Le Monde, 16 septembre 2010
L'enseignement supérieur français est décidément soumis au régime de la douche écossaise. Début août 2010 , le "classement de Shanghaï" ne retenait que sept universités ou grandes écoles tricolores parmi les 200 meilleures mondiales.
Quelques jours plus tard, à l'inverse, la recherche mathématique française triomphait en décrochant deux médailles Fields, l'équivalent du prix Nobel dans cette discipline.
Au début de la semaine, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, saluait la rentrée universitaire par un vibrant satisfecit, assurant qu'"une nouvelle université est en train de voir le jour, une université offensive".
Hélas, le classement des 200 meilleures universités mondiales établi depuis 2004 par le magazine britannique Times Higher Education - et dont nous publions aujourd'hui les résultats en exclusivité - vient sévèrement tempérer cet enthousiasme : seules l'Ecole polytechnique, l'Ecole normale supérieure de Paris, ainsi que celle de Lyon, et l'université parisienne Pierre-et-Marie-Curie figurent au palmarès.
Le verdict est d'autant plus cruel que ce classement ne prête pas le flanc, ou beaucoup moins, aux critiques formulées chaque année contre la rusticité de celui de Shanghaï.
Mieux, le Times Higher Education a changé, cette année, de méthodologie et multiplié ses critères d'évaluation pour prendre en compte non seulement les performances de la recherche, mais aussi la qualité de l'enseignement, la diffusion scientifique et les efforts de financement.
Cela ne gomme pas tous les biais résultant des spécificités du système français, notamment l'existence de très nombreux centres de recherche associant universités et grands organismes de recherche, comme le CNRS, qui complique la tâche des évaluateurs.
Mais le résultat est clair : 4 établissements français seulement s'imposent sur la scène mondiale, contre 72 américains, 29 britanniques, 14 allemands et 10 néerlandais...
Au plan hexagonal, ces résultats relanceront deux débats.
D'une part, celui de la masse critique nécessaire pour s'imposer dans la planète universitaire, dès lors que trois grandes écoles devancent la première et unique université classée ; d'autre part, celui de l'effort de financement, indéniable depuis trois ans, mais qui doit impérativement être maintenu pour produire ses effets à moyen et long terme. Gageons que Mme Pécresse saura en tirer argument au moment des ultimes arbitrages budgétaires.
Au plan mondial, ce classement confirme l'écrasante suprématie occidentale dans la compétition internationale acharnée pour attirer et s'attacher les meilleurs cerveaux, clef de la recherche et des innovations du futur.
Mais il témoigne aussi que les ambitions de l'Asie commencent sérieusement à émerger sur le "marché" mondial de la matière grise : les universités de Hongkong, Pohang (Corée du Sud), Singapour et Pékin devancent ainsi les françaises. Nul doute que cette concurrence sera de plus en plus rude.