Le Monde, 14 décembre 2009
Attendu sur sa politique de sortie de crise, Nicolas Sarkozy a choisi un exercice qu'il n'affectionne guère – une conférence de presse, la deuxième de son quinquennat – pour en dévoiler les grandes lignes et rendre publics ses arbitrages sur l'emprunt et le financement des priorités d'avenir.
Comme les dernières semaines le laissaient présager, le chef de l'Etat a choisi de suivre, pour l'essentiel, les recommandations de la commission Juppé-Rocard, dont il a salué le travail, et de donner aux marchés, aux agences de notation et à la Commission européenne des signes de sa volonté de redresser les finances publiques.
L'Etat investira donc 35 milliards d'euros – dont 22 milliards seront levés sur les seuls marchés – dans cinq, et non plus sept, priorités d'avenir: enseignement supérieur et formation, recherche, industrie et PME, numérique et développement durable. Le volet industriel du plan d'investissement a été musclé et sera articulé avec les Etats généraux de l'industrie.
LE BAS DE LA FOURCHETTE
Le suivi du dispositif est confié à un commissaire général à l'investissement placé sous l'autorité du premier ministre. Ce poste a été proposé à René Ricol, qui fut le premier médiateur du crédit. Enfin, pour respecter l'engagement du gouvernement d'une "parité absolue des efforts de recherche entre le nucléaire et les énergies renouvelables", le CEA va devenir le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
Les 35 milliards d'investissement de l'Etat comportent les 13 milliards déjà remboursés par les banques. L'Etat n'aura qu'à emprunter 22 milliards. Soit le bas de la fourchette évoquée par le chef de l'Etat.
Le message adressé aux marchés et à l'Union européenne est clair: le président a donné raison dans son entourage à tous ceux qui s'inquiétaient de l'état des finances publiques et plaidaient pour une opération d'ampleur bien plus limitée que les 100 milliards un temps rêvés par Henri Guaino. Le premier ministre, François Fillon, et les deux colocataires de Bercy, Christine Lagarde (économie) et Eric Woerth (budget), ont obtenu gain de cause sur toute la ligne.
"MOINS DE DÉPENSES COURANTES"
L'emprunt, levé sur les marchés et non souscrit auprès des particuliers – "solliciter le public à hauteur de 10 milliards nous aurait coûté un milliard de plus", a précisé le chef de l'Etat dans son discours introductif – devrait être relativement anodin à financer. L'Agence France-Trésor étant en train d'effectuer des rachats de titres arrivant à échéance en 2010 pour une dizaine de milliards, ce sont en réalité un peu moins de dix milliards supplémentaires qui devront être levés. Une telle opération n'est pas de nature à menacer la qualité de signature de la France ni sa capacité à emprunter. La durée de vie moyenne de la dette (six ans et sept mois) n'a pas bougé et le risque de remontée des taux apparaît pour l'heure limité.
Dans la seconde partie de son intervention préliminaire, Nicolas Sarkozy est longuement revenu sur la compatibilité de l'emprunt avec la stratégie globale de rétablissement des comptes publics. Il a aussi indiqué, comme le souhaitait M.Woerth, que "les intérêts de l'emprunt seront immédiatement gagés par des économies supplémentaires sur les dépenses courantes de l'Etat". "Plus d'investissements d'avenir, moins de dépenses courantes: c'est notre ligne d'action", a-t-il affirmé. "La solution n'est pas d'augmenter les impôts. Il faut donc dépenser moins et dépenser mieux", a-t-il ajouté, en rappelant la tenue, en janvier, d'une conférence sur le déficit de la France qui réunira les représentants de l'Etat, la Sécurité sociale et les associations d'élus locaux.
Le chef de l'Etat a également exprimé le souhait qu'un débat ait lieu en France, comme il a eu lieu en Allemagne, sur la nécessité de se doter de règles budgétaires contraignantes pour revenir à l'équilibre des comptes publics.
S'il est félicité de la résistance de l'économie française dans la crise, le chef de l'Etat n'en a pas moins souligné les difficultés du moment. "La situation reste très difficile pour nos concitoyens: les destructions d'emplois se poursuivent, le chômage touche beaucoup de famille", a-t-il insisté, sans dissimuler certaines de nos faiblesses.
60 MILLIARDS D'INVESTISSEMENTS AU TOTAL
La France, a-t-il ainsi relevé, a sacrifié l'investissement, alors que c'est de lui que "naît le progrès technique, moteur de la croissance", et elle a vu sa compétitivité s'éroder. Pour qu'elle "puisse profiter pleinement de la reprise, pour qu'elle soit plus forte, plus compétitive, pour qu'elle crée plus d'emplois", 35 milliards seront donc mobilisés par l'Etat pour financer cinq priorités d'avenir.
Par effet de levier vis-à-vis des financements privés, locaux et européens, le président en espère 60 milliards d'investissements au total. Soit un montant global supérieur à celui du plan de relance (39,1 milliards en 2009 et 7,1 milliards en 2010). L'effort de soutien à l'économie est poursuivi en 2010: il apparaît d'autant plus nécessaire que la sortie de crise est incertaine.
L'accent est donc mis sur tout ce qui pourra relever la croissance potentielle de la France, en particulier la recherche et l'innovation. Onze milliards seront consacrés à l'enseignement supérieur et à la formation, dont huit serviront à "faire émerger cinq à dix campus d'excellence ayant les moyens, la taille critique et les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleurs universités mondiales". Un système de dotation permettra aussi aux universités de disposer de ressources pérennes non soumises aux aléas des arbitrages budgétaires.
"PRÉPARER L'AVENIR"
L'Etat investira aussi 500 millions dans la rénovation les centres de formation, le développement de l'apprentissage et la création d'internats d'excellence. En matière de recherche (8 milliards), deux priorités sont avancées: une politique de valorisation visant à "amener les travaux de nos laboratoires vers les applications industrielles" (3,5 milliards) et la santé et les biotechnologies (2,5 milliards).
Quelque 6,5 milliards serviront à soutenir l'industrie et les PME, qu'il s'agisse d'aider "nos filières d'excellence à préparer l'avenir" – en particulier l'aéronautique, le spatial, l'automobile, mais aussi le ferroviaire et la construction navale – ou d'aider à l'émergence d'une nouvelle politique industrielle. Le développement durable bénéficiera de 5 milliards supplémentaires en plus de ce qui est déjà prévu dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Enfin, 4,5 milliards serviront à accélérer le passage à l'économie numérique, avec un plan "comparable à l'effort que fit notre pays dans les années 1970 pour le téléphone", et qui sera présenté par le gouvernement "dans les prochains jours". "Je souhaite que ces priorités d'avenir, nous les partagions avec nos partenaires européens pour qu'elles constituent notre contribution à une nouvelle stratégie de croissance européenne après la crise", a conclu le chef de l'Etat.
Claire Guélaud
mercredi 30 décembre 2009
La communauté universitaire est divisée sur les milliards du grand emprunt
Le Monde, 18 décembre 2009
Coup de pub pour les uns, marque de confiance aux universités pour les autres, le "grand emprunt" de Nicolas Sarkozy divise la communauté universitaire. L'annonce faite par le président de la République, lundi 14 décembre, d'un investissement de 19 milliards d'euros, dont 8 destinés à une dizaine de pôles d'excellence universitaire, a été reçue différemment par les syndicats et les présidents.
Premiers à monter au créneau, les syndicats d'enseignants-chercheurs estiment que cette annonce est d'abord un "terrible aveu du pouvoir" : "Aveu que l'Etat depuis non seulement 2007, mais au moins 2002, n'a pas investi dans l'avenir", souligne le SGEN-CFDT. L'intersyndicale FSU-CGT-UNSA juge de plus que ces sommes ne servent qu'à "illusionner nos concitoyens", car "une bonne part de (ces milliards) seront des dotations en capital pour les universités, qui devront les placer et ne pourront en utiliser que les intérêts."
Sur les huit milliards d'euros, une partie, non encore déterminée, devrait être tout de suite consommable par une dizaine de campus sélectionnés, a pourtant assuré Valérie Pécresse, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le 15 décembre.
L'autre partie sera effectivement gérée par les fondations des établissements et pourrait rapporter jusqu'à 50 millions d'euros par an. A mettre en relation avec le plus important budget d'université (celui de Paris-VI) qui atteint aujourd'hui 470 millions d'euros.
"Cet effort inédit est exceptionnel, salue Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'université (CPU). Obtenir chaque année, en plus de notre budget, 50 millions d'euros, changera notre quotidien." Enfin, celui de la dizaine d'établissements ou de regroupements retenus.
L'attribution de cette manne par appel d'offres à quelques "happy few" risque d'entraîner la création d'"un système universitaire à deux vitesses", dénonce l'UNEF, principale organisation d'étudiants. "Ce choix, en rupture complète avec le principe d'égalité républicaine, entérine la création de déserts de recherche et d'enseignement supérieur", s'insurge l'intersyndicale.
Les présidents d'université ne veulent pas croire à ce scénario. "Aujourd'hui, l'Etat va aider dix campus multidisciplinaires à entrer dans la compétition mondiale. Dans le même temps, il financera, via d'autres appels d'offres également annoncés par le chef de l'Etat, des établissements sur leurs spécialités tant en matière de recherche que de formation", souligne M. Collet. Ainsi, le grand emprunt devrait-il largement irriguer. "Nous n'avons pas la capacité de répondre à l'appel d'offres "grand campus", reconnaît Christian Lerminiaux, président de l'université technologique de Troyes. Mais nous pouvons concourir sur des appels d'offres annexes."
Méga-universités
Les présidents demandent que les projets de campus d'excellence puissent se faire à des échelles différentes selon les régions. "A Lyon, nous souhaitons candidater au niveau de la métropole, qui regroupe les établissements de Lyon et Saint-Etienne", explique Michel Lussault, président du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de l'université de Lyon.
En Bretagne et pays de la Loire, est évoquée l'idée d'une "université fédérale du Grand Ouest", tandis que Dijon et Besançon se présenteront unies comme les universités normandes...
Outre les réticences sur la mise en place de ces méga-universités, les syndicats, marqués par la crise financière de 2008, craignent les risques inhérents aux placements.
Pourtant, explique Patrick Llerena, directeur de la fondation de l'université de Strasbourg, "le risque n'est pas tant de gérer des sommes importantes, que de savoir les dépenser ! Chaque université aura les moyens, hors soutien de l'Etat, de mener sa propre politique scientifique ou d'investissement. L'autonomie, c'est faire des choix, bons ou mauvais, et les assumer."
Philippe Jacqué
Coup de pub pour les uns, marque de confiance aux universités pour les autres, le "grand emprunt" de Nicolas Sarkozy divise la communauté universitaire. L'annonce faite par le président de la République, lundi 14 décembre, d'un investissement de 19 milliards d'euros, dont 8 destinés à une dizaine de pôles d'excellence universitaire, a été reçue différemment par les syndicats et les présidents.
Premiers à monter au créneau, les syndicats d'enseignants-chercheurs estiment que cette annonce est d'abord un "terrible aveu du pouvoir" : "Aveu que l'Etat depuis non seulement 2007, mais au moins 2002, n'a pas investi dans l'avenir", souligne le SGEN-CFDT. L'intersyndicale FSU-CGT-UNSA juge de plus que ces sommes ne servent qu'à "illusionner nos concitoyens", car "une bonne part de (ces milliards) seront des dotations en capital pour les universités, qui devront les placer et ne pourront en utiliser que les intérêts."
Sur les huit milliards d'euros, une partie, non encore déterminée, devrait être tout de suite consommable par une dizaine de campus sélectionnés, a pourtant assuré Valérie Pécresse, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le 15 décembre.
L'autre partie sera effectivement gérée par les fondations des établissements et pourrait rapporter jusqu'à 50 millions d'euros par an. A mettre en relation avec le plus important budget d'université (celui de Paris-VI) qui atteint aujourd'hui 470 millions d'euros.
"Cet effort inédit est exceptionnel, salue Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'université (CPU). Obtenir chaque année, en plus de notre budget, 50 millions d'euros, changera notre quotidien." Enfin, celui de la dizaine d'établissements ou de regroupements retenus.
L'attribution de cette manne par appel d'offres à quelques "happy few" risque d'entraîner la création d'"un système universitaire à deux vitesses", dénonce l'UNEF, principale organisation d'étudiants. "Ce choix, en rupture complète avec le principe d'égalité républicaine, entérine la création de déserts de recherche et d'enseignement supérieur", s'insurge l'intersyndicale.
Les présidents d'université ne veulent pas croire à ce scénario. "Aujourd'hui, l'Etat va aider dix campus multidisciplinaires à entrer dans la compétition mondiale. Dans le même temps, il financera, via d'autres appels d'offres également annoncés par le chef de l'Etat, des établissements sur leurs spécialités tant en matière de recherche que de formation", souligne M. Collet. Ainsi, le grand emprunt devrait-il largement irriguer. "Nous n'avons pas la capacité de répondre à l'appel d'offres "grand campus", reconnaît Christian Lerminiaux, président de l'université technologique de Troyes. Mais nous pouvons concourir sur des appels d'offres annexes."
Méga-universités
Les présidents demandent que les projets de campus d'excellence puissent se faire à des échelles différentes selon les régions. "A Lyon, nous souhaitons candidater au niveau de la métropole, qui regroupe les établissements de Lyon et Saint-Etienne", explique Michel Lussault, président du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de l'université de Lyon.
En Bretagne et pays de la Loire, est évoquée l'idée d'une "université fédérale du Grand Ouest", tandis que Dijon et Besançon se présenteront unies comme les universités normandes...
Outre les réticences sur la mise en place de ces méga-universités, les syndicats, marqués par la crise financière de 2008, craignent les risques inhérents aux placements.
Pourtant, explique Patrick Llerena, directeur de la fondation de l'université de Strasbourg, "le risque n'est pas tant de gérer des sommes importantes, que de savoir les dépenser ! Chaque université aura les moyens, hors soutien de l'Etat, de mener sa propre politique scientifique ou d'investissement. L'autonomie, c'est faire des choix, bons ou mauvais, et les assumer."
Philippe Jacqué
mercredi 16 décembre 2009
Universités : pourquoi il faut proposer 50 milliards d’euros de dotation en capital
Universités : pourquoi il faut proposer 50 milliards d’euros de dotation en capital
24/11/2009 |
http://blogs.lesechos.fr//article.php?id_article=3254
Par Jacques Delpla
C’est probablement dans ce domaine que la Commission Grand Emprunt doit faire face à l’Histoire.
1 UNIVERSITES : POURQUOI IL FAUT PROPOSER 50 Md€ DE DOTATION EN CAPITAL
Une grande ambition pour nos universités : des dotations de 50 Md€ pour nos universités (sous conditions). La Proposition pratique est en page 3.
C’est probablement dans ce domaine que la Commission Grand Emprunt doit faire face à l’Histoire.
L’Histoire ne repasse les plats ou pour être plus élégant, saisissons aujourd’hui le KAIROS : nous avons été mandatés pour investir dans l’avenir et il n’y a pas plus bel et meilleur investissement que celui dans l’intelligence et l’éducation supérieure.
C’est la dernière chance avant la grande austérité budgétaire. Si la France ne fait pas un effort massif aujourd’hui en dotant significativement les universités avec le Grand Emprunt, alors la rigueur budgétaire à venir (avec ou sans règle budgétaire, il faudra revenir à l’équilibre budgétaire à moyen terme) risque d’étouffer l’université.
Si nous n’affichons pas la nécessité de doter aujourd’hui massivement les universités, notre commission n’aura pas su saisir la dernière occasion historique de rattrapage.
Une fois de plus, la crise actuelle promet des lendemains de rigueur budgétaire, sans dotation massive des universités aujourd’hui, l’université restera pauvre pendant au moins 2 générations.
L’université est l’une des priorités du quinquennat du Président de la République. Saisissons cette impulsion. Le/la prochain/e Président/e aura nécessairement une autre priorité : la réduction des déficits. L’université passera alors au second ou Nème plan.
Autant on peut trouver des arguments pour / contre des investissements publics dans certains marchés / secteurs que nous envisageons par ailleurs, autant pour les Universités tout plaide pour un effort massif de la Commission Grand Emprunt :
Le retard de l’enseignement supérieur français, pris dans son ensemble -même s’il y a des pôles d’excellence- est là pour nous le rappeler [1] . Si nous ne faisons pas un effort aujourd’hui, l’université française aura du mal à rattraper son retard.
La Faiblesse des budgets en faveur de l’enseignement en France, comparé aux États-Unis notamment (cf. les travaux de Philippe Aghion et Elie Cohen au CAE).
En France, les financements ne viendront pas du privé avant très longtemps.
Dotations en capital
Ici, pas besoin de réinventer la roue. Le bon modèle existe ailleurs : l’université (ou l’établissement d’enseignement supérieur) autonome avec une dotation en capital. Cela existe et fonctionne avec succès aux USA, à Oxford, Cambridge, LSE…
À la différence avec l’investissement en technologies X ou Y, ici il n’y a pas de risque financier significatif. Les dotations aux universités sont investies sur les marchés (avec prudence), et seuls les rendements de ces dotations sont distribués à la recherche et enseignement supérieur.
La distribution de ces revenus des dotations serait faite selon des critères d’excellence.
Aux États-Unis, les revenus privés (essentiellement issus des dotations) financent 35% des budgets des universités ; l’État (directement pour les Universités publiques ou via des contrats pour toutes les universités) finance 50% ; les frais d’inscription des étudiants financent le reste (15%).
Aux États-Unis, les dotations en capital des principales Universités sont de 300 Md€ au total (les 76 ayant une dotation > 1Md€), avec une forte inégalité (150 Md€ pour les 10 premières, 56 Md€ pour les 10 suivantes, 28 Md€ pour les 10 suivantes) [2]. Ces chiffres n’incluent pas les dotations hors universités (NSF, Institute of Advanced Studies).
En outre, il y a dans aux USA et en GB des agences de moyens avec de larges budgets annuels : ESRC en GB, NSF aux USA et les 30 Md$ de financement annuels de financement de la recherche en santé du National Institutes of Health (ce qui prorata en PPP ferait 4,5 Md€ pour la France, alors que le budget de l’INSERM est de 0,750 Md€ en 2009 ! ) [3].
En France, une dotation équivalente à celle des US serait au moins de 50 Md€ (pro rata PIB en PPP).
À la différence des déficits publics actuels (surtout des dépenses de fonctionnement et de transferts), une levée massive de fonds pour les universités (50 Mds) n’endette pas le pays de manière économique. En face de la dette brute de 50 Md€, il y a des actifs financiers de 50 Mds€, tangibles.
En cas de crise de financement, l’État pourrait toujours en dernier ressort vendre ces actifs. Les marchés le sachant comprendront l’utilité de cet endettement et ne s’en émouvront pas (surtout si les actifs sont vendables).
Donc, les revenus des dotations ne doivent pas financer de dépenses permanentes (de type dotations budgétaire inconditionnelle ou contrat de la fonction publique), afin de ne pas créer d’irréversibilité dans les dépenses.
2 UNIVERSITES : PROPOSITIONS
Notre commission doit proposer des objectifs de Grand Emprunt qui soient endogènes aux engagements du gouvernement par ailleurs et endogènes à la qualité des investissements :
· Proposons un Montant qui serait souhaitable en cas de vertu budgétaire (ou au moins de convergence vers). Quel devrait être le niveau de dotation souhaitable des universités françaises ?
· Et un Scénario faible : si le Gouvernement n’est pas capable de s’engager crédiblement à restaurer la vertu budgétaire.
Comment faire ? Comment le présenter ?
Une dotation de 50 Md€ est souhaitable pour les Universités Françaises pour les ramener à la frontière d’efficacité mondiale. À long terme, l’investissement dans l’éducation supérieure est le meilleur levier sur la croissance (voir les excellents rapports d’Elie Cohen et al. au CAE).
Si l’État ne sent pas capable de lever autant de dette (parce qu’il penserait que sa crédibilité budgétaire en serait réduite), alors ce devrait être moins. Combien ? La réponse à la cette question n’est pas du ressort de notre Commission, mais du Gouvernement et du Parlement à qui il revient d’apprécier la situation budgétaire d’ensemble ainsi que la dynamique de notre dette.
Cet argent serait géré directement par l’État (Trésor ou Banque de France pour le compte du Trésor [4] ). Les universités n’ont aucune compétence en la matière.
Si les universités géraient le capital en direct, à la première erreur de gestion ou fraude, le système global s’effondrerait sous les critiques externes. Par ailleurs, je présume que jamais le Parlement et/ou Bercy n’accepteraient des dotations massives aux universités s’ils savaient que celles-ci les géreraient en propre. Si Bercy et le Parlement savent qu’un jour ils peuvent reprendre le capital, ils seront moins réticents aujourd’hui à doter les universités de 50 Md€.
Enfin, en gestion d’actif, les frais sont importants, il y a des rendements d’échelle, même s’il faut éviter les monopoles (je suggérerais 3 ou 4 fonds différents logés au Trésor ou la BdF, pour favoriser la concurrence par comparaison et éviter l’effet FRR [5]).
Qui devrait recevoir ?
Les meilleurs lieux dans les établissements d’enseignement supérieurs en termes d’excellence dans la recherche : départements, labos, chercheurs… Il faut que ce soit à l’échelle de la revue des pairs : ceux-ci peuvent juger un chercheur, un labo, un département, mais pas une université dans son ensemble. Toujours avec des critères d’excellence.
Prendre comme récipiendaire essentiel l’université ou établissement supérieur, les fonds pourraient être ciblés sur les départements, mais affectés financièrement aux universités, qui garderaient un % de la dotation.
J’emploie ci après le terme d’« Université » pour établissement d’enseignement supérieur et de recherche.
Dotations non consomptibles. Seuls les revenus du capital iraient aux Universités.
Universités se verraient attribuer un capital notionnel, dont elles percevraient les revenus. Comme il faut toujours laisser la possibilité (théorique) aux majorités futures de revendre ce capital (condition pour avoir aujourd’hui une dotation de 50 Md€), les universités ne doivent recevoir que le revenus du capital et ne se voir attribuer que du capital notionnel (la vraie propriété du capital demeure celle du Trésor).
Cette attribution des revenus du capital doit se faire selon les meilleurs principes d’excellence et de gouvernance.
Une université qui ne remplirait plus ces critères d’excellence se verrait retirer son capital notionnel.
--------------------------------------------------------------------------------
Schéma du système de financement des universités
Je suggère la proposition suivante dans le rapport :
« Notre Commission estime qu’en quelques années, la France devrait doter son système d’enseignement supérieur et de recherche de 50 Milliards d’euros en capital. Une dotation de 50 Md€ mettrait enfin les établissements d’enseignement supérieur et de recherche au niveau notamment des grandes universités américaines.
« Le standard mondial des meilleures universités repose sur le tryptique ‘autonomie’, ‘règles d’excellence et de concurrence dans l’attribution des crédits et dans la gouvernance’, ‘dotations en capital’.
Si les universités françaises ne sont pas dotées en capital, elles seront entravées dans la concurrence scientifique internationale.
« 50 Md€ peut paraître énorme, mais seuls les revenus financiers de ces dotations seraient consacrés à l’enseignement supérieur / recherche, soit de 1,5Md€ à 3Md€ par an. Ce capital ne seraient ainsi pas du tout consommé, rassurant à la fois la Nation, les générations futures, nos partenaires européens et nos créanciers sur le fait que cette partie du Grand Emprunt demeurera toujours intacte et pleinement à l’actif de l’État. Ce capital pourrait toujours être revendu, soit en cas de crise, soit si une majorité future estimait que la priorité d’alors ne serait plus le financement d’universités de rang mondial.
« En pratique, le Trésor (ou, de préférence, la Banque de France) gérerait financièrement cette somme, avec appels d’offre après décisions stratégiques d’allocations d’actifs, selon les meilleures pratiques et critères du marché, en diversifiant les risques. Ainsi, les universités ne géreraient pas cet argent, car ce n’est pas leur avantage comparatif. Chaque récipiendaire recevrait une partie notionnelle de ce capital et les revenus bien réels qui en découlent. L’attribution de ce capital notionnel ne serait pas définitive, mais soumise à revue pluri-annuelle.
« Cette attribution des revenus du capital se ferait selon les meilleurs principes d’excellence et de gouvernance. Il ne s’agit pas de reconstruire une nouvelle administration de la Recherche, mais d’attribuer les fonds aux universités en fonction du jugement des pairs (en prenant les meilleurs), selon des procédures simples, légères et rapides. Plutôt que de multiplier les contrôles bureaucratiques, il vaut mieux se fier au jugement des meilleurs chercheurs internationaux de chaque discipline (ou de ceux qu’ils auraient désignés).
« Une université qui ne remplirait plus ces critères d’excellence se verrait retirer son capital notionnel.
« Une évaluation de ces procédures d’allocation doit se faire ex post, en y consacrant [0,1]% du capital géré.
« 50 Md€ est-ce trop ? Si l’État ne sent pas capable de lever autant de dette (parce qu’il penserait que sa crédibilité budgétaire en serait réduite), alors ce devrait être moins. Combien ? La réponse à la cette question n’est pas du ressort de notre Commission, mais du Gouvernement et du Parlement à qui il revient d’apprécier la situation budgétaire d’ensemble ainsi que la dynamique de notre dette publique.
3. Annexe : dotations des universités US, 2009
Source : National Association of College and University Business Officers
| |Endowment(2007) billion USD| Endowment (2008) billion USD|Somme De 1 à N|Rang|
|Harvard University|34.635|36.556|36.6|1|
|Yale University|22.53|22.87|59.4|2|
|Stanford University|17.165|17.2|76.6|3|
|Princeton University|15.787|16.349|93.0|4|
|University of Texas System |15.614|16.111|109.1|5|
|Massachusetts Institute of Technology|9.98|10.069|119.2|6|
|University of Michigan|7.09|7.572|126.7|7|
|Northwestern University|6.503|7.244|134.0|8|
|Columbia University|7.15|7.147|141.1|9|
|Texas A&M University System |6.59|6.659|147.8|10|
|University of Chicago|6.204|6.632|154.4|11|
|University of Pennsylvania|6.635|6.233|160.6|12|
|University of Notre Dame|5.977|6.226|166.9|13|
|University of California (system-wide)|6.439|6.217|173.1|14|
|Duke University|5.91|6.124|179.2|15|
|Emory University|5.562|5.473|184.7|16|
|Cornell University|5.425|5.385|190.1|17|
|Washington University in St. Louis|5.658|5.35|195.4|18|
|Rice University|4.67|4.61|200.0|19|
|University of Virginia|4.37|4.573|204.6|20|
|Dartmouth College|3.76|3.66|208.3|21|
|University of Southern California|3.715|3.589|211.8|22|
|Vanderbilt University|3.487|3.524|215.4|23|
|University of Minnesota|2.804|2.751|218.1|24|
|Brown University|2.781|2.747|220.9|25|
|Johns Hopkins University|2.8|2.525|223.4|26|
|New York University|2.162|2.475|225.9|27|
|Univ of North Carolina at Chapel Hill|2.164|2.359|228.2|28|
|University of Pittsburgh|2.254|2.334|230.6|29|
|University of Washington|2.184|2.262|232.8|30|
|Ohio State University|2.338|2.076|234.9|31|
|Rockefeller University|2.144|2.021|236.9|32|
|California Institute of Technology|1.86|1.892|238.8|33|
|Williams College|1.892|1.808|240.6|34|
|Pomona College|1.761|1.794|242.4|35|
|Case Western Reserve University|1.841|1.766|244.2|36|
|Purdue University (system-wide)|1.787|1.736|245.9|37|
|University of Wisconsin–Madison|1.645|1.735|247.7|38|
|University of Rochester|1.726|1.731|249.4|39|
|Amherst College|1.662|1.705|251.1|40|
|University of Richmond|1.655|1.704|252.8|41|
|Boston College|1.67|1.631|254.4|42|
|Wellesley College|1.657|1.611|256.0|43|
|Indiana University (system-wide)|1.557|1.546|257.6|44|
|Pennsylvania State University|1.59|1.545|259.1|45|
|Grinnell College|1.718|1.472|260.6|46|
|University of Illinois (system-wide)|1.515|1.46|262.1|47|
|Tufts University|1.452|1.446|263.5|48|
|Swarthmore College|1.441|1.413|264.9|49|
|Southern Methodist University(SMU)|1.328|1.368|266.3|50|
|Smith College|1.361|1.366|267.7|51|
|Yeshiva University|1.41|1.345|269.0|52|
|Georgia Institute of Technology|1.281|1.344|270.3|53|
|University of Delaware|1.397|1.34|271.7|54|
|Michigan State University|1.248|1.282|273.0|55|
|Texas Christian University|1.187|1.26|274.2|56|
|George Washington University|1.147|1.256|275.5|57|
|Wake Forest University|1.249|1.254|276.7|58|
|Univ of Florida (UF Foundation only)|1.219|1.251|278.0|59|
|University of Nebraska (system-wide)|1.277|1.221|279.2|60|
|University of Kansas (system-wide)|1.239|1.218|280.4|61|
|University of Oklahoma|1.114|1.155|281.6|62|
|Boston University|1.101|1.145|282.7|63|
|Lehigh University|1.086|1.127|283.9|64|
|University of Cincinnati|1.185|1.099|284.9|65|
|Baylor College of Medicine|1.278|1.091|286.0|66|
|Carnegie Mellon University|1.116|1.068|287.1|67|
|Baylor University|1.278|1.06|288.2|68|
|Georgetown University|1.059|1.059|289.2|69|
|UCLA|0.975|1.054|290.3|70|
|Tulane University|1.009|1.036|291.3|71|
|Trinity University (Texas)|0.931|1.035|292.4|72|
|University of Missouri (system-wide)|1.098|1.025|293.4|73|
|Berea College|1.102|1.023|294.4|74|
|Princeton Theological Seminary|1.109|1.018|295.4|75|
|Syracuse University|1.086|0.985|296.4|76|
Jacques Delpla
[1] On notera que la Californie, avec une population (38 Mn vs 62 mn) et un PIB inférieur à celui de la France (1847 Md$ vs 1900 Md€) a beaucoup plus d’universités de rang international que la France. D’après le classement de Shangaï 2009 (même s’il est très contesté…), parmi les 50 premières universités, on en compte 10 en Californie, contre 2 en France.
[2] Source NATIONAL ASSOCIATION OF COLLEGE AND UNIVERSITY BUSINESS OFFICERS
[3] Certes il faut rajouter à l’INSERM, le dépt des sciences du vivant du CNRS et celui du CEA…
[4] Le choix de la Banque de France serait astucieux à plusieurs titres : 1) La BdF a une meilleure expérience de gestion d’actifs sur les marchés (gestion des réserves de changes et de l’or) que le Trésor, qui gère soit des passifs, soit des participations dans entreprises publiques, qui ressortissent à la gestion de holding et non à la gestion de marché. 2) il rassurerait les marchés pour qui la BdF est une institution respectable, prudente et conservatrice financièrement.
[5] Le FRR, seul, a fait récemment de très mauvaises allocations stratégiques d’actifs en réduisant son exposition aux actions au T1 2009, au plus bas du marché !
24/11/2009 |
http://blogs.lesechos.fr//article.php?id_article=3254
Par Jacques Delpla
C’est probablement dans ce domaine que la Commission Grand Emprunt doit faire face à l’Histoire.
1 UNIVERSITES : POURQUOI IL FAUT PROPOSER 50 Md€ DE DOTATION EN CAPITAL
Une grande ambition pour nos universités : des dotations de 50 Md€ pour nos universités (sous conditions). La Proposition pratique est en page 3.
C’est probablement dans ce domaine que la Commission Grand Emprunt doit faire face à l’Histoire.
L’Histoire ne repasse les plats ou pour être plus élégant, saisissons aujourd’hui le KAIROS : nous avons été mandatés pour investir dans l’avenir et il n’y a pas plus bel et meilleur investissement que celui dans l’intelligence et l’éducation supérieure.
C’est la dernière chance avant la grande austérité budgétaire. Si la France ne fait pas un effort massif aujourd’hui en dotant significativement les universités avec le Grand Emprunt, alors la rigueur budgétaire à venir (avec ou sans règle budgétaire, il faudra revenir à l’équilibre budgétaire à moyen terme) risque d’étouffer l’université.
Si nous n’affichons pas la nécessité de doter aujourd’hui massivement les universités, notre commission n’aura pas su saisir la dernière occasion historique de rattrapage.
Une fois de plus, la crise actuelle promet des lendemains de rigueur budgétaire, sans dotation massive des universités aujourd’hui, l’université restera pauvre pendant au moins 2 générations.
L’université est l’une des priorités du quinquennat du Président de la République. Saisissons cette impulsion. Le/la prochain/e Président/e aura nécessairement une autre priorité : la réduction des déficits. L’université passera alors au second ou Nème plan.
Autant on peut trouver des arguments pour / contre des investissements publics dans certains marchés / secteurs que nous envisageons par ailleurs, autant pour les Universités tout plaide pour un effort massif de la Commission Grand Emprunt :
Le retard de l’enseignement supérieur français, pris dans son ensemble -même s’il y a des pôles d’excellence- est là pour nous le rappeler [1] . Si nous ne faisons pas un effort aujourd’hui, l’université française aura du mal à rattraper son retard.
La Faiblesse des budgets en faveur de l’enseignement en France, comparé aux États-Unis notamment (cf. les travaux de Philippe Aghion et Elie Cohen au CAE).
En France, les financements ne viendront pas du privé avant très longtemps.
Dotations en capital
Ici, pas besoin de réinventer la roue. Le bon modèle existe ailleurs : l’université (ou l’établissement d’enseignement supérieur) autonome avec une dotation en capital. Cela existe et fonctionne avec succès aux USA, à Oxford, Cambridge, LSE…
À la différence avec l’investissement en technologies X ou Y, ici il n’y a pas de risque financier significatif. Les dotations aux universités sont investies sur les marchés (avec prudence), et seuls les rendements de ces dotations sont distribués à la recherche et enseignement supérieur.
La distribution de ces revenus des dotations serait faite selon des critères d’excellence.
Aux États-Unis, les revenus privés (essentiellement issus des dotations) financent 35% des budgets des universités ; l’État (directement pour les Universités publiques ou via des contrats pour toutes les universités) finance 50% ; les frais d’inscription des étudiants financent le reste (15%).
Aux États-Unis, les dotations en capital des principales Universités sont de 300 Md€ au total (les 76 ayant une dotation > 1Md€), avec une forte inégalité (150 Md€ pour les 10 premières, 56 Md€ pour les 10 suivantes, 28 Md€ pour les 10 suivantes) [2]. Ces chiffres n’incluent pas les dotations hors universités (NSF, Institute of Advanced Studies).
En outre, il y a dans aux USA et en GB des agences de moyens avec de larges budgets annuels : ESRC en GB, NSF aux USA et les 30 Md$ de financement annuels de financement de la recherche en santé du National Institutes of Health (ce qui prorata en PPP ferait 4,5 Md€ pour la France, alors que le budget de l’INSERM est de 0,750 Md€ en 2009 ! ) [3].
En France, une dotation équivalente à celle des US serait au moins de 50 Md€ (pro rata PIB en PPP).
À la différence des déficits publics actuels (surtout des dépenses de fonctionnement et de transferts), une levée massive de fonds pour les universités (50 Mds) n’endette pas le pays de manière économique. En face de la dette brute de 50 Md€, il y a des actifs financiers de 50 Mds€, tangibles.
En cas de crise de financement, l’État pourrait toujours en dernier ressort vendre ces actifs. Les marchés le sachant comprendront l’utilité de cet endettement et ne s’en émouvront pas (surtout si les actifs sont vendables).
Donc, les revenus des dotations ne doivent pas financer de dépenses permanentes (de type dotations budgétaire inconditionnelle ou contrat de la fonction publique), afin de ne pas créer d’irréversibilité dans les dépenses.
2 UNIVERSITES : PROPOSITIONS
Notre commission doit proposer des objectifs de Grand Emprunt qui soient endogènes aux engagements du gouvernement par ailleurs et endogènes à la qualité des investissements :
· Proposons un Montant qui serait souhaitable en cas de vertu budgétaire (ou au moins de convergence vers). Quel devrait être le niveau de dotation souhaitable des universités françaises ?
· Et un Scénario faible : si le Gouvernement n’est pas capable de s’engager crédiblement à restaurer la vertu budgétaire.
Comment faire ? Comment le présenter ?
Une dotation de 50 Md€ est souhaitable pour les Universités Françaises pour les ramener à la frontière d’efficacité mondiale. À long terme, l’investissement dans l’éducation supérieure est le meilleur levier sur la croissance (voir les excellents rapports d’Elie Cohen et al. au CAE).
Si l’État ne sent pas capable de lever autant de dette (parce qu’il penserait que sa crédibilité budgétaire en serait réduite), alors ce devrait être moins. Combien ? La réponse à la cette question n’est pas du ressort de notre Commission, mais du Gouvernement et du Parlement à qui il revient d’apprécier la situation budgétaire d’ensemble ainsi que la dynamique de notre dette.
Cet argent serait géré directement par l’État (Trésor ou Banque de France pour le compte du Trésor [4] ). Les universités n’ont aucune compétence en la matière.
Si les universités géraient le capital en direct, à la première erreur de gestion ou fraude, le système global s’effondrerait sous les critiques externes. Par ailleurs, je présume que jamais le Parlement et/ou Bercy n’accepteraient des dotations massives aux universités s’ils savaient que celles-ci les géreraient en propre. Si Bercy et le Parlement savent qu’un jour ils peuvent reprendre le capital, ils seront moins réticents aujourd’hui à doter les universités de 50 Md€.
Enfin, en gestion d’actif, les frais sont importants, il y a des rendements d’échelle, même s’il faut éviter les monopoles (je suggérerais 3 ou 4 fonds différents logés au Trésor ou la BdF, pour favoriser la concurrence par comparaison et éviter l’effet FRR [5]).
Qui devrait recevoir ?
Les meilleurs lieux dans les établissements d’enseignement supérieurs en termes d’excellence dans la recherche : départements, labos, chercheurs… Il faut que ce soit à l’échelle de la revue des pairs : ceux-ci peuvent juger un chercheur, un labo, un département, mais pas une université dans son ensemble. Toujours avec des critères d’excellence.
Prendre comme récipiendaire essentiel l’université ou établissement supérieur, les fonds pourraient être ciblés sur les départements, mais affectés financièrement aux universités, qui garderaient un % de la dotation.
J’emploie ci après le terme d’« Université » pour établissement d’enseignement supérieur et de recherche.
Dotations non consomptibles. Seuls les revenus du capital iraient aux Universités.
Universités se verraient attribuer un capital notionnel, dont elles percevraient les revenus. Comme il faut toujours laisser la possibilité (théorique) aux majorités futures de revendre ce capital (condition pour avoir aujourd’hui une dotation de 50 Md€), les universités ne doivent recevoir que le revenus du capital et ne se voir attribuer que du capital notionnel (la vraie propriété du capital demeure celle du Trésor).
Cette attribution des revenus du capital doit se faire selon les meilleurs principes d’excellence et de gouvernance.
Une université qui ne remplirait plus ces critères d’excellence se verrait retirer son capital notionnel.
--------------------------------------------------------------------------------
Schéma du système de financement des universités
Je suggère la proposition suivante dans le rapport :
« Notre Commission estime qu’en quelques années, la France devrait doter son système d’enseignement supérieur et de recherche de 50 Milliards d’euros en capital. Une dotation de 50 Md€ mettrait enfin les établissements d’enseignement supérieur et de recherche au niveau notamment des grandes universités américaines.
« Le standard mondial des meilleures universités repose sur le tryptique ‘autonomie’, ‘règles d’excellence et de concurrence dans l’attribution des crédits et dans la gouvernance’, ‘dotations en capital’.
Si les universités françaises ne sont pas dotées en capital, elles seront entravées dans la concurrence scientifique internationale.
« 50 Md€ peut paraître énorme, mais seuls les revenus financiers de ces dotations seraient consacrés à l’enseignement supérieur / recherche, soit de 1,5Md€ à 3Md€ par an. Ce capital ne seraient ainsi pas du tout consommé, rassurant à la fois la Nation, les générations futures, nos partenaires européens et nos créanciers sur le fait que cette partie du Grand Emprunt demeurera toujours intacte et pleinement à l’actif de l’État. Ce capital pourrait toujours être revendu, soit en cas de crise, soit si une majorité future estimait que la priorité d’alors ne serait plus le financement d’universités de rang mondial.
« En pratique, le Trésor (ou, de préférence, la Banque de France) gérerait financièrement cette somme, avec appels d’offre après décisions stratégiques d’allocations d’actifs, selon les meilleures pratiques et critères du marché, en diversifiant les risques. Ainsi, les universités ne géreraient pas cet argent, car ce n’est pas leur avantage comparatif. Chaque récipiendaire recevrait une partie notionnelle de ce capital et les revenus bien réels qui en découlent. L’attribution de ce capital notionnel ne serait pas définitive, mais soumise à revue pluri-annuelle.
« Cette attribution des revenus du capital se ferait selon les meilleurs principes d’excellence et de gouvernance. Il ne s’agit pas de reconstruire une nouvelle administration de la Recherche, mais d’attribuer les fonds aux universités en fonction du jugement des pairs (en prenant les meilleurs), selon des procédures simples, légères et rapides. Plutôt que de multiplier les contrôles bureaucratiques, il vaut mieux se fier au jugement des meilleurs chercheurs internationaux de chaque discipline (ou de ceux qu’ils auraient désignés).
« Une université qui ne remplirait plus ces critères d’excellence se verrait retirer son capital notionnel.
« Une évaluation de ces procédures d’allocation doit se faire ex post, en y consacrant [0,1]% du capital géré.
« 50 Md€ est-ce trop ? Si l’État ne sent pas capable de lever autant de dette (parce qu’il penserait que sa crédibilité budgétaire en serait réduite), alors ce devrait être moins. Combien ? La réponse à la cette question n’est pas du ressort de notre Commission, mais du Gouvernement et du Parlement à qui il revient d’apprécier la situation budgétaire d’ensemble ainsi que la dynamique de notre dette publique.
3. Annexe : dotations des universités US, 2009
Source : National Association of College and University Business Officers
| |Endowment(2007) billion USD| Endowment (2008) billion USD|Somme De 1 à N|Rang|
|Harvard University|34.635|36.556|36.6|1|
|Yale University|22.53|22.87|59.4|2|
|Stanford University|17.165|17.2|76.6|3|
|Princeton University|15.787|16.349|93.0|4|
|University of Texas System |15.614|16.111|109.1|5|
|Massachusetts Institute of Technology|9.98|10.069|119.2|6|
|University of Michigan|7.09|7.572|126.7|7|
|Northwestern University|6.503|7.244|134.0|8|
|Columbia University|7.15|7.147|141.1|9|
|Texas A&M University System |6.59|6.659|147.8|10|
|University of Chicago|6.204|6.632|154.4|11|
|University of Pennsylvania|6.635|6.233|160.6|12|
|University of Notre Dame|5.977|6.226|166.9|13|
|University of California (system-wide)|6.439|6.217|173.1|14|
|Duke University|5.91|6.124|179.2|15|
|Emory University|5.562|5.473|184.7|16|
|Cornell University|5.425|5.385|190.1|17|
|Washington University in St. Louis|5.658|5.35|195.4|18|
|Rice University|4.67|4.61|200.0|19|
|University of Virginia|4.37|4.573|204.6|20|
|Dartmouth College|3.76|3.66|208.3|21|
|University of Southern California|3.715|3.589|211.8|22|
|Vanderbilt University|3.487|3.524|215.4|23|
|University of Minnesota|2.804|2.751|218.1|24|
|Brown University|2.781|2.747|220.9|25|
|Johns Hopkins University|2.8|2.525|223.4|26|
|New York University|2.162|2.475|225.9|27|
|Univ of North Carolina at Chapel Hill|2.164|2.359|228.2|28|
|University of Pittsburgh|2.254|2.334|230.6|29|
|University of Washington|2.184|2.262|232.8|30|
|Ohio State University|2.338|2.076|234.9|31|
|Rockefeller University|2.144|2.021|236.9|32|
|California Institute of Technology|1.86|1.892|238.8|33|
|Williams College|1.892|1.808|240.6|34|
|Pomona College|1.761|1.794|242.4|35|
|Case Western Reserve University|1.841|1.766|244.2|36|
|Purdue University (system-wide)|1.787|1.736|245.9|37|
|University of Wisconsin–Madison|1.645|1.735|247.7|38|
|University of Rochester|1.726|1.731|249.4|39|
|Amherst College|1.662|1.705|251.1|40|
|University of Richmond|1.655|1.704|252.8|41|
|Boston College|1.67|1.631|254.4|42|
|Wellesley College|1.657|1.611|256.0|43|
|Indiana University (system-wide)|1.557|1.546|257.6|44|
|Pennsylvania State University|1.59|1.545|259.1|45|
|Grinnell College|1.718|1.472|260.6|46|
|University of Illinois (system-wide)|1.515|1.46|262.1|47|
|Tufts University|1.452|1.446|263.5|48|
|Swarthmore College|1.441|1.413|264.9|49|
|Southern Methodist University(SMU)|1.328|1.368|266.3|50|
|Smith College|1.361|1.366|267.7|51|
|Yeshiva University|1.41|1.345|269.0|52|
|Georgia Institute of Technology|1.281|1.344|270.3|53|
|University of Delaware|1.397|1.34|271.7|54|
|Michigan State University|1.248|1.282|273.0|55|
|Texas Christian University|1.187|1.26|274.2|56|
|George Washington University|1.147|1.256|275.5|57|
|Wake Forest University|1.249|1.254|276.7|58|
|Univ of Florida (UF Foundation only)|1.219|1.251|278.0|59|
|University of Nebraska (system-wide)|1.277|1.221|279.2|60|
|University of Kansas (system-wide)|1.239|1.218|280.4|61|
|University of Oklahoma|1.114|1.155|281.6|62|
|Boston University|1.101|1.145|282.7|63|
|Lehigh University|1.086|1.127|283.9|64|
|University of Cincinnati|1.185|1.099|284.9|65|
|Baylor College of Medicine|1.278|1.091|286.0|66|
|Carnegie Mellon University|1.116|1.068|287.1|67|
|Baylor University|1.278|1.06|288.2|68|
|Georgetown University|1.059|1.059|289.2|69|
|UCLA|0.975|1.054|290.3|70|
|Tulane University|1.009|1.036|291.3|71|
|Trinity University (Texas)|0.931|1.035|292.4|72|
|University of Missouri (system-wide)|1.098|1.025|293.4|73|
|Berea College|1.102|1.023|294.4|74|
|Princeton Theological Seminary|1.109|1.018|295.4|75|
|Syracuse University|1.086|0.985|296.4|76|
Jacques Delpla
[1] On notera que la Californie, avec une population (38 Mn vs 62 mn) et un PIB inférieur à celui de la France (1847 Md$ vs 1900 Md€) a beaucoup plus d’universités de rang international que la France. D’après le classement de Shangaï 2009 (même s’il est très contesté…), parmi les 50 premières universités, on en compte 10 en Californie, contre 2 en France.
[2] Source NATIONAL ASSOCIATION OF COLLEGE AND UNIVERSITY BUSINESS OFFICERS
[3] Certes il faut rajouter à l’INSERM, le dépt des sciences du vivant du CNRS et celui du CEA…
[4] Le choix de la Banque de France serait astucieux à plusieurs titres : 1) La BdF a une meilleure expérience de gestion d’actifs sur les marchés (gestion des réserves de changes et de l’or) que le Trésor, qui gère soit des passifs, soit des participations dans entreprises publiques, qui ressortissent à la gestion de holding et non à la gestion de marché. 2) il rassurerait les marchés pour qui la BdF est une institution respectable, prudente et conservatrice financièrement.
[5] Le FRR, seul, a fait récemment de très mauvaises allocations stratégiques d’actifs en réduisant son exposition aux actions au T1 2009, au plus bas du marché !
Universités : une dizaine de « campus d'excellence » vont rafler la mise
Universités : une dizaine de « campus d'excellence » vont rafler la mise - Les Echos - 15/12/09
Quelque 11 milliards d'euros seront dévolus aux universités, dont près de 8 milliards, non consomptibles, dévolus à la constitution de campus d'excellence. L'appel à projets sera bouclé en 2010.
Quelque 11 milliards d'euros, soit près du tiers de l'enveloppe globale. Comme le recommandait la commission Juppé-Rocard, l'enseignement supérieur se taille la part du lion dans le grand emprunt. « La vérité, c'est que la France a trop longtemps négligé son enseignement supérieur, alors que c'est la clef de la compétition future », a asséné le chef de l'Etat.
Nicolas Sarkozy a annoncé hier la constitution d'une dizaine de « campus d'excellence », qui se verront octroyer 7,7 milliards d'euros. L'objectif : « Rivaliser avec les meilleures universités mondiales », a-t-il insisté. Pour obtenir ce label, les projets « devront réunir sur un site ou une grande région, les meilleures écoles doctorales et les équipes de recherche d'excellence, les meilleures écoles, et ce dans un partenariat étroit avec l'environnement économique », précise l'Elysée. La gouvernance s'appuiera sur des « exécutifs resserrés, ouverts et équilibrés par des instances académiques collégiales délibératives ».
En « pleine propriété »
Ces campus seront sélectionnés par un jury international, après appel à projets qui sera bouclé « en 2010 », précise le ministère de l'Enseignement supérieur. Les dossiers devront comporter objectifs et suivis de résultats, et recevront une dotation en capital qui pourra aller jusqu'à 1 milliard d'euros. Ces enveloppes seront dévolues en « pleine propriété »aux établissements, évitant ainsi les aléas des arbitrages budgétaires. Outre les intérêts produits, les établissements pourront s'appuyer sur leurs dotations pour attirer d'autres investisseurs, créant ainsi un effet de levier. En outre, 500 millions d'euros seront dévolus à l'égalité des chances via, notamment, la construction de nouvelles places d'internat d'excellence.
Par ailleurs, la même somme sera réservée au développement de l'apprentissage, tandis que 1 milliard d'euros sera investi « tout de suite »pour constituer un « gigantesque campus » à Saclay (Essonne), regroupant sur un seul site les écoles de Paris Tech aujourd'hui dispersées dans la capitale, ainsi que l'Ecole centrale de Paris (aujourd'hui à Chatenay-Malabry dans les Hauts-de-Seine), l'Ecole normale de Cachan et l'université Paris-XI.
Accélération des disparités
Massif, l'effort doit pourtant être relativisé. Outre le fait que l'enveloppe ne bénéficiera pas à l'ensemble du système universitaire -accélérant de fait les disparités entre établissements -, la non-consomptibilité des dotations limite de fait les financements octroyés. Selon Bertrand Monthubert, secrétaire national à l'enseignement supérieur et à la recherche du PS, le placement de l'ensemble de l'enveloppe dévolue aux campus d'excellence rapportera, placée à un taux optimiste de 5 %,« moins de 400 millions d'euros d'intérêts seulement par an », un montant « insuffisant », selon lui.
Un « effet d'affichage » que l'on retrouve, selon le responsable, dans le déblocage de 1,3 milliard d'euros, intégré dans le grand emprunt, et destiné à finaliser l'opération campus, complétant ainsi les 3,7 milliards d'euros déjà débloqués par la vente par l'Etat d'actions EDF. « Ce montant avait déjà été annoncé et promis », rappelle Bertrand Monthubert.
MAXIME AMIOT, Les Echos
Quelque 11 milliards d'euros seront dévolus aux universités, dont près de 8 milliards, non consomptibles, dévolus à la constitution de campus d'excellence. L'appel à projets sera bouclé en 2010.
Quelque 11 milliards d'euros, soit près du tiers de l'enveloppe globale. Comme le recommandait la commission Juppé-Rocard, l'enseignement supérieur se taille la part du lion dans le grand emprunt. « La vérité, c'est que la France a trop longtemps négligé son enseignement supérieur, alors que c'est la clef de la compétition future », a asséné le chef de l'Etat.
Nicolas Sarkozy a annoncé hier la constitution d'une dizaine de « campus d'excellence », qui se verront octroyer 7,7 milliards d'euros. L'objectif : « Rivaliser avec les meilleures universités mondiales », a-t-il insisté. Pour obtenir ce label, les projets « devront réunir sur un site ou une grande région, les meilleures écoles doctorales et les équipes de recherche d'excellence, les meilleures écoles, et ce dans un partenariat étroit avec l'environnement économique », précise l'Elysée. La gouvernance s'appuiera sur des « exécutifs resserrés, ouverts et équilibrés par des instances académiques collégiales délibératives ».
En « pleine propriété »
Ces campus seront sélectionnés par un jury international, après appel à projets qui sera bouclé « en 2010 », précise le ministère de l'Enseignement supérieur. Les dossiers devront comporter objectifs et suivis de résultats, et recevront une dotation en capital qui pourra aller jusqu'à 1 milliard d'euros. Ces enveloppes seront dévolues en « pleine propriété »aux établissements, évitant ainsi les aléas des arbitrages budgétaires. Outre les intérêts produits, les établissements pourront s'appuyer sur leurs dotations pour attirer d'autres investisseurs, créant ainsi un effet de levier. En outre, 500 millions d'euros seront dévolus à l'égalité des chances via, notamment, la construction de nouvelles places d'internat d'excellence.
Par ailleurs, la même somme sera réservée au développement de l'apprentissage, tandis que 1 milliard d'euros sera investi « tout de suite »pour constituer un « gigantesque campus » à Saclay (Essonne), regroupant sur un seul site les écoles de Paris Tech aujourd'hui dispersées dans la capitale, ainsi que l'Ecole centrale de Paris (aujourd'hui à Chatenay-Malabry dans les Hauts-de-Seine), l'Ecole normale de Cachan et l'université Paris-XI.
Accélération des disparités
Massif, l'effort doit pourtant être relativisé. Outre le fait que l'enveloppe ne bénéficiera pas à l'ensemble du système universitaire -accélérant de fait les disparités entre établissements -, la non-consomptibilité des dotations limite de fait les financements octroyés. Selon Bertrand Monthubert, secrétaire national à l'enseignement supérieur et à la recherche du PS, le placement de l'ensemble de l'enveloppe dévolue aux campus d'excellence rapportera, placée à un taux optimiste de 5 %,« moins de 400 millions d'euros d'intérêts seulement par an », un montant « insuffisant », selon lui.
Un « effet d'affichage » que l'on retrouve, selon le responsable, dans le déblocage de 1,3 milliard d'euros, intégré dans le grand emprunt, et destiné à finaliser l'opération campus, complétant ainsi les 3,7 milliards d'euros déjà débloqués par la vente par l'Etat d'actions EDF. « Ce montant avait déjà été annoncé et promis », rappelle Bertrand Monthubert.
MAXIME AMIOT, Les Echos
Grand emprunt: CNRS, contrat d'objectifs, décret, recours...
http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2009/12/16/cnrs-contrat-d-objectifs-decret-recours.html La Science au XXI SiècleBlog international du Collectif « Indépendance des Chercheurs » (France)
Le 16 décembre 2009, les médias continuent à commenter les décisions de l'Elysée concernant le « grand emprunt », ainsi que la présentation publique par Nicolas Sarkozy de cet emprunt.
Dans une interview datée d'hier et publiée par Les Echos, le président de Terra Nova et rapporteur de la Commission Juppé-Rocard, Olivier Ferrand, estime cette opération « très insuffisante ».
Il parle entre autres d'un « sous-investissement chronique » mais s'abstient d'évoquer la stratégie permanente de privatisations et de délocalisations sans précédent des dernières décennies, que tous les gouvernements français ont cautionnée et publiquement défendue.
Olivier Ferrand garde également le silence sur la poursuite de la politique de privatisation du secteur public et de casse institutionnelle que l'usage prévu de cet emprunt aggravera.
C'est le cas, par exemple, du démantèlement des organismes publics de recherche comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ou l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), ou encore de la privatisation des universités publiques et de l'éducation en général.
Il paraît indispensable de riposter par tous les moyens à cette politique de casse.
Contrat d'objectifs 2009-2013 entre le CNRS et l'Etat
Y compris, par des recours contre le contrat d'objectifs 2009-2013 entre le CNRS et l'Etat, le décret 2009-1348 « modifiant le décret n° 82-993 du 24 novembre 1982 portant organisation et fonctionnement du Centre national de la recherche scientifique »... sans oublier les mesures analogues prises par le gouvernement dans l'enseignement supérieur, l'éducation nationale et d'autres services publics.
Nous rappelons ici nos recours récents ou à l'étude, ainsi que les dates limites associées.
Le contrat d'objectifs entre le CNRS et l'Etat, dans sa version définitive, a été signé le 19 octobre 2009. Il est donc encore possible d'introduire un recours gracieux cette semaine, à l'adresse du Premier Ministre et de la présidence du CNRS. Ou un recours contentieux, au plus tard lundi prochain.
Outre le recours contentieux déjà évoqué dans notre article du 10 septembre 2009 (dossier 331862 auprès du Conseil d'Etat), nous avons introduit le 26 octobre 2009 un nouveau recours (dossier 333233 de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat, dont la jonction avec le dossier 331862 est demandée), tendant à l'annulation des actes et décisions suivants :
- Nouvelle version du contrat d’objectifs quadriennal 2009-2013 entre le CNRS et l’Etat, datée du 1er octobre 2009 et signée le 19 octobre.
- Décret n° 2009-460 du 23 avril 2009 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses dispositions relatives aux enseignants-chercheurs.
- Décret n° 2009-461 du 23 avril 2009 modifiant le décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités
- Décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 relatif aux règles de classement des personnes nommées dans les corps d'enseignants-chercheurs des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur
- Décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche.
-Arrêté du 23 avril 2009 fixant le montant de la rémunération du doctorant contractuel et la circulaire du 30 avril de Madame la Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche relative aux décrets précités.
- Décision de rejet opposée à notre recours gracieux contre les quatre décrets et l’arrêté.
A propos du contrat d'objectifs, nous écrivons notamment :
Sur la nouvelle version du contrat d’objectifs 2009-2013 du CNRS, l’ensemble des moyens développés dans le dossier 331862, y compris pour la version précédente du « contrat », s’applique également ici.
Mais de surcroît, l’absence de consultation préalable du Conseil Scientifique et du Conseil d’Administration du CNRS (et, par là, de mandat spécifique de ce dernier) nous semble constituer une violation de la loi et des formes substantielles, et par là, invalider cette nouvelle version datée du 1er octobre qui nous apparaît nulle de droit.
De même, cette nouvelle version du contrat d’objectifs 2009-2013 est, encore plus que la précédente, un texte réglementaire et para-réglementaire de fait : autant sur le plan des priorités et du soutien aux programmes de recherche où les projets à financer sont pratiquement désignés d’avance et, ensemble, les résultats des concours d’accès aux corps de chercheurs ; que vis-à-vis des unités de recherche dont la plupart devront être transférées aux universités ou désassociées, et celles qui ne suivront pas ce sort sont pratiquement désignées d’avance ; que sur la mise en place d’un vaste programme de licenciements et de mobilités forcées de chercheurs via le programme dit de « suivi des difficultés professionnelles » qui, par l’intervention de « managers » en dehors de tout cadre réglementaire et générant un contexte de pressions, court-circuite les protections normales découlant du statut des chercheurs. Ce ne sont que des exemples, le texte ayant été globalement rédigé d’après les mêmes critères.
(fin de citation)
Notre nouveau recours plaide également l'inconstitutionnalité de la loi LRU par rapport au principe de la liberté académique, et rappelle le moyen tiré du défaut d'apparence d'impartialité et d'indépendance de Valérie Pécresse déjà exposé dans la précédente requête.
S'agissant des décrets sur l'enseignement supérieur, il ajoute un moyen tiré du défaut d'apparence d'indépendance du président de la Section de l'Administration du Conseil d'Etat, qui est en même temps président du CREDOC.
Il est encore possible d'introduire un recours contre le contrat d'objectifs 2009-2013 du CNRS signé le 19 octobre, mais aussi des interventions volontaires soutenant nos recours 331862 et 333233.
Quant au décret 2009-1348 sur le CNRS, paru au Journal Officiel le 1er novembre, il est possible d'introduire un recours jusqu'au 2 janvier inclus. Nous préparons également une saisine du Conseil d'Etat contre ce décret.
A ce jours, nous n'avons connaissance d'aucune prise de position d'organisations syndicales concernant une éventuelle saisine de l'Organisation Internationale du travail (OIT) contre la Loi n° 2009-972 « relative à la mobilité et aux parcours professionels dans la fonction publique », comme nous l'avions proposé.
Le 16 décembre 2009, les médias continuent à commenter les décisions de l'Elysée concernant le « grand emprunt », ainsi que la présentation publique par Nicolas Sarkozy de cet emprunt.
Dans une interview datée d'hier et publiée par Les Echos, le président de Terra Nova et rapporteur de la Commission Juppé-Rocard, Olivier Ferrand, estime cette opération « très insuffisante ».
Il parle entre autres d'un « sous-investissement chronique » mais s'abstient d'évoquer la stratégie permanente de privatisations et de délocalisations sans précédent des dernières décennies, que tous les gouvernements français ont cautionnée et publiquement défendue.
Olivier Ferrand garde également le silence sur la poursuite de la politique de privatisation du secteur public et de casse institutionnelle que l'usage prévu de cet emprunt aggravera.
C'est le cas, par exemple, du démantèlement des organismes publics de recherche comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ou l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), ou encore de la privatisation des universités publiques et de l'éducation en général.
Il paraît indispensable de riposter par tous les moyens à cette politique de casse.
Contrat d'objectifs 2009-2013 entre le CNRS et l'Etat
Y compris, par des recours contre le contrat d'objectifs 2009-2013 entre le CNRS et l'Etat, le décret 2009-1348 « modifiant le décret n° 82-993 du 24 novembre 1982 portant organisation et fonctionnement du Centre national de la recherche scientifique »... sans oublier les mesures analogues prises par le gouvernement dans l'enseignement supérieur, l'éducation nationale et d'autres services publics.
Nous rappelons ici nos recours récents ou à l'étude, ainsi que les dates limites associées.
Le contrat d'objectifs entre le CNRS et l'Etat, dans sa version définitive, a été signé le 19 octobre 2009. Il est donc encore possible d'introduire un recours gracieux cette semaine, à l'adresse du Premier Ministre et de la présidence du CNRS. Ou un recours contentieux, au plus tard lundi prochain.
Outre le recours contentieux déjà évoqué dans notre article du 10 septembre 2009 (dossier 331862 auprès du Conseil d'Etat), nous avons introduit le 26 octobre 2009 un nouveau recours (dossier 333233 de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat, dont la jonction avec le dossier 331862 est demandée), tendant à l'annulation des actes et décisions suivants :
- Nouvelle version du contrat d’objectifs quadriennal 2009-2013 entre le CNRS et l’Etat, datée du 1er octobre 2009 et signée le 19 octobre.
- Décret n° 2009-460 du 23 avril 2009 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses dispositions relatives aux enseignants-chercheurs.
- Décret n° 2009-461 du 23 avril 2009 modifiant le décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités
- Décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 relatif aux règles de classement des personnes nommées dans les corps d'enseignants-chercheurs des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur
- Décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche.
-Arrêté du 23 avril 2009 fixant le montant de la rémunération du doctorant contractuel et la circulaire du 30 avril de Madame la Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche relative aux décrets précités.
- Décision de rejet opposée à notre recours gracieux contre les quatre décrets et l’arrêté.
A propos du contrat d'objectifs, nous écrivons notamment :
Sur la nouvelle version du contrat d’objectifs 2009-2013 du CNRS, l’ensemble des moyens développés dans le dossier 331862, y compris pour la version précédente du « contrat », s’applique également ici.
Mais de surcroît, l’absence de consultation préalable du Conseil Scientifique et du Conseil d’Administration du CNRS (et, par là, de mandat spécifique de ce dernier) nous semble constituer une violation de la loi et des formes substantielles, et par là, invalider cette nouvelle version datée du 1er octobre qui nous apparaît nulle de droit.
De même, cette nouvelle version du contrat d’objectifs 2009-2013 est, encore plus que la précédente, un texte réglementaire et para-réglementaire de fait : autant sur le plan des priorités et du soutien aux programmes de recherche où les projets à financer sont pratiquement désignés d’avance et, ensemble, les résultats des concours d’accès aux corps de chercheurs ; que vis-à-vis des unités de recherche dont la plupart devront être transférées aux universités ou désassociées, et celles qui ne suivront pas ce sort sont pratiquement désignées d’avance ; que sur la mise en place d’un vaste programme de licenciements et de mobilités forcées de chercheurs via le programme dit de « suivi des difficultés professionnelles » qui, par l’intervention de « managers » en dehors de tout cadre réglementaire et générant un contexte de pressions, court-circuite les protections normales découlant du statut des chercheurs. Ce ne sont que des exemples, le texte ayant été globalement rédigé d’après les mêmes critères.
(fin de citation)
Notre nouveau recours plaide également l'inconstitutionnalité de la loi LRU par rapport au principe de la liberté académique, et rappelle le moyen tiré du défaut d'apparence d'impartialité et d'indépendance de Valérie Pécresse déjà exposé dans la précédente requête.
S'agissant des décrets sur l'enseignement supérieur, il ajoute un moyen tiré du défaut d'apparence d'indépendance du président de la Section de l'Administration du Conseil d'Etat, qui est en même temps président du CREDOC.
Il est encore possible d'introduire un recours contre le contrat d'objectifs 2009-2013 du CNRS signé le 19 octobre, mais aussi des interventions volontaires soutenant nos recours 331862 et 333233.
Quant au décret 2009-1348 sur le CNRS, paru au Journal Officiel le 1er novembre, il est possible d'introduire un recours jusqu'au 2 janvier inclus. Nous préparons également une saisine du Conseil d'Etat contre ce décret.
A ce jours, nous n'avons connaissance d'aucune prise de position d'organisations syndicales concernant une éventuelle saisine de l'Organisation Internationale du travail (OIT) contre la Loi n° 2009-972 « relative à la mobilité et aux parcours professionels dans la fonction publique », comme nous l'avions proposé.
Avec le grand emprunt, Nicolas Sarkozy veut réussir l'après-crise
lesechos.fr | 15/12/09
Reprenant l'essentiel des recommandations de la commission Juppé-Rocard, le président de la République a décidé de consacrer un effort public de 35 milliards d'euros sur cinq axes prioritaires : enseignement supérieur, recherche, industrie et PME, numérique et développement durable.
Le chemin avait été bien balisé. Reprenant la quasi-totalité des recommandations de la commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt, Nicolas Sarkozy a annoncé, au cours d'une conférence de presse à l'Elysée, hier, un investissement public de 35 milliards d'euros« exclusivement consacrés aux priorités d'avenir ». Les cinq chantiers retenus sont l'enseignement supérieur et la formation (11 milliards d'euros), la recherche (8 milliards), l'industrie et les PME (6,5 milliards), le numérique (4,5 milliards) et le développement durable (5 milliards). La présentation diffère de celle du rapport de la commission Juppé-Rocard (qui comportait sept axes), mais l'essentiel des actions recommandées vont être suivies, à l'exception du développement de villes durables (enveloppe un peu rabotée) et de l'accélération de la rénovation thermique des logements sociaux (les aides iront aux propriétaires et non aux offices HLM). Cela a permis au chef de l'Etat de consacrer un peu plus à l'industrie, en réservant notamment 1 milliard aux états généraux.
« Le virage du XXI e siècle »
Reprochant aux gouvernements successifs des trente dernières années d'avoir « constamment sacrifié l'investissement », le président de la République a justifié ces nouvelles dépenses « pour que le pays puisse profiter pleinement de la reprise, pour qu'il soit plus fort, plus compétitif, pour qu'il crée davantage d'emplois ». ll ne s'agit pas « d'un plan de relance bis », a-t-il insisté, mais d'investissements à long terme devant permettre à la France « de prendre le virage du XXIe siècle ». « Cela peut contribuer à la relance, mais nous ne sommes pas dans une affaire conjoncturelle. »Et même sans la crise, « il aurait fallu faire ce plan ». Le chef de l'Etat inscrit le grand emprunt dans la lignée du plan Marshall, du plan « électro-nucléaire » du général de Gaulle ou encore du développement du TGV. Il a néanmoins admis l'absence, regrettable, de dimension européen-ne aux projets et aux financements.
Saluant la reprise des propositions Juppé-Rocard, l'un des rapporteurs de la commission, Olivier Ferrand, prévient déjà : « Il faut investir pour l'avenir, non pas juste cette année, mais tous les ans » (lire ci-dessous), en rappelant que les investissements réalisés resteront « très insuffisants ». De fait, le calibrage des projets a été contraint par les capacités d'emprunt de la France. Concrètement, l'effort public sera financé par un emprunt de 22 milliards d'euros, les 13 milliards restants provenant du remboursement par les banques des fonds prêtés pendant la crise. Nicolas Sarkozy a donc arbitré en faveur des tenants d'un minimum de discipline budgétaire, au détriment de ceux qui, derrière Henri Guaino, conseiller spécial du chef de l'Etat, appelaient à un emprunt de 50 à 100 milliards. « L'investissement public est un levier pour mobiliser les initiatives privées »,a justifié le président, qui table sur un total de 60 milliards d'investissements publics et privés.
Dans la même veine, il a également décidé que l'emprunt serait exclusivement levé sur les marchés et non auprès des particuliers. « Solliciter le public à hauteur de 10 milliards nous aurait coûté 1 milliard d'euros de plus. » Quand aux intérêts de l'emprunt,« ils seront immédiatement gagés sur des économies supplémentaires dans les dépenses courantes de l'Etat ».
« De la dette supplémentaire ! »
S'efforçant d'expliquer que le grand emprunt était compatible avec « une stratégie globale de rétablissement des finances publiques »(lire ci-dessous), le chef de l'Etat a insisté sur le fait qu'il allait porter sur des actifs « qui vont enrichir les pays ». Mais si les dépenses nouvelles sont actées, la réduction du déficit est renvoyée à la conférence des finances publiques de janvier. Et le président a clairement indiqué que la priorité restait au soutien d'une croissance hésitante.
Même s'il a jugé que ce plan allait « au-delà des clivages politiques », Nicolas Sarkozy n'a pas échappé aux critiques de l'opposition. Les Verts ont ainsi estimé que les choix « sont loin de satisfaire à la conversion écologique » de l'économie. Le PS a, de son côté, contesté les modalités de financement : « Un emprunt, c'est de la dette supplémentaire !, a souligné Didier Migaud, président de la commission des Finances de l'Assemblée. On peut craindre que le grand emprunt ce soit les allégements d'impôts d'hier et surtout les impôts de demain. »
FREDERIC SCHAEFFER, Les Echos
Reprenant l'essentiel des recommandations de la commission Juppé-Rocard, le président de la République a décidé de consacrer un effort public de 35 milliards d'euros sur cinq axes prioritaires : enseignement supérieur, recherche, industrie et PME, numérique et développement durable.
Le chemin avait été bien balisé. Reprenant la quasi-totalité des recommandations de la commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt, Nicolas Sarkozy a annoncé, au cours d'une conférence de presse à l'Elysée, hier, un investissement public de 35 milliards d'euros« exclusivement consacrés aux priorités d'avenir ». Les cinq chantiers retenus sont l'enseignement supérieur et la formation (11 milliards d'euros), la recherche (8 milliards), l'industrie et les PME (6,5 milliards), le numérique (4,5 milliards) et le développement durable (5 milliards). La présentation diffère de celle du rapport de la commission Juppé-Rocard (qui comportait sept axes), mais l'essentiel des actions recommandées vont être suivies, à l'exception du développement de villes durables (enveloppe un peu rabotée) et de l'accélération de la rénovation thermique des logements sociaux (les aides iront aux propriétaires et non aux offices HLM). Cela a permis au chef de l'Etat de consacrer un peu plus à l'industrie, en réservant notamment 1 milliard aux états généraux.
« Le virage du XXI e siècle »
Reprochant aux gouvernements successifs des trente dernières années d'avoir « constamment sacrifié l'investissement », le président de la République a justifié ces nouvelles dépenses « pour que le pays puisse profiter pleinement de la reprise, pour qu'il soit plus fort, plus compétitif, pour qu'il crée davantage d'emplois ». ll ne s'agit pas « d'un plan de relance bis », a-t-il insisté, mais d'investissements à long terme devant permettre à la France « de prendre le virage du XXIe siècle ». « Cela peut contribuer à la relance, mais nous ne sommes pas dans une affaire conjoncturelle. »Et même sans la crise, « il aurait fallu faire ce plan ». Le chef de l'Etat inscrit le grand emprunt dans la lignée du plan Marshall, du plan « électro-nucléaire » du général de Gaulle ou encore du développement du TGV. Il a néanmoins admis l'absence, regrettable, de dimension européen-ne aux projets et aux financements.
Saluant la reprise des propositions Juppé-Rocard, l'un des rapporteurs de la commission, Olivier Ferrand, prévient déjà : « Il faut investir pour l'avenir, non pas juste cette année, mais tous les ans » (lire ci-dessous), en rappelant que les investissements réalisés resteront « très insuffisants ». De fait, le calibrage des projets a été contraint par les capacités d'emprunt de la France. Concrètement, l'effort public sera financé par un emprunt de 22 milliards d'euros, les 13 milliards restants provenant du remboursement par les banques des fonds prêtés pendant la crise. Nicolas Sarkozy a donc arbitré en faveur des tenants d'un minimum de discipline budgétaire, au détriment de ceux qui, derrière Henri Guaino, conseiller spécial du chef de l'Etat, appelaient à un emprunt de 50 à 100 milliards. « L'investissement public est un levier pour mobiliser les initiatives privées »,a justifié le président, qui table sur un total de 60 milliards d'investissements publics et privés.
Dans la même veine, il a également décidé que l'emprunt serait exclusivement levé sur les marchés et non auprès des particuliers. « Solliciter le public à hauteur de 10 milliards nous aurait coûté 1 milliard d'euros de plus. » Quand aux intérêts de l'emprunt,« ils seront immédiatement gagés sur des économies supplémentaires dans les dépenses courantes de l'Etat ».
« De la dette supplémentaire ! »
S'efforçant d'expliquer que le grand emprunt était compatible avec « une stratégie globale de rétablissement des finances publiques »(lire ci-dessous), le chef de l'Etat a insisté sur le fait qu'il allait porter sur des actifs « qui vont enrichir les pays ». Mais si les dépenses nouvelles sont actées, la réduction du déficit est renvoyée à la conférence des finances publiques de janvier. Et le président a clairement indiqué que la priorité restait au soutien d'une croissance hésitante.
Même s'il a jugé que ce plan allait « au-delà des clivages politiques », Nicolas Sarkozy n'a pas échappé aux critiques de l'opposition. Les Verts ont ainsi estimé que les choix « sont loin de satisfaire à la conversion écologique » de l'économie. Le PS a, de son côté, contesté les modalités de financement : « Un emprunt, c'est de la dette supplémentaire !, a souligné Didier Migaud, président de la commission des Finances de l'Assemblée. On peut craindre que le grand emprunt ce soit les allégements d'impôts d'hier et surtout les impôts de demain. »
FREDERIC SCHAEFFER, Les Echos
lundi 14 décembre 2009
L'Etat s'apprête à contractualiser avec des établissements privés du supérieur
LE MONDE | 12.12.09 |
Ce sont quelque cinquante-huit établissements privés d'enseignement supérieur qui sont en passe de contractualiser avec le ministère.
La liste comprend des poids lourds du secteur : les cinq instituts catholiques de Paris, Lille, Angers, Lyon et Toulouse avec leurs 35 000 étudiants, ainsi que les réputées Essec, Edhec ou Esca. L'ensemble de ces écoles représente quelque 60 000 étudiants, soit 3 % de l'ensemble des effectifs du supérieur.
Le 18 septembre 2009, les directions de chacun de ces établissements ont remis un rapport au ministère dans lequel elles évaluent leurs forces et faiblesses et où elles s'engagent sur des objectifs à atteindre à moyen terme. En retour, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche leur assure un financement.
Pour le ministère, la démarche s'inscrit dans sa stratégie globale de recomposition de l'enseignement supérieur, engagée dans le public avec la mise en place de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). "Nous financions déjà ces 58 établissements. Ils recevaient une somme moyenne de 1 000 euros par étudiant préparant un diplôme reconnu par l'Etat. Mais ils n'avaient aucune obligation en retour. La contractualisation va permettre de leur fixer des objectifs en cohérence avec la stratégie gouvernementale et avec leur mission de service public. Au bout de quatre ans, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) en évaluera les résultats avant une nouvelle contractualisation", explique-t-on rue Descartes.
Pour le secteur privé de l'enseignement supérieur, cette nouvelle politique n'est rien d'autre que le prolongement d'un protocole d'accord conclu en 2002 par Jack Lang, alors ministre de l'éducation nationale, avec l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholiques (Udesca) et la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (Fesic). L'accord visait à "engager une politique claire et équitable de contractualisation et de pleine association de l'enseignement supérieur privé".
"Le système actuel ne finançait pas la recherche, remarque Michel Quesnel, recteur de l'Université catholique de Lyon et président de l'Udesca. Avec une contractualisation pluriannuelle, nous pourrons engager les moyens qui lui sont nécessaires, sans négliger la pédagogie et l'accompagnement des étudiants. Des points qui restent les marqueurs de nos établissements."
Les présidents d'établissement y voient aussi l'opportunité de contenir dans des limites raisonnables les frais d'inscription, actuellement variables, de 3 000 à 6 500 euros suivant les filières dans les cinq instituts catholiques. Pierre Tapie, président du groupe Essec, de la Fesic et de la Conférence des grandes écoles, souhaite, lui, développer le taux d'encadrement de ses étudiants : "Selon les standards français, il est acceptable ; selon les critères internationaux, il ne l'est pas. Il est indispensable de l'étoffer pour être en accord avec la politique nationale de l'enseignement supérieur, dégager du temps pour les activités de recherche et accueillir les meilleurs étudiants étrangers."
Les premiers contrats seront signés dès le premier semestre 2010. Ils devraient se matérialiser par l'augmentation de 4,5 millions d'euros d'une subvention qui s'élevait à 62 millions en 2009. Devraient être concernées à terme toutes les écoles de quatre fédérations : l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholiques, les 20 écoles d'ingénieurs de la Fesic, les 6 établissements de l'Union des nouvelles facultés libres et les 20 écoles de l'Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) qui, elle, regroupe des privées non catholiques.
Vue du camp laïque, l'affaire est plus ennuyeuse. Pour Luc Bentz, secrétaire national du syndicat UNSA-éducation, membre du Comité national d'action laïque (CNAL), "le ministère allume la guerre universitaire". "C'est inacceptable, c'est autant d'argent qui ne va pas dans les universités publiques", assène-t-il.
Christian Bonrepaux
Ce sont quelque cinquante-huit établissements privés d'enseignement supérieur qui sont en passe de contractualiser avec le ministère.
La liste comprend des poids lourds du secteur : les cinq instituts catholiques de Paris, Lille, Angers, Lyon et Toulouse avec leurs 35 000 étudiants, ainsi que les réputées Essec, Edhec ou Esca. L'ensemble de ces écoles représente quelque 60 000 étudiants, soit 3 % de l'ensemble des effectifs du supérieur.
Le 18 septembre 2009, les directions de chacun de ces établissements ont remis un rapport au ministère dans lequel elles évaluent leurs forces et faiblesses et où elles s'engagent sur des objectifs à atteindre à moyen terme. En retour, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche leur assure un financement.
Pour le ministère, la démarche s'inscrit dans sa stratégie globale de recomposition de l'enseignement supérieur, engagée dans le public avec la mise en place de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). "Nous financions déjà ces 58 établissements. Ils recevaient une somme moyenne de 1 000 euros par étudiant préparant un diplôme reconnu par l'Etat. Mais ils n'avaient aucune obligation en retour. La contractualisation va permettre de leur fixer des objectifs en cohérence avec la stratégie gouvernementale et avec leur mission de service public. Au bout de quatre ans, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) en évaluera les résultats avant une nouvelle contractualisation", explique-t-on rue Descartes.
Pour le secteur privé de l'enseignement supérieur, cette nouvelle politique n'est rien d'autre que le prolongement d'un protocole d'accord conclu en 2002 par Jack Lang, alors ministre de l'éducation nationale, avec l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholiques (Udesca) et la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (Fesic). L'accord visait à "engager une politique claire et équitable de contractualisation et de pleine association de l'enseignement supérieur privé".
"Le système actuel ne finançait pas la recherche, remarque Michel Quesnel, recteur de l'Université catholique de Lyon et président de l'Udesca. Avec une contractualisation pluriannuelle, nous pourrons engager les moyens qui lui sont nécessaires, sans négliger la pédagogie et l'accompagnement des étudiants. Des points qui restent les marqueurs de nos établissements."
Les présidents d'établissement y voient aussi l'opportunité de contenir dans des limites raisonnables les frais d'inscription, actuellement variables, de 3 000 à 6 500 euros suivant les filières dans les cinq instituts catholiques. Pierre Tapie, président du groupe Essec, de la Fesic et de la Conférence des grandes écoles, souhaite, lui, développer le taux d'encadrement de ses étudiants : "Selon les standards français, il est acceptable ; selon les critères internationaux, il ne l'est pas. Il est indispensable de l'étoffer pour être en accord avec la politique nationale de l'enseignement supérieur, dégager du temps pour les activités de recherche et accueillir les meilleurs étudiants étrangers."
Les premiers contrats seront signés dès le premier semestre 2010. Ils devraient se matérialiser par l'augmentation de 4,5 millions d'euros d'une subvention qui s'élevait à 62 millions en 2009. Devraient être concernées à terme toutes les écoles de quatre fédérations : l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholiques, les 20 écoles d'ingénieurs de la Fesic, les 6 établissements de l'Union des nouvelles facultés libres et les 20 écoles de l'Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) qui, elle, regroupe des privées non catholiques.
Vue du camp laïque, l'affaire est plus ennuyeuse. Pour Luc Bentz, secrétaire national du syndicat UNSA-éducation, membre du Comité national d'action laïque (CNAL), "le ministère allume la guerre universitaire". "C'est inacceptable, c'est autant d'argent qui ne va pas dans les universités publiques", assène-t-il.
Christian Bonrepaux
L'Agence nationale de la recherche révolutionne la vie des scientifiques dans les laboratoires
Le Monde / 27.11.09
Si les préconisations de la commission de l'emprunt sont suivies, l'agence créée en 2005 gérera 5,5 milliards d'euros de plus. Son rôle central, critiqué par les syndicats, sera ainsi renforcé
Depuis 2005, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a distribué 2,3 milliards d'euros pour financer 4 500 projets de recherche. Si le président de la République suit les recommandations de la commission de l'emprunt national (Le Monde du 20 novembre 2009), elle pourrait se voir dotée de près de 5,5 milliards d'euros supplémentaires. De quoi renforcer largement son poids au sein de la recherche publique.
Aujourd'hui, le scientifique, qui veut financer ses recherches, doit passer par un de ses appels d'offres thématique ou « blanc » (non thématique). Une véritable « révolution culturelle », confirme Jacqueline Lecourtier, directrice générale de l'ANR. Mais une pratique qui agace syndicats et militants de l'association Sauvons la recherche. L'augmentation de ces financements va en effet de pair avec une stagnation, voire une baisse, des crédits traditionnels de fonctionnement des laboratoires. Or, l'ANR, elle, est sélective et ne sélectionne qu'un dossier sur cinq.
« Dans l'esprit, l'ANR est une bonne chose, souligne le généticien Laurent Ségalat, directeur d'un laboratoire mixte CNRS-université Lyon-I. Avant, chaque ministère ou organisme lançait son appel d'offres. C'était la zizanie. Aujourd'hui, l'agence est un guichet unique pour tout le monde. »
Si le commun des chercheurs critique l '« usine à gaz » du dossier de candidature, la brièveté des contrats (trois ans, désormais renouvelables) et se demande toujours sur quels critères leurs dossiers sont sélectionnés, le lauréat, lui, salue les montants alloués. Les financements ANR « permettent de travailler dans de bonnes conditions », confirme M. Ségalat.
En moyenne, les projets sont dotés de 400 000 euros (essentiellement en sciences dures), mais peuvent monter jusqu'à 800 000 euros pour trois ou quatre ans. « En sciences sociales, j'ai obtenu un financement à hauteur de 100 000 euros pour un travail sur l'industrie pharmaceutique. Cela équivaut à la dotation du CNRS pour l'ensemble de mon laboratoire », constate Cédric Lomba, sociologue au CNRS.
« C'est problématique »
Les financements ANR sont en train de modifier radicalement les équilibres au sein des laboratoires. Tout chercheur peut « candidater » et certains décrochent des financements en marge de la politique de son laboratoire. « L'ANR fait exploser le système traditionnel. Avant, les demandes étaient débattues en conseil de labo, puis le directeur négociait avec le CNRS et distribuait les fonds. Aujourd'hui, le lien entre le chercheur et la source de financement est direct », explique Arnaud Saint-Jalmes, physicien CNRS-université de Rennes-I. Et les chercheurs qui obtiennent un financement aident les autres. Du coup, « la ligne intellectuelle se redéploie dans le labo en fonction des chercheurs qui attirent des financements », analyse M. Lomba.
De plus, ce système transforme les hommes qui « décrochent une «ANR» » en véritables manageurs, qui recrutent des personnels (docteurs, post-doctorants), signent les chèques, voire assurent la comptabilité... « On devient des nouveaux mandarins. On passe d'un modèle de coopération à un modèle d'allégeance au sein de nos équipes », poursuit M. Lomba.
En marge, ces subventions ont soutenu le développement d'un marché des « post-docs », poussant les docteurs en quête d'expérience à tourner d'un labo à l'autre pour décrocher un contrat...
Et la science dans tout ça ? L'ANR aide-t-elle la recherche publique à progresser ? « J'ai été étonné de la légèreté des comptes rendus à fournir dans le cadre de ma recherche et du peu d'échange avec nos financeurs », explique M. Lomba. La liste des publications ou des brevets doit en effet tenir sur cinq pages. « Ce n'est pas l'ANR qui évalue, répond Jacqueline Lecourtier. Si un chercheur publie un article dans une revue, il est validé par un comité de lecture. Pour ses recherches, il est régulièrement évalué par les organismes ou l'agence de l'évaluation... »
Sur le fond, M. Ségalat s'inquiète d'une politique scientifique à courte vue. « Les comités de sélection de l'ANR sont extrêmement prudents et conservateurs dans leur choix. Ils soutiennent très peu de projets risqués. Si un scientifique propose une recherche qui va à l'encontre d'un dogme bien établi dans la communauté, il ne sera pas financé. C'est problématique, car souvent les grandes découvertes sont fortuites... »
En 2010, répond Mme Lecourtier, « nous souhaitons consacrer de 10 à 15 millions d'euros pour financer des projets en rupture » sur 850 millions d'euros.
Philippe Jacqué
Si les préconisations de la commission de l'emprunt sont suivies, l'agence créée en 2005 gérera 5,5 milliards d'euros de plus. Son rôle central, critiqué par les syndicats, sera ainsi renforcé
Depuis 2005, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a distribué 2,3 milliards d'euros pour financer 4 500 projets de recherche. Si le président de la République suit les recommandations de la commission de l'emprunt national (Le Monde du 20 novembre 2009), elle pourrait se voir dotée de près de 5,5 milliards d'euros supplémentaires. De quoi renforcer largement son poids au sein de la recherche publique.
Aujourd'hui, le scientifique, qui veut financer ses recherches, doit passer par un de ses appels d'offres thématique ou « blanc » (non thématique). Une véritable « révolution culturelle », confirme Jacqueline Lecourtier, directrice générale de l'ANR. Mais une pratique qui agace syndicats et militants de l'association Sauvons la recherche. L'augmentation de ces financements va en effet de pair avec une stagnation, voire une baisse, des crédits traditionnels de fonctionnement des laboratoires. Or, l'ANR, elle, est sélective et ne sélectionne qu'un dossier sur cinq.
« Dans l'esprit, l'ANR est une bonne chose, souligne le généticien Laurent Ségalat, directeur d'un laboratoire mixte CNRS-université Lyon-I. Avant, chaque ministère ou organisme lançait son appel d'offres. C'était la zizanie. Aujourd'hui, l'agence est un guichet unique pour tout le monde. »
Si le commun des chercheurs critique l '« usine à gaz » du dossier de candidature, la brièveté des contrats (trois ans, désormais renouvelables) et se demande toujours sur quels critères leurs dossiers sont sélectionnés, le lauréat, lui, salue les montants alloués. Les financements ANR « permettent de travailler dans de bonnes conditions », confirme M. Ségalat.
En moyenne, les projets sont dotés de 400 000 euros (essentiellement en sciences dures), mais peuvent monter jusqu'à 800 000 euros pour trois ou quatre ans. « En sciences sociales, j'ai obtenu un financement à hauteur de 100 000 euros pour un travail sur l'industrie pharmaceutique. Cela équivaut à la dotation du CNRS pour l'ensemble de mon laboratoire », constate Cédric Lomba, sociologue au CNRS.
« C'est problématique »
Les financements ANR sont en train de modifier radicalement les équilibres au sein des laboratoires. Tout chercheur peut « candidater » et certains décrochent des financements en marge de la politique de son laboratoire. « L'ANR fait exploser le système traditionnel. Avant, les demandes étaient débattues en conseil de labo, puis le directeur négociait avec le CNRS et distribuait les fonds. Aujourd'hui, le lien entre le chercheur et la source de financement est direct », explique Arnaud Saint-Jalmes, physicien CNRS-université de Rennes-I. Et les chercheurs qui obtiennent un financement aident les autres. Du coup, « la ligne intellectuelle se redéploie dans le labo en fonction des chercheurs qui attirent des financements », analyse M. Lomba.
De plus, ce système transforme les hommes qui « décrochent une «ANR» » en véritables manageurs, qui recrutent des personnels (docteurs, post-doctorants), signent les chèques, voire assurent la comptabilité... « On devient des nouveaux mandarins. On passe d'un modèle de coopération à un modèle d'allégeance au sein de nos équipes », poursuit M. Lomba.
En marge, ces subventions ont soutenu le développement d'un marché des « post-docs », poussant les docteurs en quête d'expérience à tourner d'un labo à l'autre pour décrocher un contrat...
Et la science dans tout ça ? L'ANR aide-t-elle la recherche publique à progresser ? « J'ai été étonné de la légèreté des comptes rendus à fournir dans le cadre de ma recherche et du peu d'échange avec nos financeurs », explique M. Lomba. La liste des publications ou des brevets doit en effet tenir sur cinq pages. « Ce n'est pas l'ANR qui évalue, répond Jacqueline Lecourtier. Si un chercheur publie un article dans une revue, il est validé par un comité de lecture. Pour ses recherches, il est régulièrement évalué par les organismes ou l'agence de l'évaluation... »
Sur le fond, M. Ségalat s'inquiète d'une politique scientifique à courte vue. « Les comités de sélection de l'ANR sont extrêmement prudents et conservateurs dans leur choix. Ils soutiennent très peu de projets risqués. Si un scientifique propose une recherche qui va à l'encontre d'un dogme bien établi dans la communauté, il ne sera pas financé. C'est problématique, car souvent les grandes découvertes sont fortuites... »
En 2010, répond Mme Lecourtier, « nous souhaitons consacrer de 10 à 15 millions d'euros pour financer des projets en rupture » sur 850 millions d'euros.
Philippe Jacqué
Sarkozy va dévoiler les grands investissements de la France
LEMONDE.FR avec AFP | 14.12.09
Le président Nicolas Sarkozy doit annoncer, lundi 14 décembre 2009, ses décisions sur le grand emprunt, sur la base du rapport Juppé-Rocard qui recommande à l'Etat d'investir 35 milliards d'euros, essentiellement dans "l'économie de la connaissance et l'économie verte".
Les arbitrages ont été finalisés au cours du week-end par le chef de l'Etat, qui tiendra une conférence de presse à 11 heures. Juste avant ces derniers réglages, une source gouvernementale a confié à l'AFP que le montant des "investissements d'avenir" se situerait "peut-être un peu en dessous de 35 milliards". Un montant qui alourdira, quoi qu'il en soit, le déficit déjà record de la France, attendu pour l'instant à 8,5 % du produit intérieur brut en 2010.
Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il suivrait, dans les grandes lignes, les priorités fixées par la commission pilotée par Michel Rocard et Alain Juppé.
Les deux anciens premiers ministres font la part belle à l'enseignement supérieur et à la recherche, avec 16 milliards d'investissements préconisés, notamment pour la création de "campus d'excellence".
Suivent la "ville de demain" (4,5 milliards), la "société numérique" (4 milliards), le développement des "énergies décarbonées" et "l'efficacité dans la gestion des ressources" (3,5 milliards), la "mobilité du futur" (3 milliards), les "sciences du vivant" (2 milliards) et les "PME innovantes" (2 milliards).
La commission estime que, par un "effet de levier", ces dépenses publiques entraîneront d'autres financements, notamment privés, permettant d'atteindre au total "plus de 60 milliards" d'investissements.
Le président Nicolas Sarkozy doit annoncer, lundi 14 décembre 2009, ses décisions sur le grand emprunt, sur la base du rapport Juppé-Rocard qui recommande à l'Etat d'investir 35 milliards d'euros, essentiellement dans "l'économie de la connaissance et l'économie verte".
Les arbitrages ont été finalisés au cours du week-end par le chef de l'Etat, qui tiendra une conférence de presse à 11 heures. Juste avant ces derniers réglages, une source gouvernementale a confié à l'AFP que le montant des "investissements d'avenir" se situerait "peut-être un peu en dessous de 35 milliards". Un montant qui alourdira, quoi qu'il en soit, le déficit déjà record de la France, attendu pour l'instant à 8,5 % du produit intérieur brut en 2010.
Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il suivrait, dans les grandes lignes, les priorités fixées par la commission pilotée par Michel Rocard et Alain Juppé.
Les deux anciens premiers ministres font la part belle à l'enseignement supérieur et à la recherche, avec 16 milliards d'investissements préconisés, notamment pour la création de "campus d'excellence".
Suivent la "ville de demain" (4,5 milliards), la "société numérique" (4 milliards), le développement des "énergies décarbonées" et "l'efficacité dans la gestion des ressources" (3,5 milliards), la "mobilité du futur" (3 milliards), les "sciences du vivant" (2 milliards) et les "PME innovantes" (2 milliards).
La commission estime que, par un "effet de levier", ces dépenses publiques entraîneront d'autres financements, notamment privés, permettant d'atteindre au total "plus de 60 milliards" d'investissements.
mercredi 9 décembre 2009
Les non-dits du "grand emprunt"
par Michel Sapin, Bertrand Monthubert, Guillaume Bachelay
Le Monde, 9 décembre 2009
La lecture attentive du rapport Juppé-Rocard 'Investir pour l'avenir' prouve combien la question fondamentale des grands investissements pour la France du futur méritait mieux que l'opération de communication baptisée "grand emprunt".
Chacun sait bien – et d'abord au sommet de l'Etat – que, dans le contexte de déficit massif des finances publiques et d'endettement record, parler d'un emprunt supplémentaire est à la fois irresponsable sur le plan budgétaire et critiquable sur le plan politique.
Contrainte de répondre malgré ses objections de fond à l'injonction présidentielle, la commission s'est trouvée prise au piège : dégrader un peu plus encore la situation de la maison France sans imaginer les solutions à la hauteur des enjeux.
Il en va ainsi de l'enseignement supérieur et de la recherche. Voilà bien un domaine qui fait consensus : tout le monde s'accorde sur le retard d'effort de la France accumulé au cours des dernières années et sur l'importance de ce pilier pour notre avenir.
Les délibérations de la commission Juppé-Rocard, qui suggère d'affecter la moitié du grand emprunt à l'enseignement supérieur et à la recherche, sont l'aveu cruel de l'abandon dont ont fait l'objet ces deux secteurs.
Il n'était pas nécessaire de mettre en place une commission pour découvrir que l'université, et les chercheurs sont les grands oubliés des budgets UMP.
En 2008, la recherche représentait 2,02 % du PIB, en baisse constante depuis 2002 (2,23 %), alors que la stratégie de Lisbonne, adoptée voilà une décennie, fixe l'objectif des 3 % au sein de l'Union européenne.
Un effort massif dans ce secteur clé pour notre avenir est indispensable. Encore faut-il le faire de façon adaptée. Malheureusement, les propositions contenues dans le rapport Juppé-Rocard sont en décalage avec les besoins de notre pays et compromises par les engagements non tenus de l'actuel gouvernement.
L'objectif affiché du rapport est de faire entrer deux groupements universitaires dans les dix premiers du désormais fameux classement de Shanghai, et quelques autres dans les cinquante premiers. Comment ? En finançant les universités par des dotations en capital pour les universités et en privilégiant quelques établissements. Mais cela bénéficiera-t-il réellement à tous nos étudiants ?
L'objectif d'une politique d'enseignement supérieur est de permettre d'élever au maximum le niveau de formation à travers le pays. En France, les universités ont une mission d'accueil large, d'égalité.
Elles contribuent à l'attractivité des territoires en formant des salariés qualifiés, en particulier dans les secteurs industriels (automobile, technologies de l'information et de la communication, biotechnologies et pharmacie, ingénierie de l'environnement…).
Que souhaitent les citoyens ? avoir quelques universités qui brillent dans le classement de Shanghai ou bien avoir accès à une bonne formation ?
Prendre comme référence les universités américaines, qui dominent ce classement, c'est oublier qu'il y a, à côté de Harvard et de Stanford, des centaines d'établissements universitaires américains où la qualité de formation est nettement inférieure à celle que nous délivrons dans les universités françaises. Est-ce cela que nous voulons ?
Quant au financement, le cadre imposé par l'emprunt rend les propositions pour le moins surprenantes. Le rapport prévoit la constitution d'une nouvelle strate, l'Agence nationale des campus d'excellence, dans un paysage dont la complexité n'est plus à démontrer. Cette agence serait chargée de gérer des fonds placés auprès du Trésor. Bref, l'Etat va emprunter, prétendument pour les universités, mais celles-ci ne bénéficieront que des revenus du capital qu'elles devront replacer auprès de l'Etat...
La proposition de faire reposer les financements universitaires sur des dotations en capital ressemble à une mauvaise farce à l'heure où la situation financière des universités américaines, qui reposent pour partie sur ce système, est très dégradée. Il n'est pas interdit de tenir compte des échecs de certaines expériences étrangères pour éviter de les reproduire en France.
Développer les industries du futur – biotechnologies médicales, écotechnologies – nécessite une vraie politique industrielle. Cela implique aussi d'augmenter très fortement le nombre de scientifiques.
L'Union européenne avait évalué à sept cent mille le nombre de chercheurs supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de Lisbonne. Mais la politique conduite ces dernières années a produit une baisse importante du nombre d'étudiants intéressés par la recherche. Nous assistons impuissants à un effondrement des effectifs. Des laboratoires qui comptent parmi les meilleurs au monde ont vu le nombre de thèses délivrées divisé par deux. Notre tissu économique, en particulier nos PME innovantes, pâtiront de cette pénurie organisée.
En supprimant des emplois scientifiques dans les universités et organismes de recherche, en refusant de donner tous les moyens nécessaires à une vraie politique industrielle, Nicolas Sarkozy a sacrifié une génération de chercheurs et menace gravement la pérennité de notre outil industriel.
A moins d'un changement complet de politique, la France risque de continuer à glisser sur la mauvaise pente.
Oui, "investir pour l'avenir" est une priorité ; mais cela suppose de vrais crédits, de vrais emplois scientifiques et industriels, une vraie volonté politique. Une politique inscrite dans la durée a besoin d'un effort budgétaire constant. Apparaît ainsi en toute clarté l'absurdité du choix de l'emprunt, alors qu'existent d'autres solutions de financement plus efficaces et plus vertueuses.
Nicolas Sarkozy a fait le choix d'accorder, dans la loi de finances pour 2010, 12 milliards d'euros de baisse d'impôts pour les entreprises par le biais de la suppression de la taxe professionnelle, et 3 milliards d'euros de baisse de TVA pour les restaurateurs, sans aucun effet ni pour le pouvoir d'achat ni pour l'emploi.
Une somme dont la France aurait besoin année après année, dixit la commission Juppé-Rocard, pour financer une autre politique d'investissements et d'innovation.
Cherchez l'erreur !
Guillaume Bachelay, secrétaire national du PS à l'industrie et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)
Bertrand Monthubert, secrétaire national du PS à l'enseignement supérieur et à la recherche
Michel Sapin, secrétaire national du PS à l'économie
Le Monde, 9 décembre 2009
La lecture attentive du rapport Juppé-Rocard 'Investir pour l'avenir' prouve combien la question fondamentale des grands investissements pour la France du futur méritait mieux que l'opération de communication baptisée "grand emprunt".
Chacun sait bien – et d'abord au sommet de l'Etat – que, dans le contexte de déficit massif des finances publiques et d'endettement record, parler d'un emprunt supplémentaire est à la fois irresponsable sur le plan budgétaire et critiquable sur le plan politique.
Contrainte de répondre malgré ses objections de fond à l'injonction présidentielle, la commission s'est trouvée prise au piège : dégrader un peu plus encore la situation de la maison France sans imaginer les solutions à la hauteur des enjeux.
Il en va ainsi de l'enseignement supérieur et de la recherche. Voilà bien un domaine qui fait consensus : tout le monde s'accorde sur le retard d'effort de la France accumulé au cours des dernières années et sur l'importance de ce pilier pour notre avenir.
Les délibérations de la commission Juppé-Rocard, qui suggère d'affecter la moitié du grand emprunt à l'enseignement supérieur et à la recherche, sont l'aveu cruel de l'abandon dont ont fait l'objet ces deux secteurs.
Il n'était pas nécessaire de mettre en place une commission pour découvrir que l'université, et les chercheurs sont les grands oubliés des budgets UMP.
En 2008, la recherche représentait 2,02 % du PIB, en baisse constante depuis 2002 (2,23 %), alors que la stratégie de Lisbonne, adoptée voilà une décennie, fixe l'objectif des 3 % au sein de l'Union européenne.
Un effort massif dans ce secteur clé pour notre avenir est indispensable. Encore faut-il le faire de façon adaptée. Malheureusement, les propositions contenues dans le rapport Juppé-Rocard sont en décalage avec les besoins de notre pays et compromises par les engagements non tenus de l'actuel gouvernement.
L'objectif affiché du rapport est de faire entrer deux groupements universitaires dans les dix premiers du désormais fameux classement de Shanghai, et quelques autres dans les cinquante premiers. Comment ? En finançant les universités par des dotations en capital pour les universités et en privilégiant quelques établissements. Mais cela bénéficiera-t-il réellement à tous nos étudiants ?
L'objectif d'une politique d'enseignement supérieur est de permettre d'élever au maximum le niveau de formation à travers le pays. En France, les universités ont une mission d'accueil large, d'égalité.
Elles contribuent à l'attractivité des territoires en formant des salariés qualifiés, en particulier dans les secteurs industriels (automobile, technologies de l'information et de la communication, biotechnologies et pharmacie, ingénierie de l'environnement…).
Que souhaitent les citoyens ? avoir quelques universités qui brillent dans le classement de Shanghai ou bien avoir accès à une bonne formation ?
Prendre comme référence les universités américaines, qui dominent ce classement, c'est oublier qu'il y a, à côté de Harvard et de Stanford, des centaines d'établissements universitaires américains où la qualité de formation est nettement inférieure à celle que nous délivrons dans les universités françaises. Est-ce cela que nous voulons ?
Quant au financement, le cadre imposé par l'emprunt rend les propositions pour le moins surprenantes. Le rapport prévoit la constitution d'une nouvelle strate, l'Agence nationale des campus d'excellence, dans un paysage dont la complexité n'est plus à démontrer. Cette agence serait chargée de gérer des fonds placés auprès du Trésor. Bref, l'Etat va emprunter, prétendument pour les universités, mais celles-ci ne bénéficieront que des revenus du capital qu'elles devront replacer auprès de l'Etat...
La proposition de faire reposer les financements universitaires sur des dotations en capital ressemble à une mauvaise farce à l'heure où la situation financière des universités américaines, qui reposent pour partie sur ce système, est très dégradée. Il n'est pas interdit de tenir compte des échecs de certaines expériences étrangères pour éviter de les reproduire en France.
Développer les industries du futur – biotechnologies médicales, écotechnologies – nécessite une vraie politique industrielle. Cela implique aussi d'augmenter très fortement le nombre de scientifiques.
L'Union européenne avait évalué à sept cent mille le nombre de chercheurs supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de Lisbonne. Mais la politique conduite ces dernières années a produit une baisse importante du nombre d'étudiants intéressés par la recherche. Nous assistons impuissants à un effondrement des effectifs. Des laboratoires qui comptent parmi les meilleurs au monde ont vu le nombre de thèses délivrées divisé par deux. Notre tissu économique, en particulier nos PME innovantes, pâtiront de cette pénurie organisée.
En supprimant des emplois scientifiques dans les universités et organismes de recherche, en refusant de donner tous les moyens nécessaires à une vraie politique industrielle, Nicolas Sarkozy a sacrifié une génération de chercheurs et menace gravement la pérennité de notre outil industriel.
A moins d'un changement complet de politique, la France risque de continuer à glisser sur la mauvaise pente.
Oui, "investir pour l'avenir" est une priorité ; mais cela suppose de vrais crédits, de vrais emplois scientifiques et industriels, une vraie volonté politique. Une politique inscrite dans la durée a besoin d'un effort budgétaire constant. Apparaît ainsi en toute clarté l'absurdité du choix de l'emprunt, alors qu'existent d'autres solutions de financement plus efficaces et plus vertueuses.
Nicolas Sarkozy a fait le choix d'accorder, dans la loi de finances pour 2010, 12 milliards d'euros de baisse d'impôts pour les entreprises par le biais de la suppression de la taxe professionnelle, et 3 milliards d'euros de baisse de TVA pour les restaurateurs, sans aucun effet ni pour le pouvoir d'achat ni pour l'emploi.
Une somme dont la France aurait besoin année après année, dixit la commission Juppé-Rocard, pour financer une autre politique d'investissements et d'innovation.
Cherchez l'erreur !
Guillaume Bachelay, secrétaire national du PS à l'industrie et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)
Bertrand Monthubert, secrétaire national du PS à l'enseignement supérieur et à la recherche
Michel Sapin, secrétaire national du PS à l'économie
jeudi 3 décembre 2009
Sarkozy et les universités: bobards, mention très bien
Libération, 3 décembre 2009
Selon le Président, les Universités françaises ont progressé pour la première fois depuis 25 ans au classement de Shanghaï, du fait de la réforme de l'autonomie. Gros culot et triple intox.
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Selon le Président, les Universités françaises ont progressé pour la première fois depuis 25 ans au classement de Shanghaï, du fait de la réforme de l'autonomie. Gros culot et triple intox.
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