Semaine du 22 au 29 mars 2209
- Nouvelle journée de manifestation le 24 mars 2009.
- Le Comité technique paritaire de l’enseignement supérieur qui doit délibérer du nouveau projet de statut des universitaires n’a pu se tenir le 23 mars 2009, faute de quorum, le Snesup l’ayant boycotté.
- La coordination nationale des universités s'est réunie à Strasbourg le 23 mars 2009. Elle demande au gouvernement l,abrogation de la loi LRU et du pacte de la recherche.
- Après une nouvelle nuit de discussion avec les syndicats, le projet controversé de réforme du statut des enseignants-chercheurs a été de nouveau amendé, mardi 24 mars 2009, lors d'un comité technique paritaire. En signe de désaccord, les élus du Snesup-FSU, syndicat majoritaire, et FO ont quitté la réunion avant la fin les discussions. Le décret a été néanmoins adopté par 17 voix pour et 5 abstentions. Il devrait être adressé au Conseil d'Etat dans quelques semaines.
- Occupation du siège du CNRS le 26 mars 2009
Références
- Les présidents d'universités appelent à la reprise des cours , nouvelobs.com, 26 mars 2009
- Le siège du Cnrs occupé depuis ce matin , sciences2, 26 mars 2009
- Clash Pécresse/Snesup la nuit dernière , sciences2, 25 mars 2009
- Enseignants-chercheurs : statut réaménagé, le Snesup-FSU toujours contre , Le Monde, 25 mars 2009
- Un pan du monde universitaire s'installe dans la dissidence , Le Monde, 26 mars 2009
- L'impossible recensement des universitaires grévistes , Libération, 24 mars 2009
- Manifs : réussie à Paris, modestes en province , sciences2, 24 mars 2009
- La Coordination nationale des universités menace le gouvernement , nouvelobs.com, 24 mars 2009
- La ronde des actions continue à l’université , sciences2, 24 mars 2009
- Mastérisation : sur quoi Darcos a t-il reculé ? , sciences2, 23 mars 2009
mardi 24 mars 2009
lundi 23 mars 2009
Du processus de Bologne à la loi LRU, une catastrophe annoncée
Du processus de Bologne à la loi LRU, une catastrophe annoncée
Une conférence de Geneviève Azam, Enseignante-Chercheure et membre du conseil scientifique d’Attac.
Lundi 23 mars 2009 à l'Université de Toulouse 2 le Mirail.
Cette conférence à été initiée par l'Assemblée Générale des personnels de Toulouse 2 et était ouverte aux Etudiants, Biatos, Enseignants et Enseignants-Chercheurs.
Une conférence de Geneviève Azam, Enseignante-Chercheure et membre du conseil scientifique d’Attac.
Lundi 23 mars 2009 à l'Université de Toulouse 2 le Mirail.
Cette conférence à été initiée par l'Assemblée Générale des personnels de Toulouse 2 et était ouverte aux Etudiants, Biatos, Enseignants et Enseignants-Chercheurs.
dimanche 22 mars 2009
Enseignants-chercheurs, du déclassement à la radicalisation chronique
Enseignants-chercheurs, du déclassement à la radicalisation
chronique
par LAURENT VERON, Professeur à l'Université de Tours
21 mars 2009, Chroniques d'abonnés, lemonde.fr
La révolte d'une partie des enseignants-chercheurs opposés à une modification importante de leur statut est symptomatique de leurs appréhensions face à l'inconnu que représente un nouveau modèle de fonctionnement où l'évaluation individuelle sera la règle. Ce qui est surprenant, c'est l'apparition d'une forme plus radicale de contestation, radicalisation certes très minoritaire, mais appuyée par des décisions de quelques présidents d'universités.
Le nombre d'enseignants-chercheurs a doublé depuis 1981, atteignant maintenant 57000. Mais tandis que leur nombre augmentait, leur position sociale se dégradait. Commencer une carrière avec moins de 2000 euros par mois après dix ans d'études et la terminer avec 5000 euros pour la minorité des professeurs les plus reconnus, ne situe pas les bénéficiaires de cette manne au sommet de l'échelle sociale, surtout dans une société où l'argent est considéré comme le signe extérieur de la réussite. En outre l'hétérogénéité accrue du public étudiant ne participe pas à l'amélioration de l'idée qu'ils peuvent se faire de leur mission enseignante. Il est symptomatique de constater que les facultés de médecine ne sont pas touchées par les mouvements actuels : les étudiants y sont sélectionnés et les hospitalo-universitaires qui y enseignent cumulent salaires de médecins et d'enseignants. Ce constat vaut aussi pour les grandes écoles.
Tant que la société percevait avec respect cette catégorie d'intellectuels dévoués au Progrès, leur reconnaissance morale allait de paire avec leur abnégation. Mais au fur et à mesure du désintérêt de l'opinion pour la Science, les dures réalités économiques ont fini par s'imposer. Par comparaison avec d'autres pays développés et à niveau égal de responsabilité, les universitaires français sont moins rémunérés qu'en Allemagne ou en Angleterre et beaucoup moins qu' au Canada ou aux Etats-Unis. Ils ne disposent pas non plus de l'aide en secrétariat, apanage naturel leurs collègues étrangers. Ils bénéficient par contre d'un énorme avantage : ils sont titulaires de leur poste. Conséquence de cette protection, une part importante d'entre eux décroche de la recherche, se contente d'assurer les heures d'enseignement statutaires, voire se livre à d'autres activités lucratives.
Ni l'avancement de la Recherche, ni l'encadrement des étudiants, ni les comptes de l'État, ne justifient qu'ils bénéficient de cette sinécure comparée à l'horaire double des professeurs agrégés en milieu universitaire. Cette sécurité une fois rangée au rang des immuables avantages acquis, le sentiment de déclassement transparaît clairement dans les enquêtes.
Le rapport International comparison of academic salaries publié en 2008, analyse les revenus des universitaires dans quinze pays, depuis les plus développés jusqu'à l'Inde. Signe caractéristique de la place que la société alloue aux universitaires, le rapport entre leur salaire et le salaire moyen dans le pays: il va de 8,73 pour l'Inde à 1,58 pour la France, bonne dernière. Les gouvernements depuis 1981 portent la lourde responsabilité d'avoir gonflé au-delà des nécessités d'encadrement des étudiants et de développement de la recherche ce corps de fonctionnaires sans s'en donner tous les moyens budgétaires.
En sciences, la tradition égalitariste française est de mettre en avant la notion d'équipe, voire d'institution au détriment de l'individu : qu'un prix Nobel soit attribué et c'est la totalité de l'organisme de recherche qui s'en attribue le mérite. D'où la nécessité, jusqu'alors admise, de conforter ces immenses structures que sont l'INSERM ou CNRS. L'émergence de nouvelles nations scientifiques, en Asie ou en Amérique latine en particulier, a mis en évidence l'obsolescence de ce modèle et donné raison à un modèle dit nord-américain. En 2007, la France a entrepris une modernisation profonde de son appareil de recherche. La création de l'Agence Nationale de la Recherche, l'ANR, a pour objectif de promouvoir une logique scientifique basée sur la notion de projet et de résultats. La création d'instituts très autonomes au CNRS en remplacement des départements scientifiques va permettre une plus grande réactivité sans pour autant obérer la recherche à long terme. Enfin, la loi universitaire de 2007 qui octroie des pouvoirs considérables aux présidents d'université en leur donnant les moyens de gérer une autonomie universitaire est la clef de voûte de ce dispositif. Pour s'appliquer, la Loi LRU nécessite une modification profonde du statut des enseignants-chercheurs. C'est tout le débat qui agite ce milieu où se côtoient le dévouement, l'excellence scientifique, le conservatisme routinier et la médiocrité.
Si ces réformes arrivent à leur terme, aucun pouvoir politique ne les remettra en cause, pas plus qu'il ne remettrait en cause les réformes des retraites. Si reculade il devait y avoir, elle marquerait la fin de la période des réformes, et ce problème, comme tant d'autres, serait posé au président suivant.
chronique
par LAURENT VERON, Professeur à l'Université de Tours
21 mars 2009, Chroniques d'abonnés, lemonde.fr
La révolte d'une partie des enseignants-chercheurs opposés à une modification importante de leur statut est symptomatique de leurs appréhensions face à l'inconnu que représente un nouveau modèle de fonctionnement où l'évaluation individuelle sera la règle. Ce qui est surprenant, c'est l'apparition d'une forme plus radicale de contestation, radicalisation certes très minoritaire, mais appuyée par des décisions de quelques présidents d'universités.
Le nombre d'enseignants-chercheurs a doublé depuis 1981, atteignant maintenant 57000. Mais tandis que leur nombre augmentait, leur position sociale se dégradait. Commencer une carrière avec moins de 2000 euros par mois après dix ans d'études et la terminer avec 5000 euros pour la minorité des professeurs les plus reconnus, ne situe pas les bénéficiaires de cette manne au sommet de l'échelle sociale, surtout dans une société où l'argent est considéré comme le signe extérieur de la réussite. En outre l'hétérogénéité accrue du public étudiant ne participe pas à l'amélioration de l'idée qu'ils peuvent se faire de leur mission enseignante. Il est symptomatique de constater que les facultés de médecine ne sont pas touchées par les mouvements actuels : les étudiants y sont sélectionnés et les hospitalo-universitaires qui y enseignent cumulent salaires de médecins et d'enseignants. Ce constat vaut aussi pour les grandes écoles.
Tant que la société percevait avec respect cette catégorie d'intellectuels dévoués au Progrès, leur reconnaissance morale allait de paire avec leur abnégation. Mais au fur et à mesure du désintérêt de l'opinion pour la Science, les dures réalités économiques ont fini par s'imposer. Par comparaison avec d'autres pays développés et à niveau égal de responsabilité, les universitaires français sont moins rémunérés qu'en Allemagne ou en Angleterre et beaucoup moins qu' au Canada ou aux Etats-Unis. Ils ne disposent pas non plus de l'aide en secrétariat, apanage naturel leurs collègues étrangers. Ils bénéficient par contre d'un énorme avantage : ils sont titulaires de leur poste. Conséquence de cette protection, une part importante d'entre eux décroche de la recherche, se contente d'assurer les heures d'enseignement statutaires, voire se livre à d'autres activités lucratives.
Ni l'avancement de la Recherche, ni l'encadrement des étudiants, ni les comptes de l'État, ne justifient qu'ils bénéficient de cette sinécure comparée à l'horaire double des professeurs agrégés en milieu universitaire. Cette sécurité une fois rangée au rang des immuables avantages acquis, le sentiment de déclassement transparaît clairement dans les enquêtes.
Le rapport International comparison of academic salaries publié en 2008, analyse les revenus des universitaires dans quinze pays, depuis les plus développés jusqu'à l'Inde. Signe caractéristique de la place que la société alloue aux universitaires, le rapport entre leur salaire et le salaire moyen dans le pays: il va de 8,73 pour l'Inde à 1,58 pour la France, bonne dernière. Les gouvernements depuis 1981 portent la lourde responsabilité d'avoir gonflé au-delà des nécessités d'encadrement des étudiants et de développement de la recherche ce corps de fonctionnaires sans s'en donner tous les moyens budgétaires.
En sciences, la tradition égalitariste française est de mettre en avant la notion d'équipe, voire d'institution au détriment de l'individu : qu'un prix Nobel soit attribué et c'est la totalité de l'organisme de recherche qui s'en attribue le mérite. D'où la nécessité, jusqu'alors admise, de conforter ces immenses structures que sont l'INSERM ou CNRS. L'émergence de nouvelles nations scientifiques, en Asie ou en Amérique latine en particulier, a mis en évidence l'obsolescence de ce modèle et donné raison à un modèle dit nord-américain. En 2007, la France a entrepris une modernisation profonde de son appareil de recherche. La création de l'Agence Nationale de la Recherche, l'ANR, a pour objectif de promouvoir une logique scientifique basée sur la notion de projet et de résultats. La création d'instituts très autonomes au CNRS en remplacement des départements scientifiques va permettre une plus grande réactivité sans pour autant obérer la recherche à long terme. Enfin, la loi universitaire de 2007 qui octroie des pouvoirs considérables aux présidents d'université en leur donnant les moyens de gérer une autonomie universitaire est la clef de voûte de ce dispositif. Pour s'appliquer, la Loi LRU nécessite une modification profonde du statut des enseignants-chercheurs. C'est tout le débat qui agite ce milieu où se côtoient le dévouement, l'excellence scientifique, le conservatisme routinier et la médiocrité.
Si ces réformes arrivent à leur terme, aucun pouvoir politique ne les remettra en cause, pas plus qu'il ne remettrait en cause les réformes des retraites. Si reculade il devait y avoir, elle marquerait la fin de la période des réformes, et ce problème, comme tant d'autres, serait posé au président suivant.
mercredi 18 mars 2009
lundi 16 mars 2009
Le débat Valérie Pécresse - Bertrand Monthubert
Université, recherche : le duel Valérie Pécresse - Bertrand Monthubert , nouvelobs.com, 19 février 2009
La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche défend ses réformes contestées face à l'ex-président de Sauvons la Recherche, aujourd'hui responsable de ce dossier au PS
Le Nouvel Observateur/France-Culture. Le monde universitaire, chercheurs et enseignants, exprime ses vives inquiétudes sur son avenir. Valérie Pécresse, pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre projet pour l'université et la recherche ? Bertrand Monthubert, pouvez-vous nous dire vos principales objections à celui-ci ?
Valérie Pécresse. - Depuis 2007, le gouvernement a mis l'université au coeur de son projet avec l'idée qu'on ne pouvait pas continuer à faire perdurer un système où une partie des meilleurs étudiants s'orientaient vers les grandes écoles au détriment de l'université et où une partie des meilleurs chercheurs allaient dans des organismes de recherche sans revenir dans des laboratoires universitaires. La réforme repose sur l'autonomie des universités et sur le développement d'alliances territoriales entre universités, grandes écoles et organismes de recherche. Avec un objectif : simplifier la gestion de la recherche et donner davantage de rayonnement à nos universités.
Bertrand Monthubert. - Il y a d'abord un problème de méthode. Nous avons une succession de réformes qui n'ont pas réellement été élaborées en concertation avec la communauté scientifique et universitaire. Un rappel : au printemps 2007, une quinzaine d'organisations regroupant aussi bien la Conférence des Présidents d'Université que les syndicats étudiants ont décidé de faire des propositions de réforme qui devaient être développées dans le cadre d'assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous avions la volonté de changer un système dont nous connaissions les limites. Mais le choix a été fait par le gouvernement de passer la loi sur l'autonomie des universités en urgence au cours de l'été 2007 et de ne pas utiliser ce travail collectif des enseignants-chercheurs et des étudiants. Aujourd'hui, vous payez le prix de cette indifférence avec un mouvement de contestation extraordinaire dans les universités.
V. Pécresse. - Nous avons tenu compte des états généraux de la recherche et de ses propositions pour élaborer la loi de 2007. J'en tiens aussi compte pour élaborer le décret sur le statut des enseignants-chercheurs et sur les questions comme la modulation des services, les projets de recherche, les décharges d'enseignement, le rôle du Conseil national des Universités et l'évaluation au niveau national de l'ensemble des activités des enseignants-chercheurs.
B. Monthubert. - Non, le gouvernement a fait à peu près le contraire des propositions des états généraux. Nous avions voulu avec les assises prolonger le travail des états généraux au niveau des universités, et cela, vous ne l'avez pas souhaité. Les trois questions qui nous mobilisent sont le statut des enseignants-chercheurs, la réforme de la formation des enseignants et celle des organismes de recherche. Elles surgissent dans un contexte budgétaire où, pour la première fois, nous avons des suppressions d'emplois dans l'université. On prétend mettre l'université et la recherche au premier rang des priorités avec pour objectif de porter à 50% d'une classe d'âge le nombre d'étudiants au niveau de la licence, d'améliorer l'encadrement pédagogique pour lutter contre l'échec en premier cycle - objectifs auxquels je souscris -, mais en même temps on supprime des emplois dans ce secteur ! Comment n'arrivez-vous pas à dégager 50 millions d'euros pour sauver 1000 emplois ! Est-ce un problème budgétaire ou idéologique ?
V. Pécresse. - Dans mon ministère, il y a eu 1 non-renouvellement de départ en retraite pour 12 titulaires alors que, dans d'autres administrations, c'est 1 pour 2. Mais, à la suite des états généraux de la recherche et parce qu'il y avait un réel besoin, 6 200 emplois ont été créés, 2 000 environ par an depuis 2005. Auxquels j'ai ajouté 3 250 supports de monitorat, en fait des postes pour les jeunes doctorants, qui représentent 1000 équivalents temps plein. Il y a donc eu énormément de créations de postes ces trois dernières années. Dans les dix dernières années, il y a eu 20% d'emplois supplémentaires, grâce à la mobilisation générale, je le reconnais. L'urgence pour moi aujourd'hui est la revalorisation des carrières. Il faut recruter à de meilleurs salaires les jeunes maîtres de conférences en prenant en compte leur ancienneté, leurs années de doctorat et de postdoctorat. C'est ce que nous ferons cette année en les augmentant de 12% à 25%. Il n'y aura pas, en raison de la crise, beaucoup de professions en 2009 dont les salaires de départ augmenteront autant. Nous allons doubler d'ici à 2011 toutes les promotions de maîtres de conférences, de professeurs et de directeurs de recherche et créer des primes pédagogiques et de recherche pour mettre l'enseignement à égalité avec la recherche, primes qui pourront atteindre jusqu'à 15 000 euros par an, distribuées sur la base d'une évaluation nationale. Enfin, nous allons créer des chaires mixtes université-organismes de recherche pour permettre à un certain nombre de jeunes talents d'avoir de meilleurs salaires. C'est crucial pour éviter la fuite des cerveaux. Il n'y a eu cette année aucune suppression d'emplois d'enseignants-chercheurs dans l'université, mais pour la première fois le ministère a décidé de redéployer les postes entre les universités qui avaient perdu des effectifs et celles qui en avaient gagné.
Avec l'autonomie des universités, les enseignants-chercheurs, pour l'évaluation de leurs travaux et l'évolution de leur carrière, seront-ils soumis au bon vouloir des présidents d'université ?
B. Monthubert. - La logique de la réforme de 2007, c'est de confier beaucoup plus de pouvoir aux présidents d'université dans le choix par exemple des postes à demander ou à supprimer. Ils auraient aussi la possibilité de fixer la modulation de service entre recherche et enseignement. Or il y a dans la culture universitaire internationale un point central qui s'appelle la collégialité, qui veut que les décisions universitaires soient prises sur la base d'un collège d'enseignants- chercheurs et non uniquement d'une seule personne. Les savoirs sont très spécialisés, et dans les universités se côtoient des enseignants de disciplines variées qui n'ont pas la compétence pour juger des autres disciplines. Il y a donc besoin d'un travail très collectif pour prendre ensemble les bonnes décisions. La loi LRU d'août 2007 (relative aux libertés et aux responsabilités des universités) renforce le pouvoir des présidents et met trop de décisions dans les mains d'un seul homme. Les règles de collégialité ont été bafouées dans les réformes en cours. Evidemment, certains présidents associeront de manière large les intéressés, mais rien ne les y oblige. On ne peut pas faire reposer une réforme en pariant sur la vertu des présidents d'université. Il faut des garde-fous. ?
V. Pécresse. - Vous proposez une vision caricaturale de la loi qui donne davantage de pouvoir aux conseils d'administration d'université, composés très largement d'enseignants-chercheurs élus. Mais nous n'avons pas privé d'existence les conseils scientifiques d'université et les conseils des études et de la vie universitaire qui continuent de donner leur avis, ni diminué pour autant le pouvoir des directeurs des composantes universitaires, c'est-à-dire les unités de formation et de recherche, les IUT ou les écoles internes. Par exemple, la modulation des services universitaires, c'est-à-dire la possibilité pour un enseignant-chercheur de voir son service d'enseignement modulé selon son souhait et les besoins de l'université pour lui permettre de faire davantage de recherche ou de tâches administratives, interviendra sur une décision du président de l'université mais après consultation du directeur de sa composante et du directeur de son unité de recherche... Il y a bien toute une série de garde-fous. On peut certes augmenter ces garanties, et je suis ouverte au dialogue. Pour l'évaluation des enseignants-chercheurs, elle sera désormais complètement nationale et faite par les sections du Conseil national des Universités, à qui nous allons donner de nouveaux moyens. Et qui évalueront tous les quatre ans les activités des enseignants-chercheurs. C'est radicalement nouveau.
B. Monthubert. - Vous parlez de structure d évaluation nationale. Comment apprécie-t-on l'activité pédagogique ? Nous avons déjà de telles procédures dans la recherche et des décennies d'expérience d'évaluation (car les chercheurs sont plus évalués en France que dans beaucoup d'autres pays). Pour l'activité pédagogique, cela n'existe pas jusqu'alors. La première chose à faire est de mettre en place un dispositif d évaluation et de le faire évoluer si nécessaire. Il faut par ailleurs valoriser les activités d'enseignement autant que celles de recherche. Comment ? Vous nous proposez qu'un enseignant-chercheur mal évalué dans son activité de recherche soit contraint d'avoir un service d'enseignement plus important. Cela présente l'enseignement comme une punition. Alors que c'est une activité extrêmement noble. Les cas de chercheurs qui ne sont pas actifs en recherche et n'ont pas d'investissement pédagogique fort sont rares. On ne va pas les obliger à enseigner plus, car ce que nous voulons, c'est offrir les meilleurs enseignants aux étudiants. Il y a certes quelques problèmes avec de rares enseignants, il ne s'agit pas de le nier, mais on ne va pas traiter ces problèmes marginaux par un bouleversement de l'ensemble des pratiques et instaurer une concurrence absurde entre tous les enseignants-chercheurs.
V. Pécresse. - L'essentiel de l'utilité de la modulation, c'est de permettre une décharge d'enseignement qu'on n'a jamais pu faire. Aujourd'hui, il faut la faire à l'échelle de l'établissement, parce que c'est important dans une carrière d'enseignant de pouvoir, à un moment donné, chercher davantage ou enseigner davantage, et que ce soit valorisé. Il faut le faire sans dégrader le potentiel d'enseignement en université. C'est à l'université collégialement de régler ce problème. La modulation, c'est un projet collectif porté au niveau de l'établissement, mais aussi au sein de ses équipes pédagogiques et de recherche pour permettre à chacun d'avoir une carrière plus riche.
N. O./F.-C. - On répète sans cesse que la recherche est le moteur de l'avenir du pays. La France semble souffrir d'une incapacité chronique à mettre en place une liaison efficace entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise Pourquoi ?
B. Monthubert. - Ces dernières années, on a donné énormément d'argent aux entreprises pour soutenir la recherche privée par le biais du crédit impôt recherche (CIR) avec pour résultat qu'elles ont investi plutôt moins qu'avant. Pour le budget de l'année 2009, il est prévu une augmentation de 600 millions d'euros de crédit d'impôt recherche. C'est un leurre. Quand l'Etat redonnait à l'entreprise 1 euro, l'entreprise n'ajoutait en fait que 10 centimes pour la recherche. Cela n'a eu à peu près aucun effet d'entraînement. Nous souffrons, d'autre part, en France, d'une séparation entre la culture universitaire et celle des grandes écoles. Les entreprises sont dirigées essentiellement par des ingénieurs qui n'ont pas eu au cours de leur formation de contact avec les laboratoires de recherche. Il manque en France des «passeurs» de recherche et d'innovation, des personnes dans l'entreprise qui connaissent le monde académique et qui peuvent faire l'interface entre les besoins des entreprises et les laboratoires. Cela nécessite d'abord d'augmenter le nombre des docteurs, alors que malheureusement les prévisions montrent que, dans les dix prochaines années, il devrait y avoir une baisse de 32% de leur nombre. Le second problème, c'est de valoriser les formations doctorales au sein des entreprises, de faire en sorte que celles-ci accueillent mieux les docteurs, les emploient mieux. Nous avions proposé une condition à l'octroi du crédit impôt recherche à l'entreprise : augmenter l'embauche des docteurs. L'Etat s'est privé de ce levier.
V. Pécresse. - Nous avons pris en compte cette demande. L'embauche de jeunes docteurs compte double dans le crédit impôt recherche. Voilà ce que nous proposons pour remédier à la distance entre recherches publique et privée. D'abord la constitution des pôles de recherche et d'enseignement supérieur. Nous avons aujourd'hui une quinzaine de pôles prêts à voir le jour. C'est l'alliance de grandes écoles et d'universités avec une école doctorale commune et une signature de recherche commune. C'est enfin dire aux grandes écoles qu'elles doivent envoyer leurs jeunes vers des doctorats. Le deuxième outil, c'est le crédit impôt recherche que nous avons triplé car des grands groupes français s'apprêtaient à délocaliser leurs centres de recherche à l'étranger.
Nous n'étions plus compétitifs. C'est aussi un outil d'attractivité de la France, et depuis nous avons vu revenir Microsoft ou IBM, qui n'avaient plus localisé en France des centres de recherche depuis longtemps. Nous avons l'environnement fiscal le plus attractif pour la recherche privée, mais je serai vigilante pour que cette augmentation du CIR se traduise par des augmentations d'efforts de recherche et développement. Troisième dispositif, c'est la stratégie nationale de recherche et d'innovation. Nous n'avions pas de document stratégique pluriannuel qui fixe nos priorités de recherche en réponse aux défis scientifiques et sociétaux à relever et en confrontant les points de vue des chercheurs privés et publics et des représentants de la société civile. Nous procédons en France par focus successifs, un jour l'alzheimer, un autre le sida ou les nanotechnologies, et quand on a la malchance de ne pas chercher dans ces domaines, on s'inquiète de son financement. Un exemple sur les nouvelles batteries électriques destinées à l'automobile : les entreprises avaient beaucoup de mal à identifier les laboratoires publics qui travaillaient dessus. Mais la recherche publique a elle aussi beaucoup de mal à appréhender les modes de fonctionnement des entreprises privées. Il y a trop souvent un fossé entre les deux, et cette stratégie nationale permettra de le combler.
N. O./F.-C. - Les chercheurs font souvent référence au discours de Nicolas Sarkozy à Saclay qui insistait sur la nécessité de dégager des axes de recherche stratégiques, des priorités de recherche. Il donnait à titre indicatif les biotechnologies, les nanotechnologies, les technologies environnementales. Est-ce à l'Etat de piloter la recherche, et comment fait-on pour maintenir une recherche fondamentale qui est essentielle ?
B. Monthubert. - On doit distinguer deux niveaux. D'abord celui des grandes orientations. Prenons un exemple : aujourd'hui, il y a des défis énergétiques évidents, et que l'Etat indique à la recherche des axes de développement, c'est légitime. Le deuxième niveau, que j'appellerai la politique scientifique. Comment la traduit-on en objectifs de recherche ? C'est très compliqué, car c'est à la fois développer de la recherche appliquée sur certaines technologies mais aussi encourager la recherche fondamentale, d où émergent le plus souvent les réelles avancées. Prenons l'exemple éclairant du prix Nobel d'Albert Fert. Il commence ses travaux il y a une quarantaine d'années sur des questions de physique fondamentale qui le conduiront à découvrir certaines propriétés de matériaux très importantes ayant un débouché technologique imprévu à l'origine. A savoir : le stockage de masses considérables de données dans nos ordinateurs. Au départ, il ne se posait que des questions d'ordre fondamental. Des exemples similaires, on en a en permanence. La focalisation sur ce qui paraît essentiel à un moment donné peut nous conduire à abandonner des pans entiers du savoir qui deviendront peut-être déterminants. L'Etat doit laisser une forte marge de manoeuvre à la communauté scientifique, alors qu'il ne cesse de réduire les crédits de base qui permettent aux laboratoires de pouvoir s'engager dans des projets scientifiques de moyen et long terme.
V. Pécresse. - L'ANR Agence nationale de la Recherche, a été un formidable progrès. Elle a permis à la recherche française d'entrer dans une culture de recherche sur projet et d'augmenter les moyens des laboratoires de 25% en moyenne. Mais l'ANR a besoin de s'appuyer sur un document-cadre pluriannuel élaboré à partir des attentes de la communauté scientifique : la stratégie nationale de recherche et d'innovation sera importante de ce point de vue. L'ANR a deux types de projet : les projets thématiques et les «projets blancs», c'est-à-dire des projets totalement créatifs qui ne sont pas soumis à l'air du temps. J'ai porté ces «projets blancs» à 35% du budget de l'ANR Je souhaite que l'année prochaine ils soient portés à 50% afin de privilégier encore plus la créativité pure.
Valérie Pécresse
Valérie Pécresse a été députée des Yvelines de 2002 à 2007. Elle est ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle est candidate à la primaire UMP pour les élections régionales de 2010 en Ile-de-France.
Bertrand Monthubert
Bertrand Monthubert est mathématicien, professeur des universités et ancien président du collectif Sauvons la Recherche. Depuis décembre 2008, il est secrétaire national à l'enseignement supérieur et à la recherche au Parti socialiste.
Gilles Anquetil
Le Nouvel Observateur
La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche défend ses réformes contestées face à l'ex-président de Sauvons la Recherche, aujourd'hui responsable de ce dossier au PS
Le Nouvel Observateur/France-Culture. Le monde universitaire, chercheurs et enseignants, exprime ses vives inquiétudes sur son avenir. Valérie Pécresse, pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre projet pour l'université et la recherche ? Bertrand Monthubert, pouvez-vous nous dire vos principales objections à celui-ci ?
Valérie Pécresse. - Depuis 2007, le gouvernement a mis l'université au coeur de son projet avec l'idée qu'on ne pouvait pas continuer à faire perdurer un système où une partie des meilleurs étudiants s'orientaient vers les grandes écoles au détriment de l'université et où une partie des meilleurs chercheurs allaient dans des organismes de recherche sans revenir dans des laboratoires universitaires. La réforme repose sur l'autonomie des universités et sur le développement d'alliances territoriales entre universités, grandes écoles et organismes de recherche. Avec un objectif : simplifier la gestion de la recherche et donner davantage de rayonnement à nos universités.
Bertrand Monthubert. - Il y a d'abord un problème de méthode. Nous avons une succession de réformes qui n'ont pas réellement été élaborées en concertation avec la communauté scientifique et universitaire. Un rappel : au printemps 2007, une quinzaine d'organisations regroupant aussi bien la Conférence des Présidents d'Université que les syndicats étudiants ont décidé de faire des propositions de réforme qui devaient être développées dans le cadre d'assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous avions la volonté de changer un système dont nous connaissions les limites. Mais le choix a été fait par le gouvernement de passer la loi sur l'autonomie des universités en urgence au cours de l'été 2007 et de ne pas utiliser ce travail collectif des enseignants-chercheurs et des étudiants. Aujourd'hui, vous payez le prix de cette indifférence avec un mouvement de contestation extraordinaire dans les universités.
V. Pécresse. - Nous avons tenu compte des états généraux de la recherche et de ses propositions pour élaborer la loi de 2007. J'en tiens aussi compte pour élaborer le décret sur le statut des enseignants-chercheurs et sur les questions comme la modulation des services, les projets de recherche, les décharges d'enseignement, le rôle du Conseil national des Universités et l'évaluation au niveau national de l'ensemble des activités des enseignants-chercheurs.
B. Monthubert. - Non, le gouvernement a fait à peu près le contraire des propositions des états généraux. Nous avions voulu avec les assises prolonger le travail des états généraux au niveau des universités, et cela, vous ne l'avez pas souhaité. Les trois questions qui nous mobilisent sont le statut des enseignants-chercheurs, la réforme de la formation des enseignants et celle des organismes de recherche. Elles surgissent dans un contexte budgétaire où, pour la première fois, nous avons des suppressions d'emplois dans l'université. On prétend mettre l'université et la recherche au premier rang des priorités avec pour objectif de porter à 50% d'une classe d'âge le nombre d'étudiants au niveau de la licence, d'améliorer l'encadrement pédagogique pour lutter contre l'échec en premier cycle - objectifs auxquels je souscris -, mais en même temps on supprime des emplois dans ce secteur ! Comment n'arrivez-vous pas à dégager 50 millions d'euros pour sauver 1000 emplois ! Est-ce un problème budgétaire ou idéologique ?
V. Pécresse. - Dans mon ministère, il y a eu 1 non-renouvellement de départ en retraite pour 12 titulaires alors que, dans d'autres administrations, c'est 1 pour 2. Mais, à la suite des états généraux de la recherche et parce qu'il y avait un réel besoin, 6 200 emplois ont été créés, 2 000 environ par an depuis 2005. Auxquels j'ai ajouté 3 250 supports de monitorat, en fait des postes pour les jeunes doctorants, qui représentent 1000 équivalents temps plein. Il y a donc eu énormément de créations de postes ces trois dernières années. Dans les dix dernières années, il y a eu 20% d'emplois supplémentaires, grâce à la mobilisation générale, je le reconnais. L'urgence pour moi aujourd'hui est la revalorisation des carrières. Il faut recruter à de meilleurs salaires les jeunes maîtres de conférences en prenant en compte leur ancienneté, leurs années de doctorat et de postdoctorat. C'est ce que nous ferons cette année en les augmentant de 12% à 25%. Il n'y aura pas, en raison de la crise, beaucoup de professions en 2009 dont les salaires de départ augmenteront autant. Nous allons doubler d'ici à 2011 toutes les promotions de maîtres de conférences, de professeurs et de directeurs de recherche et créer des primes pédagogiques et de recherche pour mettre l'enseignement à égalité avec la recherche, primes qui pourront atteindre jusqu'à 15 000 euros par an, distribuées sur la base d'une évaluation nationale. Enfin, nous allons créer des chaires mixtes université-organismes de recherche pour permettre à un certain nombre de jeunes talents d'avoir de meilleurs salaires. C'est crucial pour éviter la fuite des cerveaux. Il n'y a eu cette année aucune suppression d'emplois d'enseignants-chercheurs dans l'université, mais pour la première fois le ministère a décidé de redéployer les postes entre les universités qui avaient perdu des effectifs et celles qui en avaient gagné.
Avec l'autonomie des universités, les enseignants-chercheurs, pour l'évaluation de leurs travaux et l'évolution de leur carrière, seront-ils soumis au bon vouloir des présidents d'université ?
B. Monthubert. - La logique de la réforme de 2007, c'est de confier beaucoup plus de pouvoir aux présidents d'université dans le choix par exemple des postes à demander ou à supprimer. Ils auraient aussi la possibilité de fixer la modulation de service entre recherche et enseignement. Or il y a dans la culture universitaire internationale un point central qui s'appelle la collégialité, qui veut que les décisions universitaires soient prises sur la base d'un collège d'enseignants- chercheurs et non uniquement d'une seule personne. Les savoirs sont très spécialisés, et dans les universités se côtoient des enseignants de disciplines variées qui n'ont pas la compétence pour juger des autres disciplines. Il y a donc besoin d'un travail très collectif pour prendre ensemble les bonnes décisions. La loi LRU d'août 2007 (relative aux libertés et aux responsabilités des universités) renforce le pouvoir des présidents et met trop de décisions dans les mains d'un seul homme. Les règles de collégialité ont été bafouées dans les réformes en cours. Evidemment, certains présidents associeront de manière large les intéressés, mais rien ne les y oblige. On ne peut pas faire reposer une réforme en pariant sur la vertu des présidents d'université. Il faut des garde-fous. ?
V. Pécresse. - Vous proposez une vision caricaturale de la loi qui donne davantage de pouvoir aux conseils d'administration d'université, composés très largement d'enseignants-chercheurs élus. Mais nous n'avons pas privé d'existence les conseils scientifiques d'université et les conseils des études et de la vie universitaire qui continuent de donner leur avis, ni diminué pour autant le pouvoir des directeurs des composantes universitaires, c'est-à-dire les unités de formation et de recherche, les IUT ou les écoles internes. Par exemple, la modulation des services universitaires, c'est-à-dire la possibilité pour un enseignant-chercheur de voir son service d'enseignement modulé selon son souhait et les besoins de l'université pour lui permettre de faire davantage de recherche ou de tâches administratives, interviendra sur une décision du président de l'université mais après consultation du directeur de sa composante et du directeur de son unité de recherche... Il y a bien toute une série de garde-fous. On peut certes augmenter ces garanties, et je suis ouverte au dialogue. Pour l'évaluation des enseignants-chercheurs, elle sera désormais complètement nationale et faite par les sections du Conseil national des Universités, à qui nous allons donner de nouveaux moyens. Et qui évalueront tous les quatre ans les activités des enseignants-chercheurs. C'est radicalement nouveau.
B. Monthubert. - Vous parlez de structure d évaluation nationale. Comment apprécie-t-on l'activité pédagogique ? Nous avons déjà de telles procédures dans la recherche et des décennies d'expérience d'évaluation (car les chercheurs sont plus évalués en France que dans beaucoup d'autres pays). Pour l'activité pédagogique, cela n'existe pas jusqu'alors. La première chose à faire est de mettre en place un dispositif d évaluation et de le faire évoluer si nécessaire. Il faut par ailleurs valoriser les activités d'enseignement autant que celles de recherche. Comment ? Vous nous proposez qu'un enseignant-chercheur mal évalué dans son activité de recherche soit contraint d'avoir un service d'enseignement plus important. Cela présente l'enseignement comme une punition. Alors que c'est une activité extrêmement noble. Les cas de chercheurs qui ne sont pas actifs en recherche et n'ont pas d'investissement pédagogique fort sont rares. On ne va pas les obliger à enseigner plus, car ce que nous voulons, c'est offrir les meilleurs enseignants aux étudiants. Il y a certes quelques problèmes avec de rares enseignants, il ne s'agit pas de le nier, mais on ne va pas traiter ces problèmes marginaux par un bouleversement de l'ensemble des pratiques et instaurer une concurrence absurde entre tous les enseignants-chercheurs.
V. Pécresse. - L'essentiel de l'utilité de la modulation, c'est de permettre une décharge d'enseignement qu'on n'a jamais pu faire. Aujourd'hui, il faut la faire à l'échelle de l'établissement, parce que c'est important dans une carrière d'enseignant de pouvoir, à un moment donné, chercher davantage ou enseigner davantage, et que ce soit valorisé. Il faut le faire sans dégrader le potentiel d'enseignement en université. C'est à l'université collégialement de régler ce problème. La modulation, c'est un projet collectif porté au niveau de l'établissement, mais aussi au sein de ses équipes pédagogiques et de recherche pour permettre à chacun d'avoir une carrière plus riche.
N. O./F.-C. - On répète sans cesse que la recherche est le moteur de l'avenir du pays. La France semble souffrir d'une incapacité chronique à mettre en place une liaison efficace entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise Pourquoi ?
B. Monthubert. - Ces dernières années, on a donné énormément d'argent aux entreprises pour soutenir la recherche privée par le biais du crédit impôt recherche (CIR) avec pour résultat qu'elles ont investi plutôt moins qu'avant. Pour le budget de l'année 2009, il est prévu une augmentation de 600 millions d'euros de crédit d'impôt recherche. C'est un leurre. Quand l'Etat redonnait à l'entreprise 1 euro, l'entreprise n'ajoutait en fait que 10 centimes pour la recherche. Cela n'a eu à peu près aucun effet d'entraînement. Nous souffrons, d'autre part, en France, d'une séparation entre la culture universitaire et celle des grandes écoles. Les entreprises sont dirigées essentiellement par des ingénieurs qui n'ont pas eu au cours de leur formation de contact avec les laboratoires de recherche. Il manque en France des «passeurs» de recherche et d'innovation, des personnes dans l'entreprise qui connaissent le monde académique et qui peuvent faire l'interface entre les besoins des entreprises et les laboratoires. Cela nécessite d'abord d'augmenter le nombre des docteurs, alors que malheureusement les prévisions montrent que, dans les dix prochaines années, il devrait y avoir une baisse de 32% de leur nombre. Le second problème, c'est de valoriser les formations doctorales au sein des entreprises, de faire en sorte que celles-ci accueillent mieux les docteurs, les emploient mieux. Nous avions proposé une condition à l'octroi du crédit impôt recherche à l'entreprise : augmenter l'embauche des docteurs. L'Etat s'est privé de ce levier.
V. Pécresse. - Nous avons pris en compte cette demande. L'embauche de jeunes docteurs compte double dans le crédit impôt recherche. Voilà ce que nous proposons pour remédier à la distance entre recherches publique et privée. D'abord la constitution des pôles de recherche et d'enseignement supérieur. Nous avons aujourd'hui une quinzaine de pôles prêts à voir le jour. C'est l'alliance de grandes écoles et d'universités avec une école doctorale commune et une signature de recherche commune. C'est enfin dire aux grandes écoles qu'elles doivent envoyer leurs jeunes vers des doctorats. Le deuxième outil, c'est le crédit impôt recherche que nous avons triplé car des grands groupes français s'apprêtaient à délocaliser leurs centres de recherche à l'étranger.
Nous n'étions plus compétitifs. C'est aussi un outil d'attractivité de la France, et depuis nous avons vu revenir Microsoft ou IBM, qui n'avaient plus localisé en France des centres de recherche depuis longtemps. Nous avons l'environnement fiscal le plus attractif pour la recherche privée, mais je serai vigilante pour que cette augmentation du CIR se traduise par des augmentations d'efforts de recherche et développement. Troisième dispositif, c'est la stratégie nationale de recherche et d'innovation. Nous n'avions pas de document stratégique pluriannuel qui fixe nos priorités de recherche en réponse aux défis scientifiques et sociétaux à relever et en confrontant les points de vue des chercheurs privés et publics et des représentants de la société civile. Nous procédons en France par focus successifs, un jour l'alzheimer, un autre le sida ou les nanotechnologies, et quand on a la malchance de ne pas chercher dans ces domaines, on s'inquiète de son financement. Un exemple sur les nouvelles batteries électriques destinées à l'automobile : les entreprises avaient beaucoup de mal à identifier les laboratoires publics qui travaillaient dessus. Mais la recherche publique a elle aussi beaucoup de mal à appréhender les modes de fonctionnement des entreprises privées. Il y a trop souvent un fossé entre les deux, et cette stratégie nationale permettra de le combler.
N. O./F.-C. - Les chercheurs font souvent référence au discours de Nicolas Sarkozy à Saclay qui insistait sur la nécessité de dégager des axes de recherche stratégiques, des priorités de recherche. Il donnait à titre indicatif les biotechnologies, les nanotechnologies, les technologies environnementales. Est-ce à l'Etat de piloter la recherche, et comment fait-on pour maintenir une recherche fondamentale qui est essentielle ?
B. Monthubert. - On doit distinguer deux niveaux. D'abord celui des grandes orientations. Prenons un exemple : aujourd'hui, il y a des défis énergétiques évidents, et que l'Etat indique à la recherche des axes de développement, c'est légitime. Le deuxième niveau, que j'appellerai la politique scientifique. Comment la traduit-on en objectifs de recherche ? C'est très compliqué, car c'est à la fois développer de la recherche appliquée sur certaines technologies mais aussi encourager la recherche fondamentale, d où émergent le plus souvent les réelles avancées. Prenons l'exemple éclairant du prix Nobel d'Albert Fert. Il commence ses travaux il y a une quarantaine d'années sur des questions de physique fondamentale qui le conduiront à découvrir certaines propriétés de matériaux très importantes ayant un débouché technologique imprévu à l'origine. A savoir : le stockage de masses considérables de données dans nos ordinateurs. Au départ, il ne se posait que des questions d'ordre fondamental. Des exemples similaires, on en a en permanence. La focalisation sur ce qui paraît essentiel à un moment donné peut nous conduire à abandonner des pans entiers du savoir qui deviendront peut-être déterminants. L'Etat doit laisser une forte marge de manoeuvre à la communauté scientifique, alors qu'il ne cesse de réduire les crédits de base qui permettent aux laboratoires de pouvoir s'engager dans des projets scientifiques de moyen et long terme.
V. Pécresse. - L'ANR Agence nationale de la Recherche, a été un formidable progrès. Elle a permis à la recherche française d'entrer dans une culture de recherche sur projet et d'augmenter les moyens des laboratoires de 25% en moyenne. Mais l'ANR a besoin de s'appuyer sur un document-cadre pluriannuel élaboré à partir des attentes de la communauté scientifique : la stratégie nationale de recherche et d'innovation sera importante de ce point de vue. L'ANR a deux types de projet : les projets thématiques et les «projets blancs», c'est-à-dire des projets totalement créatifs qui ne sont pas soumis à l'air du temps. J'ai porté ces «projets blancs» à 35% du budget de l'ANR Je souhaite que l'année prochaine ils soient portés à 50% afin de privilégier encore plus la créativité pure.
Valérie Pécresse
Valérie Pécresse a été députée des Yvelines de 2002 à 2007. Elle est ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle est candidate à la primaire UMP pour les élections régionales de 2010 en Ile-de-France.
Bertrand Monthubert
Bertrand Monthubert est mathématicien, professeur des universités et ancien président du collectif Sauvons la Recherche. Depuis décembre 2008, il est secrétaire national à l'enseignement supérieur et à la recherche au Parti socialiste.
Gilles Anquetil
Le Nouvel Observateur
dimanche 15 mars 2009
Enseignants-chercheurs :les grévistes sont payés
Enseignants-chercheurs :les grévistes sont payés , Le Figaro, 14 mars 2009
par Aude Sérès
Le mouvement universitaire ne faiblit pas, en dépit des concessions annoncées jeudi soir par le gouvernement sur la formation des maîtres.
Début de polémique autour du paiement des jours de grève des enseignants-chercheurs. Valérie Pécresse devrait en début de semaine envoyer une circulaire aux présidents d'université rappelant les modalités de comptabilisation des grévistes. Alors que le mouvement dure depuis plus de six semaines, la plupart des enseignants-chercheurs en grève devraient être payés, faute tout simplement d'avoir été comptabilisés. Alors que le Snesup revendique haut et fort que sur les 57 000 enseignants-chercheurs de France, «plus de la moitié sont en grève et le mouvement ne faiblit pas» au ministère, on précise que seuls 150 à 300 enseignants-chercheurs sont enregistrés comme grévistes. Les autres, en toute logique, se verront donc verser un salaire.
En vertu de la réglementation, c'est à l'administration de l'université de recenser les enseignants grévistes. La loi stipule que les fonctionnaires en grève ne peuvent être payés. D'ailleurs, même s'ils ne font grève qu'une partie de la journée, ils se verront ponctionner une journée entière de salaire. Ces retenues sont étalées dans les mois qui suivent.
Rattrapages de cours
Pourtant, dans le cas des enseignants-chercheurs, cette règle semble plus difficile à mettre en pratique. D'autant que certains présidents d'université ne l'entendent pas de cette oreille. «Le rôle des présidents d'université est de vérifier que les cours sont bien assurés, même s'ils ne se tiennent pas au moment prévu et que l'enseignement de l'année n'est pas en péril», souligne Simone Bonnafous, présidente de l'université Paris XII-Val-de-Marne, qui dans son cas, n'a pas signalé de retenues de salaires. Difficulté supplémentaire, glisse un autre président d'université, «dans un contexte de tension, on peut hésiter à mettre trop de pression». En outre, sur le terrain, il est parfois difficile de vérifier si les cours sont assurés, d'autant que certains sont déplacés dans le temps et dans les locaux. Autre cas, en cas de blocage par des étudiants, les cours ne sont pas assurés, mais pas du fait des enseignants… Et parfois, la frontière est subtile. «Il est très difficile de prouver que les enseignants sont grévistes et le droit est relativement flou sur ce sujet, car on peut même estimer que leur service est annuel», explique Yves Lecointe, président de l'université de Nantes. Valérie Robert, maître de conférence à l'université Paris-III et membre du collectif Défense de l'Université, estime qu'«il y a une difficulté juridique à comptabiliser les heures de présence devant les étudiants non assurées car elles ne représentent qu'une partie de nos tâches, et il est difficile de quantifier le reste». Elle assure par ailleurs des cours, même si le contenu n'est pas forcément académique… Autre pratique fréquemment observée dans les mouvements précédents, des rattrapages de cours une fois le mouvement terminé. «Lors du mouvement de l'an dernier contre la loi sur l'autonomie de l'université, le calendrier universitaire a été réaménagé une fois le mouvement terminé et nous avons rattrapé les cours», explique ainsi Mathieu Brunet, maître de conférence à Aix-Marseille.
Après six semaines de mouvement, la mobilisation universitaire ne faiblit pas, en dépit des annonces de jeudi soir sur un étalement de la réforme de la formation des maîtres. Pour les syndicats, l'objectif semble de maintenir leurs troupes en alerte jusqu'au mouvement national du 19 mars. De nombreuses universités font, selon le comité Sauvons l'université, encore l'objet de blocages partiels. À Montpellier, l'université a été fermée à la suite d'une rixe. Des «casseurs» ont saccagé l'amphithéâtre et brisé une alarme incendie, des tags ont été tracés.
par Aude Sérès
Le mouvement universitaire ne faiblit pas, en dépit des concessions annoncées jeudi soir par le gouvernement sur la formation des maîtres.
Début de polémique autour du paiement des jours de grève des enseignants-chercheurs. Valérie Pécresse devrait en début de semaine envoyer une circulaire aux présidents d'université rappelant les modalités de comptabilisation des grévistes. Alors que le mouvement dure depuis plus de six semaines, la plupart des enseignants-chercheurs en grève devraient être payés, faute tout simplement d'avoir été comptabilisés. Alors que le Snesup revendique haut et fort que sur les 57 000 enseignants-chercheurs de France, «plus de la moitié sont en grève et le mouvement ne faiblit pas» au ministère, on précise que seuls 150 à 300 enseignants-chercheurs sont enregistrés comme grévistes. Les autres, en toute logique, se verront donc verser un salaire.
En vertu de la réglementation, c'est à l'administration de l'université de recenser les enseignants grévistes. La loi stipule que les fonctionnaires en grève ne peuvent être payés. D'ailleurs, même s'ils ne font grève qu'une partie de la journée, ils se verront ponctionner une journée entière de salaire. Ces retenues sont étalées dans les mois qui suivent.
Rattrapages de cours
Pourtant, dans le cas des enseignants-chercheurs, cette règle semble plus difficile à mettre en pratique. D'autant que certains présidents d'université ne l'entendent pas de cette oreille. «Le rôle des présidents d'université est de vérifier que les cours sont bien assurés, même s'ils ne se tiennent pas au moment prévu et que l'enseignement de l'année n'est pas en péril», souligne Simone Bonnafous, présidente de l'université Paris XII-Val-de-Marne, qui dans son cas, n'a pas signalé de retenues de salaires. Difficulté supplémentaire, glisse un autre président d'université, «dans un contexte de tension, on peut hésiter à mettre trop de pression». En outre, sur le terrain, il est parfois difficile de vérifier si les cours sont assurés, d'autant que certains sont déplacés dans le temps et dans les locaux. Autre cas, en cas de blocage par des étudiants, les cours ne sont pas assurés, mais pas du fait des enseignants… Et parfois, la frontière est subtile. «Il est très difficile de prouver que les enseignants sont grévistes et le droit est relativement flou sur ce sujet, car on peut même estimer que leur service est annuel», explique Yves Lecointe, président de l'université de Nantes. Valérie Robert, maître de conférence à l'université Paris-III et membre du collectif Défense de l'Université, estime qu'«il y a une difficulté juridique à comptabiliser les heures de présence devant les étudiants non assurées car elles ne représentent qu'une partie de nos tâches, et il est difficile de quantifier le reste». Elle assure par ailleurs des cours, même si le contenu n'est pas forcément académique… Autre pratique fréquemment observée dans les mouvements précédents, des rattrapages de cours une fois le mouvement terminé. «Lors du mouvement de l'an dernier contre la loi sur l'autonomie de l'université, le calendrier universitaire a été réaménagé une fois le mouvement terminé et nous avons rattrapé les cours», explique ainsi Mathieu Brunet, maître de conférence à Aix-Marseille.
Après six semaines de mouvement, la mobilisation universitaire ne faiblit pas, en dépit des annonces de jeudi soir sur un étalement de la réforme de la formation des maîtres. Pour les syndicats, l'objectif semble de maintenir leurs troupes en alerte jusqu'au mouvement national du 19 mars. De nombreuses universités font, selon le comité Sauvons l'université, encore l'objet de blocages partiels. À Montpellier, l'université a été fermée à la suite d'une rixe. Des «casseurs» ont saccagé l'amphithéâtre et brisé une alarme incendie, des tags ont été tracés.
vendredi 13 mars 2009
A Rennes 2, le blues d'un président d'université face à la révolte
A Rennes 2, le blues d'un président d'université face à la révolte , Liberennes, 13 mars 2009
Depuis début février, le président de Rennes 2 Marc Gontard est confronté à sa troisième révolte étudiante en trois ans et s'inquiète des conséquences pour son université d'une grève qu'il juge désormais "incontrôlable".
"Etre président à Rennes 2, ce n'est pas une sinécure", confie dans un soupir ce Breton de 63 ans, spécialiste de la littérature du 20ème siècle. S'il avait su ce qui l'attendait avant son élection en décembre 2005, il reconnaît qu'il aurait sans doute refusé de diriger ce campus de lettres et sciences humaines, en pointe dans toutes les contestations.
"Mais une fois qu'on est dans le bateau, on va jusqu'au bout", explique-t-il, philosophe, dans son bureau au sixième étage d'un bâtiment surveillé en permanence par deux vigiles.
Début février, des étudiants avaient cassé des vitres et la porte d'accès à la présidence pour libérer un camarade surpris par des vigiles en train de taguer un mur.
Un autre bâtiment du campus a été transformé en squat "par une trentaine d'autonomes, extérieurs à l'université, et les étudiants les plus extrémistes de SUD et de la CNT" (Confédération nationale du travail). "Ils ont apporté des canapés, installé un frigo et de quoi faire à manger, monté des étagères, branché leur sono sur le réseau électrique", explique-t-il. Ils ont aussi "forcé les portes des amphis pour les transformer en dortoirs, forcé l'accès aux archives et depuis peu, ils invitent tous les soirs un groupe de rap: c'est devenu un espace de non droit".
"J'ai des craintes très fortes pour l'université. Nous allons subir à nouveau une forte dégradation de notre image après le troisième blocage du campus en trois ans", dit-il.
Rennes 2 a perdu 5.500 étudiants en quatre ans, ses effectifs passant de 22.000 en 2005 à 16.500 en 2009. "Les parents ne veulent plus inscrire leurs enfants dans une université où un semestre par an est perturbé", analyse-t-il. Il s'inquiète aussi pour les 2.500 étudiants étrangers "qui paient cher pour étudier ici et n'ont pas cours" et pour l'avenir des programmes d'échanges internationaux. "J'ai eu récemment une université du Québec au téléphone. Je ne sais plus quoi leur dire", soupire-t-il.
Marc Gontard avait dû encaisser les reproches de parents d'étudiants et de sa hiérarchie lors du mouvement anti-CPE du printemps 2006, quand l'université avait subi huit semaines de blocage. Il s'était alors opposé publiquement au Contrat première embauche, mais après le retrait du CPE, ses efforts pour rétablir l'ordre avaient été contrés par une minorité d'étudiants jusqu'au boutistes. "Cela a été une leçon, explique-t-il, on ne peut pas discuter avec ces gens-là".
Lors du mouvement contre la loi sur l'autonomie des universités, à l'automne 2007, il adopte un profil dur, dénonce le recours à la violence et le non respect de la démocratie par les bloqueurs qu'il traite de "Khmers rouges". Il obtient la levée du blocage après deux semaines, mais les étudiants les plus radicaux ne lui pardonneront pas.
Depuis février, "le mouvement étudiant mis en marche par le mouvement des enseignants-chercheurs est devenu à Rennes 2 tout à fait incontrôlable", s'inquiète-t-il. "Cela n'a plus rien à voir avec les revendications sur les décrets Pécresse. Les extrémistes ont pris le contrôle des AG avec les méthodes habituelles de manipulations et d'intimidations, explique-t-il. Lundi, les étudiants ont voté la fin du capitalisme". "Dans toute ma carrière, je n'ai jamais vu une telle accumulation de mouvements avec des blocages aussi longs et une telle violence", confie-t-il.
Il dit comprendre pourtant "le mal être de la jeunesse" y voyant la "nostalgie d'une société plus humaniste et un refus d'entrer dans un monde de concurrence exacerbée".
Daniel ARONSSOHN (AFP)
Jeudi, après de longs débats et deux votes à main levée très serrés lors d'une AG d'environ 2000 étudiants, le bureau a prononcé la reconduite du blocage total de l'université jusqu'à lundi.
Depuis début février, le président de Rennes 2 Marc Gontard est confronté à sa troisième révolte étudiante en trois ans et s'inquiète des conséquences pour son université d'une grève qu'il juge désormais "incontrôlable".
"Etre président à Rennes 2, ce n'est pas une sinécure", confie dans un soupir ce Breton de 63 ans, spécialiste de la littérature du 20ème siècle. S'il avait su ce qui l'attendait avant son élection en décembre 2005, il reconnaît qu'il aurait sans doute refusé de diriger ce campus de lettres et sciences humaines, en pointe dans toutes les contestations.
"Mais une fois qu'on est dans le bateau, on va jusqu'au bout", explique-t-il, philosophe, dans son bureau au sixième étage d'un bâtiment surveillé en permanence par deux vigiles.
Début février, des étudiants avaient cassé des vitres et la porte d'accès à la présidence pour libérer un camarade surpris par des vigiles en train de taguer un mur.
Un autre bâtiment du campus a été transformé en squat "par une trentaine d'autonomes, extérieurs à l'université, et les étudiants les plus extrémistes de SUD et de la CNT" (Confédération nationale du travail). "Ils ont apporté des canapés, installé un frigo et de quoi faire à manger, monté des étagères, branché leur sono sur le réseau électrique", explique-t-il. Ils ont aussi "forcé les portes des amphis pour les transformer en dortoirs, forcé l'accès aux archives et depuis peu, ils invitent tous les soirs un groupe de rap: c'est devenu un espace de non droit".
"J'ai des craintes très fortes pour l'université. Nous allons subir à nouveau une forte dégradation de notre image après le troisième blocage du campus en trois ans", dit-il.
Rennes 2 a perdu 5.500 étudiants en quatre ans, ses effectifs passant de 22.000 en 2005 à 16.500 en 2009. "Les parents ne veulent plus inscrire leurs enfants dans une université où un semestre par an est perturbé", analyse-t-il. Il s'inquiète aussi pour les 2.500 étudiants étrangers "qui paient cher pour étudier ici et n'ont pas cours" et pour l'avenir des programmes d'échanges internationaux. "J'ai eu récemment une université du Québec au téléphone. Je ne sais plus quoi leur dire", soupire-t-il.
Marc Gontard avait dû encaisser les reproches de parents d'étudiants et de sa hiérarchie lors du mouvement anti-CPE du printemps 2006, quand l'université avait subi huit semaines de blocage. Il s'était alors opposé publiquement au Contrat première embauche, mais après le retrait du CPE, ses efforts pour rétablir l'ordre avaient été contrés par une minorité d'étudiants jusqu'au boutistes. "Cela a été une leçon, explique-t-il, on ne peut pas discuter avec ces gens-là".
Lors du mouvement contre la loi sur l'autonomie des universités, à l'automne 2007, il adopte un profil dur, dénonce le recours à la violence et le non respect de la démocratie par les bloqueurs qu'il traite de "Khmers rouges". Il obtient la levée du blocage après deux semaines, mais les étudiants les plus radicaux ne lui pardonneront pas.
Depuis février, "le mouvement étudiant mis en marche par le mouvement des enseignants-chercheurs est devenu à Rennes 2 tout à fait incontrôlable", s'inquiète-t-il. "Cela n'a plus rien à voir avec les revendications sur les décrets Pécresse. Les extrémistes ont pris le contrôle des AG avec les méthodes habituelles de manipulations et d'intimidations, explique-t-il. Lundi, les étudiants ont voté la fin du capitalisme". "Dans toute ma carrière, je n'ai jamais vu une telle accumulation de mouvements avec des blocages aussi longs et une telle violence", confie-t-il.
Il dit comprendre pourtant "le mal être de la jeunesse" y voyant la "nostalgie d'une société plus humaniste et un refus d'entrer dans un monde de concurrence exacerbée".
Daniel ARONSSOHN (AFP)
Jeudi, après de longs débats et deux votes à main levée très serrés lors d'une AG d'environ 2000 étudiants, le bureau a prononcé la reconduite du blocage total de l'université jusqu'à lundi.
jeudi 12 mars 2009
Pour une vraie réforme de l’Université et la Recherche
Pour une vraie réforme de l’Université et la Recherche
Un texte de Alain Trautmann (biologiste et fondateur de Sauvons la recherche), Georges Debrégeas (physicien à l’Ecole Normale Supérieure) et Didier Chatenay (directeur du laboratoire des fluides complexes (Cnrs) à Strasbourg.
Dans le débat actuel autour du système français d’enseignement supérieur et de recherche (ES&R), certains accusent ceux qui s’opposent aux projets gouvernementaux de n'avoir aucune proposition à faire, d’être partisans du statu quo. D’autres affirment que nombre des propositions faites lors des Etats Généraux de la Recherche de 2004 (EGR) auraient été largement prises en compte par le gouvernement. Ces deux critiques sont évidemment exclusives l’une de l’autre, et également contestables. Nous allons répondre à l’une et l’autre en montrant sur quelques exemples à quel point les évolutions mises en place par l’actuel gouvernement vont à l’encontre de la plupart des pistes explorées lors de ces Etats Généraux. Ceci permettra aussi de répondre à ceux qui suggèrent que le mouvement de 2004 était légitime, mais que le mouvement actuel ne le serait plus (1).
La question de l’emploi
Dès 2004, une des préoccupations fondamentales du mouvement "Sauvons La Recherche" a été la question de l’emploi scientifique et de la précarité grandissante dans le milieu académique. Il s’agissait d’un point central des EGR qui soulignait la nécessité d’un plan pluriannuel pour l’emploi. Ce point était tellement crucial qu’il avait été repris par François Fillon qui, dans son discours aux EGR à Grenoble, avait déclaré : "Je considère qu'il est absolument nécessaire de mettre en place un véritable plan pluriannuel de l'emploi scientifique, et la loi devra y faire référence." Pour des raisons purement idéologiques, sans rapport avec la crise actuelle, le gouvernement a obstinément refusé de mettre en place un tel plan, alors que le coût de la création de 1000 postes dans l’ES&R (charges comprises) est de moins de 50 millions€, soit moins de 1.5% du Crédit Impôt Recherche (CIR) en 2009 (2). Ce refus d'un plan pluriannuel pour l'emploi s'inscrit dans une politique globale de diminution de l'importance des services publics et de réduction systématique de la part de travail effectuée sur des emplois statutaires dans ce secteur. Nous affirmons que cette volonté dogmatique de destruction des services publics risque d'avoir des conséquences désastreuses, à la fois pour l'emploi et pour la qualité des services concernés, en particulier dans l’ES&R.
Evaluation des laboratoires a priori ou a posteriori, priorité à l'ANR ou aux établissements de recherche
Concernant le mode de financement des laboratoires, les EGR avaient conclu que l'essentiel de ce financement devait être versé sous la forme de crédits de base, et ajusté en fonction d'une évaluation quadriennale, combinant évaluation a posteriori et sur projets. En cas d’évaluation positive, un laboratoire signerait avec ses établissements de tutelle un nouveau contrat quadriennal avec une dotation pour 4 ans prenant en compte la qualité scientifique des travaux effectués et les besoins associés au projet à venir. Le financement sur projets courts ne devait constituer qu'un complément limité de cette dotation essentielle. Un corollaire de cette proposition était la garantie de l’autonomie des EPST(3) et des universités, et l'augmentation de leurs budgets, dont le montant était déjà notoirement insuffisant pour financer les recherches des équipes dont elles ont la charge. Les choix effectués actuellement sont diamétralement opposés : les EPST sont en cours de démantèlement, l'autonomie de leurs directions réduite à néant, leurs budgets en diminution constante (ce qui tue toute possibilité de politique scientifique), tout cela au profit du développement d'une agence gouvernementale, l'ANR (4) (dont la création a été décidée dès juillet 2004, donc avant les EGR), une agence qui finance des projets à court terme, majoritairement thématisés, et qui pratique essentiellement une évaluation a priori. Tout ceci n'empêche pas le gouvernement d'essayer de faire croire que l'ANR est une proposition des EGR !
Evaluation des personnes
Le Président de la République, dans son discours du 22 janvier 2009, a osé prétendre que les scientifiques n'étaient pas évalués et ne souhaitaient pas l'être, si ce n'est sous la forme de petits arrangements entre amis. Revenons sur la réalité des faits.
Sur l'évaluation existante, régulière, de l'activité des chercheurs, les EGR avaient souligné que le principe de structures comme le Comité National de la Recherche Scientifique (CoNRS) ou les commissions de l'INSERM était bon, et devait être conservé, même si certains aspects de leur fonctionnement pouvaient et devaient être améliorés. Il était clairement proposé que les enseignants-chercheurs devraient eux aussi bénéficier d'une évaluation régulière de l'ensemble de leurs activités (enseignement, recherche, administration), et que cette évaluation (au niveau national pour la partie recherche - comme pour les chercheurs -, au niveau local pour les autres aspects de leurs activités) devrait être effectuée par les pairs, en satisfaisant à des principes de base tels que la collégialité, l’indépendance, l'existence de débats contradictoires. Il était souhaitable que les mêmes structures évaluent les personnes et les équipes de recherche (comme le fait le CoNRS), afin de garantir la cohérence de ces évaluations entre elles. Enfin, il fallait aussi mettre en place une évaluation souhaitée par les ingénieurs de recherche -pour leurs activités de recherche-, et pour les autres ingénieurs et techniciens, par métier. Toutes ces évaluations visaient à améliorer le fonctionnement du système en aboutissant à accélérer les promotions des personnes les mieux évaluées, et en aidant les personnes moins bien évaluées à améliorer leur travail.
La logique de la 'réforme' est à nouveau à l'opposé de ces propositions. Au lieu de promotions accélérées, de multiples primes individuelles ont été mises en place, ouvrant la porte à des pratiques opaques et arbitraires. Les ingénieurs et techniciens sont oubliés. La structure mise en place, l'AERES (5), est composée uniquement de personnes nommées, n'évaluant que les structures. L'objectif qui lui est assigné n'est pas d’en évaluer les forces et les faiblesses, d’identifier d’éventuels dysfonctionnements, et de proposer de possibles améliorations ou réorientations, mais de les classer afin de pouvoir par la suite punir ou récompenser. L’AERES ne sert pas la recherche et l’enseignement supérieur, elle sert une politique de tri sélectif qui tient lieu de politique scientifique. Une étape-clé (le classement des laboratoires) doit être effectuée par un groupe très restreint (au mépris d'un fonctionnement réellement transparent, collégial, contradictoire), ce qui renforce le processus de bureaucratisation de la recherche. Qui peut prétendre qu'un tel monstre correspond aux souhaits des EGR ?
Un simulacre de Haut Conseil de la Science
Les EGR avaient demandé la création d’un Haut Conseil de la Science (HCS), composé de personnalités dans lesquelles la communauté scientifique se reconnaîtrait (en particulier, des membres des Conseils Scientifiques des EPST, des représentants des universités, du Collège de France etc…). Au lieu de cela, dans le HCST qui a effectivement été créé (avec un T comme technologie), toutes les personnalités ont été nommées par le gouvernement, ce qui constitue une excellente garantie pour que la communauté scientifique ne s’y reconnaisse pas. Le HCS que nous demandions aurait eu droit d’auto-saisine, et aurait rendu publics tous ses avis. Aucune de ces dispositions n’a été retenue. Le HCST créé est un détournement complet du HCS qui était demandé. Ses avis comptent tellement peu que, lorsque le gouvernement a ressenti la nécessité d’un ‘avis objectif’ sur les réformes du système ES&R, il a mis en place un "comité de pilotage" ad hoc de plus, et a purement et simplement ignoré la parodie de HCS qu’il avait créée 2 ans plus tôt…
Des PRES pour favoriser la coopération ou la concurrence ?
Les EGR avaient demandé la création de PRES (Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur). Les motivations sous-jacentes à cette proposition étaient les suivantes. Les petites universités ont une utilité certaine, car elles proposent sur tout le territoire des lieux dispensant une formation supérieure, et contribuent à la vitalité de la région. Pour beaucoup de familles modestes n’ayant pas les moyens de payer un logement à un jeune étudiant dans une ville éloignée, ces petites universités sont importantes. Elles ne peuvent évidemment toutes être pluridisciplinaires, et avoir en leur sein des laboratoires de recherche de haut niveau dans tous les domaines. La présence dans le même réseau de plusieurs petites universités, et si possible d’une plus grande, devrait permettre de résoudre, au niveau d’un PRES, le problème de la pluridisciplinarité et du rattachement à un laboratoire de recherche de haut niveau. Le principe de base était donc de renforcer coopération et solidarité. Ce qui nous est proposé dans les PRES que le gouvernement met en place, répond à des principes parfaitement opposés. A la place de la coopération, on nous propose la compétition et la concurrence à outrance. A la place de rapprochements indispensables, particulièrement en province, on voit se mettre en place des alliances purement stratégiques chacune visant à être la plus grosse structure qui permettre d’écraser les concurrents dans la compétition pour le classement de Shangaï, et pour obtenir la plus grosse dotation gouvernementale possible, au détriment de celle accordée aux PRES concurrents.
Ces exemples suffisent à notre démonstration : il est absolument faux de prétendre que les opposants aux contre-réformes gouvernementales en matière d’ES&R n’ont fait aucune proposition et souhaitent l’immobilisme et le statu quo.(6) Il est tout aussi faux de prétendre que les décisions gouvernementales auraient pris en compte les propositions des EGR. Le gouvernement s’est inspiré des mots des EGR, pour en détourner, et même en retourner complètement l’esprit et le sens. Il y a incompatibilité totale entre la logique des EGR (renforcer notre capacité à produire et transmettre des connaissances, dans une logique de 'bien commun', de démocratisation dans l'accès au savoir, dans un esprit de coopération) et la logique gouvernementale. Cette dernière ne vise pas à réformer notre système d'ES&R, mais littéralement à le défigurer, à le forcer à abandonner une logique de service public pour lui imposer celle d'une entreprise dont les maîtres-mots seraient rentabilité et gestion managériale.
notes
(1) Voir par exemple "Sauvons la recherche... des chercheurs !", tribune d'un haut fonctionnaire dans Le Monde du 21 février 09
(2) Notons qu'un rapport de la Cour des Comptes de 2008 a souligné l'efficacité très douteuse du CIR pour la part -dominante- versée aux grandes entreprises.
(3) Etablissements Publics Scientifiques et Techniques
(4) Agence Nationale pour la Recherche
(5) Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur
(6) Au-delà des EGR, notons que de nombreuses structures (CPCNU, CoNRS, CS des universités, etc.) ont fait au cours des années des propositions d’amélioration de leur fonctionnement interne, et que celles-ci ont été systématiquement ignorées lors de l’adoption des lois nouvelles qui prétendaient les réformer.
Références
- Pour une vraie réforme de l’Université et la Recherche , sciences2, 12 mars 2009
Un texte de Alain Trautmann (biologiste et fondateur de Sauvons la recherche), Georges Debrégeas (physicien à l’Ecole Normale Supérieure) et Didier Chatenay (directeur du laboratoire des fluides complexes (Cnrs) à Strasbourg.
Dans le débat actuel autour du système français d’enseignement supérieur et de recherche (ES&R), certains accusent ceux qui s’opposent aux projets gouvernementaux de n'avoir aucune proposition à faire, d’être partisans du statu quo. D’autres affirment que nombre des propositions faites lors des Etats Généraux de la Recherche de 2004 (EGR) auraient été largement prises en compte par le gouvernement. Ces deux critiques sont évidemment exclusives l’une de l’autre, et également contestables. Nous allons répondre à l’une et l’autre en montrant sur quelques exemples à quel point les évolutions mises en place par l’actuel gouvernement vont à l’encontre de la plupart des pistes explorées lors de ces Etats Généraux. Ceci permettra aussi de répondre à ceux qui suggèrent que le mouvement de 2004 était légitime, mais que le mouvement actuel ne le serait plus (1).
La question de l’emploi
Dès 2004, une des préoccupations fondamentales du mouvement "Sauvons La Recherche" a été la question de l’emploi scientifique et de la précarité grandissante dans le milieu académique. Il s’agissait d’un point central des EGR qui soulignait la nécessité d’un plan pluriannuel pour l’emploi. Ce point était tellement crucial qu’il avait été repris par François Fillon qui, dans son discours aux EGR à Grenoble, avait déclaré : "Je considère qu'il est absolument nécessaire de mettre en place un véritable plan pluriannuel de l'emploi scientifique, et la loi devra y faire référence." Pour des raisons purement idéologiques, sans rapport avec la crise actuelle, le gouvernement a obstinément refusé de mettre en place un tel plan, alors que le coût de la création de 1000 postes dans l’ES&R (charges comprises) est de moins de 50 millions€, soit moins de 1.5% du Crédit Impôt Recherche (CIR) en 2009 (2). Ce refus d'un plan pluriannuel pour l'emploi s'inscrit dans une politique globale de diminution de l'importance des services publics et de réduction systématique de la part de travail effectuée sur des emplois statutaires dans ce secteur. Nous affirmons que cette volonté dogmatique de destruction des services publics risque d'avoir des conséquences désastreuses, à la fois pour l'emploi et pour la qualité des services concernés, en particulier dans l’ES&R.
Evaluation des laboratoires a priori ou a posteriori, priorité à l'ANR ou aux établissements de recherche
Concernant le mode de financement des laboratoires, les EGR avaient conclu que l'essentiel de ce financement devait être versé sous la forme de crédits de base, et ajusté en fonction d'une évaluation quadriennale, combinant évaluation a posteriori et sur projets. En cas d’évaluation positive, un laboratoire signerait avec ses établissements de tutelle un nouveau contrat quadriennal avec une dotation pour 4 ans prenant en compte la qualité scientifique des travaux effectués et les besoins associés au projet à venir. Le financement sur projets courts ne devait constituer qu'un complément limité de cette dotation essentielle. Un corollaire de cette proposition était la garantie de l’autonomie des EPST(3) et des universités, et l'augmentation de leurs budgets, dont le montant était déjà notoirement insuffisant pour financer les recherches des équipes dont elles ont la charge. Les choix effectués actuellement sont diamétralement opposés : les EPST sont en cours de démantèlement, l'autonomie de leurs directions réduite à néant, leurs budgets en diminution constante (ce qui tue toute possibilité de politique scientifique), tout cela au profit du développement d'une agence gouvernementale, l'ANR (4) (dont la création a été décidée dès juillet 2004, donc avant les EGR), une agence qui finance des projets à court terme, majoritairement thématisés, et qui pratique essentiellement une évaluation a priori. Tout ceci n'empêche pas le gouvernement d'essayer de faire croire que l'ANR est une proposition des EGR !
Evaluation des personnes
Le Président de la République, dans son discours du 22 janvier 2009, a osé prétendre que les scientifiques n'étaient pas évalués et ne souhaitaient pas l'être, si ce n'est sous la forme de petits arrangements entre amis. Revenons sur la réalité des faits.
Sur l'évaluation existante, régulière, de l'activité des chercheurs, les EGR avaient souligné que le principe de structures comme le Comité National de la Recherche Scientifique (CoNRS) ou les commissions de l'INSERM était bon, et devait être conservé, même si certains aspects de leur fonctionnement pouvaient et devaient être améliorés. Il était clairement proposé que les enseignants-chercheurs devraient eux aussi bénéficier d'une évaluation régulière de l'ensemble de leurs activités (enseignement, recherche, administration), et que cette évaluation (au niveau national pour la partie recherche - comme pour les chercheurs -, au niveau local pour les autres aspects de leurs activités) devrait être effectuée par les pairs, en satisfaisant à des principes de base tels que la collégialité, l’indépendance, l'existence de débats contradictoires. Il était souhaitable que les mêmes structures évaluent les personnes et les équipes de recherche (comme le fait le CoNRS), afin de garantir la cohérence de ces évaluations entre elles. Enfin, il fallait aussi mettre en place une évaluation souhaitée par les ingénieurs de recherche -pour leurs activités de recherche-, et pour les autres ingénieurs et techniciens, par métier. Toutes ces évaluations visaient à améliorer le fonctionnement du système en aboutissant à accélérer les promotions des personnes les mieux évaluées, et en aidant les personnes moins bien évaluées à améliorer leur travail.
La logique de la 'réforme' est à nouveau à l'opposé de ces propositions. Au lieu de promotions accélérées, de multiples primes individuelles ont été mises en place, ouvrant la porte à des pratiques opaques et arbitraires. Les ingénieurs et techniciens sont oubliés. La structure mise en place, l'AERES (5), est composée uniquement de personnes nommées, n'évaluant que les structures. L'objectif qui lui est assigné n'est pas d’en évaluer les forces et les faiblesses, d’identifier d’éventuels dysfonctionnements, et de proposer de possibles améliorations ou réorientations, mais de les classer afin de pouvoir par la suite punir ou récompenser. L’AERES ne sert pas la recherche et l’enseignement supérieur, elle sert une politique de tri sélectif qui tient lieu de politique scientifique. Une étape-clé (le classement des laboratoires) doit être effectuée par un groupe très restreint (au mépris d'un fonctionnement réellement transparent, collégial, contradictoire), ce qui renforce le processus de bureaucratisation de la recherche. Qui peut prétendre qu'un tel monstre correspond aux souhaits des EGR ?
Un simulacre de Haut Conseil de la Science
Les EGR avaient demandé la création d’un Haut Conseil de la Science (HCS), composé de personnalités dans lesquelles la communauté scientifique se reconnaîtrait (en particulier, des membres des Conseils Scientifiques des EPST, des représentants des universités, du Collège de France etc…). Au lieu de cela, dans le HCST qui a effectivement été créé (avec un T comme technologie), toutes les personnalités ont été nommées par le gouvernement, ce qui constitue une excellente garantie pour que la communauté scientifique ne s’y reconnaisse pas. Le HCS que nous demandions aurait eu droit d’auto-saisine, et aurait rendu publics tous ses avis. Aucune de ces dispositions n’a été retenue. Le HCST créé est un détournement complet du HCS qui était demandé. Ses avis comptent tellement peu que, lorsque le gouvernement a ressenti la nécessité d’un ‘avis objectif’ sur les réformes du système ES&R, il a mis en place un "comité de pilotage" ad hoc de plus, et a purement et simplement ignoré la parodie de HCS qu’il avait créée 2 ans plus tôt…
Des PRES pour favoriser la coopération ou la concurrence ?
Les EGR avaient demandé la création de PRES (Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur). Les motivations sous-jacentes à cette proposition étaient les suivantes. Les petites universités ont une utilité certaine, car elles proposent sur tout le territoire des lieux dispensant une formation supérieure, et contribuent à la vitalité de la région. Pour beaucoup de familles modestes n’ayant pas les moyens de payer un logement à un jeune étudiant dans une ville éloignée, ces petites universités sont importantes. Elles ne peuvent évidemment toutes être pluridisciplinaires, et avoir en leur sein des laboratoires de recherche de haut niveau dans tous les domaines. La présence dans le même réseau de plusieurs petites universités, et si possible d’une plus grande, devrait permettre de résoudre, au niveau d’un PRES, le problème de la pluridisciplinarité et du rattachement à un laboratoire de recherche de haut niveau. Le principe de base était donc de renforcer coopération et solidarité. Ce qui nous est proposé dans les PRES que le gouvernement met en place, répond à des principes parfaitement opposés. A la place de la coopération, on nous propose la compétition et la concurrence à outrance. A la place de rapprochements indispensables, particulièrement en province, on voit se mettre en place des alliances purement stratégiques chacune visant à être la plus grosse structure qui permettre d’écraser les concurrents dans la compétition pour le classement de Shangaï, et pour obtenir la plus grosse dotation gouvernementale possible, au détriment de celle accordée aux PRES concurrents.
Ces exemples suffisent à notre démonstration : il est absolument faux de prétendre que les opposants aux contre-réformes gouvernementales en matière d’ES&R n’ont fait aucune proposition et souhaitent l’immobilisme et le statu quo.(6) Il est tout aussi faux de prétendre que les décisions gouvernementales auraient pris en compte les propositions des EGR. Le gouvernement s’est inspiré des mots des EGR, pour en détourner, et même en retourner complètement l’esprit et le sens. Il y a incompatibilité totale entre la logique des EGR (renforcer notre capacité à produire et transmettre des connaissances, dans une logique de 'bien commun', de démocratisation dans l'accès au savoir, dans un esprit de coopération) et la logique gouvernementale. Cette dernière ne vise pas à réformer notre système d'ES&R, mais littéralement à le défigurer, à le forcer à abandonner une logique de service public pour lui imposer celle d'une entreprise dont les maîtres-mots seraient rentabilité et gestion managériale.
notes
(1) Voir par exemple "Sauvons la recherche... des chercheurs !", tribune d'un haut fonctionnaire dans Le Monde du 21 février 09
(2) Notons qu'un rapport de la Cour des Comptes de 2008 a souligné l'efficacité très douteuse du CIR pour la part -dominante- versée aux grandes entreprises.
(3) Etablissements Publics Scientifiques et Techniques
(4) Agence Nationale pour la Recherche
(5) Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur
(6) Au-delà des EGR, notons que de nombreuses structures (CPCNU, CoNRS, CS des universités, etc.) ont fait au cours des années des propositions d’amélioration de leur fonctionnement interne, et que celles-ci ont été systématiquement ignorées lors de l’adoption des lois nouvelles qui prétendaient les réformer.
Références
- Pour une vraie réforme de l’Université et la Recherche , sciences2, 12 mars 2009
Réforme universitaire : le gâchis
Réforme universitaire : le gâchis , 12 mars 2009
François Dubet, professeur à Bordeaux-II, auteur d'ouvrages sur la marginalité juvénile, l'école et les institutions
La coalition des professeurs les plus conservateurs, des enseignants et des chercheurs inquiets et des opposants de toujours aux changements qui ne sont à leurs yeux que des ruses néolibérales s'explique par une double faute. La première est celle de Nicolas Sarkozy qui, sur un ton badin, a choisi d'humilier les chercheurs et les enseignants. La seconde concerne le décret relatif au temps de service des enseignants-chercheurs. Pourtant, jusque-là, les choses s'étaient plutôt bien passées. Beaucoup savaient bien que, par la LRU, l'autonomie des universités était une chance de sauver un système épuisé, de rapprocher les grandes écoles et les organismes de recherche des universités et, à terme, de redéfinir un paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche plus dynamique et plus ouvert sur la société et sur le monde.
Pourquoi un décret si contraignant ? Pourquoi reprendre d'une main l'autonomie que l'on donne de l'autre ? Pourquoi insinuer un mécanisme pervers selon lequel le temps de recherche accordé aux uns devait nécessairement être pris aux autres ? Pourquoi donner le sentiment que l'on «casse» les statuts et que l'enseignement est un «sale boulot» ? Pourquoi passer en force quand on sait qu'une réforme ne réussit que par l'adhésion de ceux qui la feront vivre ?
En définitive, tout le monde se sent menacé. Plus le gouvernement se crispe, plus la mobilisation se durcit et demande le retrait de toutes les réformes, piégeant ainsi ceux qui, au-delà de leurs sympathies politiques, croyaient que le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur pouvait se transformer paisiblement. Le temps n'est plus à la nuance et, derrière les grands mots, les conservatismes s'exacerbent sur un fond de malaise profond. Quel gâchis !
François Dubet, professeur à Bordeaux-II, auteur d'ouvrages sur la marginalité juvénile, l'école et les institutions
François Dubet, professeur à Bordeaux-II, auteur d'ouvrages sur la marginalité juvénile, l'école et les institutions
La coalition des professeurs les plus conservateurs, des enseignants et des chercheurs inquiets et des opposants de toujours aux changements qui ne sont à leurs yeux que des ruses néolibérales s'explique par une double faute. La première est celle de Nicolas Sarkozy qui, sur un ton badin, a choisi d'humilier les chercheurs et les enseignants. La seconde concerne le décret relatif au temps de service des enseignants-chercheurs. Pourtant, jusque-là, les choses s'étaient plutôt bien passées. Beaucoup savaient bien que, par la LRU, l'autonomie des universités était une chance de sauver un système épuisé, de rapprocher les grandes écoles et les organismes de recherche des universités et, à terme, de redéfinir un paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche plus dynamique et plus ouvert sur la société et sur le monde.
Pourquoi un décret si contraignant ? Pourquoi reprendre d'une main l'autonomie que l'on donne de l'autre ? Pourquoi insinuer un mécanisme pervers selon lequel le temps de recherche accordé aux uns devait nécessairement être pris aux autres ? Pourquoi donner le sentiment que l'on «casse» les statuts et que l'enseignement est un «sale boulot» ? Pourquoi passer en force quand on sait qu'une réforme ne réussit que par l'adhésion de ceux qui la feront vivre ?
En définitive, tout le monde se sent menacé. Plus le gouvernement se crispe, plus la mobilisation se durcit et demande le retrait de toutes les réformes, piégeant ainsi ceux qui, au-delà de leurs sympathies politiques, croyaient que le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur pouvait se transformer paisiblement. Le temps n'est plus à la nuance et, derrière les grands mots, les conservatismes s'exacerbent sur un fond de malaise profond. Quel gâchis !
François Dubet, professeur à Bordeaux-II, auteur d'ouvrages sur la marginalité juvénile, l'école et les institutions
mardi 10 mars 2009
Appel contre la guerre à l’intelligence, un drame français de plus ! Le point de vue de Bernard Belloc
Appel contre la guerre à l’intelligence, un drame français de plus ! Le point de vue de Bernard Belloc, Les Echos, 27/28 février 2004
Voici donc lancé l’appel contre la guerre à l’intelligence ! La démarche illustre assez bien un de nos défauts les plus graves : surtout ne posons pas les vrais problèmes, de peur que nous ne trouvions de bonnes solutions ! Des pans entiers de notre société seraient donc menacés par ce prétendu anti-intellectualisme d’Etat dénoncé par de nombreux pétitionnaires ! En réalité, ce sont à chaque fois les pouvoirs et les moyens publics qui sont appelés à la rescousse. C’est la seule politique qui vaille aux yeux des pétitionnaires !
Inutile de reprendre l’appel dans tous ses détails. Posons seulement quelques questions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les moyens qui leur sont consacrés dans notre pays ne sont pas assez importants, mais les moyens privés, pas les moyens publics. La part des moyens publics consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur, par rapport au PIB, est tout à fait honorable pour notre pays. Pour la recherche, il y a au moins deux grandes différences entre la France et les grandes nations qui la devancent : les financements privés y sont beaucoup plus importants et le statut des chercheurs et des laboratoires de recherche y est différent. La fuite des cerveaux, tant évoquée, n’est pas le produit de la politique actuelle. Il suffit d’interroger des chercheurs français installés à l’étranger pour comprendre que c’est la qualité de l’environnement de travail, la flexibilité dans l’organisation des laboratoires et la transparence dans le financement des projets de recherche qui les motivent, et pas seulement la rémunération.
Par ailleurs, à l’étranger, les chercheurs sont rarement fonctionnaires, du moins au sens où nous l’entendons ici, avec une fonction publique de statut et non de mission. C’est parce qu’ils sont conscients que le statut de chercheur fonctionnaire, au sein d’une recherche publique caricaturale dans la rigidité de son organisation, ne leur permettra pas de s’exprimer que nos meilleurs cerveaux sont tentés par l’étranger.
Autre point : le début de l’érosion de la part de la recherche française dans le monde coïncide presque année pour année avec la fonctionnarisation généralisée de tous les chercheurs en France. N’y voyons qu’une coïncidence, mais qu’ont à dire là-dessus nos pétitionnaires ? Comment accepter que perdure une situation où l’évaluation est le mot tabou de nos systèmes d’enseignement supérieur et de recherche, alors que ce devrait en être la pierre d’angle, avec une évaluation externe, fondée sur des critères transparents ? Comment arrive-t-on à éluder tout débat national sérieux sur la catastrophique absence d’articulation recherche-industrie en France, sur notre incapacité à créer ces cercles vertueux recherche-innovation-transfert-financement, dont l’absence risque de nous conduire à ne plus pouvoir jouer dans la cour des grands ?
Bien sûr, les réponses à ces questions seraient sans doute contraires aux dogmes dans lesquels s’enferme notre pays. Pourquoi passer sous silence ces rapports qui accablent l’organisation actuelle des grands organismes de recherche, souvent dirigés par de très grands scientifiques, mais qui ne se rendent pas compte qu’il y a bien longtemps que le gouvernail du bateau a été démonté par ceux qui n’ont pas intérêt à un pilotage plus clair ? Est-ce ce gouvernement qui est responsable de tout cela ? Bien entendu que non. Et certains de nos anciens responsables qui clament qu’eux-mêmes vont aller passer plus de la moitié de leur temps à Berkeley feraient mieux de nous expliquer pourquoi, lorsqu’ils en avaient le pouvoir, ils n’ont pas essayé de transposer en France quelques-uns des éléments d’un système auquel apparemment ils trouvent quelques mérites. Et pourquoi ils n’ont rien fait pour modifier ce système ridicule dans lequel nombre de nos conseils scientifiques, dans les universités et les organismes de recherche, sont élus sur listes syndicales. Est-ce un tel système que nos responsables émigrés à temps partiel à Berkeley peuvent voir fonctionner sous leurs yeux ? Pourquoi ce silence sur ce point essentiel ?
Ayant été responsable récemment de la Conférence des présidents d’université, j’ai cru naïvement que certaines des idées que nous avions formulées allaient pouvoir passer dans les faits compte tenu du consensus apparent dont elles bénéficiaient auprès de ministres d’orientations politiques différentes. Un peu d’autonomie, un peu de différence et un zeste de compétition entre établissements ? Que nenni, surtout ne pas risquer de détruire les misérables rentes que notre service public génère sans compter ! Franchement quel avantage y a-t-il à perpétuer encore l’illusion du diplôme national et celle d’un service public d’enseignement supérieur égalitaire, alors que les vraies hiérarchies sont connues et que la réforme européenne en cours va dissoudre le caractère national des diplômes ? Quelle tromperie honteuse à l’égard des étudiants les plus fragiles socialement ! Qui dénonce cela ? Quel avantage y a-t-il à maintenir sous tutelle des universités dont toutes n’ont certes pas la capacité d’assumer une autonomie pleinement responsable mais dont certaines pourraient tirer avantage et, par un effet moteur, entraîner tout le système vers le haut. Non : tutelle organisée pour tous, nivellement par le bas et maintien des rentes individuelles assuré !
Le tabou des droits d’inscription ? Toutes les enquêtes montrent que la gratuité n’a pas permis la démocratisation de l’enseignement supérieur. Au contraire, ce sont les enfants des classes aisées qui profitent le plus de cette gratuité ! Même sur un plan quantitatif, c’est un échec. Deux données terribles pour notre service public : aux Etats-Unis, la proportion d’une classe d’âge obtenant un diplôme universitaire est largement plus importante qu’en France, et 10 points séparent le pourcentage de salariés diplômés de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis des salariés français titulaires d’un diplôme post-bac. On me dit que tous les diplômes américains ne valent pas les diplômes français, mais mieux vaut un diplôme que pas de diplôme du tout.
On aimerait qu’avant de pétitionner les intellectuels français fassent leur métier. Qu’ils réfléchissent au fond et dans la durée ! Ils possèdent le vrai pouvoir, celui des idées et du verbe, et disposent de ce qui est devenu si rare : le temps et la liberté de réfléchir. Qu’ils cessent de s’enfermer dans des querelles politiciennes franco-françaises et regardent le monde en face : il n’est plus ce monde idéal qu’ils aiment imaginer. Ils doivent abandonner leurs certitudes idéologiques et considérer avec respect les avantages de solutions qui contredisent leurs dogmes.
Si nous avons aujourd’hui cet appel contre la guerre à l’intelligence, c’est aussi parce que se trouve enracinée dans notre pays une culture du tout-Etat dont il nous faudra bien sortir : point de solution hors des pouvoirs et des financements publics ! Cette vision écarte malheureusement d’emblée de nombreuses solutions qui s’avéreraient souvent aussi efficaces qu’équitables. Bien entendu, l’Etat doit réguler de nombreux domaines et définir le périmètre et les objectifs du service public, mais nous pouvons aussi observer que dans bien des cas le moyen de faire vivre ce service public ne passe pas par une organisation systématiquement publique forcément trop rigide. Plusieurs des questions que nous nous posons pourraient trouver leur solution, y compris dans un périmètre bien balisé en termes de contraintes de service public, non seulement grâce à une plus grande décentralisation, fonctionnelle et territoriale, mais aussi par la voie de délégations de service public à des organismes privés. Il faut imaginer des solutions vraiment nouvelles et considérer avec objectivité les avantages et inconvénients de chacune d’elles, sans a priori idéologique et avec beaucoup de pragmatisme. Plutôt que de camper sur des positions désuètes et de fuir les vraies questions, déclarons tous la guerre aux idées reçues et aux a priori.
BERNARD BELLOC est professeur à l’université de Toulouse-I, président honoraire de l’université de Toulouse.
Référence, Les Echos 27/28 février 2004
Voici donc lancé l’appel contre la guerre à l’intelligence ! La démarche illustre assez bien un de nos défauts les plus graves : surtout ne posons pas les vrais problèmes, de peur que nous ne trouvions de bonnes solutions ! Des pans entiers de notre société seraient donc menacés par ce prétendu anti-intellectualisme d’Etat dénoncé par de nombreux pétitionnaires ! En réalité, ce sont à chaque fois les pouvoirs et les moyens publics qui sont appelés à la rescousse. C’est la seule politique qui vaille aux yeux des pétitionnaires !
Inutile de reprendre l’appel dans tous ses détails. Posons seulement quelques questions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les moyens qui leur sont consacrés dans notre pays ne sont pas assez importants, mais les moyens privés, pas les moyens publics. La part des moyens publics consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur, par rapport au PIB, est tout à fait honorable pour notre pays. Pour la recherche, il y a au moins deux grandes différences entre la France et les grandes nations qui la devancent : les financements privés y sont beaucoup plus importants et le statut des chercheurs et des laboratoires de recherche y est différent. La fuite des cerveaux, tant évoquée, n’est pas le produit de la politique actuelle. Il suffit d’interroger des chercheurs français installés à l’étranger pour comprendre que c’est la qualité de l’environnement de travail, la flexibilité dans l’organisation des laboratoires et la transparence dans le financement des projets de recherche qui les motivent, et pas seulement la rémunération.
Par ailleurs, à l’étranger, les chercheurs sont rarement fonctionnaires, du moins au sens où nous l’entendons ici, avec une fonction publique de statut et non de mission. C’est parce qu’ils sont conscients que le statut de chercheur fonctionnaire, au sein d’une recherche publique caricaturale dans la rigidité de son organisation, ne leur permettra pas de s’exprimer que nos meilleurs cerveaux sont tentés par l’étranger.
Autre point : le début de l’érosion de la part de la recherche française dans le monde coïncide presque année pour année avec la fonctionnarisation généralisée de tous les chercheurs en France. N’y voyons qu’une coïncidence, mais qu’ont à dire là-dessus nos pétitionnaires ? Comment accepter que perdure une situation où l’évaluation est le mot tabou de nos systèmes d’enseignement supérieur et de recherche, alors que ce devrait en être la pierre d’angle, avec une évaluation externe, fondée sur des critères transparents ? Comment arrive-t-on à éluder tout débat national sérieux sur la catastrophique absence d’articulation recherche-industrie en France, sur notre incapacité à créer ces cercles vertueux recherche-innovation-transfert-financement, dont l’absence risque de nous conduire à ne plus pouvoir jouer dans la cour des grands ?
Bien sûr, les réponses à ces questions seraient sans doute contraires aux dogmes dans lesquels s’enferme notre pays. Pourquoi passer sous silence ces rapports qui accablent l’organisation actuelle des grands organismes de recherche, souvent dirigés par de très grands scientifiques, mais qui ne se rendent pas compte qu’il y a bien longtemps que le gouvernail du bateau a été démonté par ceux qui n’ont pas intérêt à un pilotage plus clair ? Est-ce ce gouvernement qui est responsable de tout cela ? Bien entendu que non. Et certains de nos anciens responsables qui clament qu’eux-mêmes vont aller passer plus de la moitié de leur temps à Berkeley feraient mieux de nous expliquer pourquoi, lorsqu’ils en avaient le pouvoir, ils n’ont pas essayé de transposer en France quelques-uns des éléments d’un système auquel apparemment ils trouvent quelques mérites. Et pourquoi ils n’ont rien fait pour modifier ce système ridicule dans lequel nombre de nos conseils scientifiques, dans les universités et les organismes de recherche, sont élus sur listes syndicales. Est-ce un tel système que nos responsables émigrés à temps partiel à Berkeley peuvent voir fonctionner sous leurs yeux ? Pourquoi ce silence sur ce point essentiel ?
Ayant été responsable récemment de la Conférence des présidents d’université, j’ai cru naïvement que certaines des idées que nous avions formulées allaient pouvoir passer dans les faits compte tenu du consensus apparent dont elles bénéficiaient auprès de ministres d’orientations politiques différentes. Un peu d’autonomie, un peu de différence et un zeste de compétition entre établissements ? Que nenni, surtout ne pas risquer de détruire les misérables rentes que notre service public génère sans compter ! Franchement quel avantage y a-t-il à perpétuer encore l’illusion du diplôme national et celle d’un service public d’enseignement supérieur égalitaire, alors que les vraies hiérarchies sont connues et que la réforme européenne en cours va dissoudre le caractère national des diplômes ? Quelle tromperie honteuse à l’égard des étudiants les plus fragiles socialement ! Qui dénonce cela ? Quel avantage y a-t-il à maintenir sous tutelle des universités dont toutes n’ont certes pas la capacité d’assumer une autonomie pleinement responsable mais dont certaines pourraient tirer avantage et, par un effet moteur, entraîner tout le système vers le haut. Non : tutelle organisée pour tous, nivellement par le bas et maintien des rentes individuelles assuré !
Le tabou des droits d’inscription ? Toutes les enquêtes montrent que la gratuité n’a pas permis la démocratisation de l’enseignement supérieur. Au contraire, ce sont les enfants des classes aisées qui profitent le plus de cette gratuité ! Même sur un plan quantitatif, c’est un échec. Deux données terribles pour notre service public : aux Etats-Unis, la proportion d’une classe d’âge obtenant un diplôme universitaire est largement plus importante qu’en France, et 10 points séparent le pourcentage de salariés diplômés de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis des salariés français titulaires d’un diplôme post-bac. On me dit que tous les diplômes américains ne valent pas les diplômes français, mais mieux vaut un diplôme que pas de diplôme du tout.
On aimerait qu’avant de pétitionner les intellectuels français fassent leur métier. Qu’ils réfléchissent au fond et dans la durée ! Ils possèdent le vrai pouvoir, celui des idées et du verbe, et disposent de ce qui est devenu si rare : le temps et la liberté de réfléchir. Qu’ils cessent de s’enfermer dans des querelles politiciennes franco-françaises et regardent le monde en face : il n’est plus ce monde idéal qu’ils aiment imaginer. Ils doivent abandonner leurs certitudes idéologiques et considérer avec respect les avantages de solutions qui contredisent leurs dogmes.
Si nous avons aujourd’hui cet appel contre la guerre à l’intelligence, c’est aussi parce que se trouve enracinée dans notre pays une culture du tout-Etat dont il nous faudra bien sortir : point de solution hors des pouvoirs et des financements publics ! Cette vision écarte malheureusement d’emblée de nombreuses solutions qui s’avéreraient souvent aussi efficaces qu’équitables. Bien entendu, l’Etat doit réguler de nombreux domaines et définir le périmètre et les objectifs du service public, mais nous pouvons aussi observer que dans bien des cas le moyen de faire vivre ce service public ne passe pas par une organisation systématiquement publique forcément trop rigide. Plusieurs des questions que nous nous posons pourraient trouver leur solution, y compris dans un périmètre bien balisé en termes de contraintes de service public, non seulement grâce à une plus grande décentralisation, fonctionnelle et territoriale, mais aussi par la voie de délégations de service public à des organismes privés. Il faut imaginer des solutions vraiment nouvelles et considérer avec objectivité les avantages et inconvénients de chacune d’elles, sans a priori idéologique et avec beaucoup de pragmatisme. Plutôt que de camper sur des positions désuètes et de fuir les vraies questions, déclarons tous la guerre aux idées reçues et aux a priori.
BERNARD BELLOC est professeur à l’université de Toulouse-I, président honoraire de l’université de Toulouse.
Référence, Les Echos 27/28 février 2004
lundi 9 mars 2009
Qu.est-ce que la coordination nationale des universités ?
Références
- La coordination nationale des universités demande l'abrogation de la loi LRU, le Monde, 20 février 2009
- La coordination nationale des universités demande l'abrogation de la loi LRU, le Monde, 20 février 2009
L'étude de Bernard Belloc sur les universités californiennes
La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ? , educobs, 4 mars 2009 (mis en ligne pour la première fois sur le site NO en juin 2007)
Bernard Belloc, ancien Président des universités, devenu un conseiller très écouté de Nicolas Sarkozy, a réalisé un audit minutieux des universités publiques américaines, à partir de l’exemple de la Californie. Il nous l’a confié.
Son analyse tend à montrer que le système Américain élimine moins d’étudiants qu’en France, que 75 % des étudiants sont dans des facs publiques, que les frais de scolarité sont modiques, qu’il y a deux fois plus de boursiers qu’en France.
Et que l’ensemble est au plus haut niveau mondial. Un constat à revers d’idées communément admises, et qui prône quelques idées-choc : pas besoin de prépas, rapprochement entre universités et grandes écoles, réhabilitation du doctorat. Seul point non traité, mais il est capital : le succès de l’ensemble demande quel financement ?
L’analyse qui suit est la synthèse, opérée sous notre seule responsabilité, d’un rapport de 29 pages rédigé par Bernard Belloc, à la suite d’une mission d’étude en Californie, en 2005. (Document intégral consultable sur www.fondapol.org + taper « californie » sur le moteur de recherche)
Cet ancien Président de la Conférence des Présidents d’Université, qui a dirigé l’université de Toulouse 1, a été nommé conseiller à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, après avoir effectué une mission scientifique à Pékin.
Proche de Christian Blanc, le « père » des Pôles supérieurs d’enseignement et de recherche (PRES) conçus par rapprocher université recherche et industrie, son influence, dans l’univers du Supérieur et de la Recherche est considérable. C’est lui qui a demandé le premier, dés 2001, au nom de la CPU, l’autonomie des universités.
L’observation du système Californien qu’il présente ici constitue à n’en pas douter un élément important en toile de fond des actuels réflexions et projets sur l’université et de la recherche.
Belloc avait d’ailleurs un temps songé à le publier sous ce titre-provoc : « Le service public d’enseignement supérieur et de recherche : un concept américain ? » .
Bernard Belloc montre dans ce document comment l’université Californienne, loin d’être réservée aux riches, fait réussir bien plus de jeunes que chez nous, contrairement à l'idée courante en France selon laquelle l'université américaine est porteuse d’inégalités. En fait ce système apparaît, à la lumière de cette étude, comme étant à « trois vitesses », à peu près comme en France.
On constate en effet une similitude troublante entre la façon dont les jeunes bacheliers américains se répartissent entre leurs trois niveaux d’enseignement supérieur (« colleges » non sélectifs, universités partiellement sélectives, université de recherche très sélectives) et la façon dont les bacheliers Français se répartissent entre universités non sélectives (65 % des bacheliers), les IUT et BTS sélectifs ( 23 % ) et les grandes écoles très sélectives (12 % ).
Mais, aux USA, 64 % d’une génération décroche un diplôme d’études longues, contre seulement 42 % chez nous. Car le système américain présente un avantage sur le plan de l’équité sociale .
Chez nous, la pédagogie de pointe est réservée aux 35 % des étudiants qui vont dans les cursus sélectifs ( IUT, BTS, grandes écoles…) , avec une dépense par élève de 12 000 E, contre 5 à 7000 E en fac. Ceux qui bénéficient de cet avantage sont en majorité des jeunes qui ont été aidés par leur familles pour se maintenir dans les bonnes filières au lycée. Les autres vont en fac et y subissent un fort taux d’échec.
Aux USA on fait porter un très gros effort pédagogique sur le cursus non sélectif (les colleges), accessible aux plus faibles, qui fonctionne comme une prépa pour intégrer les études longues. Autrement dit, aux USA, même sans l’équivalent de notre bac, on a de bonnes chances de poursuivre dans le supérieur si on se montre très motivé dans un domaine.
Entre les trois niveaux d’universités américaines, la fluidité est totale, chacune servant de marchepied à des études dans les autres. A l’inverse, le système Français est vraiment à deux vitesses dans la mesure où il sépare drastiquement l’université non sélective d’un coté, et les grandes écoles sélectives de l’autre, avec une grande coupure entre les deux, obligeant à des choix précoces à sens unique.
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Une Synthèse de l’étude de Bernard Belloc
En France on voit le système universitaire Américain comme très élitiste, très coûteux pour les étudiants, piloté seulement par le marché, et donc l’argent, avec tout ce que cela suppose d’exclusions de tous ordres, tourné entièrement vers la satisfaction de besoins économiques à court terme, et des activités de recherche directement utilisables par l’économie. S’il est vrai que des dérives existent, notamment dans les universités de la Cote Est, déplorées par les universitaires américains eux-mêmes, globalement, cette vision dénote une totale méconnaissance de ce que sont les universités aux Etats Unis. Et de leur rôle central comme facteur d’intégration et de promotion sociale.
D’abord c’est un système très diversifié . Il y a aux USA près de 2000 institutions universitaires de toutes natures et de tous statuts : des universités de recherche prestigieuses, des universités classiques qui ne délivrent pas de doctorats, mais fournissent d’excellents passeports pour la vie active, sous la forme de masters prisés, et des institutions de premiers cycles, les « Colleges ». Ces derniers sont un des piliers du système. Ils conduisent une très forte proportion des jeunes américains vers les études supérieures longues : environ 65 % contre 42 % en France. Même si la qualité des enseignements dans ces collèges est hétérogène, ils jouent une rôle social très important et donnent la possibilité à des jeunes issus de milieux très défavorisés d’accéder aux campus les plus prestigieux. Aux USA, 3 600 000 étudiants seulement, sur 15 000 000, sont dans des universités privées . 75 % des étudiants sont donc dans le secteur public, dont les deux tiers des ressources sont publiques et un tiers est privé.
L’exemple des universités publiques de Californie
Le réseau des universités publiques de Californie est une organisation très décentralisée relevant pourtant d’une pure logique de service public. Il montre que les solutions extrêmes parfois préconisées (compétition féroce entre établissements, privatisation, marchandisation…) sont loin d’être une fatalité et remet à leur juste place les clichés sur le système américain.
Ces universités accueillent 6% de la population de l’état. En France, cela correspondrait à 3 600 000 étudiants, contre 2 200 000 actuellement. On y trouve certaines des meilleures universités du monde, telles que Berkeley, UCLA et San Diego . Dans le classement mondial des universités établis par l’Université Jiao Tong de Shanghaï, 6 des 10 universités publiques de recherche de Californie sont dans les 50 premières mondiales, contre une pour la France.
Le système repose sur trois piliers : les Collèges des communautés californiens (CCC), l’Université d’Etat de Californie (CSU) et l’Université de Californie (UC). Les principes sont : accueil de tous les étudiants, orientation sélective, diversification, excellence. Quatre éléments qu’il semble impossible de faire coexister pacifiquement en France, où la vision conduit à opposer excellence et massification, orientation et sélection, service public et diversification.
1. Les « Colleges » (Californian Community Colleges, CCC)
On dénombre 108 colleges groupant pres de 2 millions d’étudiants, soit 73 % des inscrits dans le superieur public Californien. Leur mission est de fournir une formation académique et professionnelle en deux ans après le bac. Ils doivent accueillir tous ceux qui peuvent bénéficier de l’enseignement supérieur. Aucune sélection à l’entrée : tout jeune résident californien qui a terminé ses études secondaires est certain d’y trouver une place. Ils délivrent le « Two-year liberal arts degree », qui, selon niveau, permet de poursuivre les études en université. C’est un ensemble très diversifié géographiquement et en qui concerne les types de publics accueillis (zones rurales, zones urbaines plus ou moins difficiles, origines ethniques etc.) Cette hétérogénéité se traduit par une assez grande diversité dans les types d’enseignements dispensés. Dans tous les cas, un grand professionnalisme prévaut dans l’organisation, marqué par l’importance du suivi personnalisé des élèves et de l’évaluation des actions pédagogiques.
2. L’Université d’Etat de Californie (« California State University », CSU)
Avec environ 350 000 étudiants, soit 20 % du total, cette institution qui compte 23 campus répartis dans tout l’Etat propose des filières « undergraduate » et « graduate » ( en gros : licence et masters) . Elle peut sélectionner ses étudiants parmi les 33,3 % d’élèves ayant obtenu les meilleurs résultats aux tests de terminale (SAT). Elle organise des formations professionnelles, mais ne peut délivrer seule de doctorats, qui est le monopole de l’Université de Californie dans le système public.
3. L’Université de Californie ( UC)
Avec environ 200 000 étudiants répartis sur 10 campus ( Berkeley, Davis, Irvine, Los Angeles, Merced, Riverside, San Diego, San Francisco, Santa Barbara, Santa Cruz ), soit environ 8% des étudiants inscrits dans le système public Californien, l’UC est l’unique université de recherche de Californie. Le campus le plus célèbre est celui de Los Angeles, l’UCLA . L’UC délivre tous les grades universitaires : bachelor (plus ou moins notre licence dans le nouveau système L-M-D), master et filières professionnelles. Mais elle est la seule université publique autorisée à délivrer grade de doctorat (PhD). Surtout, elle est autorisée à sélectionner à l’entrée parmi les 12,5% étudiants obtenant les meilleurs résultats aux tests d’aptitude scolaires en vigueur aux Etats Unis à la fin du secondaire, le Scholastic Assessement Test, (SAT) qui classe les élèves qui en font la demande. L’UC est l’institution leader de tout le système public californien. Ce rôle lui revient eu égard à la qualité de ses activités de recherche, qui lui a valu 44 prix Nobel. L’UC a proposé en moyenne ces dernières années 17 000 cours de formation continue pour les adultes, suivis par 400 000 personnes. Soit deux fois plus que l’effectif d’étudiants en formation initiale .
Les passerelles
La coordination entre les trois piliers du système est une obligation dans le code de l’éducation Californien. Elle oblige l’UC et la CSU à accueillir dans leurs programmes de premier cycle (bachelor) les étudiants issus des colleges qui satisfont à un certain niveau . Le plan pour l’enseignement supérieur recommande que les universités puisent près de 50 % de leurs étudiants parmi les diplômés des collèges. C’est un rôle essentiel d’ascenseur social pour les étudiants issus de milieux défavorisés et de stimulation pour les étudiants. La sélection est plus ardue pour accéder à l’UC que pour accéder à la CSU, consacrant le rôle leader des universités de recherche . La CSU et l’UC ont de nombreux programmes conjoints.
Le coût des études (chiffres 2005)
On sait que la qualité de vie dont jouissent les étudiants sur les campus californiens est exceptionnelle. Pour qui connaît les campus français, c’est toujours une révélation que de constater que système public, ici, ne rime pas avec misérabilisme. Selon le Code de l’éducation, l’UC et la CSU doivent accueillir pour tous les étudiants résidents californiens éligibles à une admission . L’Etat de Californie s’engage à fournir les ressources adéquates. Ici comme ailleurs aux USA, le taux d’accueil des étudiants dans le supérieur est donc très important : 6% contre 3,6 % en France. L’accès aux grandes universités est marqué par deux principes : admission indépendante des moyens des candidats (« need blind »), et contribution raisonnable des familles selon leur revenus (« need based »). La combinaison de ces deux principes doit éviter toute exclusion due à l’argent. Sans avoir une vision angélique de ce système, on ne peut que constater un accès plus large qu’en France des jeunes aux études supérieures. Les droits d’inscription pour les résidents de l’Etat de Californie sont d’environ 800 dollars pour l’UC, 300 dollars pour la CSU et 30 dollars pour les colleges. Il s’y ajoute des aides financières conséquentes, que ce soit au titre du programme des bourses d’Etat, ou des innombrables aides que les établissements eux-mêmes octroient à travers les fonds de leurs fondations. Toutes ces aides ne sont certes pas des bourses et on sait que les prêts aux étudiants sont très développés aux USA, avec certes des inconvénients, mais aussi plus d’avantages qu’on ne le croit. L’aide sociale moyenne aux étudiants aux USA est d’environ 9000 $ par an, dont 4900 $ de prêts, et 3600 $ de bourses . Le niveau moyen des bourses est donc très comparable aux niveau français, qui est d’environ 2700 E. Mais les étudiants français sont beaucoup moins nombreux à être aidés : un peu plus de 20 % contre 39% pour les seuls premiers cycles américains. Sachant que l’octroi de bourses exonère quasi automatiquement du paiement des droits d’inscription, même si on considère les avantages fiscaux des familles françaises, le montant des aides hors prêts accordées aux jeunes français est loin de ceux accordés aux américains.
Contrairement à la France, aux USA, les élites côtoient la recherche
La première leçon qu’on en tire est celle d’un système diversifié, doublé d’un ensemble de passerelles réelles entre filières, ouvrant de nombreuses possibilités de changement aux étudiants. Le système californien est fluide, diversifié et hiérarchisé. Avec, comme leader, une grande université de recherche et ses dix campus , aux cotés d’une grande université de formation très performante, installée sur 23 campus, et de collèges agissant comme des prepas pour aider les moins bons des bacheliers à intégrer ces universités.
De façon cohérente, l’université de recherche est autorisée à recruter les meilleurs élèves du secondaire, l’université de formation sélectionne dans un éventail plus large, et les Collèges doivent accueillir tous les élèves issus du secondaire . Ainsi les meilleurs élèves issus du secondaire sont d’emblée mis en contact avec les meilleurs chercheurs et les meilleurs universitaires. Une dynamique intellectuelle extraordinaire est créée dès l’entrée dans le supérieur pour les élèves à fort potentiel. On accroît ainsi la probabilité que les meilleurs esprits s’orientent vers la recherche. Mais beaucoup s’orienteront plutôt dans les grandes entreprises et administrations américaines. Cela crée une extraordinaire mixité intellectuelle qui fait que les élites américaines ont toutes étudié dans des universités de recherche. Pour elles l’importance de la recherche n’est plus à démontrer. On est loin du schéma français où seule une petite minorité des élites provient d’établissements ayant une forte tradition de recherche.
Les bons cerveaux manquent à l’université Française.
Nous pratiquons, comme les USA, une sélection redoutable des meilleurs éléments du secondaire. Mais ils sont orientés vers des grandes écoles dont seule une petite minorité a des activités de recherche reconnues. Nous pratiquons ensuite une sélection d’élèves plutôt bons mais que nous envoyons vers des filières courtes ( BTS et IUT). Tous les autres étudiants intègrent l’université, seule institution où se prépare le doctorat et où s’effectue la majorité des activités de recherche. Avec ce système, les meilleurs étudiants ne parviennent que par hasard jusqu’à la recherche et au doctorat, puisque l’immense majorité d’entre eux intègre des écoles nullement configurées pour la recherche, mais pour former des cadres d’entreprises. Le gâchis est considérable en termes de compétences et de talents. Ceux qui intègrent chez nous les classes préparatoires correspondent, en gros, aux 12,5 % des meilleurs élèves que sélectionnent les universités de recherche en Californie. En revanche, les élèves ayant de bons dossiers - qui, aux USA, intègrent l’université - sont aiguillés en France vers des programmes courts ( BTS et IUT), alors qu’ils mériteraient, comme aux USA, d’aller plutôt vers des établissements délivrant des formations longues. Enfin, la plus grande masse des élèves les plus faibles au lycée se retrouvent, en France, à l’université .
On voit ainsi le piège qui s’est refermé sur les universités Françaises. On leur demande d’être excellentes dans deux missions qui exigent une organisation, des moyens et des enseignants différents : l’accueil massif d’étudiants peu préparés en premier cycle ( dont beaucoup sont peu tentés par des études généralistes) et, - en troisième cycle – d’excellentes performances en recherche, alors que les meilleurs cerveaux du secondaire leur ont échappé pour aller dans les grandes écoles. C’est le grand écart !
Coté étudiants, un énorme gâchis de talents
Chez nous, l’immense majorité des jeunes qui pourraient aller jusqu’au Master sont orientés dans les filières post-bac sélectives ( IUT, BTS), et parfois ne soupçonnent même pas l’existence des masters. Dans ces cursus, ils prennent la place de jeunes qui, eux, cherchent une formation technologique courte, mais sont rejetés vers des filières générales où ils échouent. D’où la sous-qualification dramatique des jeunes français des classes d’age 20-25 ans, comparé aux autres pays développés, et, partant, le chômage qui les frappe. On ne peut espérer résorber celui-ci que par une orientation leur donnant une vraie chance d’accéder aux filières qu’ils souhaitent intégrer. Cette distorsion est accentuée par le cloisonnement très fort des filières en France : on est sur des rails parfois dès la classe de première au Lycée, et il n’y a pratiquement plus d’aiguillages ensuite.
Les leçons des universités Californiennes
Le système californien est doté d’un système de passerelles entre les filières et établissements qui fait qu’un jeune en ayant les compétences peut toujours grimper dans le programme supérieur. Voici ce que cela suggère.
1/ Créer des universités de recherche sélectives. Il ne s’agit pas de sélectionner à l’entrée des universités, ce qui ne ferait qu’accroître le phénomène d’exclusion et notamment d’exclusion sociale. Mais il faut sélectionner à l’entrée des établissements les plus performants en recherche, ce qui est différent et pas pratiqué en France .
2/ Rapprocher grandes écoles et université. Ces établissements de recherche ne sont pas tous des universités ni toutes des grandes écoles. La majorité de ces établissements reste à créer à travers le rapprochement des grandes écoles et des universités ayant une activité de formation doctorale et de recherche reconnues.
3/ Pas besoin de prépas. Pour que s’effectue cette sélection des meilleurs élèves vers les établissements de recherche, point n’est besoin de classes préparatoires telles qu’elles sont organisées chez nous ni de concours. Il suffit de réserver cette orientation aux 15 ou 20 % des meilleurs élèves des Lycées, tout en laissant ouvertes les portes pour ceux qui se révèleraient plus tard, ou pour lesquels un peu de temps doit être laissé pour que soit surmonté le handicap culturel originel que constitue leur milieu social familial.
4/ Investissement sur les premiers cycles. Il faut penser à des filières en deux ans généralistes, permettant à tous les lycéens d’obtenir un complément de formation leur ouvrant plus facilement les portes du marché de l’emploi. Développer les licences professionnelles qui prolongent ces filières, complétées par des licences généralistes orientées vers des secteurs d’activités professionnelles.
5/ Multiplication des passerelles. L’organisation de passerelles de transfert souples et reposant sur les qualités scolaires doit être impérativement organisée entre ces divers cursus.
6/ Réhabilitation du doctorat. Le niveau de formation le plus élevé dans la hiérarchie de ce système est le doctorat et non pas les diplômes d’ingénieurs, fussent-ils délivrés par les plus prestigieuses de nos écoles.
Ce n’est donc pas forcément une révolution qu’il faut organiser, mais plus sûrement des réorganisations par morceaux d’un système existant, en faisant éventuellement coexister temporairement organisation traditionnelle et innovations expérimentales. Comme toujours dans notre pays de nombreux corporatismes s’abriteront derrière les prétextes les plus nobles pour que rien ne change. Ce sera notamment le cas pour les classes préparatoires, qui devraient réorganiser leurs programmes autour de vrais programmes universitaires, du type de ceux enseignés dans toutes les universités de recherche pour les meilleurs élèves et non autour de la préparation de concours. Les filières technologiques courtes devront accepter d’accueillir plus généreusement les élèves dont c’est la vocation. Enfin, les universités devront accepter de se remettre en cause à travers des évaluations rigoureuses de leur niveau en recherche et accepter de se rapprocher des grandes écoles
Certaines universités devront se recentrer plus sur la formation que sur la recherche, ce qui n’a rien de déshonorant, comme le montre la reconnaissance dont jouit l’Université d’Etat de Californie. Idem pour les grandes écoles qui font peu de recherche.
Concernant le pilotage externe des établissements d’enseignement supérieur, il faut une continuité de la réflexion sur son rôle dans la société et l’économie. La Californie a développé une habitude de concertation entre toutes les parties prenantes - autorités politiques, partenaires socio-économiques et universitaires- évitant les réformes frontales génératrices de rancœurs et guerres civiles académiques. La méthode d’un « pacte pour l’éducation » décliné en quelques articles (1) est excellente. Il est inutile, comme le fait par exemple la loi de 1984 sur l’enseignement supérieur, de décliner dans le détail la composition des conseils, leur mode électoral, les procédures de révision des statuts et tout un ensemble d’éléments tout à fait secondaires sur le fond pour l’organisation et le fonctionnement du service public. Il faut laisser la diversité s’exprimer autour de quelques éléments communs à tout le système, pour pouvoir proposer une offre de formation diversifiée face à une demande sociale qui sera de plus en plus complexe et multiple.
Synthèse réalisée par Patrick Fauconnier ( Juin 2007)
(1) Comme le suggère le Cercle des Economistes
Références
- Bernard Belloc, le mystérieux « Monsieur université et recherche » de Sarkozy , educobs, 4 mars 2009
- La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ? , educobs, 4 mars 2009
Bernard Belloc, ancien Président des universités, devenu un conseiller très écouté de Nicolas Sarkozy, a réalisé un audit minutieux des universités publiques américaines, à partir de l’exemple de la Californie. Il nous l’a confié.
Son analyse tend à montrer que le système Américain élimine moins d’étudiants qu’en France, que 75 % des étudiants sont dans des facs publiques, que les frais de scolarité sont modiques, qu’il y a deux fois plus de boursiers qu’en France.
Et que l’ensemble est au plus haut niveau mondial. Un constat à revers d’idées communément admises, et qui prône quelques idées-choc : pas besoin de prépas, rapprochement entre universités et grandes écoles, réhabilitation du doctorat. Seul point non traité, mais il est capital : le succès de l’ensemble demande quel financement ?
L’analyse qui suit est la synthèse, opérée sous notre seule responsabilité, d’un rapport de 29 pages rédigé par Bernard Belloc, à la suite d’une mission d’étude en Californie, en 2005. (Document intégral consultable sur www.fondapol.org + taper « californie » sur le moteur de recherche)
Cet ancien Président de la Conférence des Présidents d’Université, qui a dirigé l’université de Toulouse 1, a été nommé conseiller à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, après avoir effectué une mission scientifique à Pékin.
Proche de Christian Blanc, le « père » des Pôles supérieurs d’enseignement et de recherche (PRES) conçus par rapprocher université recherche et industrie, son influence, dans l’univers du Supérieur et de la Recherche est considérable. C’est lui qui a demandé le premier, dés 2001, au nom de la CPU, l’autonomie des universités.
L’observation du système Californien qu’il présente ici constitue à n’en pas douter un élément important en toile de fond des actuels réflexions et projets sur l’université et de la recherche.
Belloc avait d’ailleurs un temps songé à le publier sous ce titre-provoc : « Le service public d’enseignement supérieur et de recherche : un concept américain ? » .
Bernard Belloc montre dans ce document comment l’université Californienne, loin d’être réservée aux riches, fait réussir bien plus de jeunes que chez nous, contrairement à l'idée courante en France selon laquelle l'université américaine est porteuse d’inégalités. En fait ce système apparaît, à la lumière de cette étude, comme étant à « trois vitesses », à peu près comme en France.
On constate en effet une similitude troublante entre la façon dont les jeunes bacheliers américains se répartissent entre leurs trois niveaux d’enseignement supérieur (« colleges » non sélectifs, universités partiellement sélectives, université de recherche très sélectives) et la façon dont les bacheliers Français se répartissent entre universités non sélectives (65 % des bacheliers), les IUT et BTS sélectifs ( 23 % ) et les grandes écoles très sélectives (12 % ).
Mais, aux USA, 64 % d’une génération décroche un diplôme d’études longues, contre seulement 42 % chez nous. Car le système américain présente un avantage sur le plan de l’équité sociale .
Chez nous, la pédagogie de pointe est réservée aux 35 % des étudiants qui vont dans les cursus sélectifs ( IUT, BTS, grandes écoles…) , avec une dépense par élève de 12 000 E, contre 5 à 7000 E en fac. Ceux qui bénéficient de cet avantage sont en majorité des jeunes qui ont été aidés par leur familles pour se maintenir dans les bonnes filières au lycée. Les autres vont en fac et y subissent un fort taux d’échec.
Aux USA on fait porter un très gros effort pédagogique sur le cursus non sélectif (les colleges), accessible aux plus faibles, qui fonctionne comme une prépa pour intégrer les études longues. Autrement dit, aux USA, même sans l’équivalent de notre bac, on a de bonnes chances de poursuivre dans le supérieur si on se montre très motivé dans un domaine.
Entre les trois niveaux d’universités américaines, la fluidité est totale, chacune servant de marchepied à des études dans les autres. A l’inverse, le système Français est vraiment à deux vitesses dans la mesure où il sépare drastiquement l’université non sélective d’un coté, et les grandes écoles sélectives de l’autre, avec une grande coupure entre les deux, obligeant à des choix précoces à sens unique.
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Une Synthèse de l’étude de Bernard Belloc
En France on voit le système universitaire Américain comme très élitiste, très coûteux pour les étudiants, piloté seulement par le marché, et donc l’argent, avec tout ce que cela suppose d’exclusions de tous ordres, tourné entièrement vers la satisfaction de besoins économiques à court terme, et des activités de recherche directement utilisables par l’économie. S’il est vrai que des dérives existent, notamment dans les universités de la Cote Est, déplorées par les universitaires américains eux-mêmes, globalement, cette vision dénote une totale méconnaissance de ce que sont les universités aux Etats Unis. Et de leur rôle central comme facteur d’intégration et de promotion sociale.
D’abord c’est un système très diversifié . Il y a aux USA près de 2000 institutions universitaires de toutes natures et de tous statuts : des universités de recherche prestigieuses, des universités classiques qui ne délivrent pas de doctorats, mais fournissent d’excellents passeports pour la vie active, sous la forme de masters prisés, et des institutions de premiers cycles, les « Colleges ». Ces derniers sont un des piliers du système. Ils conduisent une très forte proportion des jeunes américains vers les études supérieures longues : environ 65 % contre 42 % en France. Même si la qualité des enseignements dans ces collèges est hétérogène, ils jouent une rôle social très important et donnent la possibilité à des jeunes issus de milieux très défavorisés d’accéder aux campus les plus prestigieux. Aux USA, 3 600 000 étudiants seulement, sur 15 000 000, sont dans des universités privées . 75 % des étudiants sont donc dans le secteur public, dont les deux tiers des ressources sont publiques et un tiers est privé.
L’exemple des universités publiques de Californie
Le réseau des universités publiques de Californie est une organisation très décentralisée relevant pourtant d’une pure logique de service public. Il montre que les solutions extrêmes parfois préconisées (compétition féroce entre établissements, privatisation, marchandisation…) sont loin d’être une fatalité et remet à leur juste place les clichés sur le système américain.
Ces universités accueillent 6% de la population de l’état. En France, cela correspondrait à 3 600 000 étudiants, contre 2 200 000 actuellement. On y trouve certaines des meilleures universités du monde, telles que Berkeley, UCLA et San Diego . Dans le classement mondial des universités établis par l’Université Jiao Tong de Shanghaï, 6 des 10 universités publiques de recherche de Californie sont dans les 50 premières mondiales, contre une pour la France.
Le système repose sur trois piliers : les Collèges des communautés californiens (CCC), l’Université d’Etat de Californie (CSU) et l’Université de Californie (UC). Les principes sont : accueil de tous les étudiants, orientation sélective, diversification, excellence. Quatre éléments qu’il semble impossible de faire coexister pacifiquement en France, où la vision conduit à opposer excellence et massification, orientation et sélection, service public et diversification.
1. Les « Colleges » (Californian Community Colleges, CCC)
On dénombre 108 colleges groupant pres de 2 millions d’étudiants, soit 73 % des inscrits dans le superieur public Californien. Leur mission est de fournir une formation académique et professionnelle en deux ans après le bac. Ils doivent accueillir tous ceux qui peuvent bénéficier de l’enseignement supérieur. Aucune sélection à l’entrée : tout jeune résident californien qui a terminé ses études secondaires est certain d’y trouver une place. Ils délivrent le « Two-year liberal arts degree », qui, selon niveau, permet de poursuivre les études en université. C’est un ensemble très diversifié géographiquement et en qui concerne les types de publics accueillis (zones rurales, zones urbaines plus ou moins difficiles, origines ethniques etc.) Cette hétérogénéité se traduit par une assez grande diversité dans les types d’enseignements dispensés. Dans tous les cas, un grand professionnalisme prévaut dans l’organisation, marqué par l’importance du suivi personnalisé des élèves et de l’évaluation des actions pédagogiques.
2. L’Université d’Etat de Californie (« California State University », CSU)
Avec environ 350 000 étudiants, soit 20 % du total, cette institution qui compte 23 campus répartis dans tout l’Etat propose des filières « undergraduate » et « graduate » ( en gros : licence et masters) . Elle peut sélectionner ses étudiants parmi les 33,3 % d’élèves ayant obtenu les meilleurs résultats aux tests de terminale (SAT). Elle organise des formations professionnelles, mais ne peut délivrer seule de doctorats, qui est le monopole de l’Université de Californie dans le système public.
3. L’Université de Californie ( UC)
Avec environ 200 000 étudiants répartis sur 10 campus ( Berkeley, Davis, Irvine, Los Angeles, Merced, Riverside, San Diego, San Francisco, Santa Barbara, Santa Cruz ), soit environ 8% des étudiants inscrits dans le système public Californien, l’UC est l’unique université de recherche de Californie. Le campus le plus célèbre est celui de Los Angeles, l’UCLA . L’UC délivre tous les grades universitaires : bachelor (plus ou moins notre licence dans le nouveau système L-M-D), master et filières professionnelles. Mais elle est la seule université publique autorisée à délivrer grade de doctorat (PhD). Surtout, elle est autorisée à sélectionner à l’entrée parmi les 12,5% étudiants obtenant les meilleurs résultats aux tests d’aptitude scolaires en vigueur aux Etats Unis à la fin du secondaire, le Scholastic Assessement Test, (SAT) qui classe les élèves qui en font la demande. L’UC est l’institution leader de tout le système public californien. Ce rôle lui revient eu égard à la qualité de ses activités de recherche, qui lui a valu 44 prix Nobel. L’UC a proposé en moyenne ces dernières années 17 000 cours de formation continue pour les adultes, suivis par 400 000 personnes. Soit deux fois plus que l’effectif d’étudiants en formation initiale .
Les passerelles
La coordination entre les trois piliers du système est une obligation dans le code de l’éducation Californien. Elle oblige l’UC et la CSU à accueillir dans leurs programmes de premier cycle (bachelor) les étudiants issus des colleges qui satisfont à un certain niveau . Le plan pour l’enseignement supérieur recommande que les universités puisent près de 50 % de leurs étudiants parmi les diplômés des collèges. C’est un rôle essentiel d’ascenseur social pour les étudiants issus de milieux défavorisés et de stimulation pour les étudiants. La sélection est plus ardue pour accéder à l’UC que pour accéder à la CSU, consacrant le rôle leader des universités de recherche . La CSU et l’UC ont de nombreux programmes conjoints.
Le coût des études (chiffres 2005)
On sait que la qualité de vie dont jouissent les étudiants sur les campus californiens est exceptionnelle. Pour qui connaît les campus français, c’est toujours une révélation que de constater que système public, ici, ne rime pas avec misérabilisme. Selon le Code de l’éducation, l’UC et la CSU doivent accueillir pour tous les étudiants résidents californiens éligibles à une admission . L’Etat de Californie s’engage à fournir les ressources adéquates. Ici comme ailleurs aux USA, le taux d’accueil des étudiants dans le supérieur est donc très important : 6% contre 3,6 % en France. L’accès aux grandes universités est marqué par deux principes : admission indépendante des moyens des candidats (« need blind »), et contribution raisonnable des familles selon leur revenus (« need based »). La combinaison de ces deux principes doit éviter toute exclusion due à l’argent. Sans avoir une vision angélique de ce système, on ne peut que constater un accès plus large qu’en France des jeunes aux études supérieures. Les droits d’inscription pour les résidents de l’Etat de Californie sont d’environ 800 dollars pour l’UC, 300 dollars pour la CSU et 30 dollars pour les colleges. Il s’y ajoute des aides financières conséquentes, que ce soit au titre du programme des bourses d’Etat, ou des innombrables aides que les établissements eux-mêmes octroient à travers les fonds de leurs fondations. Toutes ces aides ne sont certes pas des bourses et on sait que les prêts aux étudiants sont très développés aux USA, avec certes des inconvénients, mais aussi plus d’avantages qu’on ne le croit. L’aide sociale moyenne aux étudiants aux USA est d’environ 9000 $ par an, dont 4900 $ de prêts, et 3600 $ de bourses . Le niveau moyen des bourses est donc très comparable aux niveau français, qui est d’environ 2700 E. Mais les étudiants français sont beaucoup moins nombreux à être aidés : un peu plus de 20 % contre 39% pour les seuls premiers cycles américains. Sachant que l’octroi de bourses exonère quasi automatiquement du paiement des droits d’inscription, même si on considère les avantages fiscaux des familles françaises, le montant des aides hors prêts accordées aux jeunes français est loin de ceux accordés aux américains.
Contrairement à la France, aux USA, les élites côtoient la recherche
La première leçon qu’on en tire est celle d’un système diversifié, doublé d’un ensemble de passerelles réelles entre filières, ouvrant de nombreuses possibilités de changement aux étudiants. Le système californien est fluide, diversifié et hiérarchisé. Avec, comme leader, une grande université de recherche et ses dix campus , aux cotés d’une grande université de formation très performante, installée sur 23 campus, et de collèges agissant comme des prepas pour aider les moins bons des bacheliers à intégrer ces universités.
De façon cohérente, l’université de recherche est autorisée à recruter les meilleurs élèves du secondaire, l’université de formation sélectionne dans un éventail plus large, et les Collèges doivent accueillir tous les élèves issus du secondaire . Ainsi les meilleurs élèves issus du secondaire sont d’emblée mis en contact avec les meilleurs chercheurs et les meilleurs universitaires. Une dynamique intellectuelle extraordinaire est créée dès l’entrée dans le supérieur pour les élèves à fort potentiel. On accroît ainsi la probabilité que les meilleurs esprits s’orientent vers la recherche. Mais beaucoup s’orienteront plutôt dans les grandes entreprises et administrations américaines. Cela crée une extraordinaire mixité intellectuelle qui fait que les élites américaines ont toutes étudié dans des universités de recherche. Pour elles l’importance de la recherche n’est plus à démontrer. On est loin du schéma français où seule une petite minorité des élites provient d’établissements ayant une forte tradition de recherche.
Les bons cerveaux manquent à l’université Française.
Nous pratiquons, comme les USA, une sélection redoutable des meilleurs éléments du secondaire. Mais ils sont orientés vers des grandes écoles dont seule une petite minorité a des activités de recherche reconnues. Nous pratiquons ensuite une sélection d’élèves plutôt bons mais que nous envoyons vers des filières courtes ( BTS et IUT). Tous les autres étudiants intègrent l’université, seule institution où se prépare le doctorat et où s’effectue la majorité des activités de recherche. Avec ce système, les meilleurs étudiants ne parviennent que par hasard jusqu’à la recherche et au doctorat, puisque l’immense majorité d’entre eux intègre des écoles nullement configurées pour la recherche, mais pour former des cadres d’entreprises. Le gâchis est considérable en termes de compétences et de talents. Ceux qui intègrent chez nous les classes préparatoires correspondent, en gros, aux 12,5 % des meilleurs élèves que sélectionnent les universités de recherche en Californie. En revanche, les élèves ayant de bons dossiers - qui, aux USA, intègrent l’université - sont aiguillés en France vers des programmes courts ( BTS et IUT), alors qu’ils mériteraient, comme aux USA, d’aller plutôt vers des établissements délivrant des formations longues. Enfin, la plus grande masse des élèves les plus faibles au lycée se retrouvent, en France, à l’université .
On voit ainsi le piège qui s’est refermé sur les universités Françaises. On leur demande d’être excellentes dans deux missions qui exigent une organisation, des moyens et des enseignants différents : l’accueil massif d’étudiants peu préparés en premier cycle ( dont beaucoup sont peu tentés par des études généralistes) et, - en troisième cycle – d’excellentes performances en recherche, alors que les meilleurs cerveaux du secondaire leur ont échappé pour aller dans les grandes écoles. C’est le grand écart !
Coté étudiants, un énorme gâchis de talents
Chez nous, l’immense majorité des jeunes qui pourraient aller jusqu’au Master sont orientés dans les filières post-bac sélectives ( IUT, BTS), et parfois ne soupçonnent même pas l’existence des masters. Dans ces cursus, ils prennent la place de jeunes qui, eux, cherchent une formation technologique courte, mais sont rejetés vers des filières générales où ils échouent. D’où la sous-qualification dramatique des jeunes français des classes d’age 20-25 ans, comparé aux autres pays développés, et, partant, le chômage qui les frappe. On ne peut espérer résorber celui-ci que par une orientation leur donnant une vraie chance d’accéder aux filières qu’ils souhaitent intégrer. Cette distorsion est accentuée par le cloisonnement très fort des filières en France : on est sur des rails parfois dès la classe de première au Lycée, et il n’y a pratiquement plus d’aiguillages ensuite.
Les leçons des universités Californiennes
Le système californien est doté d’un système de passerelles entre les filières et établissements qui fait qu’un jeune en ayant les compétences peut toujours grimper dans le programme supérieur. Voici ce que cela suggère.
1/ Créer des universités de recherche sélectives. Il ne s’agit pas de sélectionner à l’entrée des universités, ce qui ne ferait qu’accroître le phénomène d’exclusion et notamment d’exclusion sociale. Mais il faut sélectionner à l’entrée des établissements les plus performants en recherche, ce qui est différent et pas pratiqué en France .
2/ Rapprocher grandes écoles et université. Ces établissements de recherche ne sont pas tous des universités ni toutes des grandes écoles. La majorité de ces établissements reste à créer à travers le rapprochement des grandes écoles et des universités ayant une activité de formation doctorale et de recherche reconnues.
3/ Pas besoin de prépas. Pour que s’effectue cette sélection des meilleurs élèves vers les établissements de recherche, point n’est besoin de classes préparatoires telles qu’elles sont organisées chez nous ni de concours. Il suffit de réserver cette orientation aux 15 ou 20 % des meilleurs élèves des Lycées, tout en laissant ouvertes les portes pour ceux qui se révèleraient plus tard, ou pour lesquels un peu de temps doit être laissé pour que soit surmonté le handicap culturel originel que constitue leur milieu social familial.
4/ Investissement sur les premiers cycles. Il faut penser à des filières en deux ans généralistes, permettant à tous les lycéens d’obtenir un complément de formation leur ouvrant plus facilement les portes du marché de l’emploi. Développer les licences professionnelles qui prolongent ces filières, complétées par des licences généralistes orientées vers des secteurs d’activités professionnelles.
5/ Multiplication des passerelles. L’organisation de passerelles de transfert souples et reposant sur les qualités scolaires doit être impérativement organisée entre ces divers cursus.
6/ Réhabilitation du doctorat. Le niveau de formation le plus élevé dans la hiérarchie de ce système est le doctorat et non pas les diplômes d’ingénieurs, fussent-ils délivrés par les plus prestigieuses de nos écoles.
Ce n’est donc pas forcément une révolution qu’il faut organiser, mais plus sûrement des réorganisations par morceaux d’un système existant, en faisant éventuellement coexister temporairement organisation traditionnelle et innovations expérimentales. Comme toujours dans notre pays de nombreux corporatismes s’abriteront derrière les prétextes les plus nobles pour que rien ne change. Ce sera notamment le cas pour les classes préparatoires, qui devraient réorganiser leurs programmes autour de vrais programmes universitaires, du type de ceux enseignés dans toutes les universités de recherche pour les meilleurs élèves et non autour de la préparation de concours. Les filières technologiques courtes devront accepter d’accueillir plus généreusement les élèves dont c’est la vocation. Enfin, les universités devront accepter de se remettre en cause à travers des évaluations rigoureuses de leur niveau en recherche et accepter de se rapprocher des grandes écoles
Certaines universités devront se recentrer plus sur la formation que sur la recherche, ce qui n’a rien de déshonorant, comme le montre la reconnaissance dont jouit l’Université d’Etat de Californie. Idem pour les grandes écoles qui font peu de recherche.
Concernant le pilotage externe des établissements d’enseignement supérieur, il faut une continuité de la réflexion sur son rôle dans la société et l’économie. La Californie a développé une habitude de concertation entre toutes les parties prenantes - autorités politiques, partenaires socio-économiques et universitaires- évitant les réformes frontales génératrices de rancœurs et guerres civiles académiques. La méthode d’un « pacte pour l’éducation » décliné en quelques articles (1) est excellente. Il est inutile, comme le fait par exemple la loi de 1984 sur l’enseignement supérieur, de décliner dans le détail la composition des conseils, leur mode électoral, les procédures de révision des statuts et tout un ensemble d’éléments tout à fait secondaires sur le fond pour l’organisation et le fonctionnement du service public. Il faut laisser la diversité s’exprimer autour de quelques éléments communs à tout le système, pour pouvoir proposer une offre de formation diversifiée face à une demande sociale qui sera de plus en plus complexe et multiple.
Synthèse réalisée par Patrick Fauconnier ( Juin 2007)
(1) Comme le suggère le Cercle des Economistes
Références
- Bernard Belloc, le mystérieux « Monsieur université et recherche » de Sarkozy , educobs, 4 mars 2009
- La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ? , educobs, 4 mars 2009
Une interview de Bernard Belloc
Educobs republie le 4 mars 2009 une interview de Bernard Belloc du 22 janvier 2009:
Le Nouvel Observateur. Vous avancez la thèse selon laquelle l’université publique Californienne ferait réussir plus d’étudiants que la nôtre, avec des coûts de scolarité raisonnables tout en excellant en recherche. N’est-ce pas une provoc de proposer l’université américaine comme modèle ?
Bernard Belloc. En 2004, au cours d’une année sabbatique, j’ai découvert que le cas Californien est très intéressant, et qu’il faut faire abstraction de toute idéologie, pour constater un fait vérifiable : l’université publique Californienne fait réussir plus de jeunes que la nôtre ( Voir sur ce blog le document « La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ?).
Avec des coûts de scolarité raisonnables pour les résidents, plus de la moitié des étudiants étant boursiers. Certes, toutes les universités américaines ne fonctionnent pas ainsi. Sur la cote Est, celles de la Ivy League ont souvent des coûts élevés et une ouverture sociale moindre. Mais presque toutes ont d’impressionnants systèmes de bourses au mérite qui font qu’un élève brillant au lycée, mais fauché, a toutes ses chances d’intégrer une bonne université.
La première leçon , c’est qu’on de doit pas parler - pour éventuellement en faire un épouvantail - de « système universitaire américain », et encore moins de croire qu’il est privé : plus des trois quarts des jeunes américains sont dans des facs publiques qui font plus que bonne figure face aux poids lourds privés. Il n’y a pas un système, mais presque autant que d’Etats. Celui de Californie, qui a donné naissance à l’économie de la connaissance et à une des zones les plus innovantes du monde, mérite qu’on l’analyse de près.
N.O. Quelles leçons tirez-vous du système californien ?
B.B. Il est devenu impossible à une seule et même université d’exceller dans tous les compartiments. D’un coté, la massification de l’enseignement supérieur exige de très gros efforts sur les premiers cycles avec des moyens d’encadrement lourds. Il faudrait pouvoir investir autant pour un jeune en licence que pour un jeune en IUT.
D’autre part l’impératif de développer à fond la recherche, pour nourrir une économie d’innovation, oblige à recruter des enseignants chercheurs qui n’ont pas le même profil que ceux capables de faire réussir les jeunes en premier cycle.
J’affirme que chacune de ces missions est devenue si complexe qu’il n’est plus possible à une même université d’exceller dans tous les domaines. Les Californiens ont résolu le problème en instituant un système à trois composantes : d’excellentes facs de premier cycle, qui mènent une bonne proportion de leurs jeunes vers une autre série de facs spécialisées dans les masters, lesquelles peuvent propulser leurs meilleurs éléments dans des universités de recherche, dont le modèle est Berkeley qui figure dans le top mondial en recherche. Il est capital pour un pays d’être doté d’universités de recherche.
C’est ce que les Allemands viennent de décider en votant des super crédits à une dizaine de leurs universités. Ce qui me navre, c’est que le système Français marche un peu à l’envers: les meilleurs éléments du lycée vont vers les grandes écoles où la formation par la recherche n’est pas assez développée. Cest un vrai handicap pour l’économie.
N.O. Pire qu’une université à deux vitesses, vous prônez donc une université à trois vitesses ?
B.B. Il est stupide de parler de « vitesses » : c’est l’excellence qui compte. Et avec les moyens que nous avons promis aux universités, chacune peut se créer une « niche » dans laquelle elle peut exceller. Qui peut soutenir que ce n’est pas noble de faire réussir en masse dans les premiers cycles ? Et d’acquérir une réputation dans ce domaine ?
Nous avons créé des PRES, les Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui sont des structures permettant de mutualiser les moyens et synergies entre plusieurs universités.
L’Université de Perpignan peut bénéficier de la force de celle de Montpellier, idem pour Chambéry et Grenoble, Angers et Nantes, etc. les PRES peuvent être d’excellents outils pour fédérer les établissements sans perdre la dynamique des plus entreprenants. Ainsi il n’y aura pas de « petite » et de « grande » université, mais des domaines d’excellences différents.
N.O. Votre travail sur le modèle californien a-t-il intéressé les politiques ?
B.B. Ce que j’écrivais à l’époque, entre 2004 et 2005, intéressait beaucoup de monde à l’étranger, mais pas en France. Jacques Chirac n’était pas passionné par le sujet et ne saisissait pas l’enjeu sur le long terme.
Dans les cabinets ministériels, mon travail était accueilli avec une indifférence polie, ce qui d’ailleurs m’importait fort peu. La fondation pour l’innovation politique avait très bien accueilli ce travail, Richard Descoings et la chercheuse Christine Musselin, à Sciences Po Paris, également.
Valérie Pécresse m’avait dit, avec une prudence que je comprends : « j’aimerais mieux un exemple Européen que nord Américain. » En fait, c’est l’Allemagne qui est en train de devenir pour nous un exemple européen très intéressant à tous égards.
N.O. Et comment la gauche reçoit vos suggestions ?
La loi sur l’Autonomie reprend la quasi totalité des propositions qu’avaient fait un très bon expert de gauche, Alain Claeys. Pourtant la Gauche a voté contre cette loi…
Je sais aussi que des économistes de gauche comme Philippe Aghion, professeur à Harvard, Jean Pisany-Ferry ou Thomas Piketty, partagent beaucoup de mes vues. Sans parler de Claude Allègre dont je pense qu’il n’est pas très éloigné de ces idées.
En général les critiques portent sur le manque d’argent. Moi je réponds que ce n’est pas l’argent qui fait les projets, mais les projets qui font venir l’argent, même si je reconnais qu’un effort particulier doit être fait par la Nation pour son enseignement supérieur.
Ce qu’elle fait d’ailleurs, puisque dans le projet de budget 2008, jamais on a observé une telle croissance des moyens mis à la disposition de l’enseignement supérieur et de la recherche: 1,8 milliards d’euros!
Nous avons évité les fausses solutions de la sélection et de l’accroissement massif des droits d’inscription, ce qui nous est d’ailleurs souvent très vertement reproché par notre propre camp, et aussi, je dois le dire, à ma grande surprise, par des collègues proches du Parti socialiste. Je crois que nous avons vraiment mis en place les structures pour que notre université change de siècle.
Propos recueillis par Patrick Fauconnier
(1) Comme le suggère le Cercle des Economistes
Références
- Bernard Belloc, le mystérieux « Monsieur université et recherche » de Sarkozy , educobs, 4 mars 2009
- La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ? , educobs, 4 mars 2009
Le Nouvel Observateur. Vous avancez la thèse selon laquelle l’université publique Californienne ferait réussir plus d’étudiants que la nôtre, avec des coûts de scolarité raisonnables tout en excellant en recherche. N’est-ce pas une provoc de proposer l’université américaine comme modèle ?
Bernard Belloc. En 2004, au cours d’une année sabbatique, j’ai découvert que le cas Californien est très intéressant, et qu’il faut faire abstraction de toute idéologie, pour constater un fait vérifiable : l’université publique Californienne fait réussir plus de jeunes que la nôtre ( Voir sur ce blog le document « La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ?).
Avec des coûts de scolarité raisonnables pour les résidents, plus de la moitié des étudiants étant boursiers. Certes, toutes les universités américaines ne fonctionnent pas ainsi. Sur la cote Est, celles de la Ivy League ont souvent des coûts élevés et une ouverture sociale moindre. Mais presque toutes ont d’impressionnants systèmes de bourses au mérite qui font qu’un élève brillant au lycée, mais fauché, a toutes ses chances d’intégrer une bonne université.
La première leçon , c’est qu’on de doit pas parler - pour éventuellement en faire un épouvantail - de « système universitaire américain », et encore moins de croire qu’il est privé : plus des trois quarts des jeunes américains sont dans des facs publiques qui font plus que bonne figure face aux poids lourds privés. Il n’y a pas un système, mais presque autant que d’Etats. Celui de Californie, qui a donné naissance à l’économie de la connaissance et à une des zones les plus innovantes du monde, mérite qu’on l’analyse de près.
N.O. Quelles leçons tirez-vous du système californien ?
B.B. Il est devenu impossible à une seule et même université d’exceller dans tous les compartiments. D’un coté, la massification de l’enseignement supérieur exige de très gros efforts sur les premiers cycles avec des moyens d’encadrement lourds. Il faudrait pouvoir investir autant pour un jeune en licence que pour un jeune en IUT.
D’autre part l’impératif de développer à fond la recherche, pour nourrir une économie d’innovation, oblige à recruter des enseignants chercheurs qui n’ont pas le même profil que ceux capables de faire réussir les jeunes en premier cycle.
J’affirme que chacune de ces missions est devenue si complexe qu’il n’est plus possible à une même université d’exceller dans tous les domaines. Les Californiens ont résolu le problème en instituant un système à trois composantes : d’excellentes facs de premier cycle, qui mènent une bonne proportion de leurs jeunes vers une autre série de facs spécialisées dans les masters, lesquelles peuvent propulser leurs meilleurs éléments dans des universités de recherche, dont le modèle est Berkeley qui figure dans le top mondial en recherche. Il est capital pour un pays d’être doté d’universités de recherche.
C’est ce que les Allemands viennent de décider en votant des super crédits à une dizaine de leurs universités. Ce qui me navre, c’est que le système Français marche un peu à l’envers: les meilleurs éléments du lycée vont vers les grandes écoles où la formation par la recherche n’est pas assez développée. Cest un vrai handicap pour l’économie.
N.O. Pire qu’une université à deux vitesses, vous prônez donc une université à trois vitesses ?
B.B. Il est stupide de parler de « vitesses » : c’est l’excellence qui compte. Et avec les moyens que nous avons promis aux universités, chacune peut se créer une « niche » dans laquelle elle peut exceller. Qui peut soutenir que ce n’est pas noble de faire réussir en masse dans les premiers cycles ? Et d’acquérir une réputation dans ce domaine ?
Nous avons créé des PRES, les Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui sont des structures permettant de mutualiser les moyens et synergies entre plusieurs universités.
L’Université de Perpignan peut bénéficier de la force de celle de Montpellier, idem pour Chambéry et Grenoble, Angers et Nantes, etc. les PRES peuvent être d’excellents outils pour fédérer les établissements sans perdre la dynamique des plus entreprenants. Ainsi il n’y aura pas de « petite » et de « grande » université, mais des domaines d’excellences différents.
N.O. Votre travail sur le modèle californien a-t-il intéressé les politiques ?
B.B. Ce que j’écrivais à l’époque, entre 2004 et 2005, intéressait beaucoup de monde à l’étranger, mais pas en France. Jacques Chirac n’était pas passionné par le sujet et ne saisissait pas l’enjeu sur le long terme.
Dans les cabinets ministériels, mon travail était accueilli avec une indifférence polie, ce qui d’ailleurs m’importait fort peu. La fondation pour l’innovation politique avait très bien accueilli ce travail, Richard Descoings et la chercheuse Christine Musselin, à Sciences Po Paris, également.
Valérie Pécresse m’avait dit, avec une prudence que je comprends : « j’aimerais mieux un exemple Européen que nord Américain. » En fait, c’est l’Allemagne qui est en train de devenir pour nous un exemple européen très intéressant à tous égards.
N.O. Et comment la gauche reçoit vos suggestions ?
La loi sur l’Autonomie reprend la quasi totalité des propositions qu’avaient fait un très bon expert de gauche, Alain Claeys. Pourtant la Gauche a voté contre cette loi…
Je sais aussi que des économistes de gauche comme Philippe Aghion, professeur à Harvard, Jean Pisany-Ferry ou Thomas Piketty, partagent beaucoup de mes vues. Sans parler de Claude Allègre dont je pense qu’il n’est pas très éloigné de ces idées.
En général les critiques portent sur le manque d’argent. Moi je réponds que ce n’est pas l’argent qui fait les projets, mais les projets qui font venir l’argent, même si je reconnais qu’un effort particulier doit être fait par la Nation pour son enseignement supérieur.
Ce qu’elle fait d’ailleurs, puisque dans le projet de budget 2008, jamais on a observé une telle croissance des moyens mis à la disposition de l’enseignement supérieur et de la recherche: 1,8 milliards d’euros!
Nous avons évité les fausses solutions de la sélection et de l’accroissement massif des droits d’inscription, ce qui nous est d’ailleurs souvent très vertement reproché par notre propre camp, et aussi, je dois le dire, à ma grande surprise, par des collègues proches du Parti socialiste. Je crois que nous avons vraiment mis en place les structures pour que notre université change de siècle.
Propos recueillis par Patrick Fauconnier
(1) Comme le suggère le Cercle des Economistes
Références
- Bernard Belloc, le mystérieux « Monsieur université et recherche » de Sarkozy , educobs, 4 mars 2009
- La France peut-elle s’inspirer des universités Californiennes ? , educobs, 4 mars 2009
Semaine du 9 au 15 mars 2009
- Le 11 mars 2009, ils sont entre 30 000 et 60 000 manifestants à défiler dans toute la France.
- Valérie Pécresse a mené des négociations tous azimuts, non seulement sur le décret statutaire, le décret sur le Conseil national des universités, mais aussi, mardi 10 mars 2009, sur le décret sur le nouveau contrat doctoral unique, l'un des nombreux points d'abcès de la contestation.
- Dans la semaine du 15 au 22 mars 2009, vont s'ouvrir des discussions sur les organismes de recherche.
- Le ministre de l'éducation nationale Xavier Dancos s'apprête à négocier l'aménagement de la formation des maîtres. Le gouvernement propose d'abord un renforcement des possibilités de formation (familiarisation avec le métier d'enseignant) avant le concours, pour les étudiants en master 1 et 2. En master 1, des stages d'observation et de pratique accompagnée de 108 heures. Ils pourraient concerner jusqu'à 100 000 étudiants. En master 2, des stages "en responsabilité" (devant une classe) de 108 heures également. Ils concerneraient 50 000 étudiants. Ils feraient l'objet d'un double accompagnement : sur le terrain par un professeur "référent" et à l'université par un maître de stage. Ils donneraient lieu à une rémunération (une fois 3000 euros). Une série de mesures sont également attendues sur les modalités et le montant des bourses. D'autre part, les possibilités de formation continue en alternance pour les reçus aux concours lors de leur première année d'exercice seront étendues, jusqu'à représenter de un quart à un tiers de leur temps de service. Enfin, le gouvernement pourrait donner des garanties sur la revalorisation des débuts de carrière des enseignants.
Références
- Mise en place de la masterisation : "Pour 2010, c'est impossible" , Le Monde, 13 mars 2009
- Université : "M. Sarkozy a donné aux réformes un éclairage inquiétant" , Le Monde, 13 mars 2009
- La réforme de la formation des enseignants sera étalée mais pas reportée , Le Monde, 12 mars 2009
- Le gouvernement fait un geste sur la formation des enseignants , Le Monde, 12 mars 2009
- Universités : pourquoi le gouvernement ne parvient pas à calmer la fronde , Le Monde, 12 mars 2009
- Pécresse et Darcos confrontés à la relance de la contestation, sciences2, 9 mars 2009
- Valérie Pécresse a mené des négociations tous azimuts, non seulement sur le décret statutaire, le décret sur le Conseil national des universités, mais aussi, mardi 10 mars 2009, sur le décret sur le nouveau contrat doctoral unique, l'un des nombreux points d'abcès de la contestation.
- Dans la semaine du 15 au 22 mars 2009, vont s'ouvrir des discussions sur les organismes de recherche.
- Le ministre de l'éducation nationale Xavier Dancos s'apprête à négocier l'aménagement de la formation des maîtres. Le gouvernement propose d'abord un renforcement des possibilités de formation (familiarisation avec le métier d'enseignant) avant le concours, pour les étudiants en master 1 et 2. En master 1, des stages d'observation et de pratique accompagnée de 108 heures. Ils pourraient concerner jusqu'à 100 000 étudiants. En master 2, des stages "en responsabilité" (devant une classe) de 108 heures également. Ils concerneraient 50 000 étudiants. Ils feraient l'objet d'un double accompagnement : sur le terrain par un professeur "référent" et à l'université par un maître de stage. Ils donneraient lieu à une rémunération (une fois 3000 euros). Une série de mesures sont également attendues sur les modalités et le montant des bourses. D'autre part, les possibilités de formation continue en alternance pour les reçus aux concours lors de leur première année d'exercice seront étendues, jusqu'à représenter de un quart à un tiers de leur temps de service. Enfin, le gouvernement pourrait donner des garanties sur la revalorisation des débuts de carrière des enseignants.
Références
- Mise en place de la masterisation : "Pour 2010, c'est impossible" , Le Monde, 13 mars 2009
- Université : "M. Sarkozy a donné aux réformes un éclairage inquiétant" , Le Monde, 13 mars 2009
- La réforme de la formation des enseignants sera étalée mais pas reportée , Le Monde, 12 mars 2009
- Le gouvernement fait un geste sur la formation des enseignants , Le Monde, 12 mars 2009
- Universités : pourquoi le gouvernement ne parvient pas à calmer la fronde , Le Monde, 12 mars 2009
- Pécresse et Darcos confrontés à la relance de la contestation, sciences2, 9 mars 2009
jeudi 5 mars 2009
Les chercheurs sont-ils nuls ?
Les chercheurs sont-ils nuls ? , nouvelobs.com, 5 mars 2009
Nicolas Sarkozy a accusé nos universitaires d'être peu productifs, inefficaces et refusant les évaluations. Réponses point par point
Inefficaces, voire paresseux, enfermés dans un système puéril, refusant d'être évalués. C'est le portrait cinglant de nos chercheurs dressé par Nicolas Sarkozy, dans un discours désormais fameux, le 22 janvier dernier...
Depuis, celui-ci ne cesse de buzzer sur la Toile. Un montage vidéo sur le web oppose des extraits de ce discours et ceux d'un vibrant hommage rendu par Barack Obama à la recherche. Les universitaires ne décolèrent pas. Cela ne facilite évidemment pas la tâche de la ministre Valérie Pécresse. Une nouvelle journée de manifestations est encore prévue ce jeudi 5 mars. Réponse à quelques-unes des affirmations présidentielles qui fâchent.
Pas assez productifs
«A budget comparable, un chercheur français publie de 30% à 50% en moins qu'un chercheur britannique dans certains secteurs.»
Faux. Pour faire un tel calcul, il faudrait mesurer le nombre d'articles publiés dans les revues scientifiques et le rapporter au nombre de chercheurs dans nos deux pays. Or «on n'appelle pas «chercheur», les mêmes catégories de personnel partout, l'organisation est très différente selon les pays», explique Ghislaine Filliatreau, directrice de l'OST (Observatoire des Sciences et Techniques).
En volume de production, c'est-à-dire en prenant le nombre d'articles publiés, la France ne se situe pas trop mal.
«Nous sommes au 6e rang mondial, notre part s'effrite, mais c'est également vrai pour le Royaume-Uni l'Allemagne ou même les Etats Unis, en raison de l'émergence de nouveaux pays», souligne Ghislaine Filliatreau.
Moins convaincant : l'impact au plan mondial de ces publications, c'est-à-dire le nombre de citations dans les travaux des confrères. «Nous figurons seulement au 13e rang mondial, avec des performances nettement en deçà de nos voisins allemands et britanniques.»
Jamais évalués
«Franchement, la recherche sans évaluation, cela pose un problème. [...] Ecoutez, c'est consternant mais ce sera la première fois qu'une telle évaluation sera conduite dans nos universités, la première.»
Faux. Dans les grands organismes, les chercheurs doivent individuellement et régulièrement rendre des comptes.
«Tous les deux ans, chaque chercheur est soumis à une évaluation par ses pairs, au sein de commissions spécialisées», explique Jean-François Dhainaut, président de l'AERES (Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseigne ment supérieur). Celle-ci a été créée en 2006 pour évaluer les laboratoires, à savoir les équipes de chercheurs, et les établissements en tant que tels : l'Inserm, l'Inria ainsi qu'une dizaine d'universités et grandes écoles ont déjà été audités.
Et pas tout à fait faux... L'évaluation individuelle des universitaires est moins probante. Au moment de leur recrutement, les dossiers et mérites des candidats sont auscultés à la loupe. Une première fois par le CNU (Conseil national des Universités) puis devant des commissions locales. Le climat entre eux est très compétitif. Chaque enseignant-chercheur a à coeur de publier des articles qui témoignent de la progression de son travail et se sent jugé en permanence par ses pairs.
Mais il est vrai qu'une fois le job attribué il n'y a plus de procédures obligatoires d'évaluation nationale sauf pour le passage de maître de conférences à professeur.
En ce qui concerne l'évolution de leur carrière, leurs augmentations et leurs changements de grade, «la moitié des enseignants seulement sont soumis à une évaluation nationale par le CNU, le reste se décide localement», explique Simone Bonnafous, vice-présidente de la CPU (Conférence des Présidents d'Université).
Or le nouveau statut, contesté, prévoyait, pour la première fois, une évaluation régulière et nationale de chaque universitaire, à la fois sur la qualité de sa recherche et de son enseignement. Une petite révolution.
Véronique Radier
Le Nouvel Observateur
Nicolas Sarkozy a accusé nos universitaires d'être peu productifs, inefficaces et refusant les évaluations. Réponses point par point
Inefficaces, voire paresseux, enfermés dans un système puéril, refusant d'être évalués. C'est le portrait cinglant de nos chercheurs dressé par Nicolas Sarkozy, dans un discours désormais fameux, le 22 janvier dernier...
Depuis, celui-ci ne cesse de buzzer sur la Toile. Un montage vidéo sur le web oppose des extraits de ce discours et ceux d'un vibrant hommage rendu par Barack Obama à la recherche. Les universitaires ne décolèrent pas. Cela ne facilite évidemment pas la tâche de la ministre Valérie Pécresse. Une nouvelle journée de manifestations est encore prévue ce jeudi 5 mars. Réponse à quelques-unes des affirmations présidentielles qui fâchent.
Pas assez productifs
«A budget comparable, un chercheur français publie de 30% à 50% en moins qu'un chercheur britannique dans certains secteurs.»
Faux. Pour faire un tel calcul, il faudrait mesurer le nombre d'articles publiés dans les revues scientifiques et le rapporter au nombre de chercheurs dans nos deux pays. Or «on n'appelle pas «chercheur», les mêmes catégories de personnel partout, l'organisation est très différente selon les pays», explique Ghislaine Filliatreau, directrice de l'OST (Observatoire des Sciences et Techniques).
En volume de production, c'est-à-dire en prenant le nombre d'articles publiés, la France ne se situe pas trop mal.
«Nous sommes au 6e rang mondial, notre part s'effrite, mais c'est également vrai pour le Royaume-Uni l'Allemagne ou même les Etats Unis, en raison de l'émergence de nouveaux pays», souligne Ghislaine Filliatreau.
Moins convaincant : l'impact au plan mondial de ces publications, c'est-à-dire le nombre de citations dans les travaux des confrères. «Nous figurons seulement au 13e rang mondial, avec des performances nettement en deçà de nos voisins allemands et britanniques.»
Jamais évalués
«Franchement, la recherche sans évaluation, cela pose un problème. [...] Ecoutez, c'est consternant mais ce sera la première fois qu'une telle évaluation sera conduite dans nos universités, la première.»
Faux. Dans les grands organismes, les chercheurs doivent individuellement et régulièrement rendre des comptes.
«Tous les deux ans, chaque chercheur est soumis à une évaluation par ses pairs, au sein de commissions spécialisées», explique Jean-François Dhainaut, président de l'AERES (Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseigne ment supérieur). Celle-ci a été créée en 2006 pour évaluer les laboratoires, à savoir les équipes de chercheurs, et les établissements en tant que tels : l'Inserm, l'Inria ainsi qu'une dizaine d'universités et grandes écoles ont déjà été audités.
Et pas tout à fait faux... L'évaluation individuelle des universitaires est moins probante. Au moment de leur recrutement, les dossiers et mérites des candidats sont auscultés à la loupe. Une première fois par le CNU (Conseil national des Universités) puis devant des commissions locales. Le climat entre eux est très compétitif. Chaque enseignant-chercheur a à coeur de publier des articles qui témoignent de la progression de son travail et se sent jugé en permanence par ses pairs.
Mais il est vrai qu'une fois le job attribué il n'y a plus de procédures obligatoires d'évaluation nationale sauf pour le passage de maître de conférences à professeur.
En ce qui concerne l'évolution de leur carrière, leurs augmentations et leurs changements de grade, «la moitié des enseignants seulement sont soumis à une évaluation nationale par le CNU, le reste se décide localement», explique Simone Bonnafous, vice-présidente de la CPU (Conférence des Présidents d'Université).
Or le nouveau statut, contesté, prévoyait, pour la première fois, une évaluation régulière et nationale de chaque universitaire, à la fois sur la qualité de sa recherche et de son enseignement. Une petite révolution.
Véronique Radier
Le Nouvel Observateur
lundi 2 mars 2009
Semaine du 2 au 8 mars 2009
Vendredi 6 mars 2009, un accord est signé entre Valérie Pécresse et quatre syndicats (Autonome Sup, Sgen CFDT, Sud recherche UNSA et FO) sur la réécriture du statut et les principes du futur décret sur le CNU.
La principale question est maintenant la formation des enseignants du primaire et du secondaire.
Valérie Pécresse, Xavier Darcos et le Président de la République comptent sur une éventuelle lassitude des universitaires, personnels des universités, chercheurs et étudiants pour ne pas opérer d'autres retraites sur la formation des enseignants (mastérisation), les créations de postes, les organismes de recherche, le contrat doctoral, voire une révision de la LRU.
La principale question est maintenant la formation des enseignants du primaire et du secondaire.
Valérie Pécresse, Xavier Darcos et le Président de la République comptent sur une éventuelle lassitude des universitaires, personnels des universités, chercheurs et étudiants pour ne pas opérer d'autres retraites sur la formation des enseignants (mastérisation), les créations de postes, les organismes de recherche, le contrat doctoral, voire une révision de la LRU.
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