Le Figaro, 31 décembre 2010
Après deux premières vagues en 2009 et 2010, 22 nouveaux établissements accèdent à une plus grande indépendance.
Au 1er janvier 2011, 22 nouvelles universités vont devenir autonomes. Elles rejoignent les 18 qui ont franchi le pas dès 2009 et les 33 qui ont poursuivi le mouvement en 2010.
Près de trois ans et demi après le vote de la loi, 90 % des universités françaises seront donc passées à l'autonomie. Les neuf dernières devront se plier à la loi avant le 11 août 2012.
Dès janvier 2011, les 22 nouveaux établissements autonomes seront davantage maîtres de leur destin. Ils vont gérer leurs ressources humaines et leur budget, auparavant orienté par l'État. Selon les universités déjà passées à l'autonomie, la loi a changé l'état d'esprit.
«Le principal impact est psychologique. Les enseignants-chercheurs sont moins dans l'autocensure, car les crédits sont moins fléchés », explique un directeur de laboratoire de l'université Pierre-et-Marie-Curie (Jussieu).
En matière d'insertion professionnelle, la LRU «a fortement modifié notre image auprès du patronat. On devient un interlocuteur majeur », affirmait récemment Marc Gontard, président de l'université Rennes-II.
La maîtrise de leur masse salariale permet aux universités autonomes de dégager des marges de manœuvre pour conduire leur politique, notamment en matière de décharges de services ou de recrutement. Les conseils d'administration peuvent définir une politique salariale différenciée en attribuant des primes.
L'université de Metz a une souplesse accrue dans la rémunération et la possibilité de primes pour les contrats à durée indéterminée.
Symbolique de cette nouveauté, quelques universités ont aussi recruté cette année des chercheurs réputés à l'étranger, comme Paris-VII, qui a fait venir un professeur américain prix Nobel de physique.
Selon les présidents, l'application de la loi génère toutefois un «stress important » pour les personnels, soumis à de forts changements ; ils précisent aussi qu'il faut être vigilant sur « les concurrences parfois excessives entre universités ».
Le mode électoral du conseil d'administration continue par ailleurs à provoquer des frustrations. Selon Vincent Berger, de Paris-VII, le mode de scrutin peut amener à des majorités écrasantes, sans alternative, qui «frustrent une partie des gens ».
«Chaque université est poussée à se mobiliser dans une dynamique propre, à développer des initiatives locales, explique Louis Vogel, président récemment élu de la Conférence des présidents d'université, mais si on veut réussir l'autonomie, il faut que l'État poursuive son effort financier. Or nous sommes encore sous-dotés.» Il rappelle que la dépense annuelle pour un étudiant reste à «un peu plus de 9 000 euros, contre 15 000 en Suède ».
En outre, certaines universités autonomes sont actuellement confrontées à une évolution à la hausse de leur masse salariale. Dans la subvention transférée par l'État, les postes temporairement vacants et l'impact de la pyramide des âges n'ont pas été pris en compte, selon Jean-Charles Pomerol, le président de Pierre-et-Marie-Curie.
La masse salariale effectivement payée dépasse donc la subvention reçue du ministère. Dans son université, il s'agit de 3 millions d'euros. L'université de La Rochelle a dû reporter le vote de son budget pour cette même raison. Le ministère se veut toutefois rassurant à ce sujet.
La prochaine étape découlant de la loi de 2007 sera celle de la dévolution du patrimoine.
Cinq premières universités volontaires sont retenues par le ministère de l'Enseignement supérieur pour devenir propriétaires de leur patrimoine immobilier, dont quatre pourront s'engager dans le processus de dévolution début 2011 : Clermont-I, Poitiers, Toulouse-I et l'université de Corte. La dévolution de l'université Pierre-et-Marie-Curie devrait aussi être actée en 2011.
Ainsi, les universités pourront lancer librement et financer tous leurs travaux, acheter ou vendre des immeubles et pourquoi pas des terrains. Elles garderont 100 % des produits de cession en cas de vente et pourront adapter leur parc immobilier à leur activité.
Actuellement, une université qui a besoin de faire des travaux ou qui souhaite acheter un bâtiment doit demander à l'État son accord d'abord sur le principe, puis pour le financement de chaque chantier.