Valérie Pécresse : "Faire de Paris une des plus belles métropoles universitaires du monde", Le Monde, 5 octobre 2009
La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, a reçu, lundi 5 octobre, les conclusions de la mission menée depuis le début de l'année par l'ingénieur général, Bernard Larrouturou, sur le patrimoine immobilier universitaire.
La ministre de l'enseignement supérieur fait part de sa volonté de regrouper les grandes universités parisiennes et annonce l'ouverture, d'ici à la fin de l'année, d'une concertation sur le sujet.
Bernard Larrouturou propose de créer à Paris des "universités confédérales", de quoi s'agit-il ?
Hors Paris, les universités ont déjà commencé à se regrouper dans des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), comme Paris-Sud et Paris-Est en Ile-de-France. En revanche, Paris intra muros ne compte encore aucun regroupement d'universités. Bernard Larrouturou propose que les huit universités parisiennes, mais aussi des grandes écoles constituent des PRES qu'il appelle en effet "universités confédérales". Ce terme veut dire que personne, au sein de ces regroupements, ne doit perdre son identité.
C'est d'ailleurs ce qui se passe dans les grandes universités internationales: vous avez Cambridge, mais à l'intérieur, toujours Trinity College… Pour la visibilité internationale, la bannière sera commune, mais la recherche et la formation seront pluridisciplinaires. Ce type d'université favorise les doubles cursus et doit aussi nous aider à faire tomber les murs qui séparent les universités des grandes écoles.
Vous avec donc un projet pour les universités parisiennes. Mais ne sont-elles pas autonomes ?
Mon projet, c'est de les convaincre ! Les PRES sont nécessairement des entités constituées sur la base du volontariat et qui ne pourraient fonctionner autrement. La seule réserve tient à leur taille. L'expérience des grands campus internationaux montre qu'il existe une taille critique et que le regroupement ne doit pas être trop flou pour que les équipes travaillent vraiment ensemble. Pour cela, la "fourchette" est comprise entre 3 000 et 6 000 doctorants. Compte tenu de la spécificité française qu'est le poids très important des premiers cycles, cela peut correspondre à plus de 100 000 étudiants.
Quels vont être ces pôles parisiens ?
Je ne veux pas me prononcer sur leur configuration précise ! Je n'ai pas l'intention de décréter que tel établissement ira nécessairement avec tel autre. Ce serait anticiper sur les conclusions d'une concertation qui n'est pas encore terminée et dont l'importance est cruciale. Il nous faut un programme immobilier en correspondance avec un projet pédagogique et scientifique.
C'est un sujet compliqué, qui met en jeu notamment des questions d'identité. Nous ne ferons pas des mastodontes ingouvernables, mais des universités toniques ! Bernard Larrouturou propose la formation à Paris de trois pôles universitaires ainsi que d'un campus international sur la montagne Sainte-Geneviève. C'est une proposition qui ressort des nombreuses discussions qu'il a eues avec les acteurs concernés.
D'autres préconisations portent sur la priorité à l'amélioration de la vie étudiante, la modernisation des bibliothèques, la création d'un grand service interacadémique…
Mais je suis surtout enthousiaste sur la très haute ambition qu'il convient de donner à cette opération. Nous engageons une rénovation qui doit permettre de mener de front une réflexion stratégique, pédagogique et scientifique. Notre but est de faire de Paris une des plus belles métropoles universitaires du monde et, comme le dit M. Larrouturou, la vitrine de l'activité intellectuelle du pays.
Quelles sont les prochaines étapes du projet ?
Une période de très intense concertation, en deux temps. Les PRES parisiens pourraient être constitués d'ici à la fin décembre. Je propose que nous prenions deux mois pour en discuter avec tous les acteurs. D'abord avec les présidents d'universités et les directeurs des grandes écoles, sur les alliances pédagogiques et scientifiques nécessaires. Ensuite avec la ville de Paris et la région, pour aboutir à un schéma directeur immobilier concerté, fixant notamment la liste des opérations prioritaires. L'idée est de passer de 120 sites actuellement à une quarantaine. M. Larrouturou – ce sera une nouvelle étape de sa mission – mènera la concertation sur les PRES et le recteur de Paris sur le schéma directeur.
Le principe de subsidiarité s'appliquera : je suis prête à déléguer aux PRES la compétence de réaliser des travaux s'ils se constituent en établissements publics. Dans le cas contraire, l'Etat prendra ses responsabilités car nous ne pouvons laisser perdurer la situation actuelle. D'ici à la fin de l'année, nous créerons à titre transitoire un établissement public d'aménagement, pour accompagner les universités afin de remettre en état ce qui doit l'être, et d'engager sans tarder la rénovation.
Et l'argent ?
D'ici à 2013, ce sont 4 milliards d'euros qui seront investis en Ile-de-France pour les grands équipements universitaires: 2milliards de crédits budgétaires, et 2 milliards dans le cadre du plan Campus. Dans les autres régions, les collectivités territoriales, tous niveaux confondus, apportent en moyenne 1 euro pour 1 euro investi par l'Etat. J'espère que ce sera la même proportion à Paris. Dès qu'il sera prêt, le schéma directeur immobilier pour Paris intra-muros bénéficiera des 700 millions d'euros prévus. Tout cela est déjà budgété. Si nous retroussons tous nos manches, les grues seront là fin 2011.
Propos recueillis par Luc cédelle