LEMONDE.FR | 30.11.09
En Europe, "les universités ne bénéficient souvent pas de réelle autonomie dans certains domaines essentiels". Le constat émane de l'Association européenne des universités (EUA) – c'est-à-dire l'équivalent, au niveau européen, de la Conférence des présidents d'université (CPU) en France.
Il est tiré d'un "panorama" inédit de l'autonomie des universités européennes que l'EUA vient de rendre public, lundi 30 novembre 2009, et pour lequel l'association, a "ausculté" 33 pays.
Soulignant "que de nombreux gouvernements, le secteur de l'enseignement supérieur et la Commission européenne reconnaissent qu'une autonomie accrue pour les universités est une étape essentielle vers la modernisation du secteur au XXIe siècle", l'EUA estime dans son rapport qu'"en pratique, les autorités publiques jouent toujours un rôle central dans la réglementation des systèmes universitaires, et, dans de nombreux pays, conservent un contrôle direct sur le secteur".
"MENACE POUR LA VIABILITÉ ET LE DÉVELOPPEMENT"
"Malgré le passage à un système de pilotage 'à distance' dans un certain nombre de pays en Europe, les universités ne bénéficient souvent pas de réelle autonomie dans certains domaines essentiels, et en particulier en termes de gestion financière", poursuit le rapport.
L'EUA se dit "convaincue que ce manque d'autonomie est une réelle menace pour la viabilité et le développement des quelques 5 000 universités d'Europe". Et ce "alors que les fonds publics dédiés à l'enseignement tendent à stagner partout en Europe, et que les universités sont appelées à explorer de nouvelles voies de financement".
Concrètement, Thomas Estermann, l'auteur de ce rapport, a analysé une trentaine de "critères" au total en matière d'autonomie des universités européennes. Il s'est attaché à les classer en quatre grands thèmes : autonomie organisationnelle (quel degré d'autonomie ont les universités pour organiser leur gouvernance ?), autonomie académique (sélection des étudiants, définition des programmes, etc.), autonomie financière (capacité à lever des fonds, à disposer de leur immobilier, à mettre en place des droits d'inscription, etc.) et autonomie dans la gestion des ressources humaines.
"Dans l'ensemble, les universités ont obtenu un certain degré d'autonomie. Mais, il ne faut pas s'arrêter à la surface des choses. Par exemple, en Italie, les universités disposent d'une grande autonomie financière, cependant leur gouvernance est tellement complexe, qu'elles ne peuvent utiliser cette autonomie", explique Thomas Estermann.
De même, selon les pays, la faiblesse des financements publics ne permet pas d'assurer l'autonomie financière promise par l'Etat.
Enfin, si dans certains pays les universités bénéficient d'une grande flexibilité en matière de gestion des ressources humaines, elles sont contraintes d'appliquer des règlementations imposées par leur Etat.
MISE EN PLACE D'UN "TABLEAU DE BORD"
Pour autant, précise Thomas Estermann, cette analyse de l'autonomie ne doit pas être faite au détriment des traditions universitaires nationales. En clair, l'EUA ne présente pas "de modèle idéal de l'autonomie, mais plutôt une série de principes de base qui constituent les éléments cruciaux de l'autonomie. Mis en place, ces éléments permettraient aux universités de mener leurs missions", tant auprès des étudiants que de la société.
Après ce panorama, l'Association européenne des universités prépare pour 2011 un "tableau de bord" permettant d'évaluer l'autonomie des universités (au niveau national) en Europe. Ce tableau de bord pourra servir de référence aux gouvernements souhaitant évaluer les progrès de leurs réformes par rapport aux autres systèmes. Il permettra également aux universités de prendre conscience des écarts qui existent en Europe.
Philippe Jacqué