LE MONDE | 02.02.10
L'université Paris-Dauphine a décidé de mettre en place des frais d'inscription pouvant atteindre 4 000 euros par an (231 euros actuellement) pour certains de ses diplômes de master. Lundi 1er février, le conseil d'administration du prestigieux établissement a accepté, par 33 voix pour et 20 contre, le principe de "droits de scolarité applicables au master de Dauphine dans ses spécialités de gestion et d'économie internationale et de développement". En revanche, le montant des frais de scolarité des autres masters, ainsi que des licences, reste inchangé.
A la rentrée 2010, explique l'université dans un communiqué, "les droits de scolarité de ces masters seront modulés en fonction des revenus de la famille. Les étudiants boursiers, les étudiants handicapés et les étudiants ayant le statut de réfugié seront exonérés. Pour les autres, les droits s'échelonnent entre 1 500 et 4 000 euros par an, selon les revenus de la famille, et seront réduits par des abattements de 500 euros si la famille compte plus d'un enfant étudiant, et de 500 euros lorsque la résidence de la famille est située en dehors de l'Ile-de-France."
Un étudiant dont les parents disposent d'un revenu brut global inférieur à 40 000 euros par an devra s'acquitter de 1 500 euros en master de gestion. Un autre, dont les parents percoivent plus de 80 000 euros, paiera 4 000 euros.
L'affaire remonte à 2008. Paris-Dauphine avait alors proposé de transformer l'ensemble de ses licences et masters en diplômes d'établissement afin d'introduire des droits d'inscription. Dans un avis demandé par Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, le Conseil d'Etat avait alors estimé que l'université "a vocation, à titre principal, à délivrer des diplômes nationaux", et qu'une décision d'université "qui requalifierait à l'identique (…) un diplôme national en diplôme propre, aux seules fins d'échapper à la réglementation des droits d'inscription, pourrait être regardée comme entachée d'un détournement de pouvoir de nature à justifier son annulation contentieuse". Les leçons de cette expérience ont été tirées.
Cette fois, Dauphine a décidé de n'augmenter qu'une quarantaine de masters nationaux que l'université a transformés en masters d'établissement. Ce changement a été validé, en juillet 2009, par le Conseil national supérieur de l'enseignement supérieur et de la recherche. "Transformer un diplôme national en diplôme d'établissement, c'est le signe que l'on est sûr de la qualité des diplômes de notre université", explique-t-on à Dauphine.
"GHETTO DE RICHES"
De fait, si la réputation de Paris-Dauphine en gestion n'est plus à faire en France, l'université estime qu'elle doit investir beaucoup plus pour partir à la conquête de l'international, et donc diversifier ses ressources financières. Quatre millions d'euros pourraient ainsi entrer dans les caisses grâce à ces droits d'inscription.
Cette décision, qui devrait toucher 1 400 des 9 000 étudiants de l'établissement, ressemble à celle de Sciences Po Paris, qui, malgré des frais d'inscription annuels atteignant jusqu'à 12 500 euros en master, continue d'attirer les étudiants.
Cette "évolution" a déjà été condamnée par l'Union nationale des étudiants de France (Unef), lundi 1er février. Le syndicat étudiant estime que cette politique risque de transformer Dauphine en "ghetto de riches". L'UNEF "exige" que le gouvernement fasse respecter la loi.
Mme Pécresse devrait, de son côté, demander au recteur de Paris de vérifier la compatibilité de cette décision avec l'avis du Conseil d'Etat de février2008. Le ministère devra, en outre, veiller à l'accompagnement social des étudiants.
Philippe Jacqué