Le Figaro, 8 juillet 2010
La loi sur l'autonomie des universités, qui leur permet de gérer leur budget, a trois ans.
La loi sur l'autonomie des universités fêtera bientôt ses trois ans d'existence. Voulu par Nicolas Sarkozy, ce texte leur permet de gérer leur budget comme elles le souhaitent.
Vingt-quatre nouveaux établissements seront autonomes au 1er janvier 2011, comme Toulouse-II (le Mirail) ou encore Paris-IV (la Sorbonne), dont les enseignants-chercheurs étaient l'an dernier en première ligne pour contester certains décrets d'application de la loi.
Avec cette nouvelle vague, 75 universités seront autonomes l'an prochain, soit 90 % d'entre elles. Les neuf dernières devront passer à l'autonomie avant le 11 août 2012.
Les présidents des premières universités passées à l'autonomie ont présenté jeudi les conséquences de cette loi, en présence de Valérie Pécresse, au ministère de l'Enseignement supérieur.
À les entendre, la réputation de l'université s'est améliorée à l'extérieur. En matière d'insertion professionnelle, la LRU «a fortement modifié notre image auprès du patronat. On devient un interlocuteur majeur», affirme Marc Gontard, président de l'université Rennes-II.
Le Medef local, avec qui les relations sont devenues plus fréquentes, a ainsi mis en place des actions pour référencer de façon lisible les diplômes universitaires, par compétences.
«Cela a conduit le Crédit agricole à recruter quelques étudiants en psychologie, en sport et en sciences de l'éducation pour les former en interne», explique-t-il.
Si les universités pratiquaient déjà des politiques incitatives, l'autonomie élargit leur champ d'action.
L'université de Metz a une souplesse accrue dans la rémunération et la possibilité de primes pour les contrats à durée indéterminée.
«Ce sont surtout les personnels administratifs et la présidence qui en ont profité car c'étaient les plus impactés», explique Luc Johann. Symbolique de cette souplesse, quelques universités ont aussi recruté cette année des chercheurs réputés à l'étranger comme Paris-VII qui a fait venir un professeur américain, Prix Nobel de physique.
Un «stress important»
Dans les établissements, le contrôle de la masse salariale et les services financiers ont dû être renforcés. Des cadres issus de la fonction publique territoriale ou hospitalière ont été embauchés, ainsi que des personnes issues du privé.
Des primes de quelques milliers d'euros ont par ailleurs été attribuées à des enseignants-chercheurs pour leur implication dans le fonctionnement administratif de l'université ou encore parce qu'ils étaient bien notés par leurs étudiants.
Il ne s'agit pour autant pas réellement d'une révolution, selon un maître de conférences parisien.
«Seule la recherche compte lorsqu'on veut progresser dans la carrière. Une prime c'est bien mais ça concerne une petite minorité et ça ne change pas les mentalités. L'enseignement et les tâches administratives sont toujours aussi peu considérées», estime-t-il.
Plusieurs présidents sont tombés d'accord pour dire que l'application de la loi générait un «stress important» pour les personnels, soumis à de forts changements, tout en précisant qu'il fallait être vigilant sur «les concurrences parfois excessives entre universités».
Le mode électoral du conseil d'administration continue par ailleurs à provoquer des frustrations. Selon Vincent Berger, de Paris-VII, le mode de scrutin peut amener à des majorités écrasantes, sans alternative, qui «frustrent une partie des gens».
A contrario, les deux listes principales (professeurs et enseignants-chercheurs) peuvent se neutraliser et laisser du coup le pouvoir aux étudiants ou aux personnels administratifs.
«Dans un conseil à dominante syndicale, comme le mien, il faut beaucoup discuter. Certaines de mes décisions sur la professionnalisation des formations ont été retardées», explique Marc Gontard.
Sylvie Faucheux, à Saint-Quentin en Yveline, critique quant à elle la persistance de «bastions» qui s'opposent aux décisions du conseil d'administration, celui des UFR (unités de formations et de recherche), traditionnellement très soucieuses de leur propre autonomie.