Le Monde.fr
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Par Adrien de Tricornot et
Benoît Floc'h
http://www.lemonde.fr/education/article/2015/09/16/les-universites-confrontees-a-l-explosion-du-nombre-d-etudiants_4758835_1473685.html
La rentrée 2015 s’annonce comme celle
de tous les records : les universités devraient accueillir 65 000
étudiants en plus, selon la projection que doivent annoncer la ministre
de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, et le secrétaire
d’Etat à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, mercredi
16 septembre.
Cette hausse s’explique majoritairement par une hausse des inscriptions des bacheliers de 2015. Le choc est d’autant plus fort que de précédentes projections, fin août 2015, faisaient état d’une hausse de 50 000 étudiants.
En outre, le nombre de bacheliers, lui, n’a pas augmenté. Contrairement aux années précédentes, c’est donc une véritable préférence pour l’université qui se manifeste au moment où elle connaît pourtant de nombreux problèmes budgétaires. « Il faut mesurer l’ampleur et l’effet quasi sismique de ce choc démographique. Cela fait trois ou quatre ans que la hausse des effectifs dure, et elle va se prolonger », prédit M. Mandon. Un pic démographique est en effet attendu en 2017-2018.
Au cœur de l’été, à l’issue des trois phases d’Admission post-bac, 7 500 bacheliers n’avaient pas encore trouvé d’affectation. A la rentrée, ils n’étaient plus que 800. Pressés par le gouvernement, les rectorats les ont contactés la semaine dernière, parvenant finalement à trouver une solution pour la grande majorité d’entre eux.
« La hausse des effectifs cette année représente l’équivalent de quatre nouvelles universités, et depuis le début du quinquennat, c’est comme si huit ou neuf établissements invisibles avaient été créés… », souligne M. Mandon.
Lequel, d’ailleurs, n’exclut pas à l’avenir de faire construire de nouvelles universités de proximité dans des villes moyennes qui en sont dépourvues : « Le modèle français, ce sont aussi les universités de proximité de 10 000 à 15 000 étudiants », souligne-t-il.
Les universités des métropoles ne sont pas les seules à faire le plein cette année. En visite en Picardie, mardi, M. Mandon a pu se rendre compte que l’université de Valenciennes attendait une hausse de 14 % des inscrits en première année de licence, et celle d’Amiens une progression de 20 %.
Des comptages récents de la Conférence des présidents d’université (CPU) indiquent une hausse généralisée pouvant aller jusqu’à 26 %, et un retournement des inscriptions dans certaines filières scientifiques en déclin.
Le rapport sur la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (StraNES), « Pour une société apprenante », rendu mardi 8 septembre 2015 au président de la République, envisageait cette perspective à l’horizon de dix ans, en fixant l’objectif de 60 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur en 2025 (contre 44 % actuellement).
Or le mouvement s’accélère déjà, dans un contexte de chômage persistant et de précarité chez les jeunes. Ils savent bien, observe le ministre, qu’un diplôme d’enseignement supérieur « protège du chômage » et offre les meilleures perspectives d’emplois stables et de qualité.
La modicité des droits d’inscription joue aussi un rôle, estime M. Mandon : « Une augmentation, même faible, des droits d’inscriptions, dissuade les jeunes des milieux défavorisés d’entamer des études supérieures ».
Pour autant, le choc démographique que vit l’université constitue un véritable défi à court terme. De plus en plus d’étudiants n’obtiennent pas la filière qu’ils souhaitent : des « mal-inscrits » dont le syndicat étudiant UNEF – qui a reçu 4 000 sollicitations cet été pour son service SOS inscriptions – répercute la colère.
En effet, 55 % des « premiers vœux » exprimés par les futurs bacheliers via le portail Admission post-bac (APB) se sont concentrés en 2015 sur quatre filières : droit, sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), psychologie et première année commune aux études de santé (Paces).
Et face au nombre limité de places, APB a dû procéder à davantage de tirage au sort des dossiers pour attribuer les places… Or, ce pis-aller « ne peut pas être une politique : c’est la pire des sélections », déplore M. Mandon.
M. Mandon souhaite en finir avec cette césure artificielle, sans pour autant introduire une nouvelle sélection après la licence, « ce qui dévaloriserait ce diplôme de qualité. Tout titulaire d’une licence doit avoir accès à un master ».
En revanche, il veut renforcer les processus d’orientation. Il s’agit de donner aux lycéens « les outils pour faire un choix éclairé » sur leurs études après le bac. L’idée est de leur fournir davantage d’informations sur les débouchés des filières. Pour l’entrée en master, plaide le secrétaire d’Etat, « il manque un outil d’orientation, qui doit être structuré ». Des décisions devraient être prises d’ici la fin de l’année.
Reste la question épineuse du budget. M. Mandon le reconnaît : le choc démographique ne pourra pas être surmonté à moyens constants. Le secrétaire d’Etat avance en terrain miné : déjà exaspérées par le manque de moyens, les universités ont subi l’an dernier un prélèvement de 100 millions d’euros sur leur trésorerie.
Pour 2016, M. Mandon laisse entendre que cette ponction ne sera pas renouvelée. Et il assure avoir obtenu que le budget de l’enseignement supérieur ne soit pas diminué, espérant même « un plus ». Son secteur échapperait ainsi aux coupes budgétaires imposées à d’autres administrations.
Par ailleurs, annonce-t-il, « nous commençons un travail sur les conséquences financières à cinq ans de la hausse du nombre d’étudiants de 2,5 millions à 3 millions. Il faudra adapter la pédagogie et les locaux. Si nous aboutissons à 2 % du PIB consacré à l’enseignement supérieur, contre 1,5 % aujourd’hui, tant mieux ». Cet objectif de 2 % du PIB est en effet mentionné par le rapport de la StraNES.
« Le système peut et doit évoluer. Il ne pourra pas continuer comme ça pendant des années », conclut Thierry Mandon. Reste à convaincre les bailleurs de fonds des universités, qu’ils soient publics ou privés.
Cette hausse s’explique majoritairement par une hausse des inscriptions des bacheliers de 2015. Le choc est d’autant plus fort que de précédentes projections, fin août 2015, faisaient état d’une hausse de 50 000 étudiants.
En outre, le nombre de bacheliers, lui, n’a pas augmenté. Contrairement aux années précédentes, c’est donc une véritable préférence pour l’université qui se manifeste au moment où elle connaît pourtant de nombreux problèmes budgétaires. « Il faut mesurer l’ampleur et l’effet quasi sismique de ce choc démographique. Cela fait trois ou quatre ans que la hausse des effectifs dure, et elle va se prolonger », prédit M. Mandon. Un pic démographique est en effet attendu en 2017-2018.
Vers des universités de proximité
Cette année encore, l’université a amorti le choc : l’écrasante majorité des étudiants a trouvé une place. Au 15 septembre 2015, seuls 103 dossiers de bacheliers restaient en suspens, sur les quelque 300 000 nouveaux inscrits en première année de licence.Au cœur de l’été, à l’issue des trois phases d’Admission post-bac, 7 500 bacheliers n’avaient pas encore trouvé d’affectation. A la rentrée, ils n’étaient plus que 800. Pressés par le gouvernement, les rectorats les ont contactés la semaine dernière, parvenant finalement à trouver une solution pour la grande majorité d’entre eux.
« La hausse des effectifs cette année représente l’équivalent de quatre nouvelles universités, et depuis le début du quinquennat, c’est comme si huit ou neuf établissements invisibles avaient été créés… », souligne M. Mandon.
Lequel, d’ailleurs, n’exclut pas à l’avenir de faire construire de nouvelles universités de proximité dans des villes moyennes qui en sont dépourvues : « Le modèle français, ce sont aussi les universités de proximité de 10 000 à 15 000 étudiants », souligne-t-il.
Les universités des métropoles ne sont pas les seules à faire le plein cette année. En visite en Picardie, mardi, M. Mandon a pu se rendre compte que l’université de Valenciennes attendait une hausse de 14 % des inscrits en première année de licence, et celle d’Amiens une progression de 20 %.
Des comptages récents de la Conférence des présidents d’université (CPU) indiquent une hausse généralisée pouvant aller jusqu’à 26 %, et un retournement des inscriptions dans certaines filières scientifiques en déclin.
Tirages au sort
L’université, résume M. Mandon, vit une « rentrée charnière » : le pays bascule dans la « société de la connaissance » plus rapidement que prévu.Le rapport sur la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (StraNES), « Pour une société apprenante », rendu mardi 8 septembre 2015 au président de la République, envisageait cette perspective à l’horizon de dix ans, en fixant l’objectif de 60 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur en 2025 (contre 44 % actuellement).
Or le mouvement s’accélère déjà, dans un contexte de chômage persistant et de précarité chez les jeunes. Ils savent bien, observe le ministre, qu’un diplôme d’enseignement supérieur « protège du chômage » et offre les meilleures perspectives d’emplois stables et de qualité.
La modicité des droits d’inscription joue aussi un rôle, estime M. Mandon : « Une augmentation, même faible, des droits d’inscriptions, dissuade les jeunes des milieux défavorisés d’entamer des études supérieures ».
Pour autant, le choc démographique que vit l’université constitue un véritable défi à court terme. De plus en plus d’étudiants n’obtiennent pas la filière qu’ils souhaitent : des « mal-inscrits » dont le syndicat étudiant UNEF – qui a reçu 4 000 sollicitations cet été pour son service SOS inscriptions – répercute la colère.
En effet, 55 % des « premiers vœux » exprimés par les futurs bacheliers via le portail Admission post-bac (APB) se sont concentrés en 2015 sur quatre filières : droit, sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), psychologie et première année commune aux études de santé (Paces).
Et face au nombre limité de places, APB a dû procéder à davantage de tirage au sort des dossiers pour attribuer les places… Or, ce pis-aller « ne peut pas être une politique : c’est la pire des sélections », déplore M. Mandon.
Promesse d’un budget qui ne diminuera pas
Le secrétaire d’Etat s’oppose à la sélection à l’entrée à l’université. « Elle existe déjà, dit-il, c’est le bac. Pas besoin d’en rajouter ». Même philosophie pour l’entrée en master. Aujourd’hui, une sélection s’opère entre la première et la deuxième année de ce cycle.M. Mandon souhaite en finir avec cette césure artificielle, sans pour autant introduire une nouvelle sélection après la licence, « ce qui dévaloriserait ce diplôme de qualité. Tout titulaire d’une licence doit avoir accès à un master ».
En revanche, il veut renforcer les processus d’orientation. Il s’agit de donner aux lycéens « les outils pour faire un choix éclairé » sur leurs études après le bac. L’idée est de leur fournir davantage d’informations sur les débouchés des filières. Pour l’entrée en master, plaide le secrétaire d’Etat, « il manque un outil d’orientation, qui doit être structuré ». Des décisions devraient être prises d’ici la fin de l’année.
Reste la question épineuse du budget. M. Mandon le reconnaît : le choc démographique ne pourra pas être surmonté à moyens constants. Le secrétaire d’Etat avance en terrain miné : déjà exaspérées par le manque de moyens, les universités ont subi l’an dernier un prélèvement de 100 millions d’euros sur leur trésorerie.
Pour 2016, M. Mandon laisse entendre que cette ponction ne sera pas renouvelée. Et il assure avoir obtenu que le budget de l’enseignement supérieur ne soit pas diminué, espérant même « un plus ». Son secteur échapperait ainsi aux coupes budgétaires imposées à d’autres administrations.
Par ailleurs, annonce-t-il, « nous commençons un travail sur les conséquences financières à cinq ans de la hausse du nombre d’étudiants de 2,5 millions à 3 millions. Il faudra adapter la pédagogie et les locaux. Si nous aboutissons à 2 % du PIB consacré à l’enseignement supérieur, contre 1,5 % aujourd’hui, tant mieux ». Cet objectif de 2 % du PIB est en effet mentionné par le rapport de la StraNES.
« Le système peut et doit évoluer. Il ne pourra pas continuer comme ça pendant des années », conclut Thierry Mandon. Reste à convaincre les bailleurs de fonds des universités, qu’ils soient publics ou privés.