Le Figaro, 29 septembre 2010 - Natacha Polony
Les bi-licences, associant par exemple droit et langues ou sciences et philosophie, se multiplient. Aux étudiants les plus motivés, elles proposent des enseignements pointus et exigeants.
Que faire après son baccalauréat quand on est un élève brillant, intéressé par plusieurs domaines et soucieux de sa future insertion professionnelle ? La réponse n'est pas forcément à chercher dans les classes préparatoires aux grandes écoles, qui pourtant attirent de plus en plus de jeunes. Car les universités font aujourd'hui mentir leur réputation de garderie pour élèves faibles et mal orientés. Même les premières années, qui ont si mauvaise presse, offrent aux meilleurs étudiants des parcours désormais à leur mesure.
Les bi-licences et les doubles cursus, qui permettent d'associer deux domaines de compétence à travers des horaires aménagés pour obtenir soit un diplôme de bi-licence, soit deux diplômes de deux licences différentes, sont plébiscités par les étudiants. Et pas seulement parce qu'ils offrent une pluridisciplinarité pour des étudiants qui n'auraient pas choisi leur voie. En fait, ces cursus n'ont plus grand-chose à voir avec le bricolage de l'étudiant indécis qui s'inscrivait en anglais et en histoire avant de voir venir.
Des experts à double casquette
Les pionniers, Paris-X et Paris-I, proposent depuis longtemps d'associer au sein d'une seule formation le droit et les langues ou le droit et la gestion.
«C'est une démarche tout à fait classique dans d'autres pays, précise Cornelius Crowley, vice-président de Paris-X Nanterre chargé des études. Ces parcours ne se contentent pas d'une dimension linguistique, mais ils constituent une ouverture vers les systèmes juridiques étrangers.»
Mais ce qui s'était mis en place au gré des affinités des universitaires et de leur envie d'associer leurs disciplines prend une dimension nouvelle avec le plan licence porté depuis 2007 par le ministère de l'Enseignement supérieur et le rapprochement des universités au sein des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (Pres).
«Réparer ce qu'avait cassé Mai 68», tel est, pour Valérie Pécresse, l'intérêt des Pres, qui retrouvent la vocation pluridisciplinaire de l'université. Principal bénéfice, les universités peuvent s'associer pour proposer aux étudiants des parcours originaux mêlant sciences et philosophie ou droit et histoire de l'art. Une façon de répondre aux exigences d'un marché du travail demandeur d'experts à double casquette.
Mais si ces filières sont aujourd'hui plébiscitées, c'est parce que le peu de places disponibles et la quantité de travail exigée en font des bastions de l'excellence à l'intérieur d'universités mal aimées de l'opinion publique. D'où la grande prudence des présidents d'université à l'égard de ces cursus aux allures d'heureuse exception.
«Nous respectons la procédure d'admission post-bac, précise ainsi Jean-Claude Colliard, président de l'université Panthéon-Sorbonne (Paris-I), simplement, nous réservons ces filières aux étudiants les plus motivés, puisqu'elles réclament une grande capacité de travail. Bien sûr, l'université ne peut pas faire que ce genre de cursus. Elle n'a pas vocation à sélectionner ses étudiants. »
Pas officiellement de sélection, donc, mais, selon le président de Paris-I, «des critères objectifs», comme les notes et les mentions au bac. Et les candidats se bouculent : ils sont 4 500 au test de langue imposé par Paris-X Nanterre pour intégrer ses bi-licences de droit et langues, à raison de 80 ou 120 heureux élus suivant la langue choisie.
Car ces filières offrent de réels débouchés professionnels, puisqu'elles sont pensées en fonction de besoins précis. Et les grands cabinets d'avocats s'arrachent ces juristes bilingues et spécialisés dans le droit russe ou allemand.
D'autant que les doubles cursus ouverts grâce aux possibilités offertes par les Pres déboucheront, d'ici à trois ans, sur des masters parfois couplés avec des grandes écoles, comme pour Paris-I et HEC.
Les réticences des syndicats étudiants, Unef en tête, qui voient là un contournement de la vocation non sélective de l'université, risquent de ne pas peser lourd face à une demande en explosion.
Les autres filières
Les universités développent de plus en plus d'offres pour les très bons étudiants, à la recherche d'un diplôme promettant une véritable valeur ajoutée. Le Collège de droit d'Assas a été conçu pour accueillir la crème des étudiants en droit, qui se voit offrir un parcours adapté : rassemblés entre membres du collège pour les cours de licence, ils ont le choix, en supplément, entre trois enseignements d'ouverture associant de la philosophie ou des langues.
Comme on est à l'université, celui qui n'a pas intégré ce collège en première année n'en est pas définitivement exclu. Les élèves du collège qui n'obtiennent pas 13/20 de moyenne cèdent leur place aux meilleurs élèves de licence.
On trouve également des aménagements pour associer médecine et École normale supérieure dans la filière médecine, ou un véritable double cursus ingénieur-pharmacien et ingénieur-médecin, grâce à un partenariat entre l'université Jules-Verne et l'École des mines de Saint-Étienne au sein du Centre ingénierie et santé.
Mais outre les bilicences, certaines universités optent pour des cursus renforcés. Toulouse-I a choisi de sélectionner au cours du premier semestre ses meilleurs éléments en droit ou en économie pour leur proposer des cours supplémentaires, avec pour vocation de nourrir la Toulouse School of Economics (TSE), concurrente prestigieuse de son homologue londonienne.