Le Figaro, 5 novembre 2010
Les établissements pourront vendre, construire, détruire leurs bâtiments sans demander son accord à l'État.
Cinq premières universités sont retenues par le ministère de l'Enseignement supérieur pour devenir propriétaires de leur patrimoine immobilier, dont quatre pourront s'engager dans le processus de dévolution début 2011: Clermont-I, Poitiers, Toulouse-I et l'université de Corte.
Cette dernière nécessite cependant au préalable une modification législative puisque c'est l'Assemblée territoriale de Corse qui en est propriétaire.
La dévolution de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu) devrait être actée en 2011 mais elle ne sera effective qu'en 2014 à la fin des travaux sur le campus.
La possibilité de devenir propriétaire de leurs murs est offerte aux universités volontaires depuis la loi sur l'autonomie de 2007.
D'ici à fin décembre 2010, les cinq pionnières vont négocier leur dotation financière avec l'État. Elles bénéficieront d'un financement ponctuel pour des travaux de mise en sécurité avant la dévolution, et d'un financement annuel récurrent calculé sur l'activité «pour permettre le gros entretien et le renouvellement du patrimoine transféré».
Quelque 250 millions d'euros ont déjà été versés par l'État depuis deux ans en vue de ces transmissions.
La dévolution de leur patrimoine va permettre aux universités de lancer librement et de financer tous leurs travaux, d'acheter ou vendre des immeubles ou des terrains et de garder 100 % des produits de cession en cas de vente et d'adapter leur parc immobilier à leur activité.
Actuellement, une université qui a besoin de faire des travaux ou qui souhaite acheter un bâtiment doit demander à l'État son accord sur le principe et pour le financement, pour chaque chantier.
Et lorsqu'un bien appartenant à l'État est vendu, elle ne bénéficie pas forcément du produit de la cession, ni du montant intégral de la vente : l'État conserve habituellement 35 % de ce montant.
Il en résulte «une mauvaise utilisation des implantations immobilières, et un manque de cohérence avec le projet d'établissement», selon le ministère.
«C'est le prétexte pour ne jamais bouger, explique Valérie Pécresse, on conserve de vieux bâtiments à côté de nouveaux». L'État reconnaît qu'il «n'est pas un bon gestionnaire», affirme-t-elle, «les universités ne pourront plus quant à elle se défausser».
«C'est très complexe»
L'État est actuellement propriétaire de 15,2 millions de mètres carrés de foncier bâti répartis sur plus de 6 350 bâtiments d'enseignement supérieur, dont 35 % sont considérés en état moyen, mauvais, voire «très mauvais», un patrimoine estimé au total à 20 milliards d'euros par France Domaine.
Seuls neuf établissements sur quatre-vingt-trois ont pour l'instant réclamé la propriété.
Outre les cinq qui ont reçu l'aval du ministère, quatre autres universités candidates, Avignon, Cergy-Pontoise, Paris-II Panthéon-Assas et Paris-Est Marne-la-Vallée, verront cette possibilité ouverte à partir de 2012, leurs dossiers n'étant pas jugés encore suffisamment avancés.
Si d'autres universités n'ont pas réclamé la dévolution, c'est qu'en interne «beaucoup pensent qu'on n'aura pas les moyens de s'en occuper, que l'État est plus compétent», estime un président d'université qui souligne aussi des «oppositions politiques».
«Tout le monde n'a pas forcément envie de se lancer car c'est très complexe», indique un autre.
Selon un fin observateur du milieu universitaire, le gouvernement n'avait de toute façon pas intérêt à ce que les universités soient trop nombreuses à réclamer la propriété de leurs murs «car cela représente un coût important».