Réforme universitaire : le gâchis , 12 mars 2009
François Dubet, professeur à Bordeaux-II, auteur d'ouvrages sur la marginalité juvénile, l'école et les institutions
La coalition des professeurs les plus conservateurs, des enseignants et des chercheurs inquiets et des opposants de toujours aux changements qui ne sont à leurs yeux que des ruses néolibérales s'explique par une double faute. La première est celle de Nicolas Sarkozy qui, sur un ton badin, a choisi d'humilier les chercheurs et les enseignants. La seconde concerne le décret relatif au temps de service des enseignants-chercheurs. Pourtant, jusque-là, les choses s'étaient plutôt bien passées. Beaucoup savaient bien que, par la LRU, l'autonomie des universités était une chance de sauver un système épuisé, de rapprocher les grandes écoles et les organismes de recherche des universités et, à terme, de redéfinir un paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche plus dynamique et plus ouvert sur la société et sur le monde.
Pourquoi un décret si contraignant ? Pourquoi reprendre d'une main l'autonomie que l'on donne de l'autre ? Pourquoi insinuer un mécanisme pervers selon lequel le temps de recherche accordé aux uns devait nécessairement être pris aux autres ? Pourquoi donner le sentiment que l'on «casse» les statuts et que l'enseignement est un «sale boulot» ? Pourquoi passer en force quand on sait qu'une réforme ne réussit que par l'adhésion de ceux qui la feront vivre ?
En définitive, tout le monde se sent menacé. Plus le gouvernement se crispe, plus la mobilisation se durcit et demande le retrait de toutes les réformes, piégeant ainsi ceux qui, au-delà de leurs sympathies politiques, croyaient que le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur pouvait se transformer paisiblement. Le temps n'est plus à la nuance et, derrière les grands mots, les conservatismes s'exacerbent sur un fond de malaise profond. Quel gâchis !
François Dubet, professeur à Bordeaux-II, auteur d'ouvrages sur la marginalité juvénile, l'école et les institutions