroyées par certains pays à leurs meilleurs élèves ou par des organisations comme le Rotary club, la Commission franco-américaine (cette dernière délivrant les célèbres bourses Fullbright) ou encore par la Commission européenne à travers le programme Erasmus Mundus. Des collectivités, comme la Ville de Paris notamment, disposent elles aussi de budgets ad hoc. A noter, le site Internet de CampusFrance (Campusfrance.org) recense l'ensemble de toutes les bourses.
Hormis ces dispositifs, qui ne concernent finalement qu'une minorité des quelque 30 000 étudiants étrangers inscrits dans les grandes écoles françaises (chiffres 2009 de la CGE), il existe toute une gamme d'aides extrêmement variables d'un établissement d'accueil à l'autre. Sciences Po Paris, avec ses bourses d'excellence Emile-Boutmy de plus de 7 000 euros par an, est à ce titre l'un des plus généreux, mais nombreuses sont les écoles qui prévoient d'accorder des coups de pouce à quelques élèves triés sur le volet.
Difficile en effet aujourd'hui de ne rien proposer aux meilleurs éléments, tant le marché est devenu compétitif sur un plan international. L'ENSCBP (Ecole nationale supérieure de chimie, biologie et physique de Bordeaux), qui peinait à attirer des étudiants étrangers, l'a bien compris. Ainsi, elle a créé en 2010 un prix d'excellence international de 5 000 euros qui récompense chaque année un lauréat choisi parmi les candidats désireux de suivre sa formation dans ses murs.
Les établissements tentent enfin de mettre l'accent sur l'accueil de ces recrues si précieuses. Egide, dont le rôle ne s'arrête pas à la gestion des bourses, peut à ce titre être sollicité. L'initiative est née d'un besoin exprimé par l'Ecole polytechnique, explique Bertrand Sulpice. Afin de pouvoir apporter une réponse adaptée à l'établissement, l'opérateur a conçu une prestation inédite. Le principe : aller à la rencontre des étudiants et les éclairer sur des sujets tels que le système de sécurité sociale étudiante, les mutuelles complémentaires ou encore les titres de séjour. Depuis, d'autres établissements font appel à Egide, qui peut également aider à la recherche d'un logement ou bien accueillir les étudiants à l'aéroport. Des services payants, facturés aux écoles ou aux étudiants.
Toutes ces incitations, qu'elles viennent du gouvernement français ou des établissements eux-mêmes, sont de nature à renforcer l'attractivité des écoles françaises. Toutefois, préviennent Pascal Codron et Bernard Ramanantsoa (directeur général du groupe HEC), la menace qui pèse sur la venue des meilleurs dans l'Hexagone n'est pas le coût des études, mais la circulaire Guéant qui, depuis le printemps 2011, prévoit de réduire le nombre de visas de travail accordés à ces étudiants. "L'inquiétude est immense, et le risque de voir nos efforts anéantis réel", s'alarme le directeur de HEC.
jeudi 7 juillet 2011
Nos universités de territoire ont des atouts à défendre
Le Monde, 5 juillet 2011
La loi de programmation sur la recherche, en 2006, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), en 2007, et le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE), à partir de 2009, ont bouleversé le paradigme universitaire, bien au-delà de ce qu'on pouvait imaginer.
Parmi les universités françaises, on peut distinguer celles que nous nommerons "universités de territoire". Souvent de créations récentes et pluridisciplinaires, ces universités sont présentes dans des villes de taille moyenne. Au niveau licence, elles offrent un service public de proximité et contribuent, de manière capitale, à la réalisation de l'objectif "50 % d'une classe d'âge titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur". Aux niveaux master et doctorat et par la recherche, elles contribuent à la vitalité des écosystèmes locaux de l'innovation et jouent un rôle clé dans la construction de la société de la connaissance, au sein de leur territoire. Leurs équipes de recherche ont des compétences spécifiques et reconnues. Tout en partageant des valeurs académiques exigeantes, elles contribuent au développement grâce à de très fortes proximités avec les acteurs socioéconomiques. Ces universités sont souvent pionnières dans différents processus : formations professionnalisantes adaptées aux évolutions des métiers, innovations pédagogiques, recherches partenariales…
De fait, nous mettons en œuvre un nouveau modèle d'université, ouverte sur le monde mais fortement ancrée dans le territoire et en phase avec les attentes très concrètes de tous ceux qui entreprennent. Par les valeurs qui les caractérisent, nos universités sont au cœur des enjeux sociaux, culturels et économiques. D'ailleurs, les collectivités territoriales se placent envers nos universités dans une logique d'investissement – et non plus de subventions –, preuve qu'elles les perçoivent comme de véritables acteurs du développement.
Cependant, la réussite de ces universités dépend étroitement du respect des engagements pris en marge de la LRU, notamment dans le domaine financier. Historiquement moins bien dotées que les "grandes" universités, les universités de territoire font pourtant preuve d'une remarquable efficience, très partiellement prise en compte dans la répartition par l'Etat des moyens nécessaires. Le lissage des dotations calculées par le modèle de répartition des moyens Sympa (système de répartition des moyens à la performance et à l'activité) les met parfois dans des situations les contraignant paradoxalement à la décroissance, alors même que les différents indicateurs de leur performance, notamment de recherche, sont à la hausse. Pour plusieurs de ces universités, les augmentations mécaniques de la masse salariale obèrent leurs potentiels de développement, générant un sentiment de frustration qui obscurcit l'horizon. Ces effets, constatés en 2011, ont d'ailleurs été dénoncés, dès 2010, par le comité de suivi de la loi LRU.
En outre, en visant à accroître la visibilité internationale de quelques grands centres métropolitains, le programme "investissement d'avenir" pose la question de la place et du devenir des universités de territoire en ce qui concerne leur rôle légitime dans l'effort de recherche national. Nos équipes de recherche, fussent-elles de taille modeste, participent pourtant activement aux appels à projets en s'insérant dans de plus grands réseaux. Il est donc primordial d'écarter le spectre de leur "paupérisation" pour leur permettre de continuer à jouer pleinement leur triple rôle dans la réflexion sur la construction de la société de la connaissance, dans la réussite des parcours de nos étudiants et dans le développement et la compétitivité des entreprises.
Cette lettre appelle à faire reconnaître les modèles différenciants que nos universités de territoire mettent en œuvre. Nous en appelons à nos élus pour qu'ils les soutiennent, en faisant reconnaître leurs spécificités et leurs atouts dans le paysage universitaire français de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Olivier Sire, président de l'université de Bretagne-Sud ;
Gérard Blanchard, président de l'université de La Rochelle ;
Alain Brillard, président de l'université de Mulhouse ;
Jacques Marignan, président de l'université de Nîmes ;
Jean-Louis Gout, président de l'université de Pau Pays de l'Adour ;
Jean Benkhelil, président de l'université de Perpignan Via Domitia ;
Marc Saillard, président de l'université du Sud Toulon-Var ;
Mohamed Ourak, président de l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis ;
Richard Messina, président de l'université d'Evry ;
Emmanuel Ethis, président de l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse ;
Gilbert Angenieux, président de l'université de Savoie ;
Roger Durand, président de l'université du Littoral Côte d'Opale ;
Camille Galap, président de l'université du Havre ;
Christian Morzewski, président de l'université d'Artois.
quatorze présidents d'université
La loi de programmation sur la recherche, en 2006, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), en 2007, et le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE), à partir de 2009, ont bouleversé le paradigme universitaire, bien au-delà de ce qu'on pouvait imaginer.
Parmi les universités françaises, on peut distinguer celles que nous nommerons "universités de territoire". Souvent de créations récentes et pluridisciplinaires, ces universités sont présentes dans des villes de taille moyenne. Au niveau licence, elles offrent un service public de proximité et contribuent, de manière capitale, à la réalisation de l'objectif "50 % d'une classe d'âge titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur". Aux niveaux master et doctorat et par la recherche, elles contribuent à la vitalité des écosystèmes locaux de l'innovation et jouent un rôle clé dans la construction de la société de la connaissance, au sein de leur territoire. Leurs équipes de recherche ont des compétences spécifiques et reconnues. Tout en partageant des valeurs académiques exigeantes, elles contribuent au développement grâce à de très fortes proximités avec les acteurs socioéconomiques. Ces universités sont souvent pionnières dans différents processus : formations professionnalisantes adaptées aux évolutions des métiers, innovations pédagogiques, recherches partenariales…
De fait, nous mettons en œuvre un nouveau modèle d'université, ouverte sur le monde mais fortement ancrée dans le territoire et en phase avec les attentes très concrètes de tous ceux qui entreprennent. Par les valeurs qui les caractérisent, nos universités sont au cœur des enjeux sociaux, culturels et économiques. D'ailleurs, les collectivités territoriales se placent envers nos universités dans une logique d'investissement – et non plus de subventions –, preuve qu'elles les perçoivent comme de véritables acteurs du développement.
Cependant, la réussite de ces universités dépend étroitement du respect des engagements pris en marge de la LRU, notamment dans le domaine financier. Historiquement moins bien dotées que les "grandes" universités, les universités de territoire font pourtant preuve d'une remarquable efficience, très partiellement prise en compte dans la répartition par l'Etat des moyens nécessaires. Le lissage des dotations calculées par le modèle de répartition des moyens Sympa (système de répartition des moyens à la performance et à l'activité) les met parfois dans des situations les contraignant paradoxalement à la décroissance, alors même que les différents indicateurs de leur performance, notamment de recherche, sont à la hausse. Pour plusieurs de ces universités, les augmentations mécaniques de la masse salariale obèrent leurs potentiels de développement, générant un sentiment de frustration qui obscurcit l'horizon. Ces effets, constatés en 2011, ont d'ailleurs été dénoncés, dès 2010, par le comité de suivi de la loi LRU.
En outre, en visant à accroître la visibilité internationale de quelques grands centres métropolitains, le programme "investissement d'avenir" pose la question de la place et du devenir des universités de territoire en ce qui concerne leur rôle légitime dans l'effort de recherche national. Nos équipes de recherche, fussent-elles de taille modeste, participent pourtant activement aux appels à projets en s'insérant dans de plus grands réseaux. Il est donc primordial d'écarter le spectre de leur "paupérisation" pour leur permettre de continuer à jouer pleinement leur triple rôle dans la réflexion sur la construction de la société de la connaissance, dans la réussite des parcours de nos étudiants et dans le développement et la compétitivité des entreprises.
Cette lettre appelle à faire reconnaître les modèles différenciants que nos universités de territoire mettent en œuvre. Nous en appelons à nos élus pour qu'ils les soutiennent, en faisant reconnaître leurs spécificités et leurs atouts dans le paysage universitaire français de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Olivier Sire, président de l'université de Bretagne-Sud ;
Gérard Blanchard, président de l'université de La Rochelle ;
Alain Brillard, président de l'université de Mulhouse ;
Jacques Marignan, président de l'université de Nîmes ;
Jean-Louis Gout, président de l'université de Pau Pays de l'Adour ;
Jean Benkhelil, président de l'université de Perpignan Via Domitia ;
Marc Saillard, président de l'université du Sud Toulon-Var ;
Mohamed Ourak, président de l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis ;
Richard Messina, président de l'université d'Evry ;
Emmanuel Ethis, président de l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse ;
Gilbert Angenieux, président de l'université de Savoie ;
Roger Durand, président de l'université du Littoral Côte d'Opale ;
Camille Galap, président de l'université du Havre ;
Christian Morzewski, président de l'université d'Artois.
quatorze présidents d'université
jeudi 30 juin 2011
Le doctorat nouveau est arrivé
Le Monde, 29 juin 2011
"Un modèle où le doctorat sera le diplôme phare et la recherche un moteur", c'est ainsi que Valérie Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, prônait le développement du doctorat en France dans un entretien paru en janvier dans notre hors-série "Le Guide des masters et MBA".
A cet effet, et sous l'impulsion de la Confédération des jeunes chercheurs, le ministère a créé des contrats doctoraux qui ouvrent différents droits dont ceux à la retraite et attestent d'au moins trois ans d'expérience professionnelle dans le public ou le privé. "Reste à ce que cette formation par la recherche soit reconnue dans les conventions collectives. Les entreprises doivent mieux reconnaitre les connaissances et les compétences qu'il y a derrière le doctorat", insistait encore la ministre.
* DES COMPÉTENCES À VALORISER
Et pour que les docteurs soient encore plus pros, les universités leur demandent aujourd'hui de suivre des cours pour compléter leurs compétences disciplinaires. "Depuis l'année dernière, nous avons rendu obligatoires des cours d'anglais pour nos 390 doctorants, explique ainsi Pauline Dreux-Palassy, qui dirige le département de la recherche et de la valorisation de l'université de Cergy-Pontoise. Certains, notamment dans les sciences expérimentales ont un excellent niveau mais d'autres, notamment en droit, ont moins l'occasion de pratiquer l'anglais. Il nous fallait imposer à tous d'acquérir un niveau suffisant pour s'intégrer ensuite sur le marché du travail."
Même volonté à l'université de Nantes (1 400 doctorants), où chaque doctorant suit 100 heures de cours dont la moitié est disciplinaire et l'autre consacrée à la rédaction d'un CV ou au montage d'un projet financier. "Avec le soutien de l'Intelli'agence (ex-association Bernard Grégory), nous organisons aussi des 'Doctoriales' dans le cadre desquelles nos doctorants de toutes disciplines travaillent ensemble sur des projets innovants susceptibles d'intéresser des entreprises", explique Agnès Florin, responsable du collège doctoral Nantes-Atlantique.
Les doctorants peuvent également réaliser une mission complémentaire, dite "doctorants expert", pour laquelle ils consacrent 32 jours de travail à une entreprise de la région. "C'est un dispositif peu coûteux et très efficace pour qu'une entreprise et un doctorant apprennent à se connaître", insiste Agnès Florin.
* COMMENT AMENER LES INGÉNIEURS VERS LE DOCTORAT ?
Si les ingénieurs bénéficient en France d'une grande aura, un petit séjour en Allemagne les déçoit vite quand ils se rendent compte qu'ils passent derrière les ingénieurs-docteurs. Et c'est le cas dans beaucoup d'autres pays. Les grandes écoles d'ingénieurs mettent donc aujourd'hui tout en œuvre pour pousser leurs élèves à poursuivre leur cursus trois ans de plus. "A l'ESTP, nous avons aujourd'hui 15 thésards en contrat Cifre dans le cadre de notre Institut de la constructabilité mais aucun n'est encore ingénieur de l'ESTP, explique Florence Darmon, la directrice de l'école parisienne spécialisés dans le bâtiment et les travaux publics. Pour les motiver à poursuivre leur cursus, nous devons obtenir des entreprises qu'elles les rémunèrent au même niveau que des salariés."
Et elles devraient y trouver leur compte selon elle : "Avoir des ingénieurs chercheurs permettra aux entreprises de mieux faire communiquer ces deux mondes."
Une approche que reprend Olivier Fourure, directeur de la grande école d'ingénieurs aéronautique qu'est l'Isae de Toulouse (issue du rapprochement de l'Ensica et de Sup Aéro) : "Nous avons plus de 200 thésards dont 15 % issus des rangs de l'école. Mais ce chiffre monte depuis que nous initions, dès leur première année, nos élèves à la recherche en les amenant à aller dans nos laboratoires."
Et d'insister : "Nous sommes un secteur qui a particulièrement besoin d'innovation et nos ingénieurs trouvent en thèse les méthodes qui permettront à notre industrie aéronautique de rester un leader mondial."
* UN VÉRITABLE 3E CYCLE DE FORMATION À LA RECHERCHE
"Un docteur c'est quelqu'un de créatif, qui sait sortir du moule, qui arrive à se moduler en fonction des besoins de l'entreprise grâce à sa formation universitaire, confirme Pauline Dreux-Palassy. A nous de leur donner les armes pour faire valoir leurs qualités face aux ingénieurs. A les aider à passer d'un projet passionnel, leur thèse, à un projet professionnel." Et les thésards ont des compétences à faire valoir dont ils n'ont eux-mêmes peu conscience. "Dans le cas d'un scientifique, il aura par exemple appris à négocier avec des fournisseurs ou à faire du management ", reprend Pauline Dreux-Palassy.
La réputation des thésards de ne jamais finir leur thèse est aussi en passe d'être totalement dépassée. "Aujourd'hui en moyenne les thèses dans notre université durent un peu plus de quatre ans et nous travaillons pour arriver progressivement aux trois ans pour tous, ce qui n'est pas loin d'être le cas dans les disciplines scientifiques alors qu'on se rapproche plutôt des cinq ans en sciences humaines et sociales", commente Agnès Florin. Mais il faut aussi compter avec des personnes en activité auxquelles on donne plus de temps.
"Avec sa réduction à trois ans et l'obligation de suivre certains cours la thèse a changé de statut pour devenir un véritable troisième cycle de formation à la recherche, conclut Laurent Batsch, président de l'université Paris-Dauphine. Ce n'est plus l'œuvre d'une vie mais un apprentissage qui sera utile au doctorant, qu'il devienne lui-même enseignant-chercheur ou qu'il se destine à des services d'études en entreprise. L'image du 'doux rêveur' qui collait au thésard est totalement dépassée et on comprend bien maintenant que la thèse est une formation de l'esprit professionnalisante."
Olivier Rollot
"Trois années de grande satisfaction intellectuelle"
"Pour moi la poursuite en doctorat n'avait rien d'évidente. Il a fallu que la start up dans laquelle j'étais en stage me convainque de poursuivre mon cursus avec elle." Marie-Cécile Klak, 26 ans, gardera finalement un très bon souvenir de son doctorat : "Ce furent trois années de grande satisfaction intellectuelle même si au début cela fait un peu peur de se lancer."
Effectué dans le cadre d'un contrat Cifre(*), le doctorat en biochimie de Marie-Cécile Klak portait sur la recherche de pansements pour accélérer la cicatrisation des grands brûlés. "Un sujet particulièrement passionnant pour moi qui avait envie de travailler dans un laboratoire."
Marie-Cécile Klak a aussi beaucoup apprécié d'être soutenue dans son projet professionnel par le Nouveau chapitre de la thèse, une autre initiative de l'Intelli'agence qui met en contact doctorants et entreprises. "Nous travaillons pendant une semaine en groupes de doctorants de toutes disciplines, juristes comme scientifiques ou gestionnaires, pour présenter un projet aux entreprises présentes. Cela nous permet de mieux mesurer toutes les compétences que nous avons acquises."
Alors qu'elle vient de rejoindre la prestigieuse université américaine de Yale pour un contrat de post doctorante, elle se félicite décidément d'avoir choisi la voie universitaire : "Cela correspondait mieux à mon tempérament. Je ne voulais pas être encadrée dans une prépa avec quelqu'un qui me dise ce qu'il me fallait faire. Je voulais être autonome et créative." Le portrait même d'une thésarde…
(*) Les conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) permettent de subventionner les entreprises qui embauchent un doctorant dans le cadre d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public.
"Un modèle où le doctorat sera le diplôme phare et la recherche un moteur", c'est ainsi que Valérie Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, prônait le développement du doctorat en France dans un entretien paru en janvier dans notre hors-série "Le Guide des masters et MBA".
A cet effet, et sous l'impulsion de la Confédération des jeunes chercheurs, le ministère a créé des contrats doctoraux qui ouvrent différents droits dont ceux à la retraite et attestent d'au moins trois ans d'expérience professionnelle dans le public ou le privé. "Reste à ce que cette formation par la recherche soit reconnue dans les conventions collectives. Les entreprises doivent mieux reconnaitre les connaissances et les compétences qu'il y a derrière le doctorat", insistait encore la ministre.
* DES COMPÉTENCES À VALORISER
Et pour que les docteurs soient encore plus pros, les universités leur demandent aujourd'hui de suivre des cours pour compléter leurs compétences disciplinaires. "Depuis l'année dernière, nous avons rendu obligatoires des cours d'anglais pour nos 390 doctorants, explique ainsi Pauline Dreux-Palassy, qui dirige le département de la recherche et de la valorisation de l'université de Cergy-Pontoise. Certains, notamment dans les sciences expérimentales ont un excellent niveau mais d'autres, notamment en droit, ont moins l'occasion de pratiquer l'anglais. Il nous fallait imposer à tous d'acquérir un niveau suffisant pour s'intégrer ensuite sur le marché du travail."
Même volonté à l'université de Nantes (1 400 doctorants), où chaque doctorant suit 100 heures de cours dont la moitié est disciplinaire et l'autre consacrée à la rédaction d'un CV ou au montage d'un projet financier. "Avec le soutien de l'Intelli'agence (ex-association Bernard Grégory), nous organisons aussi des 'Doctoriales' dans le cadre desquelles nos doctorants de toutes disciplines travaillent ensemble sur des projets innovants susceptibles d'intéresser des entreprises", explique Agnès Florin, responsable du collège doctoral Nantes-Atlantique.
Les doctorants peuvent également réaliser une mission complémentaire, dite "doctorants expert", pour laquelle ils consacrent 32 jours de travail à une entreprise de la région. "C'est un dispositif peu coûteux et très efficace pour qu'une entreprise et un doctorant apprennent à se connaître", insiste Agnès Florin.
* COMMENT AMENER LES INGÉNIEURS VERS LE DOCTORAT ?
Si les ingénieurs bénéficient en France d'une grande aura, un petit séjour en Allemagne les déçoit vite quand ils se rendent compte qu'ils passent derrière les ingénieurs-docteurs. Et c'est le cas dans beaucoup d'autres pays. Les grandes écoles d'ingénieurs mettent donc aujourd'hui tout en œuvre pour pousser leurs élèves à poursuivre leur cursus trois ans de plus. "A l'ESTP, nous avons aujourd'hui 15 thésards en contrat Cifre dans le cadre de notre Institut de la constructabilité mais aucun n'est encore ingénieur de l'ESTP, explique Florence Darmon, la directrice de l'école parisienne spécialisés dans le bâtiment et les travaux publics. Pour les motiver à poursuivre leur cursus, nous devons obtenir des entreprises qu'elles les rémunèrent au même niveau que des salariés."
Et elles devraient y trouver leur compte selon elle : "Avoir des ingénieurs chercheurs permettra aux entreprises de mieux faire communiquer ces deux mondes."
Une approche que reprend Olivier Fourure, directeur de la grande école d'ingénieurs aéronautique qu'est l'Isae de Toulouse (issue du rapprochement de l'Ensica et de Sup Aéro) : "Nous avons plus de 200 thésards dont 15 % issus des rangs de l'école. Mais ce chiffre monte depuis que nous initions, dès leur première année, nos élèves à la recherche en les amenant à aller dans nos laboratoires."
Et d'insister : "Nous sommes un secteur qui a particulièrement besoin d'innovation et nos ingénieurs trouvent en thèse les méthodes qui permettront à notre industrie aéronautique de rester un leader mondial."
* UN VÉRITABLE 3E CYCLE DE FORMATION À LA RECHERCHE
"Un docteur c'est quelqu'un de créatif, qui sait sortir du moule, qui arrive à se moduler en fonction des besoins de l'entreprise grâce à sa formation universitaire, confirme Pauline Dreux-Palassy. A nous de leur donner les armes pour faire valoir leurs qualités face aux ingénieurs. A les aider à passer d'un projet passionnel, leur thèse, à un projet professionnel." Et les thésards ont des compétences à faire valoir dont ils n'ont eux-mêmes peu conscience. "Dans le cas d'un scientifique, il aura par exemple appris à négocier avec des fournisseurs ou à faire du management ", reprend Pauline Dreux-Palassy.
La réputation des thésards de ne jamais finir leur thèse est aussi en passe d'être totalement dépassée. "Aujourd'hui en moyenne les thèses dans notre université durent un peu plus de quatre ans et nous travaillons pour arriver progressivement aux trois ans pour tous, ce qui n'est pas loin d'être le cas dans les disciplines scientifiques alors qu'on se rapproche plutôt des cinq ans en sciences humaines et sociales", commente Agnès Florin. Mais il faut aussi compter avec des personnes en activité auxquelles on donne plus de temps.
"Avec sa réduction à trois ans et l'obligation de suivre certains cours la thèse a changé de statut pour devenir un véritable troisième cycle de formation à la recherche, conclut Laurent Batsch, président de l'université Paris-Dauphine. Ce n'est plus l'œuvre d'une vie mais un apprentissage qui sera utile au doctorant, qu'il devienne lui-même enseignant-chercheur ou qu'il se destine à des services d'études en entreprise. L'image du 'doux rêveur' qui collait au thésard est totalement dépassée et on comprend bien maintenant que la thèse est une formation de l'esprit professionnalisante."
Olivier Rollot
"Trois années de grande satisfaction intellectuelle"
"Pour moi la poursuite en doctorat n'avait rien d'évidente. Il a fallu que la start up dans laquelle j'étais en stage me convainque de poursuivre mon cursus avec elle." Marie-Cécile Klak, 26 ans, gardera finalement un très bon souvenir de son doctorat : "Ce furent trois années de grande satisfaction intellectuelle même si au début cela fait un peu peur de se lancer."
Effectué dans le cadre d'un contrat Cifre(*), le doctorat en biochimie de Marie-Cécile Klak portait sur la recherche de pansements pour accélérer la cicatrisation des grands brûlés. "Un sujet particulièrement passionnant pour moi qui avait envie de travailler dans un laboratoire."
Marie-Cécile Klak a aussi beaucoup apprécié d'être soutenue dans son projet professionnel par le Nouveau chapitre de la thèse, une autre initiative de l'Intelli'agence qui met en contact doctorants et entreprises. "Nous travaillons pendant une semaine en groupes de doctorants de toutes disciplines, juristes comme scientifiques ou gestionnaires, pour présenter un projet aux entreprises présentes. Cela nous permet de mieux mesurer toutes les compétences que nous avons acquises."
Alors qu'elle vient de rejoindre la prestigieuse université américaine de Yale pour un contrat de post doctorante, elle se félicite décidément d'avoir choisi la voie universitaire : "Cela correspondait mieux à mon tempérament. Je ne voulais pas être encadrée dans une prépa avec quelqu'un qui me dise ce qu'il me fallait faire. Je voulais être autonome et créative." Le portrait même d'une thésarde…
(*) Les conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) permettent de subventionner les entreprises qui embauchent un doctorant dans le cadre d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public.
mardi 28 juin 2011
Ne tirez pas sur les grandes écoles
Le Monde, 28 juin 2011
Le succès des grandes écoles ne se dément pas alors que dans la période de campagne électorale qui se prépare, les premières frappes s'abattent sur elles. En ce début de mois de juin, c'est plus de 20 000 candidats qui ont décidé de s'élancer sur le tour de France des oraux des grandes écoles de management.
A l'heure du "printemps arabe" et de la gronde des jeunes "indignés" espagnols, qui traduisent le désarroi d'une jeunesse désenchantée par des longues études sans emplois qualifiés à la clé, nos écoles ne proposent certes pas la garantie d'un emploi à vie contre un diplôme. Ce qu'elles offrent à chaque étudiant, c'est l'opportunité de construire un projet professionnel personnel qui débouche sur une employabilité proche de 100 % en fin du parcours. La recette diffère selon l'école, mais elle est partout fondée sur l'alternance entre théorie et pratique, recherche et action. Et forte de sa dimension internationale, elle prépare ses étudiants à évoluer dans une économie globalisée.
Le modèle de la grande école attire les critiques pour sa reproduction sociale. Jugement fondé mais qui tend de plus en plus à se corriger. Les partenariats avec des lycées accueillant des élèves excellents mais n'ayant pas le capital culturel et les réseaux familiaux pour se projeter dans des études longues se multiplient, tout comme les bourses, les prêts sans caution à taux très faible ainsi que les jobs étudiants. Pour nos écoles, il est primordial de renouveler les élites et répondre ainsi aux besoins des entreprises qui viennent sur nos campus à la recherche de la diversité culturelle et sociale de cadres non formatés apportant des idées neuves et ressemblant à leurs clients.
Il est aussi critiqué au motif qu'il serait davantage financé par la collectivité que par l'université, argument particulièrement mal fondé pour les grandes écoles de management, dont les fonds publics représentent aujourd‘hui moins de 10 % de leur budget. Ces mêmes écoles tirent l'essentiel de leurs ressources de droits de scolarité en moyenne inférieurs de 30 % à ce que les universités publiques anglaises vont réclamer à leurs étudiants Bachelor à partir de l'an prochain !
Nous nous réjouissons que l'université bénéficie aujourd'hui d'une injection massive de fonds publics qui lui permet de se moderniser, de s'autonomiser et de s'inscrire dans une démarche professionnalisante. Mais à l'ère de l'économie de la connaissance où la richesse des nations développées vient de leur matière grise, dépassons les oppositions stériles.
Ne tirons pas sur le pianiste et appuyons-nous sur l'originalité et la performance de notre système dual ! Au cours des dix dernières années, les écoles de management ont mué de manière spectaculaire. Elles sont nombreuses à être aujourd'hui accréditées par les organismes internationaux (Equis, AACSB, AMBA). Elles sont de mieux en mieux classées dans les rankings des journaux de référence (Financial Times).
Elles ont attiré dans leurs masters des proportions importantes d'étudiants internationaux qui font de leur salle de classe une assemblée multiculturelle et développé une faculté permanente d'enseignants-chercheurs dont les publications scientifiques internationales sont significativement plus nombreuses que celles de leurs collègues universitaires des mêmes disciplines.
Cette dynamique, favorisée par une gouvernance resserrée et résolument entrepreneuriale, bénéficie considérablement à l'économie nationale et régionale, contribuant à la culture de l'innovation, à l'animation des pôles de compétitivité comme à l'accompagnement des entreprises dans leur conquête des marchés mondiaux. Et les écoles sont prêtes à s'inscrire dans une logique de coopération territoriale avec tous les autres acteurs de l'enseignement supérieur et, au premier chef, l'université au sein des pôles de recherche et d'enseignement (PRES), pour autant que ceux-ci ne soient pas un corset bureaucratique mais un espace de partage et de mise en synergie d'expertises complémentaires.
Bienvenue sur nos campus à tous les candidats et merci à eux pour la confiance dont ils nous honorent. Cette confiance, notre principal rôle va être de la replacer en eux. Le monde professionnel dans lequel ils évolueront sera tout sauf un long fleuve tranquille… Complexe, imprévisible, dangereux parfois, il va requérir des caractères bien trempés et des esprits souples qui sauront saisir toutes les opportunités de développement.
C'est notre fierté de les préparer à assumer demain leurs responsabilités quel que soit le terrain qu'ils choisiront pour y investir leur énergie : grandes entreprises ou start-ups, ONG ou collectivités publiques. Le tour de France est parti pour les candidats. A leur tour maintenant de décider de leur avenir.
Arnaud Langlois-Meurinne, directeur général de Rouen Business School
Le succès des grandes écoles ne se dément pas alors que dans la période de campagne électorale qui se prépare, les premières frappes s'abattent sur elles. En ce début de mois de juin, c'est plus de 20 000 candidats qui ont décidé de s'élancer sur le tour de France des oraux des grandes écoles de management.
A l'heure du "printemps arabe" et de la gronde des jeunes "indignés" espagnols, qui traduisent le désarroi d'une jeunesse désenchantée par des longues études sans emplois qualifiés à la clé, nos écoles ne proposent certes pas la garantie d'un emploi à vie contre un diplôme. Ce qu'elles offrent à chaque étudiant, c'est l'opportunité de construire un projet professionnel personnel qui débouche sur une employabilité proche de 100 % en fin du parcours. La recette diffère selon l'école, mais elle est partout fondée sur l'alternance entre théorie et pratique, recherche et action. Et forte de sa dimension internationale, elle prépare ses étudiants à évoluer dans une économie globalisée.
Le modèle de la grande école attire les critiques pour sa reproduction sociale. Jugement fondé mais qui tend de plus en plus à se corriger. Les partenariats avec des lycées accueillant des élèves excellents mais n'ayant pas le capital culturel et les réseaux familiaux pour se projeter dans des études longues se multiplient, tout comme les bourses, les prêts sans caution à taux très faible ainsi que les jobs étudiants. Pour nos écoles, il est primordial de renouveler les élites et répondre ainsi aux besoins des entreprises qui viennent sur nos campus à la recherche de la diversité culturelle et sociale de cadres non formatés apportant des idées neuves et ressemblant à leurs clients.
Il est aussi critiqué au motif qu'il serait davantage financé par la collectivité que par l'université, argument particulièrement mal fondé pour les grandes écoles de management, dont les fonds publics représentent aujourd‘hui moins de 10 % de leur budget. Ces mêmes écoles tirent l'essentiel de leurs ressources de droits de scolarité en moyenne inférieurs de 30 % à ce que les universités publiques anglaises vont réclamer à leurs étudiants Bachelor à partir de l'an prochain !
Nous nous réjouissons que l'université bénéficie aujourd'hui d'une injection massive de fonds publics qui lui permet de se moderniser, de s'autonomiser et de s'inscrire dans une démarche professionnalisante. Mais à l'ère de l'économie de la connaissance où la richesse des nations développées vient de leur matière grise, dépassons les oppositions stériles.
Ne tirons pas sur le pianiste et appuyons-nous sur l'originalité et la performance de notre système dual ! Au cours des dix dernières années, les écoles de management ont mué de manière spectaculaire. Elles sont nombreuses à être aujourd'hui accréditées par les organismes internationaux (Equis, AACSB, AMBA). Elles sont de mieux en mieux classées dans les rankings des journaux de référence (Financial Times).
Elles ont attiré dans leurs masters des proportions importantes d'étudiants internationaux qui font de leur salle de classe une assemblée multiculturelle et développé une faculté permanente d'enseignants-chercheurs dont les publications scientifiques internationales sont significativement plus nombreuses que celles de leurs collègues universitaires des mêmes disciplines.
Cette dynamique, favorisée par une gouvernance resserrée et résolument entrepreneuriale, bénéficie considérablement à l'économie nationale et régionale, contribuant à la culture de l'innovation, à l'animation des pôles de compétitivité comme à l'accompagnement des entreprises dans leur conquête des marchés mondiaux. Et les écoles sont prêtes à s'inscrire dans une logique de coopération territoriale avec tous les autres acteurs de l'enseignement supérieur et, au premier chef, l'université au sein des pôles de recherche et d'enseignement (PRES), pour autant que ceux-ci ne soient pas un corset bureaucratique mais un espace de partage et de mise en synergie d'expertises complémentaires.
Bienvenue sur nos campus à tous les candidats et merci à eux pour la confiance dont ils nous honorent. Cette confiance, notre principal rôle va être de la replacer en eux. Le monde professionnel dans lequel ils évolueront sera tout sauf un long fleuve tranquille… Complexe, imprévisible, dangereux parfois, il va requérir des caractères bien trempés et des esprits souples qui sauront saisir toutes les opportunités de développement.
C'est notre fierté de les préparer à assumer demain leurs responsabilités quel que soit le terrain qu'ils choisiront pour y investir leur énergie : grandes entreprises ou start-ups, ONG ou collectivités publiques. Le tour de France est parti pour les candidats. A leur tour maintenant de décider de leur avenir.
Arnaud Langlois-Meurinne, directeur général de Rouen Business School
jeudi 23 juin 2011
Pécresse réforme la licence en profondeur
Le Figaro, 22 juin 2011
Après avoir donné leur autonomie aux universités, Valérie Pécresse s'attaque à l'avenir du premier des diplômes universitaires : la licence. Après six mois de négociations avec les principaux acteurs du monde universitaire et de l'entreprise, la ministre de l'Enseignement supérieur et de le recherche vient carrément de finaliser un diplôme qu'elle veut «nouveau» : plus professionnel, plus tourné vers l'emploi, plus qualifiant et surtout revalorisé. Elle ne veut pas perdre du temps : la licence nouvelle version verra donc le jour à la rentrée 2012.
A la clé, trois objectifs : une exigence académique de haut niveau. La licence doit devenir selon la ministre «un diplôme de référence» et permettre une meilleure insertion professionnelle en favorisant les stages en entreprises.
Chaque étudiant devra se voir proposer un stage pour «doper» son cursus. Le but étant à la fois de permettre à ceux qui ne souhaitent pas poursuivre leurs études à l'issue du premier niveau de diplôme universitaire d'avoir accumulé un début d'expérience professionnelle et d'être aussi crédibles lors de leurs premiers pas sur le marché de l'emploi que leurs homologues issus d'écoles de commerce et d'ingénieurs.
«Nous voulons aussi personnaliser les parcours, permettre à ceux qui le souhaitent de changer de filières ou d'université en fonction de leurs compétences, de leurs projets et de leurs résultats», dit-on au cabinet de la ministre. Enfin, la ministre veut prévenir le décrochage universitaire, qui concerne encore 80 000 étudiants chaque année.
«Nous ne partons pas de rien, insiste-t-elle. La dynamique est engagée depuis trois ans, nous avons replacé la pédagogie au coeur des préoccupations de l'université. Notre ambition c'est désormais de généraliser les dispositifs les plus aboutis.» En 2011, quelque 211 millions d'euros ont effectivement été investis dans le plan réussir en licence.
Premier axe pour parvenir à ses fins : Valérie Pécresse va commencer par augmenter le nombre d'heure de cours. Elles seront désormais fixées à un minimum de 1500 heures, pour se rapprocher du modèle des classes préparatoires qui dispensent elles 900 heures par an, soit 1800 sur les deux ans de prépa à leurs étudiants.
S'il atteint déjà 1 745 heures sur les 6 semestres de la licence en «Sciences, technologie, santé» ou en «STAPS», le volume horaire pour une licence n'est que de 1 548 heures en «Droit, économie, gestion», 1432 heures en «Arts, lettres et langues» et «Sciences humaines et sociales» contre 1270 heures avant 2002. Dans certaines disciplines, en fonction des options choisies, le volume horaire minimum est de 1200 heures.
Fini donc en 2012 les emplois du temps parfois jugés bien légers par les parents, qualifiés de «gruyère» par les étudiants. Même s'ils laissent en contrepartie plus de place pour le travail personnel, les recherches documentaires, la lecture et… la douceur de vivre.
C'est bien contre cette image connotée de dilettantisme et perçue comme négative par les employeurs que la ministre engage son offensive. Pas de raison que seuls les diplômés de grandes écoles empruntent des voies royales.
Deuxième axe d'évolution, une généralisation des dispositifs mis en place dans certaines universités de personnalisation des parcours, avec du soutien, des possibilités de réorientation, des itinéraires pour changer de voie en cours d'année universitaire pour éviter de perdre trop de temps.
Mais il s'agit également de développer les dispositifs dits d'excellence (cycles préparatoires, doubles licences, parcours renforcés) qui doivent bénéficier, via l'établissement de passerelles, à l'ensemble des étudiants accueillis à l'université.
Enfin, cette nouvelle licence va comporter un important volet de meilleure préparation à la vie professionnelle avec des stages prévus tout au long des cursus. Une faiblesse du monde universitaire par rapport à celui des grandes écoles ou des IUT.
En effet, seuls 11 % des étudiants de licence font actuellement un stage, essentiellement en troisième année. Seuls 2 % des premières années ont eu une telle expérience, 9 % des deuxième année et 27 % des troisième année.
Une faiblesse aux yeux des chefs d'entreprises quand on sait que les élèves de grandes écoles qui ont jusqu'ici leur préférence effectuent eux des stages nombreux voire des années de césure pour doper leur CV avant de tenter de décrocher leur premier emploi.
Après avoir donné leur autonomie aux universités, Valérie Pécresse s'attaque à l'avenir du premier des diplômes universitaires : la licence. Après six mois de négociations avec les principaux acteurs du monde universitaire et de l'entreprise, la ministre de l'Enseignement supérieur et de le recherche vient carrément de finaliser un diplôme qu'elle veut «nouveau» : plus professionnel, plus tourné vers l'emploi, plus qualifiant et surtout revalorisé. Elle ne veut pas perdre du temps : la licence nouvelle version verra donc le jour à la rentrée 2012.
A la clé, trois objectifs : une exigence académique de haut niveau. La licence doit devenir selon la ministre «un diplôme de référence» et permettre une meilleure insertion professionnelle en favorisant les stages en entreprises.
Chaque étudiant devra se voir proposer un stage pour «doper» son cursus. Le but étant à la fois de permettre à ceux qui ne souhaitent pas poursuivre leurs études à l'issue du premier niveau de diplôme universitaire d'avoir accumulé un début d'expérience professionnelle et d'être aussi crédibles lors de leurs premiers pas sur le marché de l'emploi que leurs homologues issus d'écoles de commerce et d'ingénieurs.
«Nous voulons aussi personnaliser les parcours, permettre à ceux qui le souhaitent de changer de filières ou d'université en fonction de leurs compétences, de leurs projets et de leurs résultats», dit-on au cabinet de la ministre. Enfin, la ministre veut prévenir le décrochage universitaire, qui concerne encore 80 000 étudiants chaque année.
«Nous ne partons pas de rien, insiste-t-elle. La dynamique est engagée depuis trois ans, nous avons replacé la pédagogie au coeur des préoccupations de l'université. Notre ambition c'est désormais de généraliser les dispositifs les plus aboutis.» En 2011, quelque 211 millions d'euros ont effectivement été investis dans le plan réussir en licence.
Premier axe pour parvenir à ses fins : Valérie Pécresse va commencer par augmenter le nombre d'heure de cours. Elles seront désormais fixées à un minimum de 1500 heures, pour se rapprocher du modèle des classes préparatoires qui dispensent elles 900 heures par an, soit 1800 sur les deux ans de prépa à leurs étudiants.
S'il atteint déjà 1 745 heures sur les 6 semestres de la licence en «Sciences, technologie, santé» ou en «STAPS», le volume horaire pour une licence n'est que de 1 548 heures en «Droit, économie, gestion», 1432 heures en «Arts, lettres et langues» et «Sciences humaines et sociales» contre 1270 heures avant 2002. Dans certaines disciplines, en fonction des options choisies, le volume horaire minimum est de 1200 heures.
Fini donc en 2012 les emplois du temps parfois jugés bien légers par les parents, qualifiés de «gruyère» par les étudiants. Même s'ils laissent en contrepartie plus de place pour le travail personnel, les recherches documentaires, la lecture et… la douceur de vivre.
C'est bien contre cette image connotée de dilettantisme et perçue comme négative par les employeurs que la ministre engage son offensive. Pas de raison que seuls les diplômés de grandes écoles empruntent des voies royales.
Deuxième axe d'évolution, une généralisation des dispositifs mis en place dans certaines universités de personnalisation des parcours, avec du soutien, des possibilités de réorientation, des itinéraires pour changer de voie en cours d'année universitaire pour éviter de perdre trop de temps.
Mais il s'agit également de développer les dispositifs dits d'excellence (cycles préparatoires, doubles licences, parcours renforcés) qui doivent bénéficier, via l'établissement de passerelles, à l'ensemble des étudiants accueillis à l'université.
Enfin, cette nouvelle licence va comporter un important volet de meilleure préparation à la vie professionnelle avec des stages prévus tout au long des cursus. Une faiblesse du monde universitaire par rapport à celui des grandes écoles ou des IUT.
En effet, seuls 11 % des étudiants de licence font actuellement un stage, essentiellement en troisième année. Seuls 2 % des premières années ont eu une telle expérience, 9 % des deuxième année et 27 % des troisième année.
Une faiblesse aux yeux des chefs d'entreprises quand on sait que les élèves de grandes écoles qui ont jusqu'ici leur préférence effectuent eux des stages nombreux voire des années de césure pour doper leur CV avant de tenter de décrocher leur premier emploi.
mardi 14 juin 2011
Luc Ferry, l'universitaire qui ne fait pas cours
par Fabrice Melleray, Le Monde, 14 juin 2011
De la même manière que l'on ne saurait déduire du passage d'un cygne blanc que tous les cygnes sont blancs, comme l'écrivait Karl Popper, on ne peut évidemment prétendre que si un universitaire n'assure pas son service, ou s'emploie à s'y soustraire, tous les universitaires procèdent de la même manière.
Pour autant, et même ramenées à un cas que l'on espère isolé et qui est à certains égards exceptionnel (tous les professeurs d'université n'ont pas connu la même carrière politico-administrative que lui), les récentes révélations relatives à la situation statutaire de Luc Ferry posent un très sérieux problème de droit.
On voudrait signaler ici l'existence d'un profond décalage entre la sévérité des règles et la mollesse de leur mise en œuvre.
En droit de la fonction publique, le principe est pourtant clair : les fonctionnaires n'ont droit à rémunération qu'après service fait et, au moins pour les fonctionnaires de l'Etat, le service partiellement fait est assimilé au service non fait.
Il est également acquis qu'un universitaire, sauf s'il bénéficie d'une décharge (totale ou partielle) ou encore s'il est placé dans une position statutaire particulière (détachement, délégation ou mise à disposition), doit assumer l'intégralité de ses obligations d'enseignement.
Son service se compose en effet pour moitié d'activités d'enseignement déterminées par rapport à une durée annuelle de référence égale à 128 heures de cours. Dès lors qu'il n'assure pas tout ou partie de ses obligations statutaires d'enseignement, un professeur d'université doit donc faire l'objet d'une retenue sur traitement.
Et, de la même manière qu'un enseignant qui tarde à remettre ses notes et les copies peut valablement faire l'objet d'une retenue de l'intégralité de son traitement durant cette période, un professeur qui n'assurerait pas ses enseignements devrait subir le même sort.
Que va-t-il cependant très probablement se passer dans le cas d'espèce ?
Soit on parvient à trouver une nouvelle base juridique permettant de dispenser l'intéressé d'assurer son service (mais une telle option est assurément plus délicate à mettre en œuvre depuis que les universités sont devenues autonomes et assument donc l'essentiel des prérogatives, et des devoirs, de l'employeur alors même que les enseignants-chercheurs demeurent des agents de l'Etat), soit on trouve un compromis, le professeur récalcitrant acceptant de faire quelques heures de cours alors que les étudiants ont déjà déserté les bancs des amphithéâtres ou promettant qu'une telle situation ne se reproduira pas à l'avenir.
On se permettra de signaler que, du point de vue du droit, un tel compromis est tout aussi illégal que l'absence de service fait dès lors que le fonctionnaire est dans une situation statutaire et que son employeur ne peut pas l'exempter sans motif valable de l'essentiel de ses obligations d'enseignement.
Il faudra pourtant bien un jour mettre en adéquation le droit et la pratique administrative, sauf à accepter que l'image des universités et des universitaires ne continue à se dégrader.
Fabrice Melleray, professeur de droit public à l'université Montesquieu-Bordeaux IV
De la même manière que l'on ne saurait déduire du passage d'un cygne blanc que tous les cygnes sont blancs, comme l'écrivait Karl Popper, on ne peut évidemment prétendre que si un universitaire n'assure pas son service, ou s'emploie à s'y soustraire, tous les universitaires procèdent de la même manière.
Pour autant, et même ramenées à un cas que l'on espère isolé et qui est à certains égards exceptionnel (tous les professeurs d'université n'ont pas connu la même carrière politico-administrative que lui), les récentes révélations relatives à la situation statutaire de Luc Ferry posent un très sérieux problème de droit.
On voudrait signaler ici l'existence d'un profond décalage entre la sévérité des règles et la mollesse de leur mise en œuvre.
En droit de la fonction publique, le principe est pourtant clair : les fonctionnaires n'ont droit à rémunération qu'après service fait et, au moins pour les fonctionnaires de l'Etat, le service partiellement fait est assimilé au service non fait.
Il est également acquis qu'un universitaire, sauf s'il bénéficie d'une décharge (totale ou partielle) ou encore s'il est placé dans une position statutaire particulière (détachement, délégation ou mise à disposition), doit assumer l'intégralité de ses obligations d'enseignement.
Son service se compose en effet pour moitié d'activités d'enseignement déterminées par rapport à une durée annuelle de référence égale à 128 heures de cours. Dès lors qu'il n'assure pas tout ou partie de ses obligations statutaires d'enseignement, un professeur d'université doit donc faire l'objet d'une retenue sur traitement.
Et, de la même manière qu'un enseignant qui tarde à remettre ses notes et les copies peut valablement faire l'objet d'une retenue de l'intégralité de son traitement durant cette période, un professeur qui n'assurerait pas ses enseignements devrait subir le même sort.
Que va-t-il cependant très probablement se passer dans le cas d'espèce ?
Soit on parvient à trouver une nouvelle base juridique permettant de dispenser l'intéressé d'assurer son service (mais une telle option est assurément plus délicate à mettre en œuvre depuis que les universités sont devenues autonomes et assument donc l'essentiel des prérogatives, et des devoirs, de l'employeur alors même que les enseignants-chercheurs demeurent des agents de l'Etat), soit on trouve un compromis, le professeur récalcitrant acceptant de faire quelques heures de cours alors que les étudiants ont déjà déserté les bancs des amphithéâtres ou promettant qu'une telle situation ne se reproduira pas à l'avenir.
On se permettra de signaler que, du point de vue du droit, un tel compromis est tout aussi illégal que l'absence de service fait dès lors que le fonctionnaire est dans une situation statutaire et que son employeur ne peut pas l'exempter sans motif valable de l'essentiel de ses obligations d'enseignement.
Il faudra pourtant bien un jour mettre en adéquation le droit et la pratique administrative, sauf à accepter que l'image des universités et des universitaires ne continue à se dégrader.
Fabrice Melleray, professeur de droit public à l'université Montesquieu-Bordeaux IV
samedi 11 juin 2011
Vers une fondation des sciences du vivant
Le Point.fr - 10/06/2011
Nicolas Sarkozy souhaite "fédérer les bonnes volontés", y compris "certaines grandes entreprises".
Nicolas Sarkozy a milité vendredi pour la création d'une fondation de coopération scientifique associant organismes de recherche, universités, CHU et entreprises en matière de sciences du vivant, en clôture des 3es rencontres internationales de recherche biomédicale.
S'exprimant devant des chercheurs, le chef de l'État a demandé aux ministres compétents de "parachever la création" de cette fondation en soulignant qu'elle devait "associer des acteurs de la vie quotidienne des Français", et notamment "certaines grandes entreprises d'ores et déjà désireuses de s'engager".
"Au cours des prochains mois, je compte sur vous pour rassembler ces énergies, ces bonnes volontés au service de la santé de nos concitoyens", a-t-il dit à l'adresse de Valérie Pécresse (Recherche), Xavier Bertrand et Nora Berra (Santé) et du patron de l'Alliance des sciences de la vie et de la santé (Aviesan) et P-DG de l'Inserm, André Syrota.
Nicolas Sarkozy a précisé que cette fondation n'avait pas vocation à "mettre la main sur qui que ce soit", "à se substituer aux fondations en cours de création dans les universités autonomes", ou encore à "ajouter une couche de complexité à un dispositif que nous voulons au contraire simplifier".
"Simplifier le paysage"
"Il s'agit simplement de fédérer les bonnes volontés et de simplifier le paysage et de remplacer les innombrables groupements d'intérêt scientifique créés au fil des années", a insisté le président.
"Nous avons besoin de cette coopération entre universités et entreprises (...). Je suis très heureux, on peut (aujourd'hui) dire ça sans être accusés de marchandisation de l'université ou de l'arrivée du capitalisme dans les universités", s'est réjoui Nicolas Sarkozy.
Évoquant les maladies infectieuses, thème de la 3e édition des rencontres, il a assuré que la France tiendrait ses promesses d'aide au Fonds mondial de lutte contre le sida et d'engagement budgétaire en faveur de recherche.
"La crise ralentit la croissance et nos recettes fiscales, mais pas les épidémies. Il n'y a donc aucune raison de baisser la garde", a-t-il plaidé.
Après son discours, Nicolas Sarkozy a déjeuné avec les lauréats de l'appel à projet créant les instituts hospitalo-universitaires (IHU).
Nicolas Sarkozy souhaite "fédérer les bonnes volontés", y compris "certaines grandes entreprises".
Nicolas Sarkozy a milité vendredi pour la création d'une fondation de coopération scientifique associant organismes de recherche, universités, CHU et entreprises en matière de sciences du vivant, en clôture des 3es rencontres internationales de recherche biomédicale.
S'exprimant devant des chercheurs, le chef de l'État a demandé aux ministres compétents de "parachever la création" de cette fondation en soulignant qu'elle devait "associer des acteurs de la vie quotidienne des Français", et notamment "certaines grandes entreprises d'ores et déjà désireuses de s'engager".
"Au cours des prochains mois, je compte sur vous pour rassembler ces énergies, ces bonnes volontés au service de la santé de nos concitoyens", a-t-il dit à l'adresse de Valérie Pécresse (Recherche), Xavier Bertrand et Nora Berra (Santé) et du patron de l'Alliance des sciences de la vie et de la santé (Aviesan) et P-DG de l'Inserm, André Syrota.
Nicolas Sarkozy a précisé que cette fondation n'avait pas vocation à "mettre la main sur qui que ce soit", "à se substituer aux fondations en cours de création dans les universités autonomes", ou encore à "ajouter une couche de complexité à un dispositif que nous voulons au contraire simplifier".
"Simplifier le paysage"
"Il s'agit simplement de fédérer les bonnes volontés et de simplifier le paysage et de remplacer les innombrables groupements d'intérêt scientifique créés au fil des années", a insisté le président.
"Nous avons besoin de cette coopération entre universités et entreprises (...). Je suis très heureux, on peut (aujourd'hui) dire ça sans être accusés de marchandisation de l'université ou de l'arrivée du capitalisme dans les universités", s'est réjoui Nicolas Sarkozy.
Évoquant les maladies infectieuses, thème de la 3e édition des rencontres, il a assuré que la France tiendrait ses promesses d'aide au Fonds mondial de lutte contre le sida et d'engagement budgétaire en faveur de recherche.
"La crise ralentit la croissance et nos recettes fiscales, mais pas les épidémies. Il n'y a donc aucune raison de baisser la garde", a-t-il plaidé.
Après son discours, Nicolas Sarkozy a déjeuné avec les lauréats de l'appel à projet créant les instituts hospitalo-universitaires (IHU).
lundi 31 janvier 2011
Pourquoi le système éducatif français n'est pas propice à l'entreprenariat : réponse de l'Etudiant.fr
http://www.letudiant.fr/jobsstages/creation-entreprise/facebook-aurait-il-pu-etre-cree-sur-un-campus-francais-16519.html
Grandes écoles, facs : ce qui empêche aujourd’hui d’avoir des Zuckerberg français
“Yes we can”. Le slogan de la campagne présidentielle de Barack Obama résume parfaitement l’état d’esprit dans lequel baignent les étudiants des meilleurs campus Outre-Atlantique. De ces têtes bien faites, on attend que l’idée jaillisse. Et cela ne manque pas. Exemple le plus célèbre, à 20 ans, l’étudiant Mark Zuckerberg, créé en 2004, sur le campus de Harvard, Facebook, un trombinoscope en ligne des élèves de la célèbre université. Aujourd’hui, le réseau social réunit 600 millions de membres.
La prime aux “bêtes à concours”, pas aux porteurs de projets
“Penser différemment est encouragé dans le système éducatif américain, contrairement à la France. Aux États-Unis, vous vous formez, en France, on vous forme.” Une comparaison qu’Idriss Aberkane, 25 ans, se permet après avoir fréquenté les systèmes universitaires de part et d’autre de l’Atlantique. Ce jeune entrepreneur dans le microcrédit agricole, passé par la fac d’Orsay (Paris) puis par l’ENS (École normale supérieure), a aussi étudié sur les campus de Cambridge et Stanford. Pour lui, comme pour beaucoup de créateurs interrogés, comparativement aux États-Unis, les élèves et étudiants français sont peu encouragés à proposer des projets extrascolaires. Les prépas sont notamment montrées du doigt comme formant des bêtes à concours plus que des boîtes à idées.
En témoigne Fabrice Le Parc, ancien de HEC (promo 1999) et fondateur de Smartdate, un “Meetic” sur Facebook : “Les élèves passent 2 ou 3 ans à bachoter, ce qui n’a rien à voir avec l’entreprenariat. De 18 à 20 ans, en France, il est impossible d’avoir des idées qui émergent. C’est bien d’étudier la philosophie, l’histoire du monde contemporain, mais ce sont autant d’années de perdues pour le business. Moi, ce n’est qu’en 3e année de HEC, avec la majeure entrepreneur, que j’ai eu le sentiment qu’il était possible de créer ma boîte. Zuckerberg, lui, avait failli vendre un programme à Microsoft alors qu’il n’avait que 18 ans !”
L’esprit d’entreprise ne souffle pas sur nos campus
Autre frein à l’entrepreneuriat des jeunes français : le manque de projection comme créateur d’entreprise. “On juge les gens sur leurs diplômes, non sur ce qu’ils ont accompli dans leur carrière”, regrette ainsi Stanislas di Vittorio, un ancien de Polytechnique (diplômé en 1988), passé par le MIT (Massachusetts Institute of Technology), et fondateur de trois entreprises. “À mon époque, créer une entreprise, personne n’en parlait à X. Pour nous, c’était forcément les grands corps de l’État, les grandes entreprises, à la rigueur la finance…” se souvient-il.
Un avis que partage Fabrice Le Parc, passé lui aussi, mais plus récemment, par une grande école : “On nous inculque que les PME et les start up, c’est la loose, que les meilleurs vont plutôt chez Total, LVMH ou L’Oréal. Aux États-Unis, poursuit-il, Bill Gates ou Mark Zuckerberg abandonnent Harvard pour monter leur boîte. Personne ne quitterait HEC sans diplôme. Dans les grandes écoles, on est plus préoccupé par sa construction de carrière que par la recherche de l’idée de génie. Sur les campus américains, tout le monde a une idée et beaucoup créent leur boîte.”
La peur du risque et de l’échec
Sur les campus français, on est donc loin du discours “harvardesque” : “Vous êtes les futurs créateurs d’entreprise de demain”. La part des jeunes diplômés qui se sont lancés reste encore le plus souvent en deçà des 5 % (pour les grandes écoles de commerce).C’est aussi que certains freins, notamment psychologiques, persistent. “À l’ESCP Europe, les élèves savent qu’ils ont 80 % de chances de trouver du travail en 6 mois. Ils ont un bagage de sécurité, explique Nathan Grass, coordinateur de la chaire entreprenariat de l’ESCP Europe. Créer son entreprise, c’est remettre les compteurs à zéro face aux banques, aux partenaires… Même si la France est championne du monde du soutien à la création d’entreprise, avec 3.000 dispositifs, il y a une difficulté terrible pour trouver les leviers déclencheurs.»
“En France, avoir essayé de monter sa boîte et avoir échoué, c’est une pénalité alors que c’est un plus sur un CV aux USA, regrette Stanislas di Vittorio. Si la société n’est pas tolérante à l’échec, vous poussez les gens à ne pas prendre de risque.” Lui-même se souvient, au moment où il créait l’une des ses entreprises, de s’être fait donner des conseils un peu condescendants par un ancien fonctionnaire confortablement installé à un poste senior dans une grande entreprise du CAC40.
Idriss Aberkane renchérit dans cette analyse : “L’initiative est censurée dans la pratique : si vous venez de la fac, on vous renvoie au fait que vous n’êtes pas suffisamment compétent pour porter un grand projet. Si vous venez d’une grande école, on vous dit que vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes et vous devez faire ce qu’on vous dit. Tout le contraire de l’esprit entrepreneur”. Et tout le contraire de la confiance en eux et de l’assurance dans leurs talents affichées par les geeks fondateurs de Facebook, comme le décrit très bien le film de David Fincher, « The Social Network », sur la genèse du réseau social.
Des raisons d’espérer
Reste que les choses commencent à bouger. À l’image de l’ESSEC, Advancia ou Télécom Bretagne qui le faisaient déjà, les écoles sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à essayer de stimuler la fibre entrepreneuriale qui sommeille en chaque étudiant (ou presque). Que ce soit au travers d’incubateurs, de chaires entreprenariat, de modules/majeure dédiées, de « barcamps » (rencontres-ateliers où chaque spectateur est aussi un participant) sur l’innovation…
“Depuis 2 ou 3 ans, cela évolue très vite, décrit Guilhem Bertholet, directeur de l’incubateur de HEC. C’est de plus en plus facile de créer sa boîte au niveau législatif. Et les écoles investissent en créant des postes dans les incubateurs, au-delà de l’intérêt des étudiants. Dans le programme de HEC, les valeurs de l’entreprenariat sont dispensées auprès de tous les étudiants. Et on propose des stages dans des start up, des concours de business plan… pour que les étudiants se testent.”
La crise a d’ailleurs eu un effet stimulant sur l’envie d’entreprise des étudiants. “Depuis 2 ans, poursuit Guilhem Bertholet, les grands groupes ne sont pas dans une situation mirobolante. Les banques recrutent moins, les équipementiers délocalisent et il y a donc moins de débouchés. Les étudiants sont de plus en plus attirés par l’innovation dans l’entreprenariat et le côté ‘je manage, je suis libre’. ”
Pas de raison, donc, que les obstacles à l’entreprenariat soient rédhibitoires. “En France, on a tout matériellement, mais pas l’état d’esprit”, estime Idriss Aberkane. “D’ailleurs Facebook a failli être inventé en France, avec un Breton qui a développé la partie technique de Copains d’avant”, lance en souriant Pierre Trémenbert, directeur de l’incubateur de Télécom Bretagne. Seule différence infranchissable ? La taille du marché, puisque les créateurs d’entreprise américains peuvent compter sur 350 millions de consommateurs. Quand Copains d’avant affiche 12 millions de membres, Facebook enregistre 600 millions d’amis…
Fabienne Guimont
Janvier 2011
Grandes écoles, facs : ce qui empêche aujourd’hui d’avoir des Zuckerberg français
“Yes we can”. Le slogan de la campagne présidentielle de Barack Obama résume parfaitement l’état d’esprit dans lequel baignent les étudiants des meilleurs campus Outre-Atlantique. De ces têtes bien faites, on attend que l’idée jaillisse. Et cela ne manque pas. Exemple le plus célèbre, à 20 ans, l’étudiant Mark Zuckerberg, créé en 2004, sur le campus de Harvard, Facebook, un trombinoscope en ligne des élèves de la célèbre université. Aujourd’hui, le réseau social réunit 600 millions de membres.
La prime aux “bêtes à concours”, pas aux porteurs de projets
“Penser différemment est encouragé dans le système éducatif américain, contrairement à la France. Aux États-Unis, vous vous formez, en France, on vous forme.” Une comparaison qu’Idriss Aberkane, 25 ans, se permet après avoir fréquenté les systèmes universitaires de part et d’autre de l’Atlantique. Ce jeune entrepreneur dans le microcrédit agricole, passé par la fac d’Orsay (Paris) puis par l’ENS (École normale supérieure), a aussi étudié sur les campus de Cambridge et Stanford. Pour lui, comme pour beaucoup de créateurs interrogés, comparativement aux États-Unis, les élèves et étudiants français sont peu encouragés à proposer des projets extrascolaires. Les prépas sont notamment montrées du doigt comme formant des bêtes à concours plus que des boîtes à idées.
En témoigne Fabrice Le Parc, ancien de HEC (promo 1999) et fondateur de Smartdate, un “Meetic” sur Facebook : “Les élèves passent 2 ou 3 ans à bachoter, ce qui n’a rien à voir avec l’entreprenariat. De 18 à 20 ans, en France, il est impossible d’avoir des idées qui émergent. C’est bien d’étudier la philosophie, l’histoire du monde contemporain, mais ce sont autant d’années de perdues pour le business. Moi, ce n’est qu’en 3e année de HEC, avec la majeure entrepreneur, que j’ai eu le sentiment qu’il était possible de créer ma boîte. Zuckerberg, lui, avait failli vendre un programme à Microsoft alors qu’il n’avait que 18 ans !”
L’esprit d’entreprise ne souffle pas sur nos campus
Autre frein à l’entrepreneuriat des jeunes français : le manque de projection comme créateur d’entreprise. “On juge les gens sur leurs diplômes, non sur ce qu’ils ont accompli dans leur carrière”, regrette ainsi Stanislas di Vittorio, un ancien de Polytechnique (diplômé en 1988), passé par le MIT (Massachusetts Institute of Technology), et fondateur de trois entreprises. “À mon époque, créer une entreprise, personne n’en parlait à X. Pour nous, c’était forcément les grands corps de l’État, les grandes entreprises, à la rigueur la finance…” se souvient-il.
Un avis que partage Fabrice Le Parc, passé lui aussi, mais plus récemment, par une grande école : “On nous inculque que les PME et les start up, c’est la loose, que les meilleurs vont plutôt chez Total, LVMH ou L’Oréal. Aux États-Unis, poursuit-il, Bill Gates ou Mark Zuckerberg abandonnent Harvard pour monter leur boîte. Personne ne quitterait HEC sans diplôme. Dans les grandes écoles, on est plus préoccupé par sa construction de carrière que par la recherche de l’idée de génie. Sur les campus américains, tout le monde a une idée et beaucoup créent leur boîte.”
La peur du risque et de l’échec
Sur les campus français, on est donc loin du discours “harvardesque” : “Vous êtes les futurs créateurs d’entreprise de demain”. La part des jeunes diplômés qui se sont lancés reste encore le plus souvent en deçà des 5 % (pour les grandes écoles de commerce).C’est aussi que certains freins, notamment psychologiques, persistent. “À l’ESCP Europe, les élèves savent qu’ils ont 80 % de chances de trouver du travail en 6 mois. Ils ont un bagage de sécurité, explique Nathan Grass, coordinateur de la chaire entreprenariat de l’ESCP Europe. Créer son entreprise, c’est remettre les compteurs à zéro face aux banques, aux partenaires… Même si la France est championne du monde du soutien à la création d’entreprise, avec 3.000 dispositifs, il y a une difficulté terrible pour trouver les leviers déclencheurs.»
“En France, avoir essayé de monter sa boîte et avoir échoué, c’est une pénalité alors que c’est un plus sur un CV aux USA, regrette Stanislas di Vittorio. Si la société n’est pas tolérante à l’échec, vous poussez les gens à ne pas prendre de risque.” Lui-même se souvient, au moment où il créait l’une des ses entreprises, de s’être fait donner des conseils un peu condescendants par un ancien fonctionnaire confortablement installé à un poste senior dans une grande entreprise du CAC40.
Idriss Aberkane renchérit dans cette analyse : “L’initiative est censurée dans la pratique : si vous venez de la fac, on vous renvoie au fait que vous n’êtes pas suffisamment compétent pour porter un grand projet. Si vous venez d’une grande école, on vous dit que vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes et vous devez faire ce qu’on vous dit. Tout le contraire de l’esprit entrepreneur”. Et tout le contraire de la confiance en eux et de l’assurance dans leurs talents affichées par les geeks fondateurs de Facebook, comme le décrit très bien le film de David Fincher, « The Social Network », sur la genèse du réseau social.
Des raisons d’espérer
Reste que les choses commencent à bouger. À l’image de l’ESSEC, Advancia ou Télécom Bretagne qui le faisaient déjà, les écoles sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à essayer de stimuler la fibre entrepreneuriale qui sommeille en chaque étudiant (ou presque). Que ce soit au travers d’incubateurs, de chaires entreprenariat, de modules/majeure dédiées, de « barcamps » (rencontres-ateliers où chaque spectateur est aussi un participant) sur l’innovation…
“Depuis 2 ou 3 ans, cela évolue très vite, décrit Guilhem Bertholet, directeur de l’incubateur de HEC. C’est de plus en plus facile de créer sa boîte au niveau législatif. Et les écoles investissent en créant des postes dans les incubateurs, au-delà de l’intérêt des étudiants. Dans le programme de HEC, les valeurs de l’entreprenariat sont dispensées auprès de tous les étudiants. Et on propose des stages dans des start up, des concours de business plan… pour que les étudiants se testent.”
La crise a d’ailleurs eu un effet stimulant sur l’envie d’entreprise des étudiants. “Depuis 2 ans, poursuit Guilhem Bertholet, les grands groupes ne sont pas dans une situation mirobolante. Les banques recrutent moins, les équipementiers délocalisent et il y a donc moins de débouchés. Les étudiants sont de plus en plus attirés par l’innovation dans l’entreprenariat et le côté ‘je manage, je suis libre’. ”
Pas de raison, donc, que les obstacles à l’entreprenariat soient rédhibitoires. “En France, on a tout matériellement, mais pas l’état d’esprit”, estime Idriss Aberkane. “D’ailleurs Facebook a failli être inventé en France, avec un Breton qui a développé la partie technique de Copains d’avant”, lance en souriant Pierre Trémenbert, directeur de l’incubateur de Télécom Bretagne. Seule différence infranchissable ? La taille du marché, puisque les créateurs d’entreprise américains peuvent compter sur 350 millions de consommateurs. Quand Copains d’avant affiche 12 millions de membres, Facebook enregistre 600 millions d’amis…
Fabienne Guimont
Janvier 2011
dimanche 16 janvier 2011
Facs : Sois «excellente» et tu auras de l’argent
Libération, 14 janvier 2011
Les meilleures universités vont absorber, en 2011, une large partie du budget du supérieur.
«Depuis 2007, les crédits de fonctionnement progressent de manière exceptionnelle» : la phrase a beau être écrite 80 fois - en haut de chaque page - dans le dossier de presse du ministère de l’Enseignement supérieur, l’Etat n’est pas très généreux cette année avec les universités.
Les moyens de fonctionnement qu’il leur alloue augmentent de 78 millions d’euros, soit de 3% en moyenne, alors que la hausse était de 131 millions en 2010 et de 146 millions en 2009.
La ministre, Valérie Pécresse, qui présentait vendredi les budgets des universités, a tenu à rappeler que le secteur était le seul à échapper à la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et donc aux réductions de postes.
Elle s’est aussi félicitée de la «poursuite de la dynamique» lancée par Nicolas Sarkozy, vantant les 56% d’augmentation des moyens, entre 2007 et 2011, de Lille-II - dont les effectifs étudiants ont bondi - les 50% d’Angers ou les 31% de Paris-XIII.
Mais on assiste bien à un ralentissement en 2011. De nombreuses universités vont connaître une stagnation en termes réels de leurs moyens de fonctionnement, en hausse de 1,5%, équivalent à l’inflation.
En fait, seules celles devenues autonomes au 1er janvier 2011 bénéficient de hausses importantes - jusqu’à 11 % pour Grenoble-II - afin de leur permettre d’assumer les charges nouvelles qui leur incombent.
Le vrai enjeu financier pour les universités est désormais le grand emprunt, rebaptisé «Investissements d’avenir».
En 2011, elles vont se partager à ce titre 1,5 milliard d’euros, sur les 3,6 milliards destinés au supérieur et à la recherche, a indiqué la ministre, la différence devant aller au nucléaire, à l’espace et à l’aéronautique.
Mais seules les universités dont les projets d’«excellence» auront été retenus, recevront la manne. Et les autres n’auront rien.
C’est la principale critique des syndicats : le grand emprunt va creuser encore l’écart entre les grandes universités, notamment les scientifiques dotées d’une puissante recherche, et les petites.
Valérie Pécresse a aussi dû reconnaître que l’autonomie avait quelques ratés.
Certaines universités autonomes «n’ont pas su prévoir l’évolution de leurs masses salariales», a-t-elle regretté, et se retrouvent en déficit. Le ministère va examiner chaque cas afin de voir celles qu’il faudrait renflouer. Il compte aussi sur la «solidarité» des universités plus florissantes pour donner aux autres.
Les meilleures universités vont absorber, en 2011, une large partie du budget du supérieur.
«Depuis 2007, les crédits de fonctionnement progressent de manière exceptionnelle» : la phrase a beau être écrite 80 fois - en haut de chaque page - dans le dossier de presse du ministère de l’Enseignement supérieur, l’Etat n’est pas très généreux cette année avec les universités.
Les moyens de fonctionnement qu’il leur alloue augmentent de 78 millions d’euros, soit de 3% en moyenne, alors que la hausse était de 131 millions en 2010 et de 146 millions en 2009.
La ministre, Valérie Pécresse, qui présentait vendredi les budgets des universités, a tenu à rappeler que le secteur était le seul à échapper à la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et donc aux réductions de postes.
Elle s’est aussi félicitée de la «poursuite de la dynamique» lancée par Nicolas Sarkozy, vantant les 56% d’augmentation des moyens, entre 2007 et 2011, de Lille-II - dont les effectifs étudiants ont bondi - les 50% d’Angers ou les 31% de Paris-XIII.
Mais on assiste bien à un ralentissement en 2011. De nombreuses universités vont connaître une stagnation en termes réels de leurs moyens de fonctionnement, en hausse de 1,5%, équivalent à l’inflation.
En fait, seules celles devenues autonomes au 1er janvier 2011 bénéficient de hausses importantes - jusqu’à 11 % pour Grenoble-II - afin de leur permettre d’assumer les charges nouvelles qui leur incombent.
Le vrai enjeu financier pour les universités est désormais le grand emprunt, rebaptisé «Investissements d’avenir».
En 2011, elles vont se partager à ce titre 1,5 milliard d’euros, sur les 3,6 milliards destinés au supérieur et à la recherche, a indiqué la ministre, la différence devant aller au nucléaire, à l’espace et à l’aéronautique.
Mais seules les universités dont les projets d’«excellence» auront été retenus, recevront la manne. Et les autres n’auront rien.
C’est la principale critique des syndicats : le grand emprunt va creuser encore l’écart entre les grandes universités, notamment les scientifiques dotées d’une puissante recherche, et les petites.
Valérie Pécresse a aussi dû reconnaître que l’autonomie avait quelques ratés.
Certaines universités autonomes «n’ont pas su prévoir l’évolution de leurs masses salariales», a-t-elle regretté, et se retrouvent en déficit. Le ministère va examiner chaque cas afin de voir celles qu’il faudrait renflouer. Il compte aussi sur la «solidarité» des universités plus florissantes pour donner aux autres.
samedi 1 janvier 2011
Cinq universités propriétaires de leurs murs en 2011
Le Figaro, 5 novembre 2010
Les établissements pourront vendre, construire, détruire leurs bâtiments sans demander son accord à l'État.
Cinq premières universités sont retenues par le ministère de l'Enseignement supérieur pour devenir propriétaires de leur patrimoine immobilier, dont quatre pourront s'engager dans le processus de dévolution début 2011: Clermont-I, Poitiers, Toulouse-I et l'université de Corte.
Cette dernière nécessite cependant au préalable une modification législative puisque c'est l'Assemblée territoriale de Corse qui en est propriétaire.
La dévolution de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu) devrait être actée en 2011 mais elle ne sera effective qu'en 2014 à la fin des travaux sur le campus.
La possibilité de devenir propriétaire de leurs murs est offerte aux universités volontaires depuis la loi sur l'autonomie de 2007.
D'ici à fin décembre 2010, les cinq pionnières vont négocier leur dotation financière avec l'État. Elles bénéficieront d'un financement ponctuel pour des travaux de mise en sécurité avant la dévolution, et d'un financement annuel récurrent calculé sur l'activité «pour permettre le gros entretien et le renouvellement du patrimoine transféré».
Quelque 250 millions d'euros ont déjà été versés par l'État depuis deux ans en vue de ces transmissions.
La dévolution de leur patrimoine va permettre aux universités de lancer librement et de financer tous leurs travaux, d'acheter ou vendre des immeubles ou des terrains et de garder 100 % des produits de cession en cas de vente et d'adapter leur parc immobilier à leur activité.
Actuellement, une université qui a besoin de faire des travaux ou qui souhaite acheter un bâtiment doit demander à l'État son accord sur le principe et pour le financement, pour chaque chantier.
Et lorsqu'un bien appartenant à l'État est vendu, elle ne bénéficie pas forcément du produit de la cession, ni du montant intégral de la vente : l'État conserve habituellement 35 % de ce montant.
Il en résulte «une mauvaise utilisation des implantations immobilières, et un manque de cohérence avec le projet d'établissement», selon le ministère.
«C'est le prétexte pour ne jamais bouger, explique Valérie Pécresse, on conserve de vieux bâtiments à côté de nouveaux». L'État reconnaît qu'il «n'est pas un bon gestionnaire», affirme-t-elle, «les universités ne pourront plus quant à elle se défausser».
«C'est très complexe»
L'État est actuellement propriétaire de 15,2 millions de mètres carrés de foncier bâti répartis sur plus de 6 350 bâtiments d'enseignement supérieur, dont 35 % sont considérés en état moyen, mauvais, voire «très mauvais», un patrimoine estimé au total à 20 milliards d'euros par France Domaine.
Seuls neuf établissements sur quatre-vingt-trois ont pour l'instant réclamé la propriété.
Outre les cinq qui ont reçu l'aval du ministère, quatre autres universités candidates, Avignon, Cergy-Pontoise, Paris-II Panthéon-Assas et Paris-Est Marne-la-Vallée, verront cette possibilité ouverte à partir de 2012, leurs dossiers n'étant pas jugés encore suffisamment avancés.
Si d'autres universités n'ont pas réclamé la dévolution, c'est qu'en interne «beaucoup pensent qu'on n'aura pas les moyens de s'en occuper, que l'État est plus compétent», estime un président d'université qui souligne aussi des «oppositions politiques».
«Tout le monde n'a pas forcément envie de se lancer car c'est très complexe», indique un autre.
Selon un fin observateur du milieu universitaire, le gouvernement n'avait de toute façon pas intérêt à ce que les universités soient trop nombreuses à réclamer la propriété de leurs murs «car cela représente un coût important».
Les établissements pourront vendre, construire, détruire leurs bâtiments sans demander son accord à l'État.
Cinq premières universités sont retenues par le ministère de l'Enseignement supérieur pour devenir propriétaires de leur patrimoine immobilier, dont quatre pourront s'engager dans le processus de dévolution début 2011: Clermont-I, Poitiers, Toulouse-I et l'université de Corte.
Cette dernière nécessite cependant au préalable une modification législative puisque c'est l'Assemblée territoriale de Corse qui en est propriétaire.
La dévolution de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu) devrait être actée en 2011 mais elle ne sera effective qu'en 2014 à la fin des travaux sur le campus.
La possibilité de devenir propriétaire de leurs murs est offerte aux universités volontaires depuis la loi sur l'autonomie de 2007.
D'ici à fin décembre 2010, les cinq pionnières vont négocier leur dotation financière avec l'État. Elles bénéficieront d'un financement ponctuel pour des travaux de mise en sécurité avant la dévolution, et d'un financement annuel récurrent calculé sur l'activité «pour permettre le gros entretien et le renouvellement du patrimoine transféré».
Quelque 250 millions d'euros ont déjà été versés par l'État depuis deux ans en vue de ces transmissions.
La dévolution de leur patrimoine va permettre aux universités de lancer librement et de financer tous leurs travaux, d'acheter ou vendre des immeubles ou des terrains et de garder 100 % des produits de cession en cas de vente et d'adapter leur parc immobilier à leur activité.
Actuellement, une université qui a besoin de faire des travaux ou qui souhaite acheter un bâtiment doit demander à l'État son accord sur le principe et pour le financement, pour chaque chantier.
Et lorsqu'un bien appartenant à l'État est vendu, elle ne bénéficie pas forcément du produit de la cession, ni du montant intégral de la vente : l'État conserve habituellement 35 % de ce montant.
Il en résulte «une mauvaise utilisation des implantations immobilières, et un manque de cohérence avec le projet d'établissement», selon le ministère.
«C'est le prétexte pour ne jamais bouger, explique Valérie Pécresse, on conserve de vieux bâtiments à côté de nouveaux». L'État reconnaît qu'il «n'est pas un bon gestionnaire», affirme-t-elle, «les universités ne pourront plus quant à elle se défausser».
«C'est très complexe»
L'État est actuellement propriétaire de 15,2 millions de mètres carrés de foncier bâti répartis sur plus de 6 350 bâtiments d'enseignement supérieur, dont 35 % sont considérés en état moyen, mauvais, voire «très mauvais», un patrimoine estimé au total à 20 milliards d'euros par France Domaine.
Seuls neuf établissements sur quatre-vingt-trois ont pour l'instant réclamé la propriété.
Outre les cinq qui ont reçu l'aval du ministère, quatre autres universités candidates, Avignon, Cergy-Pontoise, Paris-II Panthéon-Assas et Paris-Est Marne-la-Vallée, verront cette possibilité ouverte à partir de 2012, leurs dossiers n'étant pas jugés encore suffisamment avancés.
Si d'autres universités n'ont pas réclamé la dévolution, c'est qu'en interne «beaucoup pensent qu'on n'aura pas les moyens de s'en occuper, que l'État est plus compétent», estime un président d'université qui souligne aussi des «oppositions politiques».
«Tout le monde n'a pas forcément envie de se lancer car c'est très complexe», indique un autre.
Selon un fin observateur du milieu universitaire, le gouvernement n'avait de toute façon pas intérêt à ce que les universités soient trop nombreuses à réclamer la propriété de leurs murs «car cela représente un coût important».
90 % des universités en gestion autonome
Le Figaro, 31 décembre 2010
Après deux premières vagues en 2009 et 2010, 22 nouveaux établissements accèdent à une plus grande indépendance.
Au 1er janvier 2011, 22 nouvelles universités vont devenir autonomes. Elles rejoignent les 18 qui ont franchi le pas dès 2009 et les 33 qui ont poursuivi le mouvement en 2010.
Près de trois ans et demi après le vote de la loi, 90 % des universités françaises seront donc passées à l'autonomie. Les neuf dernières devront se plier à la loi avant le 11 août 2012.
Dès janvier 2011, les 22 nouveaux établissements autonomes seront davantage maîtres de leur destin. Ils vont gérer leurs ressources humaines et leur budget, auparavant orienté par l'État. Selon les universités déjà passées à l'autonomie, la loi a changé l'état d'esprit.
«Le principal impact est psychologique. Les enseignants-chercheurs sont moins dans l'autocensure, car les crédits sont moins fléchés », explique un directeur de laboratoire de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu).
En matière d'insertion professionnelle, la LRU «a fortement modifié notre image auprès du patronat. On devient un interlocuteur majeur », affirmait récemment Marc Gontard, président de l'université Rennes-II.
La maîtrise de leur masse salariale permet aux universités autonomes de dégager des marges de manœuvre pour conduire leur politique, notamment en matière de décharges de services ou de recrutement. Les conseils d'administration peuvent définir une politique salariale différenciée en attribuant des primes.
L'université de Metz a une souplesse accrue dans la rémunération et la possibilité de primes pour les contrats à durée indéterminée.
Symbolique de cette nouveauté, quelques universités ont aussi recruté cette année des chercheurs réputés à l'étranger, comme Paris-VII, qui a fait venir un professeur américain prix Nobel de physique.
Selon les présidents, l'application de la loi génère toutefois un «stress important » pour les personnels, soumis à de forts changements ; ils précisent aussi qu'il faut être vigilant sur « les concurrences parfois excessives entre universités ».
Le mode électoral du conseil d'administration continue par ailleurs à provoquer des frustrations. Selon Vincent Berger, de Paris-VII, le mode de scrutin peut amener à des majorités écrasantes, sans alternative, qui «frustrent une partie des gens ».
«Chaque université est poussée à se mobiliser dans une dynamique propre, à développer des initiatives locales, explique Louis Vogel, président récemment élu de la Conférence des présidents d'université, mais si on veut réussir l'autonomie, il faut que l'État poursuive son effort financier. Or nous sommes encore sous-dotés.» Il rappelle que la dépense annuelle pour un étudiant reste à «un peu plus de 9 000 euros, contre 15 000 en Suède ».
En outre, certaines universités autonomes sont actuellement confrontées à une évolution à la hausse de leur masse salariale. Dans la subvention transférée par l'État, les postes temporairement vacants et l'impact de la pyramide des âges n'ont pas été pris en compte, selon Jean-Charles Pomerol, le président de Pierre-et-Marie-Curie.
La masse salariale effectivement payée dépasse donc la subvention reçue du ministère. Dans son université, il s'agit de 3 millions d'euros. L'université de La Rochelle a dû reporter le vote de son budget pour cette même raison. Le ministère se veut toutefois rassurant à ce sujet.
La prochaine étape découlant de la loi de 2007 sera celle de la dévolution du patrimoine.
Cinq premières universités volontaires sont retenues par le ministère de l'Enseignement supérieur pour devenir propriétaires de leur patrimoine immobilier, dont quatre pourront s'engager dans le processus de dévolution début 2011 : Clermont-I, Poitiers, Toulouse-I et l'université de Corte. La dévolution de l'université Pierre-et-Marie-Curie devrait aussi être actée en 2011.
Ainsi, les universités pourront lancer librement et financer tous leurs travaux, acheter ou vendre des immeubles et pourquoi pas des terrains. Elles garderont 100 % des produits de cession en cas de vente et pourront adapter leur parc immobilier à leur activité.
Actuellement, une université qui a besoin de faire des travaux ou qui souhaite acheter un bâtiment doit demander à l'État son accord d'abord sur le principe, puis pour le financement de chaque chantier.
Après deux premières vagues en 2009 et 2010, 22 nouveaux établissements accèdent à une plus grande indépendance.
Au 1er janvier 2011, 22 nouvelles universités vont devenir autonomes. Elles rejoignent les 18 qui ont franchi le pas dès 2009 et les 33 qui ont poursuivi le mouvement en 2010.
Près de trois ans et demi après le vote de la loi, 90 % des universités françaises seront donc passées à l'autonomie. Les neuf dernières devront se plier à la loi avant le 11 août 2012.
Dès janvier 2011, les 22 nouveaux établissements autonomes seront davantage maîtres de leur destin. Ils vont gérer leurs ressources humaines et leur budget, auparavant orienté par l'État. Selon les universités déjà passées à l'autonomie, la loi a changé l'état d'esprit.
«Le principal impact est psychologique. Les enseignants-chercheurs sont moins dans l'autocensure, car les crédits sont moins fléchés », explique un directeur de laboratoire de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu).
En matière d'insertion professionnelle, la LRU «a fortement modifié notre image auprès du patronat. On devient un interlocuteur majeur », affirmait récemment Marc Gontard, président de l'université Rennes-II.
La maîtrise de leur masse salariale permet aux universités autonomes de dégager des marges de manœuvre pour conduire leur politique, notamment en matière de décharges de services ou de recrutement. Les conseils d'administration peuvent définir une politique salariale différenciée en attribuant des primes.
L'université de Metz a une souplesse accrue dans la rémunération et la possibilité de primes pour les contrats à durée indéterminée.
Symbolique de cette nouveauté, quelques universités ont aussi recruté cette année des chercheurs réputés à l'étranger, comme Paris-VII, qui a fait venir un professeur américain prix Nobel de physique.
Selon les présidents, l'application de la loi génère toutefois un «stress important » pour les personnels, soumis à de forts changements ; ils précisent aussi qu'il faut être vigilant sur « les concurrences parfois excessives entre universités ».
Le mode électoral du conseil d'administration continue par ailleurs à provoquer des frustrations. Selon Vincent Berger, de Paris-VII, le mode de scrutin peut amener à des majorités écrasantes, sans alternative, qui «frustrent une partie des gens ».
«Chaque université est poussée à se mobiliser dans une dynamique propre, à développer des initiatives locales, explique Louis Vogel, président récemment élu de la Conférence des présidents d'université, mais si on veut réussir l'autonomie, il faut que l'État poursuive son effort financier. Or nous sommes encore sous-dotés.» Il rappelle que la dépense annuelle pour un étudiant reste à «un peu plus de 9 000 euros, contre 15 000 en Suède ».
En outre, certaines universités autonomes sont actuellement confrontées à une évolution à la hausse de leur masse salariale. Dans la subvention transférée par l'État, les postes temporairement vacants et l'impact de la pyramide des âges n'ont pas été pris en compte, selon Jean-Charles Pomerol, le président de Pierre-et-Marie-Curie.
La masse salariale effectivement payée dépasse donc la subvention reçue du ministère. Dans son université, il s'agit de 3 millions d'euros. L'université de La Rochelle a dû reporter le vote de son budget pour cette même raison. Le ministère se veut toutefois rassurant à ce sujet.
La prochaine étape découlant de la loi de 2007 sera celle de la dévolution du patrimoine.
Cinq premières universités volontaires sont retenues par le ministère de l'Enseignement supérieur pour devenir propriétaires de leur patrimoine immobilier, dont quatre pourront s'engager dans le processus de dévolution début 2011 : Clermont-I, Poitiers, Toulouse-I et l'université de Corte. La dévolution de l'université Pierre-et-Marie-Curie devrait aussi être actée en 2011.
Ainsi, les universités pourront lancer librement et financer tous leurs travaux, acheter ou vendre des immeubles et pourquoi pas des terrains. Elles garderont 100 % des produits de cession en cas de vente et pourront adapter leur parc immobilier à leur activité.
Actuellement, une université qui a besoin de faire des travaux ou qui souhaite acheter un bâtiment doit demander à l'État son accord d'abord sur le principe, puis pour le financement de chaque chantier.
La nouvelle vie du président de Pierre-et-Marie-Curie
Le Figaro, 31 décembre 2010
Au dernier étage de la tour de Jussieu qui surplombe Paris, c'est la «soirée en or» de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu). Quarante-cinq personnes, pour l'essentiel des enseignants de premier plan, sont honorées symboliquement par Jean-Charles Pomerol, le président, pour les distinctions qu'ils ont reçues dans l'année. Preuve que les temps changent, de Cédric Villani, médaille Fields en mathématiques, à Bernard Derrida, médaille Boltzmann en physique statistique, la plupart ont fait le déplacement pour cette soirée placée sous le signe de l'excellence scientifique. «L'esprit de corps pour une université française, c'est nouveau. Il se construit peu à peu», explique Jean-Charles Pomerol. Au sein de cette vieille dame compassée que reste l'Université, chacun a tendance à se référer à son «labo», ou au CNRS, même si Paris-VI est le premier établissement d'enseignement supérieur français du classement de Shanghaï. Une vision plus positive de l'université, tel est, aux yeux des enseignants, le principal effet de la loi sur l'autonomie que s'est appropriée Paris-VI, il y a deux ans. «On avait déjà des possibilités de souplesse en matière de ressources humaines. On a pu les étendre», observe ce professeur à la tête d'un laboratoire de physique fondamentale. Jean-Charles Pomerol, lui, estime avoir désormais «un vrai rôle de président». À ses pieds, le campus accueille 31.000 étudiants et 3250 enseignants-chercheurs, une véritable ville au cœur du Quartier latin.
Des recrutements plus simples
Sur les 420 millions d'euros de budget annuel, une fois retranchés les 350 millions d'euros de masse salariale et 70 millions d'euros de fonctionnement, il lui reste 15 %, soit de 20 à 30 millions d'euros de souplesse. Il lui est plus facile d'organiser certains recrutements ou de monter des chaires soutenues par des entreprises. «Je peux allonger plus d'argent ou monter des contrats spécifiques pour tel ou tel chercheur de haut niveau», explique-t-il. Autre nouveauté, la politique des primes, en hausse moyenne de 25 %, est devenue «plus généreuse et transparente» pour les enseignants-chercheurs.
La loi LRU ne constitue pas pour autant, selon lui, une révolution. «Elle a accompagné les mœurs. La plupart des universités avaient anticipé l'autonomie parfois depuis une dizaine d'années. Certes, auparavant, on pouvait se faire titiller d'un point de vue légal lors de certaines prises de décision. Ce n'est plus le cas. » Tous les matins, dès 6 h 45, Jean-Charles Pomerol s'attelle à son travail «sinon (il) n'arrive pas à tout faire». Pendant une heure, il s'occupe de sa montagne de courrier. Ce matin-là, il lui faut signer des contrats de travail de chercheurs, organiser l'achat de matériel antivirus pour un laboratoire, le financement d'un postdoctorant américain ou encore une campagne contre l'homophobie. Face au courrier d'une grande école, son visage se fige. «Les écoles d'ingénieurs veulent faire de la publicité dans l'université pour prendre nos meilleurs étudiants de premier ou deuxième cycle. C'est un marché de dupes», soupire-t-il, car, si quelques poignées d'étudiants peuvent y trouver leur compte, l'université n'a rien à y gagner. Ce type de lettre «part d'habitude directement à la poubelle», sauf lorsqu'il s'agit des Ponts ou de Supélec, avec qui il partage un laboratoire.
Il s'occupe aussi des 500 anomalies relevées ces dernières semaines dans le secteur ouest du campus, récemment rénové. Problèmes de chauffage, de fenêtres qui ne ferment pas ou de portes qui tombent sur les gens, tout transite par lui. Les courriels se sont accumulés. On y lit par exemple : «Je ne peux pas rester dans mon bureau, il y fait 10 degrés !» Ces problèmes engendrent beaucoup «de frustrations et rendent les gens nerveux». Il va écrire une lettre de protestation à l'Épaurif, l'établissement public qui s'est occupé du chantier, sans grande conviction. «Je peux leur demander une transaction financière. Mais en attendant, c'est moi qui vais payer les travaux sur mes fonds propres.»
La direction de la vie étudiante organise son pot de fin d'année. «Pour eux, c'est compliqué parce que l'université est en mutation.» Avant, c'était «le service public à l'ancienne , raconte-t-il. On demandait quelque chose, on était regardé de travers et on recommençait à papoter entre collègues. On leur demande d'être plus professionnels». Lorsqu'un étudiant a besoin de son diplôme en huit jours parce qu'il doit partir faire ses études aux États-Unis, «ça doit être possible». «Le monopole public de l'université à la française, c'est fini, martèle-t-il. Les universités ont perdu 10 % d'étudiants en quinze ans.» Le personnel se plaint auprès de lui des nouvelles règles censées protéger les stagiaires. Ces derniers doivent désormais être rémunérés. «C'est pervers , explique Jean-Charles Pomerol. Comme on n'a pas les moyens de les payer, on a interdit les stages au sein de l'université pour une bonne partie des étudiants. » Lui qui ne cache pas son positionnement politique, favorable au gouvernement, critique cette «décision politique démagogique qui a été prise pour faire plaisir à l'Unef, ce syndicat d'étudiants de gauche petit-bourgeois».
Il va passer l'après-midi à présider son conseil d'administration, réduit à vingt-neuf personnes depuis la loi sur l'autonomie, contre une soixantaine auparavant. «Ce qui change, c'est d'avoir une majorité. Nous étions auparavant soumis à des négociations incessantes. On ne pouvait pas développer de politique continue. L'ennui, c'est que ça fige les positions. » Les échanges sont souvent assez musclés, «un peu comme à l'Assemblée nationale, les insultes en moins». Le vote du budget a été repoussé au mois de janvier car l'allocation de l'État n'est pas encore connue. Son budget 2011 sera «certainement» en stagnation, prévoit-il, agacé par «la politique égalitariste» actuelle. Les universités ont connu une augmentation de budget de 13 % en moyenne en 2010 quand la sienne obtenait 3 %. «Les crédits sont moins favorables aux universités de recherche intensive, qui créent pourtant l'innovation. Celles qui avaient le plus d'inscrits en licence, notamment en droit, une matière qui a le vent en poupe, ont été favorisées. » Raisonnablement optimiste, il qualifie néanmoins la loi LRU de «bonne loi», mais «c'est réversible, fragile. Il y a encore beaucoup de boulot !».
Au dernier étage de la tour de Jussieu qui surplombe Paris, c'est la «soirée en or» de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu). Quarante-cinq personnes, pour l'essentiel des enseignants de premier plan, sont honorées symboliquement par Jean-Charles Pomerol, le président, pour les distinctions qu'ils ont reçues dans l'année. Preuve que les temps changent, de Cédric Villani, médaille Fields en mathématiques, à Bernard Derrida, médaille Boltzmann en physique statistique, la plupart ont fait le déplacement pour cette soirée placée sous le signe de l'excellence scientifique. «L'esprit de corps pour une université française, c'est nouveau. Il se construit peu à peu», explique Jean-Charles Pomerol. Au sein de cette vieille dame compassée que reste l'Université, chacun a tendance à se référer à son «labo», ou au CNRS, même si Paris-VI est le premier établissement d'enseignement supérieur français du classement de Shanghaï. Une vision plus positive de l'université, tel est, aux yeux des enseignants, le principal effet de la loi sur l'autonomie que s'est appropriée Paris-VI, il y a deux ans. «On avait déjà des possibilités de souplesse en matière de ressources humaines. On a pu les étendre», observe ce professeur à la tête d'un laboratoire de physique fondamentale. Jean-Charles Pomerol, lui, estime avoir désormais «un vrai rôle de président». À ses pieds, le campus accueille 31.000 étudiants et 3250 enseignants-chercheurs, une véritable ville au cœur du Quartier latin.
Des recrutements plus simples
Sur les 420 millions d'euros de budget annuel, une fois retranchés les 350 millions d'euros de masse salariale et 70 millions d'euros de fonctionnement, il lui reste 15 %, soit de 20 à 30 millions d'euros de souplesse. Il lui est plus facile d'organiser certains recrutements ou de monter des chaires soutenues par des entreprises. «Je peux allonger plus d'argent ou monter des contrats spécifiques pour tel ou tel chercheur de haut niveau», explique-t-il. Autre nouveauté, la politique des primes, en hausse moyenne de 25 %, est devenue «plus généreuse et transparente» pour les enseignants-chercheurs.
La loi LRU ne constitue pas pour autant, selon lui, une révolution. «Elle a accompagné les mœurs. La plupart des universités avaient anticipé l'autonomie parfois depuis une dizaine d'années. Certes, auparavant, on pouvait se faire titiller d'un point de vue légal lors de certaines prises de décision. Ce n'est plus le cas. » Tous les matins, dès 6 h 45, Jean-Charles Pomerol s'attelle à son travail «sinon (il) n'arrive pas à tout faire». Pendant une heure, il s'occupe de sa montagne de courrier. Ce matin-là, il lui faut signer des contrats de travail de chercheurs, organiser l'achat de matériel antivirus pour un laboratoire, le financement d'un postdoctorant américain ou encore une campagne contre l'homophobie. Face au courrier d'une grande école, son visage se fige. «Les écoles d'ingénieurs veulent faire de la publicité dans l'université pour prendre nos meilleurs étudiants de premier ou deuxième cycle. C'est un marché de dupes», soupire-t-il, car, si quelques poignées d'étudiants peuvent y trouver leur compte, l'université n'a rien à y gagner. Ce type de lettre «part d'habitude directement à la poubelle», sauf lorsqu'il s'agit des Ponts ou de Supélec, avec qui il partage un laboratoire.
Il s'occupe aussi des 500 anomalies relevées ces dernières semaines dans le secteur ouest du campus, récemment rénové. Problèmes de chauffage, de fenêtres qui ne ferment pas ou de portes qui tombent sur les gens, tout transite par lui. Les courriels se sont accumulés. On y lit par exemple : «Je ne peux pas rester dans mon bureau, il y fait 10 degrés !» Ces problèmes engendrent beaucoup «de frustrations et rendent les gens nerveux». Il va écrire une lettre de protestation à l'Épaurif, l'établissement public qui s'est occupé du chantier, sans grande conviction. «Je peux leur demander une transaction financière. Mais en attendant, c'est moi qui vais payer les travaux sur mes fonds propres.»
La direction de la vie étudiante organise son pot de fin d'année. «Pour eux, c'est compliqué parce que l'université est en mutation.» Avant, c'était «le service public à l'ancienne , raconte-t-il. On demandait quelque chose, on était regardé de travers et on recommençait à papoter entre collègues. On leur demande d'être plus professionnels». Lorsqu'un étudiant a besoin de son diplôme en huit jours parce qu'il doit partir faire ses études aux États-Unis, «ça doit être possible». «Le monopole public de l'université à la française, c'est fini, martèle-t-il. Les universités ont perdu 10 % d'étudiants en quinze ans.» Le personnel se plaint auprès de lui des nouvelles règles censées protéger les stagiaires. Ces derniers doivent désormais être rémunérés. «C'est pervers , explique Jean-Charles Pomerol. Comme on n'a pas les moyens de les payer, on a interdit les stages au sein de l'université pour une bonne partie des étudiants. » Lui qui ne cache pas son positionnement politique, favorable au gouvernement, critique cette «décision politique démagogique qui a été prise pour faire plaisir à l'Unef, ce syndicat d'étudiants de gauche petit-bourgeois».
Il va passer l'après-midi à présider son conseil d'administration, réduit à vingt-neuf personnes depuis la loi sur l'autonomie, contre une soixantaine auparavant. «Ce qui change, c'est d'avoir une majorité. Nous étions auparavant soumis à des négociations incessantes. On ne pouvait pas développer de politique continue. L'ennui, c'est que ça fige les positions. » Les échanges sont souvent assez musclés, «un peu comme à l'Assemblée nationale, les insultes en moins». Le vote du budget a été repoussé au mois de janvier car l'allocation de l'État n'est pas encore connue. Son budget 2011 sera «certainement» en stagnation, prévoit-il, agacé par «la politique égalitariste» actuelle. Les universités ont connu une augmentation de budget de 13 % en moyenne en 2010 quand la sienne obtenait 3 %. «Les crédits sont moins favorables aux universités de recherche intensive, qui créent pourtant l'innovation. Celles qui avaient le plus d'inscrits en licence, notamment en droit, une matière qui a le vent en poupe, ont été favorisées. » Raisonnablement optimiste, il qualifie néanmoins la loi LRU de «bonne loi», mais «c'est réversible, fragile. Il y a encore beaucoup de boulot !».
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