Comment Internet peut révolutionner l'université, Le Figaro, 21 juillet 2007
Certains cours magistraux n'ont déjà plus lieu en amphi. Valérie Pécresse va accélérer l'équipement numérique des facultés.
Valérie Pécresse s'attaque à la fracture numérique de l'université française. Alors qu'une génération d'étudiants «natifs du digital» entre en fac, le retard du numérique à l'université avait été pointé dans un rapport remis en janvier 2008 à la ministre de l'Enseignement supérieur. Lundi, elle a débloqué une enveloppe de 16 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance, pour redresser la barre.
D'ici à la fin de l'année, l'intégralité des campus des universités françaises devrait donc proposer un accès à Internet sans fil grâce à une enveloppe de 10 millions. Six millions seront également injectés dans le «podcast», c'est-à-dire la diffusion vidéo ou audio des cours en ligne. Aujourd'hui, seuls 2 % des étudiants en bénéficient. La ministre espère faire grimper ce taux à 10 % en 2011.
Reste à savoir si la généralisation de ces nouvelles technologies augure d'une pédagogie nouvelle. Dans certaines universités, comme Joseph Fourier-Grenoble-I, le numérique a opéré une véritable révolution. Depuis 2006, les cours en amphi ont été abandonnés en première année de médecine. «Au lieu d'assister au cours de manière passive dans une salle de 800 personnes, au milieu du chahut des redoublants, les “première année” suivent dix heures de cours magistraux en multimédia», explique Farid Oubdesselam, président de l'université. Une fois ces cours regardés, les étudiants posent leurs questions au professeur sur une plateforme dédiée. Ce dernier y répond lors de séances en groupes restreints, d'une centaine d'élèves. «L'enseignant se met au service de l'étudiant», résume Farid Oubdesselam. Un tutorat avec des étudiants de troisième année complète ce dispositif conçu pour lutter contre le recours aux prépas privées et à la montée des inégalités d'accès au concours.
«Le polycopié du futur»
À Lyon-II, plusieurs centaines d'heures de cours sont accessibles en podcast. «Nous voulons que les professeurs deviennent les scénaristes de leurs cours», avance son président, Olivier Christin, qui envisage l'installation d'un studio d'enregistrement dans la fac, rendant possible les prises multiples. Pour l'instant, le cours «phare» en podcast, celui de géographie, ne montre pas un professeur en train de disserter face caméra mais une somme de croquis, d'images ou de cartes assortie des commentaires de l'enseignant. «L'ancien système des étudiants tassés dans un amphithéâtre est en train de se déliter. Nous allons rentrer dans l'ère des cours à la demande», estime Olivier Christin.
L'idée effraie encore nombre d'enseignants qui craignent de faire classe devant une assemblée clairsemée. «Les amphis ne se vident pas», rassure Dominique Maniez, directeur du service des nouvelles technologies de Lyon-II.
«Le podcast, c'est le polycopié du futur, estime pour sa part Valérie Pécresse. Il permet une meilleure gestion du rythme d'apprentissage, surtout en première année où la prise de note est difficile. Ce système est aussi très utile pour les étudiants étrangers, les étudiants handicapés ou à ceux qui sont en stage. Mais cet outil ne doit pas être vu comme un concurrent du cours ex cathedra». Il pourrait le devenir en cas de pandémie de grippe A (H1N1) à la rentrée, prévoit cependant le président de Lyon-II. Et en cas de blocage et de grève des universités ? «La mise en ligne des cours a été utile cet hiver pour rattraper ceux qui n'ont pas eu lieu et donner de la consistance aux examens», reconnaît Olivier Christin.
Former les enseignants
L'équipement des établissements en numérique mérite cependant un effort de formation des profs. «L'enseignant-chercheur n'est jamais formé à la pédagogie et encore moins aux usages des technologies de l'information et de la communication dans la pédagogie», relevait le rapport sur l'université numérique de 2008. Sans compter que certains se montrent hostiles à l'idée de voir leurs cours filmés ou redoutent que leur travail en ligne soit «pillé».
Chez les étudiants, l'enthousiasme semble au rendez-vous. 95 % sont favorables à l'arrivée du Wi-Fi à l'université, selon un sondage commandé par le ministère. Ils seraient, en premier lieu, demandeurs de services numériques pour la vie étudiante. Viennent ensuite les services pédagogiques en ligne et les possibilités de se connecter à Internet. Valérie Pécresse espère enfin développer dans la foulée le vote électronique pour les élections étudiantes. «79 % des étudiants sont pour», avance la ministre qui déplore un très faible taux de participation.