, par Vincent Berger, président de l'université Paris-Diderot. LEMONDE.FR | 15.02.10
Le recrutement récent de George Smoot, Prix Nobel de physique, à l'université Paris-Diderot, n'a pas manqué d'alimenter le débat permanent sur l'enseignement supérieur et la recherche en France. Une idée reçue voudrait que la recherche française soit à la traîne de celle effectuée outre-Atlantique, à cause de la faiblesse de ses moyens, des rémunérations plus faibles des chercheurs, à cause de la dispersion de ses forces entre organismes et universités de taille sous-critique, à cause d'une gouvernance universitaire trop faible. Comment, dans un tel contexte, expliquer que l'un des esprits les plus brillants de la cosmologie, George Smoot, qui a effectué l'essentiel de sa carrière dans la prestigieuse université de Berkeley, puisse préférer les rives de la Seine à la baie de San Francisco ? Et plus, encore, quelle leçon tirer de ce choix ?
Il nous faut commencer par une analyse comparative des structures de recherche entre les deux pays. Aux Etats-Unis, une culture très individualiste favorise le recrutement de professeurs avec des salaires élevés. Entourés de nombreux thésards et post-doctorants, ils disposent de financements importants. Les salaires et les moyens sont indéniablement moins élevés en France. Cela contribue incontestablement à la fuite de cerveaux français vers les Etats-Unis. George Smoot le dit lui-même : son salaire de professeur en France sera le salaire le plus bas qui lui aura été proposé depuis longtemps.
Pourtant la recherche française réussit. Notre pays s'enorgueillit régulièrement aussi de Prix Nobel. Les laboratoires français et américains publient dans les mêmes revues internationales. Le laboratoire "Astroparticule et Cosmologie" (APC) de Paris-Diderot est un exemple du genre puisqu'il a réussi à convaincre Georges Smoot que c'est dans ses murs que s'écrivent les pages de la cosmologie contemporaine. Comment expliquer qu'avec des ressources si différentes, les universités françaises et américaines jouent néanmoins dans la même cour au niveau de la recherche ?
Force est de reconnaître que le modèle français a aussi ses qualités, parmi lesquelles le fonctionnement en équipes soudées, dont les personnels partagent une ambition scientifique commune. Dans ces équipes, ce n'est pas l'individualisation de la rémunération qui motive les chercheurs. Ce sont avant tout la générosité et la passion. C'est bien l'esprit de découverte collectif qui constitue le moteur véritable de la recherche. George Smoot le dit lui-même : il a choisi le laboratoire APC parce qu'il est l'un des phares de la cosmologie mondiale à l'heure actuelle, parce qu'il rassemble des chercheurs de premier plan au sein d'une équipe remarquable. La grande leçon que nous devons tirer de la venue de George Smoot est que l'efficacité de la recherche française réside pour une immense part dans la qualité du travail collectif qui se fait dans ses laboratoires. Nombreuses sont pourtant les analyses qui mettent ce modèle français en danger en proposant d'individualiser les rémunérations des chercheurs "les meilleurs" – en développant une politique de primes très élevées – dans une logique de compétition exacerbée entre les personnes, au motif de récompenser le "mérite". Le progrès et l'excellence scientifique seraient fonction de cette mise en concurrence, comme semblerait le démontrer le système universitaire des Etats-Unis. La mise en concurrence des chercheurs, fondée sur une évaluation toujours plus rigoureuse de leurs performances, serait le nerf du progrès scientifique.
Le modèle français est tout autre. La force de la recherche française réside non pas dans une pratique individualiste, mais au contraire dans l'intelligence collective des équipes, dans la complémentarité des compétences que celles-ci mobilisent, dans la solidarité des énergies qui s'y investissent. Cela n'invalide en rien l'importance de l'émulation entre les chercheurs. Cette émulation constitue, cela va sans dire, une donnée princeps de la recherche ; elle enrichit cette intelligence collective et fait partie de notre culture scientifique. Contrairement à ce que d'aucuns tentent de nous faire croire, les équipes et les chercheurs qui les animent sont rompus à la logique quotidienne de l'évaluation. Pour autant, indexer trop fortement les rémunérations des chercheurs sur cette évaluation, en octroyant par exemple à un très petit nombre des primes très élevées, fait peser un risque sur la cohésion des équipes, sur la logique de synergie qui les fait avancer, et finalement sur cette efficacité même que l'on prétend améliorer.
L'analyse technocratique ne doit pas faire l'impasse sur la compréhension en profondeur des motivations humaines qui sont au cœur de la recherche. Les indicateurs mesurant l'activité des uns ou des autres, aussi précieux soient-ils, ne sauraient jamais se substituer à la nécessaire écoute d'une histoire, d'une culture scientifique et de pratiques sociales qui continuent de faire leurs preuves. Importer à la hâte des méthodes en contradiction profonde avec notre intelligence collective ferait peser de sérieux risques sur nos laboratoires, sur notre capacité d'innovation, sur notre désir de penser ensemble les savoirs de demain.
Vincent Berger est président de l'université Paris-Diderot.
mardi 16 février 2010
dimanche 14 février 2010
Ces chercheurs qui ont refusé 15.000 euros de prime
Publié le 14/02/2010 à 17:34 - Modifié le 15/02/2010 à 08:24 Le Point.fr
Un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé une prime d'excellence scientifique de 15.000 euros ! La raison ? Protester contre la politique de différenciation salariale du gouvernement, sa lettre postée sur le site du Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU).
Le biologiste, François Bonhomme, directeur de recherche à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (ISE-M), a reçu en décembre un courrier lui annonçant le versement de la prime au titre de sa médaille d'argent du CNRS, obtenue pour ses travaux scientifiques en 1996.
"Je ne suis pas du tout partisan de la politique de différenciation salariale qui est en train de se mettre en place dans la recherche publique française", déclare le chercheur dans sa réponse.
Un précédent
"Je ne me berce pas d'illusions d'un monde égalitaire", poursuit François Bonhomme, qui juge cependant que les scientifiques "apprécient aussi de ne pas se sentir en concurrence trop directe avec leurs collègues".
Le chercheur refuse notamment un système dans lequel des "capitaines de recherche négocieront leur salaire à l'embauche tout en ayant à leur service une armée de contractuels taillables et corvéables à merci".
François Bonhomme a demandé à ce que sa prime étalée sur quatre ans soit reversée à la Fondation de France, qui recueille des dons pour aider les personnes vulnérables, développer la connaissance et protéger l'environnement.
À l'automne, un autre médaillé d'argent du CNRS, Didier Chatenay, avait aussi annoncé qu'il refuserait sa prime de 15.000 euros.
Fin janvier 2010, cinq syndicats de chercheurs et le collectif "Sauvons l'Université" (SLU) ont adressé une lettre à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pécresse demandant l'abandon de la prime d'excellence scientifique en échange d'une augmentation des possibilités de promotion et d'une "création massive de postes titulaires afin de résorber la précarité".
Un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé une prime d'excellence scientifique de 15.000 euros ! La raison ? Protester contre la politique de différenciation salariale du gouvernement, sa lettre postée sur le site du Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU).
Le biologiste, François Bonhomme, directeur de recherche à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (ISE-M), a reçu en décembre un courrier lui annonçant le versement de la prime au titre de sa médaille d'argent du CNRS, obtenue pour ses travaux scientifiques en 1996.
"Je ne suis pas du tout partisan de la politique de différenciation salariale qui est en train de se mettre en place dans la recherche publique française", déclare le chercheur dans sa réponse.
Un précédent
"Je ne me berce pas d'illusions d'un monde égalitaire", poursuit François Bonhomme, qui juge cependant que les scientifiques "apprécient aussi de ne pas se sentir en concurrence trop directe avec leurs collègues".
Le chercheur refuse notamment un système dans lequel des "capitaines de recherche négocieront leur salaire à l'embauche tout en ayant à leur service une armée de contractuels taillables et corvéables à merci".
François Bonhomme a demandé à ce que sa prime étalée sur quatre ans soit reversée à la Fondation de France, qui recueille des dons pour aider les personnes vulnérables, développer la connaissance et protéger l'environnement.
À l'automne, un autre médaillé d'argent du CNRS, Didier Chatenay, avait aussi annoncé qu'il refuserait sa prime de 15.000 euros.
Fin janvier 2010, cinq syndicats de chercheurs et le collectif "Sauvons l'Université" (SLU) ont adressé une lettre à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pécresse demandant l'abandon de la prime d'excellence scientifique en échange d'une augmentation des possibilités de promotion et d'une "création massive de postes titulaires afin de résorber la précarité".
mercredi 10 février 2010
Le n°86 de l'Observatoire de la recherche et de l'enseignement supérieur
- Le n°86 de l'Observatoire de la recherche et de l'enseignement supérieur vient de paraître.
Au sommaire de ce numéro :
- Succès de la prime d'excellence scientifique chez les maîtres de conférences
- Rapport d'activité des enseignants-chercheurs
- Création d'une nouvelle organisation étudiante à partir de l'UNI
Au sommaire de ce numéro :
- Succès de la prime d'excellence scientifique chez les maîtres de conférences
- Rapport d'activité des enseignants-chercheurs
- Création d'une nouvelle organisation étudiante à partir de l'UNI
lundi 8 février 2010
Le rapport Aghion sur les Universités en PDF
Le rapport Aghion sur les Universités en PDF
http://medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20100126/1297001_3412_missionaghionrapportd-etape.pdf
http://medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20100126/1297001_3412_missionaghionrapportd-etape.pdf
Près de 50 000 précaires dans l'enseignement supérieur et la recherche
LEMONDE.FR | 08.02.10
L'enseignement supérieur et la recherche publics font travailler 45 000 à 50 000 précaires, soit environ 20 % des effectifs, et la précarité est plus forte pour les femmes, dans les universités et dans les sciences humaines et sociales (SHS), selon une enquête rendue publique lundi et disponible sur Internet.
Cette enquête, lancée par une intersyndicale regroupant 19 organisations, s'appuie sur des recherches statistiques et surtout un questionnaire détaillé mis en ligne en octobre auquel ont répondu de façon anonyme 4 409 personnes précaires.
Au CNRS, entre 2006 et 2008, le nombre de permanents a baissé de 1,5 % et celui de non-permanents a augmenté de 17,2 %, a précisé lors du colloque de présentation de l'enquête Charles-Antoine Arnaud, chercheur statisticien en géographie au CNRS.
Derrière l'hétérogénéité des situations de ces précaires qui peuvent être des chargés de cours vacataires ou contractuels, des doctorants, des docteurs sans poste ou des personnels non enseignants (dits Ita et Biatoss), il y a des points communs, a expliqué Isabelle Clair, chargée de recherche en sociologie au CNRS : "Une rémunération basse et irrégulière, déconnectée des diplômes et de l'expérience".
A titre d'exemple, en 2009, plus d'un quart des répondants non enseignants gagnait moins de 1 250 euros par mois, a détaillé la chercheuse.
Selon l'enquête, les répondants réclament "un droit du travail au moins aussi protecteur que dans le privé" (ils n'ont par exemple pas de prime de précarité à la rupture d'un contrat précaire, contrairement aux CDD du privé) et en même temps, pour 70 % d'entre eux, "un plan de titularisation".
Selon le ministère de l'enseignement supérieur, les "non-titulaires" sont actuellement 23 500 dans les universités.
L'enseignement supérieur et la recherche publics font travailler 45 000 à 50 000 précaires, soit environ 20 % des effectifs, et la précarité est plus forte pour les femmes, dans les universités et dans les sciences humaines et sociales (SHS), selon une enquête rendue publique lundi et disponible sur Internet.
Cette enquête, lancée par une intersyndicale regroupant 19 organisations, s'appuie sur des recherches statistiques et surtout un questionnaire détaillé mis en ligne en octobre auquel ont répondu de façon anonyme 4 409 personnes précaires.
Au CNRS, entre 2006 et 2008, le nombre de permanents a baissé de 1,5 % et celui de non-permanents a augmenté de 17,2 %, a précisé lors du colloque de présentation de l'enquête Charles-Antoine Arnaud, chercheur statisticien en géographie au CNRS.
Derrière l'hétérogénéité des situations de ces précaires qui peuvent être des chargés de cours vacataires ou contractuels, des doctorants, des docteurs sans poste ou des personnels non enseignants (dits Ita et Biatoss), il y a des points communs, a expliqué Isabelle Clair, chargée de recherche en sociologie au CNRS : "Une rémunération basse et irrégulière, déconnectée des diplômes et de l'expérience".
A titre d'exemple, en 2009, plus d'un quart des répondants non enseignants gagnait moins de 1 250 euros par mois, a détaillé la chercheuse.
Selon l'enquête, les répondants réclament "un droit du travail au moins aussi protecteur que dans le privé" (ils n'ont par exemple pas de prime de précarité à la rupture d'un contrat précaire, contrairement aux CDD du privé) et en même temps, pour 70 % d'entre eux, "un plan de titularisation".
Selon le ministère de l'enseignement supérieur, les "non-titulaires" sont actuellement 23 500 dans les universités.
dimanche 7 février 2010
LE MONDE | 06.02.10
Le crédit d'impôt-recherche (CIR) est une des dépenses fiscales les plus dynamiques. Il a coûté 1,5 milliard d'euros à l'Etat en 2008 et 5,8 milliards en 2009.
C'est à peu près ce que le gouvernement prévoit d'économiser, d'ici à 2013, sur l'ensemble des niches fiscales et sociales, ces crédits d'impôts, réductions et autres exonérations, dont le coût annuel pour l'Etat dépasse désormais les 100 milliards.
Créé en 1983, pérennisé et amélioré par la loi de finances de 2004, le CIR a été de nouveau modifié le 1er janvier 2008. Il vise à soutenir l'effort de recherche et développement des entreprises et consiste en un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R & D jusqu'à 100 millions d'euros, et de 5 % au-delà.
Pour les entreprises entrant pour la première fois dans le dispositif, la proportion de dépenses retenues est de 50 % la première année et de 40 % la deuxième. Pendant cinq ans, ces entreprises ont la possibilité de bénéficier de la restitution immédiate du crédit d'impôt. Les jeunes entreprises innovantes et les PME dites de croissance peuvent aussi être dans ce cas de figure.
La récession a, de plus, conduit l'administration fiscale à proposer, dès le début de 2009, un remboursement anticipé du CIR pour soulager la trésorerie des entreprises et soutenir leurs investissements. Le renchérissement du dispositif trouve probablement là une partie de son explication.
La commission des finances de l'Assemblée s'inquiète d'autant plus de cette évolution que les seules niches fiscales priveront l'Etat de 75 milliards de recettes en 2010.
RABOTER TOUTES LES NICHES
Elle a bon espoir de convaincre le gouvernement de la nécessité de toutes les raboter.
"Une réduction de 5 points de l'ensemble des niches a le mérite d'être une solution simple", observe le rapporteur général UMP du budget, Gilles Carrez.
Dans l'immédiat, la commission des finances a chargé les députés Alain Claeys (PS, Vienne) et Jean-Pierre Gorges (UMP, Eure-et-Loir) d'une mission d'évaluation et de contrôle sur le crédit d'impôt-recherche. Elle rendra de premiers travaux d'ici deux mois.
Les députés n'excluent pas qu'un certain nombre de grandes entreprises profitent du CIR pour faire de l'optimisation fiscale et réduire leur impôt sur les sociétés (IS).
M. Carrez souhaite aussi éviter l'élargissement du crédit d'impôt aux dépenses d'innovation, en particulier aux prototypes et aux démonstrateurs. Le ministre de l'industrie, Christian Estrosi, y est, lui, favorable.
Claire Guélaud
Le crédit d'impôt-recherche (CIR) est une des dépenses fiscales les plus dynamiques. Il a coûté 1,5 milliard d'euros à l'Etat en 2008 et 5,8 milliards en 2009.
C'est à peu près ce que le gouvernement prévoit d'économiser, d'ici à 2013, sur l'ensemble des niches fiscales et sociales, ces crédits d'impôts, réductions et autres exonérations, dont le coût annuel pour l'Etat dépasse désormais les 100 milliards.
Créé en 1983, pérennisé et amélioré par la loi de finances de 2004, le CIR a été de nouveau modifié le 1er janvier 2008. Il vise à soutenir l'effort de recherche et développement des entreprises et consiste en un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R & D jusqu'à 100 millions d'euros, et de 5 % au-delà.
Pour les entreprises entrant pour la première fois dans le dispositif, la proportion de dépenses retenues est de 50 % la première année et de 40 % la deuxième. Pendant cinq ans, ces entreprises ont la possibilité de bénéficier de la restitution immédiate du crédit d'impôt. Les jeunes entreprises innovantes et les PME dites de croissance peuvent aussi être dans ce cas de figure.
La récession a, de plus, conduit l'administration fiscale à proposer, dès le début de 2009, un remboursement anticipé du CIR pour soulager la trésorerie des entreprises et soutenir leurs investissements. Le renchérissement du dispositif trouve probablement là une partie de son explication.
La commission des finances de l'Assemblée s'inquiète d'autant plus de cette évolution que les seules niches fiscales priveront l'Etat de 75 milliards de recettes en 2010.
RABOTER TOUTES LES NICHES
Elle a bon espoir de convaincre le gouvernement de la nécessité de toutes les raboter.
"Une réduction de 5 points de l'ensemble des niches a le mérite d'être une solution simple", observe le rapporteur général UMP du budget, Gilles Carrez.
Dans l'immédiat, la commission des finances a chargé les députés Alain Claeys (PS, Vienne) et Jean-Pierre Gorges (UMP, Eure-et-Loir) d'une mission d'évaluation et de contrôle sur le crédit d'impôt-recherche. Elle rendra de premiers travaux d'ici deux mois.
Les députés n'excluent pas qu'un certain nombre de grandes entreprises profitent du CIR pour faire de l'optimisation fiscale et réduire leur impôt sur les sociétés (IS).
M. Carrez souhaite aussi éviter l'élargissement du crédit d'impôt aux dépenses d'innovation, en particulier aux prototypes et aux démonstrateurs. Le ministre de l'industrie, Christian Estrosi, y est, lui, favorable.
Claire Guélaud
vendredi 5 février 2010
Le Nobel George Smoot à Paris-VII, un bon point pour l'université française
LE MONDE | 05.02.10
C'est un très beau "coup" que vient de réaliser l'université Denis-Diderot (Paris-VII). Mardi 2 février 2010, le Prix Nobel de physique 2006, George Smoot, a rejoint l'établissement parisien.
Spécialiste de cosmologie, cette science qui étudie la naissance de l'Univers, le physicien intègre le laboratoire astroparticules et cosmologie (APC) que partage l'université Paris-VII avec le CNRS, le CEA et l'Observatoire de Paris.
L'arrivée d'un Prix Nobel signifie-t-elle que les universités françaises ont désormais les moyens d'attirer les meilleurs ? Si ces établissements sont bel et bien engagés dans la compétition mondiale, ils recrutent déjà assez régulièrement, à bas bruit, les meilleurs spécialistes. Et parfois sans débauche de moyens.
Pour attirer George Smoot, Paris-VII n'a pas dû casser sa tirelire. A 64 ans, le Prix Nobel est recruté sur un poste de professeur de première classe (environ 4 500 euros brut mensuels), un salaire faible par rapport à ce qu'il pouvait gagner auparavant.
Le chercheur s'offre avant tout un dernier challenge scientifique, celui d'établir un centre de cosmologie, en lien avec celui de Berkeley, l'université où il a fait toute sa carrière.
"George Smoot nous a rejoints l'an dernier comme professeur associé. Puis fin 2009, nous avons eu l'opportunité de le recruter. S'il vient, c'est que nous mettons à sa disposition des infrastructures de très haut niveau", explique Vincent Berger, le président de l'université Paris-VII.
"En plus de ses recherches, il souhaite enseigner tant en licence qu'en master. C'est extrêmement motivant pour les étudiants", ajoute M. Berger. Cependant, poursuit-il, "ce recrutement ne s'inscrit pas dans une stratégie globale de l'université".
En revanche, d'autres universités françaises mettent, elles, en place des stratégies pour recruter dans leurs disciplines phares des chercheurs de grande renommée. Pour les attirer, elles comptent non seulement sur la qualité de vie française (jamais négligeable) et le haut niveau de leurs équipes de recherche ; mais aussi sur les outils, mis à disposition par l'Etat.
Tout d'abord, les universités ont gagné en réactivité grâce à la loi d'autonomie. Si la venue d'un chercheur se planifie en général sur un ou deux ans, la LRU a permis aux établissements de répondre vite à une opportunité, comme celle que vient de connaître Paris-VII.
Par ailleurs, le gouvernement finance des chaires d'excellence, à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros via l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que des primes d'excellence.
Si ces dernières sont contestées dans une partie de la communauté universitaire, elles peuvent être un argument financier supplémentaire dans une négociation. Les universités recourent enfin à des chaires d'entreprises ou des partenariats avec une fondation, qui pourront, si besoin, compléter le salaire des recrues...
C'est que dans certaines disciplines comme l'économie, la physique, la biologie ou la médecine, la concurrence nord-américaine et, désormais, de plus en plus européenne, est féroce. Toute la différence pour attirer un enseignant confirmé ou prometteur se fait alors sur le "package" offert. Ici, le salaire ne fait pas tout.
Tous les à-côtés comptent : décharge horaire d'enseignement, primes, logement, moyens du laboratoire, post-doctorants mis à disposition, etc.
En pointe ces dernières années, l'université Toulouse-I-Capitole, et son Ecole d'économie (Toulouse School of Economics, TSE), s'est dotée d'un arsenal complet pour être compétitif et recruter des "pointures" comme, dernièrement, l'Allemand Christian Hellwig qui viendra en septembre de Berkeley, ou les Français Augustin Landier, repris à la New York University, et Guillaume Plantin à la London Business School.
"Notre ambition est de faire partie des meilleurs centres de recherche mondiaux en économie et donc de recruter de potentiels futurs Prix Nobel", rappelle Christian Gollier, directeur de la TSE.
Pour cela, s'il n'est pas question de payer ces universitaires 150 000 à 200 000 euros annuels, comme certains de leurs concurrents le proposent, l'établissement avance d'autres avantages.
Via sa fondation, aujourd'hui dotée de 77 millions d'euros, TSE mène une politique de primes à la publication des articles dans les meilleures revues scientifiques, l'un des nerfs de la compétition académique mondiale. Elle procure de même, grâce à l'institut d'économie industrielle (IDEI), des contrats de recherche.
Enfin, l'école s'assure de la venue de ses chercheurs en les pré-recrutant sur contrat privé, "le temps qu'ils remplissent toutes les démarches pour devenir professeur ou directeur de recherche", complète M. Gollier.
Alors que la majorité des universitaires ne sont pas convaincus par ces méthodes, le directeur de TSE justifie : "Sans cette politique, Toulouse ne serait pas sur la carte mondiale en économie. Ses chercheurs seraient aujourd'hui partout, sauf ici."
Philippe Jacqué
C'est un très beau "coup" que vient de réaliser l'université Denis-Diderot (Paris-VII). Mardi 2 février 2010, le Prix Nobel de physique 2006, George Smoot, a rejoint l'établissement parisien.
Spécialiste de cosmologie, cette science qui étudie la naissance de l'Univers, le physicien intègre le laboratoire astroparticules et cosmologie (APC) que partage l'université Paris-VII avec le CNRS, le CEA et l'Observatoire de Paris.
L'arrivée d'un Prix Nobel signifie-t-elle que les universités françaises ont désormais les moyens d'attirer les meilleurs ? Si ces établissements sont bel et bien engagés dans la compétition mondiale, ils recrutent déjà assez régulièrement, à bas bruit, les meilleurs spécialistes. Et parfois sans débauche de moyens.
Pour attirer George Smoot, Paris-VII n'a pas dû casser sa tirelire. A 64 ans, le Prix Nobel est recruté sur un poste de professeur de première classe (environ 4 500 euros brut mensuels), un salaire faible par rapport à ce qu'il pouvait gagner auparavant.
Le chercheur s'offre avant tout un dernier challenge scientifique, celui d'établir un centre de cosmologie, en lien avec celui de Berkeley, l'université où il a fait toute sa carrière.
"George Smoot nous a rejoints l'an dernier comme professeur associé. Puis fin 2009, nous avons eu l'opportunité de le recruter. S'il vient, c'est que nous mettons à sa disposition des infrastructures de très haut niveau", explique Vincent Berger, le président de l'université Paris-VII.
"En plus de ses recherches, il souhaite enseigner tant en licence qu'en master. C'est extrêmement motivant pour les étudiants", ajoute M. Berger. Cependant, poursuit-il, "ce recrutement ne s'inscrit pas dans une stratégie globale de l'université".
En revanche, d'autres universités françaises mettent, elles, en place des stratégies pour recruter dans leurs disciplines phares des chercheurs de grande renommée. Pour les attirer, elles comptent non seulement sur la qualité de vie française (jamais négligeable) et le haut niveau de leurs équipes de recherche ; mais aussi sur les outils, mis à disposition par l'Etat.
Tout d'abord, les universités ont gagné en réactivité grâce à la loi d'autonomie. Si la venue d'un chercheur se planifie en général sur un ou deux ans, la LRU a permis aux établissements de répondre vite à une opportunité, comme celle que vient de connaître Paris-VII.
Par ailleurs, le gouvernement finance des chaires d'excellence, à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros via l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que des primes d'excellence.
Si ces dernières sont contestées dans une partie de la communauté universitaire, elles peuvent être un argument financier supplémentaire dans une négociation. Les universités recourent enfin à des chaires d'entreprises ou des partenariats avec une fondation, qui pourront, si besoin, compléter le salaire des recrues...
C'est que dans certaines disciplines comme l'économie, la physique, la biologie ou la médecine, la concurrence nord-américaine et, désormais, de plus en plus européenne, est féroce. Toute la différence pour attirer un enseignant confirmé ou prometteur se fait alors sur le "package" offert. Ici, le salaire ne fait pas tout.
Tous les à-côtés comptent : décharge horaire d'enseignement, primes, logement, moyens du laboratoire, post-doctorants mis à disposition, etc.
En pointe ces dernières années, l'université Toulouse-I-Capitole, et son Ecole d'économie (Toulouse School of Economics, TSE), s'est dotée d'un arsenal complet pour être compétitif et recruter des "pointures" comme, dernièrement, l'Allemand Christian Hellwig qui viendra en septembre de Berkeley, ou les Français Augustin Landier, repris à la New York University, et Guillaume Plantin à la London Business School.
"Notre ambition est de faire partie des meilleurs centres de recherche mondiaux en économie et donc de recruter de potentiels futurs Prix Nobel", rappelle Christian Gollier, directeur de la TSE.
Pour cela, s'il n'est pas question de payer ces universitaires 150 000 à 200 000 euros annuels, comme certains de leurs concurrents le proposent, l'établissement avance d'autres avantages.
Via sa fondation, aujourd'hui dotée de 77 millions d'euros, TSE mène une politique de primes à la publication des articles dans les meilleures revues scientifiques, l'un des nerfs de la compétition académique mondiale. Elle procure de même, grâce à l'institut d'économie industrielle (IDEI), des contrats de recherche.
Enfin, l'école s'assure de la venue de ses chercheurs en les pré-recrutant sur contrat privé, "le temps qu'ils remplissent toutes les démarches pour devenir professeur ou directeur de recherche", complète M. Gollier.
Alors que la majorité des universitaires ne sont pas convaincus par ces méthodes, le directeur de TSE justifie : "Sans cette politique, Toulouse ne serait pas sur la carte mondiale en économie. Ses chercheurs seraient aujourd'hui partout, sauf ici."
Philippe Jacqué
jeudi 4 février 2010
Vincent Peillon: «C’est une injustice»
Libération, 2 février 2010
Vincent Peillon prône la suppression des grandes écoles et plaide pour un «métissage» de l’enseignement supérieur.
L’eurodéputé socialiste Vincent Peillon explique à Libération pourquoi il faudrait supprimer le modèle actuel des grandes écoles.
Le système universités-grandes écoles vous paraît-il dépassé ?
Oui. Il a eu une vertu à une époque mais il faut le revoir. D’un côté, on a une multitude d’écoles où l’on investit beaucoup d’argent, et où s’orientent les meilleurs élèves et les mieux informés. D’un autre côté, on a une université qu’on a laissé s’appauvrir. C’est une injustice en termes de dépenses, de reproduction sociale, et en plus, c’est inefficace.
Les formations dispensées par ces grandes écoles n’ont pas conduit à de grandes réussites industrielles et économiques. On a par exemple raté le grand tournant technologique de ces dernières années (Internet, les énergies renouvelables). En plus, une trahison des élites s’est produite, marquée par l’endogamie du public, du privé et du politique. En effet avec des écoles comme l’ENA, il y avait l’idée de recruter une élite qui allait se mettre au service du pays. Dans l’esprit de l’opinion, ces écoles formaient des serviteurs de l’Etat. Mais il y a eu trahison depuis trente ans, et cela touche la droite comme la gauche. Après quelques années passées dans des cabinets ministériels, beaucoup sont allés faire des fortunes rapides dans le privé. Il y a eu un dévoiement.
Faut-il supprimer les grandes écoles ?
Oui, il faut intégrer cette excellence dans les universités. Cela permettra de renforcer nos capacités d’innovation et de recherche trop négligées par ces grandes écoles et qui pèsent sur des universités appauvries. Si on veut revaloriser les doctorats et les masters de l’université, il faut intégrer le potentiel enseignant, étudiant, ainsi que les moyens financiers de ces écoles. Mais c’est un sujet très lourd dont il faut discuter avec l’ensemble des partenaires.
Approuvez-vous l’objectif de 30 % de boursiers dans les grandes écoles ?
C’est de la charité à la place de la justice. Cela permet à quelques-uns, tant mieux, qui n’y avaient pas droit jusqu’ici d’avoir accès au système gagnant. Mais cela prolonge et aggrave la dualité du système. Il faudrait assurer la justice et, pour cela, entièrement réformer le système. D’après moi, cette refondation doit être au cœur du projet de la gauche pour 2012.
Il faut parvenir à un nouveau contrat entre l’école, l’université et la Nation. Dans l’esprit de certains parents, l’université est aujourd’hui perçue presque comme une filière de relégation. C’est inacceptable. Comme pour les quartiers, il faut réinventer le métissage. Au lieu que la naissance, le capital culturel et financier soient aujourd’hui les principaux critères de la «réussite», il faut créer les conditions d’une égalité réelle des chances.
Vincent Peillon prône la suppression des grandes écoles et plaide pour un «métissage» de l’enseignement supérieur.
L’eurodéputé socialiste Vincent Peillon explique à Libération pourquoi il faudrait supprimer le modèle actuel des grandes écoles.
Le système universités-grandes écoles vous paraît-il dépassé ?
Oui. Il a eu une vertu à une époque mais il faut le revoir. D’un côté, on a une multitude d’écoles où l’on investit beaucoup d’argent, et où s’orientent les meilleurs élèves et les mieux informés. D’un autre côté, on a une université qu’on a laissé s’appauvrir. C’est une injustice en termes de dépenses, de reproduction sociale, et en plus, c’est inefficace.
Les formations dispensées par ces grandes écoles n’ont pas conduit à de grandes réussites industrielles et économiques. On a par exemple raté le grand tournant technologique de ces dernières années (Internet, les énergies renouvelables). En plus, une trahison des élites s’est produite, marquée par l’endogamie du public, du privé et du politique. En effet avec des écoles comme l’ENA, il y avait l’idée de recruter une élite qui allait se mettre au service du pays. Dans l’esprit de l’opinion, ces écoles formaient des serviteurs de l’Etat. Mais il y a eu trahison depuis trente ans, et cela touche la droite comme la gauche. Après quelques années passées dans des cabinets ministériels, beaucoup sont allés faire des fortunes rapides dans le privé. Il y a eu un dévoiement.
Faut-il supprimer les grandes écoles ?
Oui, il faut intégrer cette excellence dans les universités. Cela permettra de renforcer nos capacités d’innovation et de recherche trop négligées par ces grandes écoles et qui pèsent sur des universités appauvries. Si on veut revaloriser les doctorats et les masters de l’université, il faut intégrer le potentiel enseignant, étudiant, ainsi que les moyens financiers de ces écoles. Mais c’est un sujet très lourd dont il faut discuter avec l’ensemble des partenaires.
Approuvez-vous l’objectif de 30 % de boursiers dans les grandes écoles ?
C’est de la charité à la place de la justice. Cela permet à quelques-uns, tant mieux, qui n’y avaient pas droit jusqu’ici d’avoir accès au système gagnant. Mais cela prolonge et aggrave la dualité du système. Il faudrait assurer la justice et, pour cela, entièrement réformer le système. D’après moi, cette refondation doit être au cœur du projet de la gauche pour 2012.
Il faut parvenir à un nouveau contrat entre l’école, l’université et la Nation. Dans l’esprit de certains parents, l’université est aujourd’hui perçue presque comme une filière de relégation. C’est inacceptable. Comme pour les quartiers, il faut réinventer le métissage. Au lieu que la naissance, le capital culturel et financier soient aujourd’hui les principaux critères de la «réussite», il faut créer les conditions d’une égalité réelle des chances.
Valérie Pécresse: «Ne pas faire de procès»
Par VÉRONIQUE SOULÉ
Valérie Pécresse défend un système complémentaire avec des passerelles entre université et grandes écoles.
La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, défend l’idée de nouveaux liens entre université et grandes écoles.
Le système dual français ne vous paraît-il pas dépassé ?
Non. L’idée de la réforme est justement de remettre l’université au cœur de l’enseignement supérieur avec, notamment, le doctorat qui devient le diplôme phare.
Nous voulons bâtir un système autour d’universités fortes qui, grâce à la loi LRU [sur l’autonomie des universités], ont une autonomie pédagogique et de gestion, et qui concluent des alliances avec des écoles. On aura ainsi des universités fédérales [les PRES, pôles de recherche et d’enseignement supérieur]. Mais il n’y a pas l’un qui gagne contre l’autre.
On encourage les passerelles : les universités ouvrent des classes préparatoires aux grandes écoles, on peut venir d’une école puis passer à l’université ou l’inverse.
Je veux un enseignement supérieur de ponts et de portes ouvertes, et non plus d’impasses et de culs-de-sac, afin qu’à 17 ans tout ne soit pas joué, que lorsqu’on n’a pas le bac on puisse aller à l’université, et que si l’on échoue en première année, on puisse rebondir ailleurs.
L’université doit accueillir tous les bacheliers alors que les grandes écoles sélectionnent les meilleurs : le jeu n’est-il pas inégal ?
C’est une fausse question, une idée reçue. L’université aussi sélectionne. Les IUT [Instituts universitaires de technologie] sélectionnent. Il y a la sélection par l’échec à la fin de la première année. Il n’y a qu’à regarder aussi la première année de médecine où il y a 80 % d’échec. Les différences sont ailleurs, comme dans la qualité de la recherche, meilleure en université, ou dans la professionnalisation, plus avancée dans les écoles.
Le problème est qu’on a demandé à l’université de porter la charge de la massification sans lui en donner les moyens et sans réfléchir à de nouvelles missions. Mais nous avons accordé 20 % de moyens de fonctionnement en plus en moyenne aux universités, et nous avons lancé le plan Campus, un programme ambitieux pour rénover l’immobilier.
Mais les grandes écoles n’assument plus leur rôle d’ascenseur social…
Elles ont tout de même fait des efforts considérables, notamment avec les «cordées de la réussite», un réseau où les élèves des écoles et les étudiants d’universités aident les lycéens d’établissements défavorisés proches. Autre exemple, les écoles d’ingénieurs qui ont en moyenne 26 % de boursiers. Le fait d’avoir atteint les 30 % dans les classes prépas va avoir un effet en chaîne. Il ne faut donc pas faire le procès des grandes écoles : le taux de boursiers en deuxième année de médecine ou en master universitaire ne dépasse sans doute pas celui des grandes écoles. L’université doit aussi faire fonctionner l’ascenseur social.
Valérie Pécresse défend un système complémentaire avec des passerelles entre université et grandes écoles.
La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, défend l’idée de nouveaux liens entre université et grandes écoles.
Le système dual français ne vous paraît-il pas dépassé ?
Non. L’idée de la réforme est justement de remettre l’université au cœur de l’enseignement supérieur avec, notamment, le doctorat qui devient le diplôme phare.
Nous voulons bâtir un système autour d’universités fortes qui, grâce à la loi LRU [sur l’autonomie des universités], ont une autonomie pédagogique et de gestion, et qui concluent des alliances avec des écoles. On aura ainsi des universités fédérales [les PRES, pôles de recherche et d’enseignement supérieur]. Mais il n’y a pas l’un qui gagne contre l’autre.
On encourage les passerelles : les universités ouvrent des classes préparatoires aux grandes écoles, on peut venir d’une école puis passer à l’université ou l’inverse.
Je veux un enseignement supérieur de ponts et de portes ouvertes, et non plus d’impasses et de culs-de-sac, afin qu’à 17 ans tout ne soit pas joué, que lorsqu’on n’a pas le bac on puisse aller à l’université, et que si l’on échoue en première année, on puisse rebondir ailleurs.
L’université doit accueillir tous les bacheliers alors que les grandes écoles sélectionnent les meilleurs : le jeu n’est-il pas inégal ?
C’est une fausse question, une idée reçue. L’université aussi sélectionne. Les IUT [Instituts universitaires de technologie] sélectionnent. Il y a la sélection par l’échec à la fin de la première année. Il n’y a qu’à regarder aussi la première année de médecine où il y a 80 % d’échec. Les différences sont ailleurs, comme dans la qualité de la recherche, meilleure en université, ou dans la professionnalisation, plus avancée dans les écoles.
Le problème est qu’on a demandé à l’université de porter la charge de la massification sans lui en donner les moyens et sans réfléchir à de nouvelles missions. Mais nous avons accordé 20 % de moyens de fonctionnement en plus en moyenne aux universités, et nous avons lancé le plan Campus, un programme ambitieux pour rénover l’immobilier.
Mais les grandes écoles n’assument plus leur rôle d’ascenseur social…
Elles ont tout de même fait des efforts considérables, notamment avec les «cordées de la réussite», un réseau où les élèves des écoles et les étudiants d’universités aident les lycéens d’établissements défavorisés proches. Autre exemple, les écoles d’ingénieurs qui ont en moyenne 26 % de boursiers. Le fait d’avoir atteint les 30 % dans les classes prépas va avoir un effet en chaîne. Il ne faut donc pas faire le procès des grandes écoles : le taux de boursiers en deuxième année de médecine ou en master universitaire ne dépasse sans doute pas celui des grandes écoles. L’université doit aussi faire fonctionner l’ascenseur social.
Les grandes écoles, chasse trop gardée
Par VÉRONIQUE SOULÉ
Libération | 2 février 2010
La signature d’une Charte de l’égalité souligne la fracture qui s’aggrave dans l’enseignement supérieur avec les universités de masse.
Pour un étranger, la récente polémique sur les 30% de boursiers dans les grandes écoles a dû être passablement illisible. Au même titre que la laïcité, le partage de l’enseignement supérieur entre de grandes universités parfois délabrées et des petites écoles plutôt prospères, est une spécificité nationale, une bizarrerie qui fait un peu sourire. Pourtant c’est bien ce système qui, aujourd’hui, fait débat : depuis plusieurs années, il assure de moins en moins bien la promotion sociale, tarde à s’ouvrir à la diversité et produit des élites très homogènes.
Symbole. Le gouvernement avance des chiffres magiques : 30 % de boursiers sont d’ores et déjà inscrits en classes préparatoires et autant se retrouveront dans les grandes écoles. C’est Jacques Chirac, le premier, qui avait brandi ce taux symbolique censé marquer le redémarrage de l’ascenseur social. Nicolas Sarzkoy l’a repris en fixant la date de 2010. «Un pays qui ne forme ses élites que dans environ 10% de la population [les couches les plus favorisées, ndlr] se prive de l’intelligence de 90 % de ses jeunes», répète-t-il dans ses discours sur la diversité, appelant à aller chercher les talents là où ils se trouvent, y compris dans les cités.
En septembre, la ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Pécresse a crié victoire: le seuil des 30 % a été atteint en classes prépas avec un an d’avance, preuve que quand on veut, on peut… Il faut toutefois relativiser. En 2008, une réforme des bourses a été mise en place et le plafond des revenus familiaux y donnant droit a été relevé, de façon à inclure la classe moyenne modeste à la limite des seuils sociaux et qui n’avait jusque-là droit à rien. Un nouvel «échelon zéro» a été créé, qui n’accorde pas d’allocation mais exempte des droits d’inscription, et 50 000 nouveaux boursiers sont alors apparus. Mécaniquement on a retrouvé cette hausse dans les prépas…
Kyrielle. Mais les «grandes écoles» recouvrent une réalité fort diverse. Une dizaine de très prestigieuses - Polytechnique, Centrale, HEC, les écoles normales supérieures - focalisent l’attention. A côté, il y a une kyrielle d’écoles plus ou moins réputées, dont certaines recrutent juste après le bac. D’ores et déjà, plus de la moitié des élèves des écoles d’ingénieurs ne sont pas passés par les fameuses grandes prépas : souvent publiques, elles ne sont pas chères et offrent des prépas intégrées.
Le problème de l’ouverture sociale se pose essentiellement dans les très grandes écoles où les taux de boursiers - et encore ne sont-ils pas dans les échelons les plus hauts - ne dépassent pas les 10 à 15 %. Elles craignent de perdre leur excellence si on les contraint à s’ouvrir trop vite. En même temps, ces établissements semblent se satisfaire de cet entresoi - entre fils de polytechniciens, fils d’énarques, etc. - et se considèrent comme les défenseurs de la «méritocratie républicaine», fiers de leurs concours difficiles. Ils ont en horreur le dispositif de Sciences Po qui a ouvert une voie d’accès aux lycéens de ZEP, avec laquelle le Président leur fait la leçon…
Agacement. Les universitaires regardent ces gesticulations avec un brin d’agacement et d’ironie. Eux qui accueillent tous les étudiants sans les choisir, ne sont-ils pas les vrais acteurs de la démocratisation ? Quelle est cette politique qui dirige les élèves «méritants» vers les «formations d’excellence», comprenez les prépas, excluant les facs ? Pour les universités, les armes ne sont pas égales. Mais avec leur masse critique et l’importance de leur recherche, elles savent aussi qu’elles sont incontournables. Et qu’un jour, elles pourront jouer de leurs atouts pour imposer des relations plus égalitaires et pourquoi pas rivaliser dans la formation des «élites».
Libération | 2 février 2010
La signature d’une Charte de l’égalité souligne la fracture qui s’aggrave dans l’enseignement supérieur avec les universités de masse.
Pour un étranger, la récente polémique sur les 30% de boursiers dans les grandes écoles a dû être passablement illisible. Au même titre que la laïcité, le partage de l’enseignement supérieur entre de grandes universités parfois délabrées et des petites écoles plutôt prospères, est une spécificité nationale, une bizarrerie qui fait un peu sourire. Pourtant c’est bien ce système qui, aujourd’hui, fait débat : depuis plusieurs années, il assure de moins en moins bien la promotion sociale, tarde à s’ouvrir à la diversité et produit des élites très homogènes.
Symbole. Le gouvernement avance des chiffres magiques : 30 % de boursiers sont d’ores et déjà inscrits en classes préparatoires et autant se retrouveront dans les grandes écoles. C’est Jacques Chirac, le premier, qui avait brandi ce taux symbolique censé marquer le redémarrage de l’ascenseur social. Nicolas Sarzkoy l’a repris en fixant la date de 2010. «Un pays qui ne forme ses élites que dans environ 10% de la population [les couches les plus favorisées, ndlr] se prive de l’intelligence de 90 % de ses jeunes», répète-t-il dans ses discours sur la diversité, appelant à aller chercher les talents là où ils se trouvent, y compris dans les cités.
En septembre, la ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Pécresse a crié victoire: le seuil des 30 % a été atteint en classes prépas avec un an d’avance, preuve que quand on veut, on peut… Il faut toutefois relativiser. En 2008, une réforme des bourses a été mise en place et le plafond des revenus familiaux y donnant droit a été relevé, de façon à inclure la classe moyenne modeste à la limite des seuils sociaux et qui n’avait jusque-là droit à rien. Un nouvel «échelon zéro» a été créé, qui n’accorde pas d’allocation mais exempte des droits d’inscription, et 50 000 nouveaux boursiers sont alors apparus. Mécaniquement on a retrouvé cette hausse dans les prépas…
Kyrielle. Mais les «grandes écoles» recouvrent une réalité fort diverse. Une dizaine de très prestigieuses - Polytechnique, Centrale, HEC, les écoles normales supérieures - focalisent l’attention. A côté, il y a une kyrielle d’écoles plus ou moins réputées, dont certaines recrutent juste après le bac. D’ores et déjà, plus de la moitié des élèves des écoles d’ingénieurs ne sont pas passés par les fameuses grandes prépas : souvent publiques, elles ne sont pas chères et offrent des prépas intégrées.
Le problème de l’ouverture sociale se pose essentiellement dans les très grandes écoles où les taux de boursiers - et encore ne sont-ils pas dans les échelons les plus hauts - ne dépassent pas les 10 à 15 %. Elles craignent de perdre leur excellence si on les contraint à s’ouvrir trop vite. En même temps, ces établissements semblent se satisfaire de cet entresoi - entre fils de polytechniciens, fils d’énarques, etc. - et se considèrent comme les défenseurs de la «méritocratie républicaine», fiers de leurs concours difficiles. Ils ont en horreur le dispositif de Sciences Po qui a ouvert une voie d’accès aux lycéens de ZEP, avec laquelle le Président leur fait la leçon…
Agacement. Les universitaires regardent ces gesticulations avec un brin d’agacement et d’ironie. Eux qui accueillent tous les étudiants sans les choisir, ne sont-ils pas les vrais acteurs de la démocratisation ? Quelle est cette politique qui dirige les élèves «méritants» vers les «formations d’excellence», comprenez les prépas, excluant les facs ? Pour les universités, les armes ne sont pas égales. Mais avec leur masse critique et l’importance de leur recherche, elles savent aussi qu’elles sont incontournables. Et qu’un jour, elles pourront jouer de leurs atouts pour imposer des relations plus égalitaires et pourquoi pas rivaliser dans la formation des «élites».
mercredi 3 février 2010
"Le système universitaire américain est moins inégalitaire que le nôtre"
LEMONDE.FR | 3 février 2010
Jocelyn : Le système universitaire est-il en train de s'américaniser et de nous obliger à nous endetter pour payer les études de nos enfants ?
Gilbert Béréziat : Actuellement, c'est la nation qui s'endette pour payer les études des riches. Donc la question est trop simple. On n'est absolument pas dans le système américain, pour une raison très simple, c'est que le système américain est une organisation en pyramide : il y a une base très large, avec les Community Colleges de deux ans et les Colleges habituels de 4 ans, et c'est à partir de ces collèges que se fait la sélection vers les formations plus longues.
En France, la sélection se fait à 14 ans, j'exagère. Mais en tout cas, elle se fait avant le bac. Donc quelles que soient les tares du système américain, il est moins inégalitaire que le nôtre.
Mirko : Indexer les frais de scolarité sur le revenu des parents, comme le fait Sciences Po Paris qui exonère totalement les personnes les plus défavorisées, me paraît juste. Qu'en pensez-vous?
Sciences Po fait mieux que cela, puisque non seulement il exonère les enfants d'origine les plus modeste, mais il fait des bourses aussi, de manière qu'ils aient des conditions de travail qui se rapprochent des autres. Dauphine, contrairement à Sciences Po, n'est pas une université autonome, ne dispose pas à ma connaissance d'une fondation bien financée. Et je ne pense pas qu'il ait aujourd'hui les moyens de faire des bourses pour les étudiants issus de milieux dont on dit aujourd'hui qu'ils sont des "quartiers difficiles".
Simon : Ce qui a créé le débat, c'est l'augmentation des frais d'inscription d'un diplôme d'université, mais cela reste impossible pour un diplôme national. La question est donc: combien de temps avant que les universités passent massivement aux diplomes non nationaux pour pouvoir augmenter leurs frais ? Qu'est-ce qui les en empêche ou les freine ?
Pourquoi, dans les écoles de management et de commerce, peut-on imposer des frais d'inscription ? Tout simplement parce que le pays considère que ces écoles donnent des débouchés sur le marché du travail, alors que les diplômes nationaux traditionnels ne donneraient pas de tels débouchés. Donc en quelque sorte Dauphine fait jouer le marché.
Mais il faut aussi trouver des arguments positifs pour Dauphine. Certains considèrent - et ils n'ont pas forcément tort - que dès lors qu'une formation est payante, l'établissement se doit de donner le diplôme qui suit. Donc les étudiants vont être plus exigeants vis-à-vis de leurs enseignants.
Mais encore une fois, c'est dans un secteur où, à tort ou à raison, la population qu'il y a des débouchés importants. La question qui peut se poser est : la France va-t-elle devenir une nation de commerçants et plus une nation d'inventeurs, et une nation avec un potentiel industriel donnant des biens d'exportation, en particulier.
Joan.UK : Bonjour, je suis actuellement étudiant à la London School of Economics et ancien de l'EHESS à Paris. J'ai dû quitter Paris car rien n'est fait en France pour promouvoir la recherche en sciences humaines. Ni bourse ni création de postes. En Angleterre, je suis certain de pouvoir trouver un emploi décent en tant que chercheur, mais pour cela je dois payer 11000 euros de frais d'inscription par an…. Selon vous, la France devrait-elle suivre un modèle identique, basé sur un élitisme injuste mais réaliste ?
Je pense qu'en France l'élitisme existe déjà, car on peut considérer que les dix vraies grandes écoles fournissent l'essentiel des hauts cadres de la nation, c'est-à-dire, mettons, pas plus de 3 000 à 4 000 diplômés par an. Si vous comptez qu'un diplômé formé dans ces conditions a une activité professionnelle pendant trente ans, cela fait un bassin de 120 000 personnes, sur une nation de 60 millions d'habitants. Si vous comparez cela à la génération des 600 000 jeunes qui finissent chaque année la scolarité obligatoire, on est plutôt dans une monarchie que dans un système républicain.
Jérémy : On sait qu'un bon nombre d'étudiant en fac sont là un peu par défaut, ou parce qu'ils ont été mal orientés. Pensez vous qu'élever les frais de scolarité peut réduire la part de ces élèves à la fac ? De plus ne faudrait-il pas offrir plus de bourse au mérite pour les élèves réellement motivés à suivre une formation à la fac mais qui en auraient pas les moyens ?
Ce sont des questions de gens qui sont dans les secteurs sciences humaines et sociales. Le système français est incroyable, puisque les élèves les plus doués pour les sciences sont orientés vers des filières de management, de business, etc., et que les filières scientifiques, conduisant à la recherche, manquent de candidats. Donc on ne peut pas répondre à cette question de manière globale.
Je prends un exemple, celui du Canada. Dans ce pays, dans certaines grandes universités, on fait payer les étudiants assez fortement dans le cycle licence. Mais on les subventionne lorsqu'ils entrent en master dans les filières scientifiques. Aucune université en France n'a les moyens de faire cela.
Deuxième chose : dans le système anglo-saxon, il y a tout un dispositif de prêts à intérêts quasiment nuls ou à très bas taux d'intérêt, dont certains ne sont remboursés que lorsque l'étudiant commence à travailler.
C'est très difficilement comparable avec le système français où, sous couvert d'égalitarisme, en réalité, l'Etat subventionne les études de tout le monde mais, comme nous savons très bien que les couches les moins favorisées accèdent le plus difficilement à l'enseignement supérieur et acquittent l'impôt sous forme de taxe (TVA), puisqu'en France l'impôt direct ne représente pas les revenus principaux de l'Etat, sans trop de risque de se tromper, on peut dire qu'en France les moins favorisés financent les études des plus favorisés.
Et je rappelle que les élèves de polytechnique sont payés, et que les élèves normaliens sont payés. Et, cerise sur le gâteau, on leur procure un emploi quasiment à vie derrière.
Hako : De plus en plus d'étudiants se voient contraints de trouver un job étudiant pour payer les frais de logement, de nourriture..... ce qui contribue beaucoup à leur échec. Ne pensez vous pas qu'une augmentation des frais d'inscription aggraverait cela alors qu'il faut faire en sorte de limiter les jobs étudiants pénibles ?
Il est évident qu'en France, ce qui coûte cher pour un étudiant, c'est ce que les Anglo-Saxons appellent le "housing". Comparons avec Manchester : l'université de Manchester, 35 000 étudiants, 6 000 logements pour étudiants, 42e au classement de Shanghaï. L'Université Pierre-et-Marie-Curie : 30 000 étudiants, aucun logement d'étudiant à sa disposition. Tout dépend du Crous, dont je ne suis pas sûr qu'il ait le meilleur rapport qualité-prix en matière de logement.
Par ailleurs, il est très difficile en France d'obtenir des syndicats d'étudiants et de personnel que l'on crée des jobs à l'intérieur de l'université destinés aux étudiants. Exemple : cela fait six ans qu'à l'UPMC nous bataillons pour obtenir que les bibliothèques soient ouvertes le soir tard, sous la surveillance d'étudiants. Ce qui se pratique couramment partout ailleurs dans le monde.
Julien : L'université Paris 6 a-t-elle prévue d'augmenter les frais d'inscription des Masters ? Si oui quel serait le montant ?
La réponse est non. Pourquoi ? Parce que nous, nous voulons avoir des étudiants dans nos masters. D'ailleurs je vous signale qu'à l'UPMC, les stages dans les laboratoires sont rémunérés. Certes, modestement, mais au même niveau que les externes des hôpitaux de la faculté de médecine.
Marc : Doit-on craindre que certains établissements (gros consortiums technologiques et management qui sont en train de se constituer) prennent les filières rentables et laissent à l'université le "reste" ? N'est-ce pas ce que les fusions-acquisitions en cours suggèrent ?
Bien sûr, on peut faire ça. Mais ce n'est pas la voie que nous avons suivie à l'UPMC, puisque nous sommes en train de nous fédérer avec l'université Panthéon Assas (droit) et l'université Paris Sorbonne (sciences humaines et sociales).
Pourquoi ? Parce que dans l'avenir, nous pensons que les jeunes qui auront eu une double formation en sciences pures, bonnes, excellentes, et aussi une formation dans les disciplines qui donnent une ouverture culturelle plus large, auront plus d'opportunités d'affronter les difficultés à venir.
Donc nous ne voulons pas du tout devenir une super-université technologique comme celle de Zurich ou de Lausanne. Je rappelle que le MIT possède un département de sciences humaines extrêmement riche et qui n'est pas destiné à former des businessmen ou businesswomen.
Thomas : Pourquoi ne pas réformer en profondeur le système CPGE + grandes écoles en l'intégrant aux universités pour en finir avec cette dualité franco-française ?
Je suis plus radical que vous : pourquoi ne pas supprimer les classes préparatoires, qui ne sont que des lieux de training intense, de coaching intense, de dopage intellectuel destinés à faire réussir des élèves à un concours ? Je pense que le cycle licence devrait être un cycle d'orientation, et évidemment d'orientation sélective, permettant tout à la fois l'orientation vers des écoles d'ingénieurs, de management, etc. et vers les filières plus traditionnelles d'érudition ainsi que des filières de formation par la recherche et à la recherche. Je pense qu'à l'âge de 17-18 ans, les élèves doivent s'épanouir, et pas être formatés.
M.Siebert : Pourquoi ne pas faire payer uniquement les redoublements universitaires pour encourager l'investissement des étudiants?
Pour faire réussir des étudiants, il faut qu'ils comprennent que, inscrits dans un cycle, ils doivent faire le travail nécessaire pour avoir le minimum requis par le diplôme. L'Etat et les institutions doivent pouvoir leur en donner les moyens (bourses, prêts à taux zéro, etc.).
Certains n'auront pas la capacité d'aller dans le cycle master, il faut le reconnaître et les aider à s'insérer sur le marché du travail. C'est ce que beaucoup d'universités ont fait ces dernières années en développant les licences professionnelles. Dans beaucoup de disciplines, il est impensable d'avoir une formation à la recherche et de la cumuler avec un travail à temps complet ou même à mi-temps.
C'est pourquoi, par exemple, à l'UPMC, nous n'acceptons pas d'étudiants en doctorat si celui-ci n'est pas financé, c'est-à-dire s'ils n'ont pas une bourse, privée ou publique, leur permettant de consacrer tout leur temps à la recherche et à la préparation de leur doctorat. Il est vrai que de ce point de vue les sciences humaines et sociales sont défavorisées. C'est lié au fait que dans les disciplines littéraires, beaucoup de thésards se recrutent parmi les professeurs du second degré. Et on peut difficilement faire une thèse en trois ans et avoir une activité salariée à plein temps.
On pourrait peut-être s'interroger aussi sur la nécessité de fabriquer autant de thésards dans ce secteur.
Guest : Est-ce que les montants doivent être fixés par la loi de l'offre et de la demande? Quelle régulation mettre en place pour s'assurer d'une certaine justice?
Ce que je n'ai pas très bien compris dans la décision de Dauphine, c'est si l'argent dégagé par le paiement des droits d'inscription par les plus "fortunés" était destiné entièrement à subventionner les moins fortunés. Si c'était le cas, je ne pourrais que m'en réjouir. Mais j'ai bien peur que ce soit aussi pour compenser la faiblesse du financement par l'Etat des universités.
JR : Si les frais universitaires n'augmentent pas, de quelle manière l'université peut-elle se procurer des revenus plus importants qu'actuellement ?
Il faut bien comprendre que dans les plus onéreuses, pour les étudiants, des grandes universités américaines, le revenu généré par les droits d'inscription ne dépasse pas 20 % du budget de l'université. Pourquoi ? Parce que dans ces universités, c'est d'une part les revenus de la capitalisation qu'elles ont réalisée depuis plus d'une centaine d'années qui financent l'université, et d'autre part, l'activité de recherche financée à presque 80 %, voire 90 %, par les différentes agences de l'Etat américain.
Si vous prenez l'UPMC, 80 % de son budget sont liés à son activité de recherche, d'une manière ou d'une autre. Donc ce problème des droits d'inscription se pose d'abord dans les universités qui n'ont pas la force de frappe que procure la recherche scientifique dans les sciences dures.
Enfin, le problème des fondations dans notre pays est très compliqué. Parce que les grands donateurs potentiels (mécènes, grosses firmes du CAC 40, etc.) sont issus du système des grandes et des petites écoles. Donc ils donneront en priorité à Polytechnique. Certes, cela peut changer. Mais c'est un très long chemin. Nous y travaillons depuis trois ans à l'UPMC. Nous avons mis deux ans avant de créer notre fondation partenariale, et nous n'avons pas encore pu déclencher de campagne de levée de fonds d'un niveau comparable aux universités étrangères.
Il nous faut d'abord recréer un réseau d'anciens de l'université, qui n'existe pas en France. Et d'une certaine manière, cela nous ramène à la question de départ : l'université étant gratuite, le sentiment d'appartenance à cette université est faible.
Les étudiants pensent que l'Etat leur a donné l'éducation supérieure et n'ont qu'une reconnaissance modérée pour l'université qui a fait le business. Et c'est le problème majeur de l'université française aujourd'hui.
Philippe Jacqué
Jocelyn : Le système universitaire est-il en train de s'américaniser et de nous obliger à nous endetter pour payer les études de nos enfants ?
Gilbert Béréziat : Actuellement, c'est la nation qui s'endette pour payer les études des riches. Donc la question est trop simple. On n'est absolument pas dans le système américain, pour une raison très simple, c'est que le système américain est une organisation en pyramide : il y a une base très large, avec les Community Colleges de deux ans et les Colleges habituels de 4 ans, et c'est à partir de ces collèges que se fait la sélection vers les formations plus longues.
En France, la sélection se fait à 14 ans, j'exagère. Mais en tout cas, elle se fait avant le bac. Donc quelles que soient les tares du système américain, il est moins inégalitaire que le nôtre.
Mirko : Indexer les frais de scolarité sur le revenu des parents, comme le fait Sciences Po Paris qui exonère totalement les personnes les plus défavorisées, me paraît juste. Qu'en pensez-vous?
Sciences Po fait mieux que cela, puisque non seulement il exonère les enfants d'origine les plus modeste, mais il fait des bourses aussi, de manière qu'ils aient des conditions de travail qui se rapprochent des autres. Dauphine, contrairement à Sciences Po, n'est pas une université autonome, ne dispose pas à ma connaissance d'une fondation bien financée. Et je ne pense pas qu'il ait aujourd'hui les moyens de faire des bourses pour les étudiants issus de milieux dont on dit aujourd'hui qu'ils sont des "quartiers difficiles".
Simon : Ce qui a créé le débat, c'est l'augmentation des frais d'inscription d'un diplôme d'université, mais cela reste impossible pour un diplôme national. La question est donc: combien de temps avant que les universités passent massivement aux diplomes non nationaux pour pouvoir augmenter leurs frais ? Qu'est-ce qui les en empêche ou les freine ?
Pourquoi, dans les écoles de management et de commerce, peut-on imposer des frais d'inscription ? Tout simplement parce que le pays considère que ces écoles donnent des débouchés sur le marché du travail, alors que les diplômes nationaux traditionnels ne donneraient pas de tels débouchés. Donc en quelque sorte Dauphine fait jouer le marché.
Mais il faut aussi trouver des arguments positifs pour Dauphine. Certains considèrent - et ils n'ont pas forcément tort - que dès lors qu'une formation est payante, l'établissement se doit de donner le diplôme qui suit. Donc les étudiants vont être plus exigeants vis-à-vis de leurs enseignants.
Mais encore une fois, c'est dans un secteur où, à tort ou à raison, la population qu'il y a des débouchés importants. La question qui peut se poser est : la France va-t-elle devenir une nation de commerçants et plus une nation d'inventeurs, et une nation avec un potentiel industriel donnant des biens d'exportation, en particulier.
Joan.UK : Bonjour, je suis actuellement étudiant à la London School of Economics et ancien de l'EHESS à Paris. J'ai dû quitter Paris car rien n'est fait en France pour promouvoir la recherche en sciences humaines. Ni bourse ni création de postes. En Angleterre, je suis certain de pouvoir trouver un emploi décent en tant que chercheur, mais pour cela je dois payer 11000 euros de frais d'inscription par an…. Selon vous, la France devrait-elle suivre un modèle identique, basé sur un élitisme injuste mais réaliste ?
Je pense qu'en France l'élitisme existe déjà, car on peut considérer que les dix vraies grandes écoles fournissent l'essentiel des hauts cadres de la nation, c'est-à-dire, mettons, pas plus de 3 000 à 4 000 diplômés par an. Si vous comptez qu'un diplômé formé dans ces conditions a une activité professionnelle pendant trente ans, cela fait un bassin de 120 000 personnes, sur une nation de 60 millions d'habitants. Si vous comparez cela à la génération des 600 000 jeunes qui finissent chaque année la scolarité obligatoire, on est plutôt dans une monarchie que dans un système républicain.
Jérémy : On sait qu'un bon nombre d'étudiant en fac sont là un peu par défaut, ou parce qu'ils ont été mal orientés. Pensez vous qu'élever les frais de scolarité peut réduire la part de ces élèves à la fac ? De plus ne faudrait-il pas offrir plus de bourse au mérite pour les élèves réellement motivés à suivre une formation à la fac mais qui en auraient pas les moyens ?
Ce sont des questions de gens qui sont dans les secteurs sciences humaines et sociales. Le système français est incroyable, puisque les élèves les plus doués pour les sciences sont orientés vers des filières de management, de business, etc., et que les filières scientifiques, conduisant à la recherche, manquent de candidats. Donc on ne peut pas répondre à cette question de manière globale.
Je prends un exemple, celui du Canada. Dans ce pays, dans certaines grandes universités, on fait payer les étudiants assez fortement dans le cycle licence. Mais on les subventionne lorsqu'ils entrent en master dans les filières scientifiques. Aucune université en France n'a les moyens de faire cela.
Deuxième chose : dans le système anglo-saxon, il y a tout un dispositif de prêts à intérêts quasiment nuls ou à très bas taux d'intérêt, dont certains ne sont remboursés que lorsque l'étudiant commence à travailler.
C'est très difficilement comparable avec le système français où, sous couvert d'égalitarisme, en réalité, l'Etat subventionne les études de tout le monde mais, comme nous savons très bien que les couches les moins favorisées accèdent le plus difficilement à l'enseignement supérieur et acquittent l'impôt sous forme de taxe (TVA), puisqu'en France l'impôt direct ne représente pas les revenus principaux de l'Etat, sans trop de risque de se tromper, on peut dire qu'en France les moins favorisés financent les études des plus favorisés.
Et je rappelle que les élèves de polytechnique sont payés, et que les élèves normaliens sont payés. Et, cerise sur le gâteau, on leur procure un emploi quasiment à vie derrière.
Hako : De plus en plus d'étudiants se voient contraints de trouver un job étudiant pour payer les frais de logement, de nourriture..... ce qui contribue beaucoup à leur échec. Ne pensez vous pas qu'une augmentation des frais d'inscription aggraverait cela alors qu'il faut faire en sorte de limiter les jobs étudiants pénibles ?
Il est évident qu'en France, ce qui coûte cher pour un étudiant, c'est ce que les Anglo-Saxons appellent le "housing". Comparons avec Manchester : l'université de Manchester, 35 000 étudiants, 6 000 logements pour étudiants, 42e au classement de Shanghaï. L'Université Pierre-et-Marie-Curie : 30 000 étudiants, aucun logement d'étudiant à sa disposition. Tout dépend du Crous, dont je ne suis pas sûr qu'il ait le meilleur rapport qualité-prix en matière de logement.
Par ailleurs, il est très difficile en France d'obtenir des syndicats d'étudiants et de personnel que l'on crée des jobs à l'intérieur de l'université destinés aux étudiants. Exemple : cela fait six ans qu'à l'UPMC nous bataillons pour obtenir que les bibliothèques soient ouvertes le soir tard, sous la surveillance d'étudiants. Ce qui se pratique couramment partout ailleurs dans le monde.
Julien : L'université Paris 6 a-t-elle prévue d'augmenter les frais d'inscription des Masters ? Si oui quel serait le montant ?
La réponse est non. Pourquoi ? Parce que nous, nous voulons avoir des étudiants dans nos masters. D'ailleurs je vous signale qu'à l'UPMC, les stages dans les laboratoires sont rémunérés. Certes, modestement, mais au même niveau que les externes des hôpitaux de la faculté de médecine.
Marc : Doit-on craindre que certains établissements (gros consortiums technologiques et management qui sont en train de se constituer) prennent les filières rentables et laissent à l'université le "reste" ? N'est-ce pas ce que les fusions-acquisitions en cours suggèrent ?
Bien sûr, on peut faire ça. Mais ce n'est pas la voie que nous avons suivie à l'UPMC, puisque nous sommes en train de nous fédérer avec l'université Panthéon Assas (droit) et l'université Paris Sorbonne (sciences humaines et sociales).
Pourquoi ? Parce que dans l'avenir, nous pensons que les jeunes qui auront eu une double formation en sciences pures, bonnes, excellentes, et aussi une formation dans les disciplines qui donnent une ouverture culturelle plus large, auront plus d'opportunités d'affronter les difficultés à venir.
Donc nous ne voulons pas du tout devenir une super-université technologique comme celle de Zurich ou de Lausanne. Je rappelle que le MIT possède un département de sciences humaines extrêmement riche et qui n'est pas destiné à former des businessmen ou businesswomen.
Thomas : Pourquoi ne pas réformer en profondeur le système CPGE + grandes écoles en l'intégrant aux universités pour en finir avec cette dualité franco-française ?
Je suis plus radical que vous : pourquoi ne pas supprimer les classes préparatoires, qui ne sont que des lieux de training intense, de coaching intense, de dopage intellectuel destinés à faire réussir des élèves à un concours ? Je pense que le cycle licence devrait être un cycle d'orientation, et évidemment d'orientation sélective, permettant tout à la fois l'orientation vers des écoles d'ingénieurs, de management, etc. et vers les filières plus traditionnelles d'érudition ainsi que des filières de formation par la recherche et à la recherche. Je pense qu'à l'âge de 17-18 ans, les élèves doivent s'épanouir, et pas être formatés.
M.Siebert : Pourquoi ne pas faire payer uniquement les redoublements universitaires pour encourager l'investissement des étudiants?
Pour faire réussir des étudiants, il faut qu'ils comprennent que, inscrits dans un cycle, ils doivent faire le travail nécessaire pour avoir le minimum requis par le diplôme. L'Etat et les institutions doivent pouvoir leur en donner les moyens (bourses, prêts à taux zéro, etc.).
Certains n'auront pas la capacité d'aller dans le cycle master, il faut le reconnaître et les aider à s'insérer sur le marché du travail. C'est ce que beaucoup d'universités ont fait ces dernières années en développant les licences professionnelles. Dans beaucoup de disciplines, il est impensable d'avoir une formation à la recherche et de la cumuler avec un travail à temps complet ou même à mi-temps.
C'est pourquoi, par exemple, à l'UPMC, nous n'acceptons pas d'étudiants en doctorat si celui-ci n'est pas financé, c'est-à-dire s'ils n'ont pas une bourse, privée ou publique, leur permettant de consacrer tout leur temps à la recherche et à la préparation de leur doctorat. Il est vrai que de ce point de vue les sciences humaines et sociales sont défavorisées. C'est lié au fait que dans les disciplines littéraires, beaucoup de thésards se recrutent parmi les professeurs du second degré. Et on peut difficilement faire une thèse en trois ans et avoir une activité salariée à plein temps.
On pourrait peut-être s'interroger aussi sur la nécessité de fabriquer autant de thésards dans ce secteur.
Guest : Est-ce que les montants doivent être fixés par la loi de l'offre et de la demande? Quelle régulation mettre en place pour s'assurer d'une certaine justice?
Ce que je n'ai pas très bien compris dans la décision de Dauphine, c'est si l'argent dégagé par le paiement des droits d'inscription par les plus "fortunés" était destiné entièrement à subventionner les moins fortunés. Si c'était le cas, je ne pourrais que m'en réjouir. Mais j'ai bien peur que ce soit aussi pour compenser la faiblesse du financement par l'Etat des universités.
JR : Si les frais universitaires n'augmentent pas, de quelle manière l'université peut-elle se procurer des revenus plus importants qu'actuellement ?
Il faut bien comprendre que dans les plus onéreuses, pour les étudiants, des grandes universités américaines, le revenu généré par les droits d'inscription ne dépasse pas 20 % du budget de l'université. Pourquoi ? Parce que dans ces universités, c'est d'une part les revenus de la capitalisation qu'elles ont réalisée depuis plus d'une centaine d'années qui financent l'université, et d'autre part, l'activité de recherche financée à presque 80 %, voire 90 %, par les différentes agences de l'Etat américain.
Si vous prenez l'UPMC, 80 % de son budget sont liés à son activité de recherche, d'une manière ou d'une autre. Donc ce problème des droits d'inscription se pose d'abord dans les universités qui n'ont pas la force de frappe que procure la recherche scientifique dans les sciences dures.
Enfin, le problème des fondations dans notre pays est très compliqué. Parce que les grands donateurs potentiels (mécènes, grosses firmes du CAC 40, etc.) sont issus du système des grandes et des petites écoles. Donc ils donneront en priorité à Polytechnique. Certes, cela peut changer. Mais c'est un très long chemin. Nous y travaillons depuis trois ans à l'UPMC. Nous avons mis deux ans avant de créer notre fondation partenariale, et nous n'avons pas encore pu déclencher de campagne de levée de fonds d'un niveau comparable aux universités étrangères.
Il nous faut d'abord recréer un réseau d'anciens de l'université, qui n'existe pas en France. Et d'une certaine manière, cela nous ramène à la question de départ : l'université étant gratuite, le sentiment d'appartenance à cette université est faible.
Les étudiants pensent que l'Etat leur a donné l'éducation supérieure et n'ont qu'une reconnaissance modérée pour l'université qui a fait le business. Et c'est le problème majeur de l'université française aujourd'hui.
Philippe Jacqué
mardi 2 février 2010
L'université Paris-Dauphine augmente les frais de scolarité de ses masters
LE MONDE | 02.02.10
L'université Paris-Dauphine a décidé de mettre en place des frais d'inscription pouvant atteindre 4 000 euros par an (231 euros actuellement) pour certains de ses diplômes de master. Lundi 1er février, le conseil d'administration du prestigieux établissement a accepté, par 33 voix pour et 20 contre, le principe de "droits de scolarité applicables au master de Dauphine dans ses spécialités de gestion et d'économie internationale et de développement". En revanche, le montant des frais de scolarité des autres masters, ainsi que des licences, reste inchangé.
A la rentrée 2010, explique l'université dans un communiqué, "les droits de scolarité de ces masters seront modulés en fonction des revenus de la famille. Les étudiants boursiers, les étudiants handicapés et les étudiants ayant le statut de réfugié seront exonérés. Pour les autres, les droits s'échelonnent entre 1 500 et 4 000 euros par an, selon les revenus de la famille, et seront réduits par des abattements de 500 euros si la famille compte plus d'un enfant étudiant, et de 500 euros lorsque la résidence de la famille est située en dehors de l'Ile-de-France."
Un étudiant dont les parents disposent d'un revenu brut global inférieur à 40 000 euros par an devra s'acquitter de 1 500 euros en master de gestion. Un autre, dont les parents percoivent plus de 80 000 euros, paiera 4 000 euros.
L'affaire remonte à 2008. Paris-Dauphine avait alors proposé de transformer l'ensemble de ses licences et masters en diplômes d'établissement afin d'introduire des droits d'inscription. Dans un avis demandé par Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, le Conseil d'Etat avait alors estimé que l'université "a vocation, à titre principal, à délivrer des diplômes nationaux", et qu'une décision d'université "qui requalifierait à l'identique (…) un diplôme national en diplôme propre, aux seules fins d'échapper à la réglementation des droits d'inscription, pourrait être regardée comme entachée d'un détournement de pouvoir de nature à justifier son annulation contentieuse". Les leçons de cette expérience ont été tirées.
Cette fois, Dauphine a décidé de n'augmenter qu'une quarantaine de masters nationaux que l'université a transformés en masters d'établissement. Ce changement a été validé, en juillet 2009, par le Conseil national supérieur de l'enseignement supérieur et de la recherche. "Transformer un diplôme national en diplôme d'établissement, c'est le signe que l'on est sûr de la qualité des diplômes de notre université", explique-t-on à Dauphine.
"GHETTO DE RICHES"
De fait, si la réputation de Paris-Dauphine en gestion n'est plus à faire en France, l'université estime qu'elle doit investir beaucoup plus pour partir à la conquête de l'international, et donc diversifier ses ressources financières. Quatre millions d'euros pourraient ainsi entrer dans les caisses grâce à ces droits d'inscription.
Cette décision, qui devrait toucher 1 400 des 9 000 étudiants de l'établissement, ressemble à celle de Sciences Po Paris, qui, malgré des frais d'inscription annuels atteignant jusqu'à 12 500 euros en master, continue d'attirer les étudiants.
Cette "évolution" a déjà été condamnée par l'Union nationale des étudiants de France (Unef), lundi 1er février. Le syndicat étudiant estime que cette politique risque de transformer Dauphine en "ghetto de riches". L'UNEF "exige" que le gouvernement fasse respecter la loi.
Mme Pécresse devrait, de son côté, demander au recteur de Paris de vérifier la compatibilité de cette décision avec l'avis du Conseil d'Etat de février2008. Le ministère devra, en outre, veiller à l'accompagnement social des étudiants.
Philippe Jacqué
L'université Paris-Dauphine a décidé de mettre en place des frais d'inscription pouvant atteindre 4 000 euros par an (231 euros actuellement) pour certains de ses diplômes de master. Lundi 1er février, le conseil d'administration du prestigieux établissement a accepté, par 33 voix pour et 20 contre, le principe de "droits de scolarité applicables au master de Dauphine dans ses spécialités de gestion et d'économie internationale et de développement". En revanche, le montant des frais de scolarité des autres masters, ainsi que des licences, reste inchangé.
A la rentrée 2010, explique l'université dans un communiqué, "les droits de scolarité de ces masters seront modulés en fonction des revenus de la famille. Les étudiants boursiers, les étudiants handicapés et les étudiants ayant le statut de réfugié seront exonérés. Pour les autres, les droits s'échelonnent entre 1 500 et 4 000 euros par an, selon les revenus de la famille, et seront réduits par des abattements de 500 euros si la famille compte plus d'un enfant étudiant, et de 500 euros lorsque la résidence de la famille est située en dehors de l'Ile-de-France."
Un étudiant dont les parents disposent d'un revenu brut global inférieur à 40 000 euros par an devra s'acquitter de 1 500 euros en master de gestion. Un autre, dont les parents percoivent plus de 80 000 euros, paiera 4 000 euros.
L'affaire remonte à 2008. Paris-Dauphine avait alors proposé de transformer l'ensemble de ses licences et masters en diplômes d'établissement afin d'introduire des droits d'inscription. Dans un avis demandé par Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, le Conseil d'Etat avait alors estimé que l'université "a vocation, à titre principal, à délivrer des diplômes nationaux", et qu'une décision d'université "qui requalifierait à l'identique (…) un diplôme national en diplôme propre, aux seules fins d'échapper à la réglementation des droits d'inscription, pourrait être regardée comme entachée d'un détournement de pouvoir de nature à justifier son annulation contentieuse". Les leçons de cette expérience ont été tirées.
Cette fois, Dauphine a décidé de n'augmenter qu'une quarantaine de masters nationaux que l'université a transformés en masters d'établissement. Ce changement a été validé, en juillet 2009, par le Conseil national supérieur de l'enseignement supérieur et de la recherche. "Transformer un diplôme national en diplôme d'établissement, c'est le signe que l'on est sûr de la qualité des diplômes de notre université", explique-t-on à Dauphine.
"GHETTO DE RICHES"
De fait, si la réputation de Paris-Dauphine en gestion n'est plus à faire en France, l'université estime qu'elle doit investir beaucoup plus pour partir à la conquête de l'international, et donc diversifier ses ressources financières. Quatre millions d'euros pourraient ainsi entrer dans les caisses grâce à ces droits d'inscription.
Cette décision, qui devrait toucher 1 400 des 9 000 étudiants de l'établissement, ressemble à celle de Sciences Po Paris, qui, malgré des frais d'inscription annuels atteignant jusqu'à 12 500 euros en master, continue d'attirer les étudiants.
Cette "évolution" a déjà été condamnée par l'Union nationale des étudiants de France (Unef), lundi 1er février. Le syndicat étudiant estime que cette politique risque de transformer Dauphine en "ghetto de riches". L'UNEF "exige" que le gouvernement fasse respecter la loi.
Mme Pécresse devrait, de son côté, demander au recteur de Paris de vérifier la compatibilité de cette décision avec l'avis du Conseil d'Etat de février2008. Le ministère devra, en outre, veiller à l'accompagnement social des étudiants.
Philippe Jacqué
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