Le Monde, 28 juin 2011
Le succès des grandes écoles ne se dément pas alors que dans la période de campagne électorale qui se prépare, les premières frappes s'abattent sur elles. En ce début de mois de juin, c'est plus de 20 000 candidats qui ont décidé de s'élancer sur le tour de France des oraux des grandes écoles de management.
A l'heure du "printemps arabe" et de la gronde des jeunes "indignés" espagnols, qui traduisent le désarroi d'une jeunesse désenchantée par des longues études sans emplois qualifiés à la clé, nos écoles ne proposent certes pas la garantie d'un emploi à vie contre un diplôme. Ce qu'elles offrent à chaque étudiant, c'est l'opportunité de construire un projet professionnel personnel qui débouche sur une employabilité proche de 100 % en fin du parcours. La recette diffère selon l'école, mais elle est partout fondée sur l'alternance entre théorie et pratique, recherche et action. Et forte de sa dimension internationale, elle prépare ses étudiants à évoluer dans une économie globalisée.
Le modèle de la grande école attire les critiques pour sa reproduction sociale. Jugement fondé mais qui tend de plus en plus à se corriger. Les partenariats avec des lycées accueillant des élèves excellents mais n'ayant pas le capital culturel et les réseaux familiaux pour se projeter dans des études longues se multiplient, tout comme les bourses, les prêts sans caution à taux très faible ainsi que les jobs étudiants. Pour nos écoles, il est primordial de renouveler les élites et répondre ainsi aux besoins des entreprises qui viennent sur nos campus à la recherche de la diversité culturelle et sociale de cadres non formatés apportant des idées neuves et ressemblant à leurs clients.
Il est aussi critiqué au motif qu'il serait davantage financé par la collectivité que par l'université, argument particulièrement mal fondé pour les grandes écoles de management, dont les fonds publics représentent aujourd‘hui moins de 10 % de leur budget. Ces mêmes écoles tirent l'essentiel de leurs ressources de droits de scolarité en moyenne inférieurs de 30 % à ce que les universités publiques anglaises vont réclamer à leurs étudiants Bachelor à partir de l'an prochain !
Nous nous réjouissons que l'université bénéficie aujourd'hui d'une injection massive de fonds publics qui lui permet de se moderniser, de s'autonomiser et de s'inscrire dans une démarche professionnalisante. Mais à l'ère de l'économie de la connaissance où la richesse des nations développées vient de leur matière grise, dépassons les oppositions stériles.
Ne tirons pas sur le pianiste et appuyons-nous sur l'originalité et la performance de notre système dual ! Au cours des dix dernières années, les écoles de management ont mué de manière spectaculaire. Elles sont nombreuses à être aujourd'hui accréditées par les organismes internationaux (Equis, AACSB, AMBA). Elles sont de mieux en mieux classées dans les rankings des journaux de référence (Financial Times).
Elles ont attiré dans leurs masters des proportions importantes d'étudiants internationaux qui font de leur salle de classe une assemblée multiculturelle et développé une faculté permanente d'enseignants-chercheurs dont les publications scientifiques internationales sont significativement plus nombreuses que celles de leurs collègues universitaires des mêmes disciplines.
Cette dynamique, favorisée par une gouvernance resserrée et résolument entrepreneuriale, bénéficie considérablement à l'économie nationale et régionale, contribuant à la culture de l'innovation, à l'animation des pôles de compétitivité comme à l'accompagnement des entreprises dans leur conquête des marchés mondiaux. Et les écoles sont prêtes à s'inscrire dans une logique de coopération territoriale avec tous les autres acteurs de l'enseignement supérieur et, au premier chef, l'université au sein des pôles de recherche et d'enseignement (PRES), pour autant que ceux-ci ne soient pas un corset bureaucratique mais un espace de partage et de mise en synergie d'expertises complémentaires.
Bienvenue sur nos campus à tous les candidats et merci à eux pour la confiance dont ils nous honorent. Cette confiance, notre principal rôle va être de la replacer en eux. Le monde professionnel dans lequel ils évolueront sera tout sauf un long fleuve tranquille… Complexe, imprévisible, dangereux parfois, il va requérir des caractères bien trempés et des esprits souples qui sauront saisir toutes les opportunités de développement.
C'est notre fierté de les préparer à assumer demain leurs responsabilités quel que soit le terrain qu'ils choisiront pour y investir leur énergie : grandes entreprises ou start-ups, ONG ou collectivités publiques. Le tour de France est parti pour les candidats. A leur tour maintenant de décider de leur avenir.
Arnaud Langlois-Meurinne, directeur général de Rouen Business School