mercredi 22 mai 2013

Éducation nationale : la charge de la Cour des comptes

  Le Figaro, 22 mai 2013 

De l'embauche des professeurs à leur gestion par l'État, en passant par la politique de rémunération du ministère de l'Éducation nationale, les Sages de la rue Cambon dévoilent toutes les faiblesses du « Mammouth ».

«Gérer les enseignants autrement.» Dans son rapport thématique dévoilé mercredi matin, la Cour des comptes brocarde le gouvernement actuel.

Selon les vénérables de la rue Cambon dirigés par le socialiste Didier Migaud, l'Éducation nationale «ne souffre pas d'un manque de moyens ou d'un nombre trop faible d'enseignants, mais d'une utilisation défaillante des moyens existants». Et ce, alors même que le gouvernement a décidé d'embaucher 60.000 enseignants d'ici la fin du quinquennat!

Elle estime ainsi que «l'évolution du nombre d'enseignants est déconnectée de celle des élèves». Les effectifs des enseignants du secondaire n'ont ainsi pas cessé d'augmenter entre 1993 et 2005 alors que celui des élèves diminuaient parallèlement.

Entre 2009 et 2011, les effectifs d'enseignants du primaire augmentaient quand ceux de leurs élèves stagnaient… Chaque année, c'est le volume d'heures de cours et le souci d'assurer chaque année un débouché satisfaisant aux universités pour les concours qui guident les décisions de recrutement, se désolent les Sages qui ont enquêté au sujet de la gestion des enseignants dans cinq académies: Bordeaux, Lille, Limoges, Nantes et Versailles.

Les résultats du système éducatif français sont particulièrement inégalitaires

En dépit de ce surcroît d'enseignants par rapport aux élèves, les résultats du système éducatif français sont particulièrement inégalitaires et les résultats des enfants se dégradent lentement. La part des élèves les plus faibles s'est ainsi accrue de 26 % en lecture et de 37 % en mathématiques entre 2000 et 2009.

Le système français est un de ceux où le poids des origines socio-économiques des élèves pèse le plus sur les résultats scolaires. L'écart de résultats entre les meilleurs élèves et les plus faibles est l'un des plus élevés de l'OCDE. Pour la Cour, il existe surtout un écart entre la réalité du métier enseignants et leurs statuts.

Leur «temps de service» n'est centré que sur les seules heures de cours alors que la loi leur assigne d'autres missions: relations aux parents, travail en équipe, aide au travail personnel des élèves, formation, conseil et orientation…

Le temps qui y est consacré par les enseignants n'est que très imparfaitement mesuré, et rémunéré que partiellement, à travers un système de décharges et d'heures supplémentaires attribuées par quota aux différents établissements. Une telle organisation conduit à ne pas valoriser l'implication des enseignants dans toutes ces activités pourtant essentielles pour la réussite scolaire de tous les élèves…

La Cour recommande donc d'élargir leurs obligations de service à l'ensemble des activités effectuées dans l'établissement au service des élèves, sous la forme d'un forfait annuel, la répartition de ce temps de service devant pouvoir être modulée en fonction du type de poste occupé et des besoins locaux des élèves.

Une «affectation inadaptée» aux besoins des élèves

L'affectation des enseignants est également un «système inadapté aux besoins des élèves et aux exigences des postes». Le système ne tient pas compte des profils des enseignants. En 2011, 65 % des débutants du second degré ont été affectés en établissement difficile ou comme remplaçants, contre 33 % pour le reste des enseignants.

Le système favorise l'instabilité des enseignants débutants et encourage peu la mobilité des enseignants expérimentés. À 30 ans d'ancienneté, un enseignant est présent en moyenne depuis 20 ans dans son établissement.

Le système d'affectation automatique «au barème» en fonction de différents critères (ancienneté de poste et de service, rapprochement de conjoint, handicap, situation familiale, etc.) a été jugé illégal par le Conseil d'État à plusieurs reprises. Tous les postes sont considérés comme équivalents et tous les enseignants sont jugés également qualifiés pour les occuper. Ni le directeur de l'école, ni le chef d'établissement n'ont leur mot à dire.

Le caractère automatique de ce système répond au souci d'objectivité parfaite, du moins en apparence, auquel les organisations syndicales sont attachées. Mais il conduit à de nombreux dysfonctionnements dans la répartition des professeurs.

Plus généralement, la Cour recommande de fonder le système des mutations sur une meilleure adéquation entre les exigences du poste et le profil des enseignants appelés à l'occuper, sur la base d'entretiens entre les candidats et les chefs d'établissement, en s'inspirant d'exemples étrangers et du système existant dans les établissements d'enseignement privé catholique.

Les chefs d'établissement joueraient un rôle plus affirmé dans la constitution et l'animation des équipes pédagogiques, et pourraient moduler la répartition du temps de service des enseignants en fonction des besoins locaux, dans le cadre d'une contractualisation avec les rectorats et les services départementaux de l'Éducation nationale.