Le Monde, 3 septembre 2010
Peu à peu, une véritable filière littéraire se dessine dans l'enseignement supérieur. Lors d'un déplacement à Enghien (Val-d'Oise), vendredi 3 septembre 2010, Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, devait annoncer l'élargissement de la banque d'épreuves littéraire (BEL) commune aux écoles normales supérieures et à de nombreux autres établissements.
Un protocole d'accord devrait être signé entre les principaux partenaires, le 17 septembre 2010.
Dans l'air depuis des années, la BEL est discutée depuis des mois. Elle devrait permettre aux nombreux étudiants refoulés à l'entrée à Normale-Sup de se réorienter en douceur. Cette filière littéraire, hors université, offrira ainsi une variété de débouchés.
Après une première année commune en hypokhâgne, les étudiants entreront en khâgne Ulm ou en khâgne Lyon pour préparer les épreuves de la BEL.
Selon leur réussite et leur choix, ils pourront intégrer l'une des écoles normales supérieures (ENS), un institut d'études politiques (IEP d'Aix-en-Provence, de Lille, de Lyon, de Rennes ou de Toulouse) ou une grande école de management.
A travers deux banques d'épreuves (Ecricome et BCE), 31 écoles de commerce leur seront en effet accessibles, dont les trois plus prestigieuses : HEC, Essec, ESCP Europe, à l'issue de ce concours commun.
Les reçus pourront également choisir l'Ecole supérieure d'interprètes et de traducteurs (ESIT), l'Institut supérieur du management public et politique (Ismapp), l'Ecole des chartes ou l'école de journalisme et de communication Celsa.
Aujourd'hui, les écoles normales supérieures de Paris et de Lyon n'ont guère que 250 places à offrir aux 5 000 jeunes qui sortent chaque année de khâgne.
"On ne pouvait plus s'en contenter, considère Olivier Faron, directeur général de l'ENS Lyon. Là, on passera à 600 ou 700 places."
"Fleurons négligés"
Certes, les étudiants littéraires n'ayant pas trouvé place à Normale-Sup pouvaient déjà passer les épreuves d'entrée de tous ces établissements, mais "il fallait jongler avec les concours", fait-on remarquer dans l'entourage de Valérie Pécresse.
"Hypokhâgne et khâgne sont des fleurons négligés de notre système éducatif, regrette la ministre. Cette pépite, je veux la faire briller. Les très bons étudiants littéraires doivent pouvoir bénéficier de très bons débouchés." L'ouverture offrira, enfin, une meilleure visibilité en termes d'orientation à une filière qui prend l'eau de toutes parts au lycée.
Mme Pécresse espère que l'élargissement de la BEL sera effectif dès 2011. Mais, si l'accord est signé le 17 septembre 2010, tout ne sera pas réglé pour autant.
"Il y a encore plein de petites questions techniques à aborder", souligne Gilles Pollet, directeur de l'IEP de Lyon. Si l'on se fie aux discussions qui avaient précédé le rapprochement des épreuves des deux ENS, cela pourrait prendre du temps.
"Il n'y aura pas une formule unique et générale, avertit Thierry Debay, responsable de la BCE. Les modalités d'admission seront différentes selon les écoles. Cela fera l'objet de pourparlers."
M. Debay, qui se montrait très prudent sinon réticent avant l'été, précise : "Sur les coefficients, les notes à prendre en compte, les dates des jurys, le niveau auquel l'étudiant entrera dans l'école, etc., tout reste à faire. Le plus probable est que nous ne serons prêts qu'en 2012."
La route est donc encore longue. D'autant que Mme Pécresse ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, rêvant déjà de mobiliser d'autres écoles de journalisme ou d'art.
Benoît Floc'h