Le Monde, 17 novembre 2011
Les étudiants étrangers sont les bienvenus dans les grandes écoles françaises, mais ils sont priés de passer à la caisse d'abord. Rares sont en effet les établissements dont les frais d'inscription ne sont pas majorés pour les candidats hors Union européenne.
A HEC, le coût par an pour les étrangers est fixé à 17 500 euros, contre 11 900 euros pour les Français et 13 200 euros pour les Européens. L'ESCP (école de commerce à Paris) propose un cursus à 15 500 euros par an (11 500 euros pour les ressortissants de l'UE). A Sciences Po Paris, les droits sont de 13 000 euros en master. "Même les écoles publiques d'ingénieurs se débrouillent pour faire payer plus cher", commente Pascal Codron, directeur de l'Institut supérieur d'agriculture de Lille et responsable de la commission des relations internationales de la Conférence des grandes écoles (CGE).
L'astuce consiste généralement à créer des filières spécifiques permettant la mise en place de droits plus élevés que dans les parcours classiques. Certes, au regard des prix pratiqués par les établissements anglo-saxons, la France reste compétitive. Mais, pour de jeunes Chinois, Indiens ou Brésiliens, le coût peut être prohibitif.
Afin de pallier cet éventuel frein financier, des dispositifs d'aide sont proposés par le gouvernement français. La bourse Eiffel est le plus intéressant. Véritable Graal des étudiants étrangers d'excellence, elle concerne chaque année environ 400 étudiants en master et en doctorat, dont une majorité en grande école, indique Bertrand Sulpice, directeur adjoint d'Egide, l'organisme chargé de la gestion des aides du ministère des affaires étrangères. Pour pouvoir obtenir cette bourse de 1 100 euros par mois, l'étudiant doit être sélectionné par son établissement d'accueil, qui lui seul est habilité à présenter les dossiers de candidature.
Les jeunes Asiatiques partent avec un avantage. Le programme cible en effet les pays émergents ou à fort potentiel scientifique universitaire, dont font partie ceux d'Asie, souligne Bertrand Sulpice. En 2011, on comptait ainsi 93 étudiants chinois parmi les 400 boursiers du niveau master, et 48 % d'Asiatiques boursiers.
Autre outil d'attractivité, les bourses Quai d'Orsay-Entreprises. Les étudiants, sélectionnés par les entreprises conventionnées (qui sont 62 à ce jour, implantées dans 38 pays, dont notamment Thales, Orange, DCNS, Alten, Crédit agricole, Air liquide), se voient attribuer une bourse de plus de 1 000 euros par mois pour venir étudier dans un établissement français. A la clé également pour les élus, un stage dans l'entreprise qui les parraine.
Ces parcours d'études cofinancés concernent surtout les sciences de l'ingénieur, mais aussi les écoles de commerce et les sciences fondamentales. Depuis 2006, date de sa création, 131 étudiants ont bénéficié de ce programme sur mesure.
Egalement accordées par le gouvernement français, les bourses réservées aux étudiants étrangers. Plus importantes que celles du Crous pour les Français, elles visent, explique Bertrand Sulpice, "à couvrir toutes les dépenses d'un séjour d'études". Attribuées en fonction de projets précis qui s'intègrent dans des programmes de coopération établis selon des priorités gouvernementales, elles doivent être demandées par les étudiants en amont de leur départ auprès de l'ambassade de France dans leur pays d'origine.
A noter, par ailleurs, l'existence d'aides à la mobilité octroyées par certains pays à leurs meilleurs élèves ou par des organisations comme le Rotary club, la Commission franco-américaine (cette dernière délivrant les célèbres bourses Fullbright) ou encore par la Commission européenne à travers le programme Erasmus Mundus. Des collectivités, comme la Ville de Paris notamment, disposent elles aussi de budgets ad hoc. A noter, le site Internet de CampusFrance (Campusfrance.org) recense l'ensemble de toutes les bourses.
Hormis ces dispositifs, qui ne concernent finalement qu'une minorité des quelque 30 000 étudiants étrangers inscrits dans les grandes écoles françaises (chiffres 2009 de la CGE), il existe toute une gamme d'aides extrêmement variables d'un établissement d'accueil à l'autre. Sciences Po Paris, avec ses bourses d'excellence Emile-Boutmy de plus de 7 000 euros par an, est à ce titre l'un des plus généreux, mais nombreuses sont les écoles qui prévoient d'accorder des coups de pouce à quelques élèves triés sur le volet.
Difficile en effet aujourd'hui de ne rien proposer aux meilleurs éléments, tant le marché est devenu compétitif sur un plan international. L'ENSCBP (Ecole nationale supérieure de chimie, biologie et physique de Bordeaux), qui peinait à attirer des étudiants étrangers, l'a bien compris. Ainsi, elle a créé en 2010 un prix d'excellence international de 5 000 euros qui récompense chaque année un lauréat choisi parmi les candidats désireux de suivre sa formation dans ses murs.
Les établissements tentent enfin de mettre l'accent sur l'accueil de ces recrues si précieuses. Egide, dont le rôle ne s'arrête pas à la gestion des bourses, peut à ce titre être sollicité. L'initiative est née d'un besoin exprimé par l'Ecole polytechnique, explique Bertrand Sulpice. Afin de pouvoir apporter une réponse adaptée à l'établissement, l'opérateur a conçu une prestation inédite. Le principe : aller à la rencontre des étudiants et les éclairer sur des sujets tels que le système de sécurité sociale étudiante, les mutuelles complémentaires ou encore les titres de séjour. Depuis, d'autres établissements font appel à Egide, qui peut également aider à la recherche d'un logement ou bien accueillir les étudiants à l'aéroport. Des services payants, facturés aux écoles ou aux étudiants.
Toutes ces incitations, qu'elles viennent du gouvernement français ou des établissements eux-mêmes, sont de nature à renforcer l'attractivité des écoles françaises. Toutefois, préviennent Pascal Codron et Bernard Ramanantsoa (directeur général du groupe HEC), la menace qui pèse sur la venue des meilleurs dans l'Hexagone n'est pas le coût des études, mais la circulaire Guéant qui, depuis le printemps 2011, prévoit de réduire le nombre de visas de travail accordés à ces étudiants. "L'inquiétude est immense, et le risque de voir nos efforts anéantis réel", s'alarme le directeur de HEC.