Enseignants-chercheurs :les grévistes sont payés , Le Figaro, 14 mars 2009
par Aude Sérès
Le mouvement universitaire ne faiblit pas, en dépit des concessions annoncées jeudi soir par le gouvernement sur la formation des maîtres.
Début de polémique autour du paiement des jours de grève des enseignants-chercheurs. Valérie Pécresse devrait en début de semaine envoyer une circulaire aux présidents d'université rappelant les modalités de comptabilisation des grévistes. Alors que le mouvement dure depuis plus de six semaines, la plupart des enseignants-chercheurs en grève devraient être payés, faute tout simplement d'avoir été comptabilisés. Alors que le Snesup revendique haut et fort que sur les 57 000 enseignants-chercheurs de France, «plus de la moitié sont en grève et le mouvement ne faiblit pas» au ministère, on précise que seuls 150 à 300 enseignants-chercheurs sont enregistrés comme grévistes. Les autres, en toute logique, se verront donc verser un salaire.
En vertu de la réglementation, c'est à l'administration de l'université de recenser les enseignants grévistes. La loi stipule que les fonctionnaires en grève ne peuvent être payés. D'ailleurs, même s'ils ne font grève qu'une partie de la journée, ils se verront ponctionner une journée entière de salaire. Ces retenues sont étalées dans les mois qui suivent.
Rattrapages de cours
Pourtant, dans le cas des enseignants-chercheurs, cette règle semble plus difficile à mettre en pratique. D'autant que certains présidents d'université ne l'entendent pas de cette oreille. «Le rôle des présidents d'université est de vérifier que les cours sont bien assurés, même s'ils ne se tiennent pas au moment prévu et que l'enseignement de l'année n'est pas en péril», souligne Simone Bonnafous, présidente de l'université Paris XII-Val-de-Marne, qui dans son cas, n'a pas signalé de retenues de salaires. Difficulté supplémentaire, glisse un autre président d'université, «dans un contexte de tension, on peut hésiter à mettre trop de pression». En outre, sur le terrain, il est parfois difficile de vérifier si les cours sont assurés, d'autant que certains sont déplacés dans le temps et dans les locaux. Autre cas, en cas de blocage par des étudiants, les cours ne sont pas assurés, mais pas du fait des enseignants… Et parfois, la frontière est subtile. «Il est très difficile de prouver que les enseignants sont grévistes et le droit est relativement flou sur ce sujet, car on peut même estimer que leur service est annuel», explique Yves Lecointe, président de l'université de Nantes. Valérie Robert, maître de conférence à l'université Paris-III et membre du collectif Défense de l'Université, estime qu'«il y a une difficulté juridique à comptabiliser les heures de présence devant les étudiants non assurées car elles ne représentent qu'une partie de nos tâches, et il est difficile de quantifier le reste». Elle assure par ailleurs des cours, même si le contenu n'est pas forcément académique… Autre pratique fréquemment observée dans les mouvements précédents, des rattrapages de cours une fois le mouvement terminé. «Lors du mouvement de l'an dernier contre la loi sur l'autonomie de l'université, le calendrier universitaire a été réaménagé une fois le mouvement terminé et nous avons rattrapé les cours», explique ainsi Mathieu Brunet, maître de conférence à Aix-Marseille.
Après six semaines de mouvement, la mobilisation universitaire ne faiblit pas, en dépit des annonces de jeudi soir sur un étalement de la réforme de la formation des maîtres. Pour les syndicats, l'objectif semble de maintenir leurs troupes en alerte jusqu'au mouvement national du 19 mars. De nombreuses universités font, selon le comité Sauvons l'université, encore l'objet de blocages partiels. À Montpellier, l'université a été fermée à la suite d'une rixe. Des «casseurs» ont saccagé l'amphithéâtre et brisé une alarme incendie, des tags ont été tracés.