Le Point, 6 octobre 2010
Par Marie-Sandrine Sgherri
À l'image des grandes écoles, les universités françaises se lancent dans une activité inédite pour elles : le fundraising, autrement dit la levée de fonds. Mardi, c'était au tour de Dauphine, l'université de gestion parisienne. Elle espère récolter de ses anciens élèves et d'entreprises 35 millions d'euros en quatre ans.
C'est peu de dire que ces appels à la générosité ne sont pas dans les moeurs de l'enseignement supérieur français. Seule exception, l'INSEAD, une école de business très atypique, située à Fontainebleau : elle a déjà procédé à deux appels de fonds auprès de ses anciens et le dernier, clos en 2008, lui a rapporté plus de 200 millions d'euros.
D'origine américaine, l'INSEAD n'a fait que reproduire une pratique très banale aux États-Unis où elle a parfois des résultats spectaculaires : ainsi en 2008, la Chicago School of Business recevait de David Booth, un ancien lauréat de son MBA, la somme record de 300 millions de dollars, d'où son nouveau nom de Chicago "Booth" School of Business.
Outre-Atlantique, ces dons servent à alimenter un fonds (l'endowment) que les universités placent sur les marchés financiers. L'an dernier, celui de Harvard se montait, après des pertes dues à la crise, à 20 milliards d'euros, soit... les deux tiers du budget total de notre enseignement supérieur ! Les institutions françaises ne jouent donc pas tout à fait dans la même division...
Niche fiscale
Mais la loi sur l'autonomie des universités de 2007 a joué un rôle de déclencheur. Auparavant, les universités ou les grandes écoles se contentaient de contacter leurs anciens élèves pour qu'ils incitent leur entreprise à s'acquitter de la taxe d'apprentissage en leur faveur.
Cette pratique est maintenue, mais elle se double désormais pour les plus prestigieuses d'entre elles d'appels de fonds à l'américaine avec cérémonie de remerciements, remise de titre aux donateurs et surtout rappel incessant du fait que donner permet de faire baisser ses impôts !
Le régime de défiscalisation est en effet particulièrement avantageux : par exemple, pour ceux qui ne s'acquittent que de l'impôt sur le revenu, les deux tiers du don sont déductibles. Pour ceux qui payent l'ISF, la déduction atteint 75 %. Une superbe niche fiscale que le gouvernement a bien songé à raboter, mais qu'il a finalement maintenue.
L'École polytechnique a été la première à annoncer sa levée de fonds en 2008. Elle espérait modestement récolter 25 millions d'ici à 2012, mais l'objectif a été atteint dès 2010, ce qui l'a incitée à relever ses ambitions : elle attend désormais 35 millions. La prudence reste pourtant de mise de la part des institutions.
Pour preuve, l'université Pierre-et-Marie-Curie. La première institution française dans le classement de Shanghai devait se lancer en 2009, mais refroidie par la crise financière, elle a repoussé l'opération sine die.