Le Figaro, 26 janvier 2010
L'économiste Philippe Aghion remet à Valérie Pécresse une étude comparant les systèmes d'enseignement supérieur.
Dans le processus de transformation radicale que vivent les universités françaises, un rapport commandé par Valérie Pécresse viendra mardi préparer les nouvelles étapes de l'évolution.
Rédigé par l'économiste Philippe Aghion, professeur à Harvard et membre du Conseil d'analyse économique, il s'intéresse aux «différents systèmes d'enseignement supérieur étrangers» à travers une analyse comparative des modes de gouvernance des universités.
Depuis l'adoption en 2000 par les différents pays européens de la «stratégie de Lisbonne» et de ses objectifs en matière de performance des systèmes éducatifs, et le processus de Bologne visant à faire émerger un espace commun pour l'enseignement supérieur, les systèmes des différents pays développés n'ont cessé de converger.
La prochaine étape sera donc, avec le grand emprunt, le développement d'un mode de gouvernance qui permette de gérer au mieux les moyens alloués pour promouvoir l'excellence en matière d'enseignement et de recherche.
Pour mener son étude, Philippe Aghion était entouré de huit experts internationaux, dont Michael Sohlman, directeur de la fondation Nobel, en Suède, Jo Ritzen, président de l'Université de Maastricht et ancien ministre de l'Éducation nationale des Pays-Bas, Andreu Mas Colell, président de l'European Research Council et professeur d'économie à l'Université Pompeu Fabra de Barcelone… tous impliqués dans les réformes qui ont touché les systèmes d'enseignement supérieur en Europe et aux États-Unis.
Quatre axes principaux
La lettre de mission de l'économiste lui fixait quatre axes principaux : la spécialisation progressive des étudiants du 1er cycle, les outils facilitant l'insertion professionnelle et son évaluation, la conciliation entre autonomie et ouverture des universités sur leur territoire et la mobilité internationale des étudiants et des professeurs.
Théoricien de l'éducation comme levier de la croissance, Philippe Aghion avait participé à la commission Attali pour la «libération de la croissance française».
Il est surtout l'auteur, avec l'économiste Elie Cohen, d'un rapport sur «Éducation et croissance», qui estimait que notre système, en 2004, était plus adapté à une économie en rattrapage par rapport à un pays leader qu'à une économie visant l'objectif fixé à Lisbonne par les chefs d'État européens de devenir «l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde».
Le rapport qu'il doit rendre à la ministre, Valérie Pécresse, se situe dans la continuité de ces travaux, puisqu'il explore, selon son auteur, «les déterminants de la croissance universitaire» au prisme de trois facteurs «essentiels : les moyens, l'autonomie et l'émulation entre les établissements».
Le rapport devrait mettre en avant le modèle des «boards of trustees» anglo-saxons, c'est-à-dire des conseils de gestion ouverts à des personnalités extérieures à l'université et capables de promouvoir l'innovation.
À l'heure où des critiques se font entendre sur les pouvoirs accrus des présidents d'université, un nouveau mode de gouvernance apparaîtrait comme un des critères de sélection, avec le développement de «clusters» (regroupements géographiques autour d'un domaine) pour attribuer les fonds du grand emprunt.