jeudi 5 mars 2009

Les chercheurs sont-ils nuls ?

Les chercheurs sont-ils nuls ? , nouvelobs.com, 5 mars 2009

Nicolas Sarkozy a accusé nos universitaires d'être peu productifs, inefficaces et refusant les évaluations. Réponses point par point

Inefficaces, voire paresseux, enfermés dans un système puéril, refusant d'être évalués. C'est le portrait cinglant de nos chercheurs dressé par Nicolas Sarkozy, dans un discours désormais fameux, le 22 janvier dernier...

Depuis, celui-ci ne cesse de buzzer sur la Toile. Un montage vidéo sur le web oppose des extraits de ce discours et ceux d'un vibrant hommage rendu par Barack Obama à la recherche. Les universitaires ne décolèrent pas. Cela ne facilite évidemment pas la tâche de la ministre Valérie Pécresse. Une nouvelle journée de manifestations est encore prévue ce jeudi 5 mars. Réponse à quelques-unes des affirmations présidentielles qui fâchent.

Pas assez productifs

«A budget comparable, un chercheur français publie de 30% à 50% en moins qu'un chercheur britannique dans certains secteurs.»

Faux. Pour faire un tel calcul, il faudrait mesurer le nombre d'articles publiés dans les revues scientifiques et le rapporter au nombre de chercheurs dans nos deux pays. Or «on n'appelle pas «chercheur», les mêmes catégories de personnel partout, l'organisation est très différente selon les pays», explique Ghislaine Filliatreau, directrice de l'OST (Observatoire des Sciences et Techniques).

En volume de production, c'est-à-dire en prenant le nombre d'articles publiés, la France ne se situe pas trop mal.

«Nous sommes au 6e rang mondial, notre part s'effrite, mais c'est également vrai pour le Royaume-Uni l'Allemagne ou même les Etats Unis, en raison de l'émergence de nouveaux pays», souligne Ghislaine Filliatreau.

Moins convaincant : l'impact au plan mondial de ces publications, c'est-à-dire le nombre de citations dans les travaux des confrères. «Nous figurons seulement au 13e rang mondial, avec des performances nettement en deçà de nos voisins allemands et britanniques.»

Jamais évalués

«Franchement, la recherche sans évaluation, cela pose un problème. [...] Ecoutez, c'est consternant mais ce sera la première fois qu'une telle évaluation sera conduite dans nos universités, la première.»

Faux. Dans les grands organismes, les chercheurs doivent individuellement et régulièrement rendre des comptes.

«Tous les deux ans, chaque chercheur est soumis à une évaluation par ses pairs, au sein de commissions spécialisées», explique Jean-François Dhainaut, président de l'AERES (Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseigne ment supérieur). Celle-ci a été créée en 2006 pour évaluer les laboratoires, à savoir les équipes de chercheurs, et les établissements en tant que tels : l'Inserm, l'Inria ainsi qu'une dizaine d'universités et grandes écoles ont déjà été audités.

Et pas tout à fait faux... L'évaluation individuelle des universitaires est moins probante. Au moment de leur recrutement, les dossiers et mérites des candidats sont auscultés à la loupe. Une première fois par le CNU (Conseil national des Universités) puis devant des commissions locales. Le climat entre eux est très compétitif. Chaque enseignant-chercheur a à coeur de publier des articles qui témoignent de la progression de son travail et se sent jugé en permanence par ses pairs.

Mais il est vrai qu'une fois le job attribué il n'y a plus de procédures obligatoires d'évaluation nationale sauf pour le passage de maître de conférences à professeur.

En ce qui concerne l'évolution de leur carrière, leurs augmentations et leurs changements de grade, «la moitié des enseignants seulement sont soumis à une évaluation nationale par le CNU, le reste se décide localement», explique Simone Bonnafous, vice-présidente de la CPU (Conférence des Présidents d'Université).

Or le nouveau statut, contesté, prévoyait, pour la première fois, une évaluation régulière et nationale de chaque universitaire, à la fois sur la qualité de sa recherche et de son enseignement. Une petite révolution.





Véronique Radier
Le Nouvel Observateur